Date : 20180530
Dossier : T-961-17
Référence : 2018 CF 559
Ottawa (Ontario), le 30 mai 2018
En présence de madame la juge Gagné
ENTRE :
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JEAN-CLAUDE BOUCHARD
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demandeur
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et
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MINISTRE DE LA JUSTICE
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Nature de l’affaire
[1]
Jean-Claude Bouchard a purgé une peine de vingt-six ans pour le meurtre de Robert O’Brien survenu à Montréal en 1979, meurtre pour lequel il a toujours clamé son innocence. Le 19 juin 2015, il a présenté une demande de révision de son dossier au ministre de la Justice du Canada (en fonction à l’époque), en application du paragraphe 696.1(1) du Code criminel, LRC 1985, c C-46. Au soutien de cette demande, il a soumis deux affidavits qui, selon lui, confirment l’erreur judiciaire commise à son égard.
[2]
Sa demande a été rejetée à l’étape de l’évaluation préliminaire de la procédure de révision, puisque la ministre de la justice s’est dite convaincue qu’il n’y avait pas de motif raisonnable de conclure qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite (sous-alinéa 4(1)b)(ii) du Règlement sur les demandes de révision auprès du ministre (erreurs judiciaires), DORS/2002-416 [Règlement]).
[3]
M. Bouchard demande le contrôle judiciaire de cette décision et requiert que la ministre fasse enquête.
II.
Faits
[4]
Le 11 octobre 1979, Robert O’Brien est assassiné dans la ruelle derrière le bar Le Relais à Montréal. Le 23 juin 1983, à l’issue d’un procès de deux jours devant juge et jury, M. Bouchard est déclaré coupable du meurtre au premier degré de M. O’Brien et condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant vingt-cinq ans. Il n’a pas témoigné pour sa défense et n’a présenté aucun élément de preuve. Son pourvoi devant la Cour d’appel du Québec est rejeté à l’unanimité.
[5]
M. Bouchard a toujours clamé son innocence. Ses démarches pour tenter de démontrer l’erreur judiciaire remontent à 1995 où il retient les services d’une avocate afin d’obtenir, par demande d’accès à l’information, les rapports de police et d’enquête de 1979 à 1983. En 2005, son dossier est transféré à Innocence McGill, une clinique juridique universitaire consacrée à la recherche et à l'enquête d'allégations d'erreurs judiciaires sur des crimes sérieux commis au Québec.
[6]
En 2011, alors qu’il réside en maison de transition, M. Bouchard fait la connaissance de Gilles Bénard, qui termine une peine pour trafic de stupéfiants. Les deux hommes échangent sur leur passé et la cause de leur incarcération.
[7]
M. Bénard décède des suites d’un cancer le 11 mai 2012 et le 13 mai 2012, Innocence McGill reçoit un colis contenant un affidavit de M. Bénard assermenté le 13 janvier 2012, dans lequel il affirme l’innocence de M. Bouchard et avoue être le meurtrier de Robert O’Brien tué en 1979. Copie de cet affidavit est également transmise par courrier à M. Bouchard et aux ministères de la Justice du Québec et du Canada.
[8]
Innocence McGill continue son enquête dans le but de se servir de cette nouvelle preuve pour présenter une demande de révision du dossier de M. Bouchard. Dans le cadre de cette enquête, les représentants d’Innocence McGill rencontrent Alexandre Bénard, fils de Gilles Bénard. Le 5 février 2014, Alexandre Bénard signe un affidavit, dans lequel il affirme qu’à une certaine époque, son père lui aurait dit avoir déjà tiré sur quelqu’un avec une arme à feu; il aurait également fait allusion à cet incident à deux reprises par la suite. Il ajoute qu’avant de signer cet affidavit, il a obtenu l’assurance de M. Bouchard qu’il ne poursuivrait pas sa famille et lui en dommage.
[9]
Le 17 avril 2014, l’avocat de M. Bouchard écrit aux ministères de la Justice du Québec et du Canada et leur demande s’ils ont entrepris quelque démarche que ce soit suite à la réception de l’affidavit de Gilles Bénard.
[10]
Une demande officielle de révision du dossier de M. Bouchard est déposée le 19 juin 2015. Cette demande est essentiellement fondée sur les affidavits de Gilles et Alexandre Bénard.
[11]
En 2015 et 2016, le Service de police de la Ville de Montréal [SPVM] fait enquête sur cette nouvelle preuve et en janvier 2016, Alexandre Bénard est interviewé par le SPVM. Il informe le Sergent détective Sébastien Chartier que c’est en 1997 que son père lui aurait dit pour la première fois avoir déjà tiré sur un individu et qu’il savait que la mauvaise personne avait été accusée pour ce meurtre. Alexandre Bénard passe avec succès un test de polygraphe.
[12]
En avril 2016, l’avocat de M. Bouchard transmet copie du rapport d’enquête du SPVM au groupe responsable de la révision des condamnations auprès du ministère de la Justice.
[13]
Quelques jours plus tard, un délégué de la ministre transmet une première lettre à l’avocat de M. Bouchard par laquelle il confirme avoir complété l’évaluation préliminaire de sa demande de révision et qu’il la rejette avec motifs. On accorde alors à M. Bouchard un délai d’un an pour transmettre tout renseignement additionnel.
[14]
En janvier 2017, l’avocat de M. Bouchard répond au délégué et l’informe que son rapport contient quelques erreurs de fait qu’il rectifie. Il l’informe également que M. Bouchard a subi avec succès un test de polygraphe au cours duquel il a affirmé ne pas avoir été impliqué dans le meurtre de Robert O’Brien.
[15]
Le 24 mars 2017, le délégué rejette définitivement la demande de révision présentée par M. Bouchard.
III.
Décision contestée
[16]
Dans ses deux lettres transmises à l’avocat de M. Bouchard, le délégué fait valoir qu’il n’a pas de motif raisonnable de conclure qu’une erreur judiciaire se serait probablement produite dans le dossier de M. Bouchard.
[17]
Une demande de révision d’une condamnation doit reposer sur « de nouvelles questions importantes qui n’ont pas été étudiées par les tribunaux »
(Code criminel, art 696.4). Citant l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R c O’Brien, [1978] 1 RCS 591, le délégué rappelle que seuls les éléments de preuve admissibles peuvent être considérés dans le cadre d’une demande de révision. Or, le seul élément de preuve admissible non soumis au jury à l’époque est l’affidavit de Gilles Bénard, corroboré en partie par celui d’Alexandre Bénard.
[18]
Cette preuve constitue du ouï-dire puisque le demandeur cherche à convaincre le décideur de la véracité de son contenu. Le délégué rappelle que le ouï-dire est généralement inadmissible sauf dans le cas (a) d’une exception à la règle du ouï-dire; ou (b) « de la méthode fondée sur des principes à l’égard des déclarations relevant du ouï-dire »
(fiabilité et nécessité). Le délégué conclut que l’affidavit constitue du ouï-dire inadmissible qui ne tombe sous aucune de ces exceptions.
A.
Exceptions à la règle du ouï-dire
[19]
Le délégué considère et rejette les exceptions à la règle du ouï-dire, soit celle de la déclaration contraire à l’intérêt pénal et celle de la déclaration du mourant.
[20]
L’arrêt Lucier c La Reine, [1982] 1 RCS 28, énonce cinq conditions pour qu’une déclaration contraire à l’intérêt pénal soit admise en preuve. Le délégué conclut que seule une de ces conditions est remplie en l’espèce.
[21]
Par ailleurs, l’exception relative à la déclaration de mourant ne s’applique qu’au cas d’homicide de la personne décédée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
B.
La méthode fondée sur des principes à l’égard des déclarations relevant du ouï-dire (fiabilité et nécessité)
[22]
Une preuve par ouï-dire à laquelle aucune des exceptions ne s’applique peut néanmoins être admissible si elle répond aux critères de nécessité et fiabilité reconnus par l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans R c Khelawon, 2006 CSC 57. Puisque Gilles Bénard est décédé, le critère de la nécessité est satisfait.
[23]
Le délégué conclut toutefois que les informations contenues dans l’affidavit de Gilles Bénard ne sont pas fiables, et qu’ils sont même « très suspectes et discutables »
. Citant l’arrêt Khelawon, il explique que ce second critère n’est satisfait que si (i) « la déclaration est faite dans des circonstances démontrant sa véracité et son exactitude »
, ou (ii) « la véracité et l’exactitude de la déclaration peuvent être vérifiées »
. Ni l’une ni l’autre de ces situations ne s’applique à l’affidavit de Gilles Bénard.
[24]
Sur la question de la fiabilité, le délégué précise que « rien ne lie M. Bénard à la victime; aucun témoin n’a mentionné une autre personne à part M. Bouchard comme cherchant la victime ou y étant associé avant son décès; la déclaration contredit les faits fournis par d’autres témoins lors de l’instance »
et, finalement, que « M. Bénard est totalement étranger à la présente affaire »
. Il est également d’avis que l’affidavit est rédigé dans des termes extrêmement vagues et qu’il ne contient pas suffisamment de détails des évènements survenus en 1979 pour être fiable.
[25]
De plus, le fait que Gilles Bénard se savait mourant au moment de sa déclaration n’ajoute aucunement à la fiabilité de son contenu – il ne pouvait craindre ni les conséquences de son aveu ni celles d’un potentiel parjure.
[26]
Quant au hasard de la rencontre entre le demandeur et Gilles Bénard, le délégué se montre sceptique :
Le fait que les deux individus, l’un déclaré coupable de meurtre et l’autre prétendant avoir commis ce même meurtre se sont rencontré par pure coïncidence dans la même maison de transition et ont discuté du meurtre est simplement une trop grande coïncidence pour être fiable.
[27]
L’affidavit d’Alexandre Bénard et le fait qu’il ait subi avec succès un test de polygraphe, selon le délégué, n’ajoutent pas foi aux aveux de Gilles Bénard, pas plus qu’ils n’éliminent les dangers associés à la preuve par ouï-dire.
[28]
Après examen des affidavits de Gilles et Alexandre Bénard, plusieurs possibilités subsistent : il est possible que Gilles Bénard ait tué Robert O’Brien, mais il est possible qu’il ait tué un autre individu. Il est également possible qu’il n’ait tué personne et qu’il ait inventé cette histoire pour tenter de garder son fils, qui s’intéressait aux armes à feu, sur le droit chemin.
[29]
Par ailleurs, le délégué considère l’arrêt Palmer c la Reine, [1980] 1 RCS 759, qui prévoit qu’un nouvel élément de preuve est admissible en appel lorsqu’il :
1) ne pouvait raisonnablement être produit diligemment au moment du procès;
2) est pertinent;
3) est plausible, en ce sens que l’on puisse raisonnablement y ajouter foi;
4) que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produite au procès, elle aurait influé sur le résultat.
(Voir la p 775.)
[30]
Le délégué conclut que la déclaration de Gilles Bénard ne rencontre pas le troisième critère, essentiellement pour les mêmes motifs qui lui ont fait conclure qu’elle ne tombe pas sous l’exception à la règle prohibant le ouï-dire : la déclaration est non crédible et on ne peut y ajouter foi.
[31]
Les affidavits de Gilles et Alexandre Bénard ne permettent pas au délégué de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite dans le dossier de M. Bouchard. Il justifie comme suit le rejet de la demande au stade préliminaire :
L’évaluation préalable a signalé le problème important de cette demande, qui n’est fondée que sur un affidavit qui ne peut être analysé ou évalué d’aucune façon, qui fournit des renseignements d’ordre général qui contredisent complètement tous les témoignages entendus au procès, qui est suspecte en raison de la relation qui s’est développée entre M. Bouchard et M. Bénard lorsqu’ils se trouvaient tous les deux en maison de transition et qui est en partie confirmée par un autre document qui semble être un affidavit, qui affirme que des renseignements d’ordre général ont été reçu [sic] de la même personne qui a souscrit l’affidavit et dont on ne peut apprécier la crédibilité.
IV.
Question en litige et norme de contrôle
[32]
Cette demande de contrôle judiciaire soulève une seule question :
Est-ce que la ministre a erré en concluant que la déclaration de Gilles Bénard constitue une preuve par ouï-dire non fiable et irrecevable qui ne soulève aucun motif raisonnable de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite lorsque le demandeur a été déclaré coupable du meurtre de M. O’Brien?
[33]
La réponse à cette question permettra de traiter de ce que le demandeur qualifie d’erreurs de droit commises par la ministre, soit : (1) son application erronée des critères d’admissibilité de la preuve par ouï-dire (les critères de l’arrêt Khelawon); et (2) son interprétation erronée de ce qui constitue une preuve crédible pouvant raisonnablement affecter un verdict.
[34]
La norme de la décision raisonnable s’applique à la question soulevée par cette demande (Walchuk c Canada (Justice), 2015 CAF 85 au para 31; Winmill c Canada (Justice), 2016 CAF 250 au para 9).
V.
Analyse
[35]
Il est utile de rappeler le cadre législatif dans lequel la ministre doit évaluer une demande de révision fondée sur une allégation d’erreur judiciaire. D’abord, « les mesures de redressement prévues sont des recours extraordinaires »
(Code criminel au para 696.4(c)). Lorsqu’elle rend une décision en vertu du paragraphe 696.3(3), la ministre doit prendre en compte « la pertinence et la fiabilité des renseignements présentés relativement à la demande »
(Code criminel au para 696.4(b)). Une fois l’évaluation préliminaire terminée, la ministre rejette la demande sans enquête si elle est convaincue qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite (Règlement au sous-alinéa 4(1)b)(ii)).
[36]
Évidemment, les éléments de preuve présentés lors d’une demande de révision doivent être admissibles, au même titre que ceux présentés lors du procès. Le demandeur ne conteste pas ce fait, ni le fait que la déclaration de Gilles Bénard constitue du ouï-dire.
[37]
La ministre est convaincue qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite, puisque la nouvelle preuve soumise par le demandeur n’est pas fiable et ne rencontre pas les critères d’admissibilité d’une preuve par ouï-dire énoncés dans l’arrêt Khelawon. Je suis d’avis que la ministre pouvait raisonnablement arriver à cette conclusion et que son évaluation du dossier et sa conclusion appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[38]
Contrairement à ce que plaide le demandeur, je ne crois pas que la ministre ait analysé séparément les affidavits de Gilles et Alexandre Bénard, en cherchant des garanties de fiabilité dans chacune de ces déclarations prises isolément. Je crois plutôt qu’elle a tenu compte de l’ensemble de la preuve et des circonstances de cette affaire, notamment des éléments sur lesquels Alexandre Bénard corrobore les propos de son père.
[39]
Bien que la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R c Bradshaw, 2017 CSC 35, la plus récente énonciation de la Cour sur l’admissibilité du ouï-dire, soit postérieure à la décision de la ministre dans la présente affaire, l’approche qui y est préconisée a néanmoins été suivie:
[47] […] La preuve corroborante parvient à [démontrer que les aspects importants de la déclaration ne sont pas susceptibles de changer lors d’un contre-interrogatoire] si son effet conjugué, considéré eu égard aux circonstances de l’espèce, démontre que la seule explication plausible de la déclaration relatée est la véracité du déclarant au sujet de ses aspects importants, ou l’exactitude de ceux-ci. Autrement, d’autres explications de la déclaration, qui auraient pu être obtenues ou vérifiées lors d’un contre-interrogatoire, ainsi que les dangers associés au ouï-dire, subsistent.
[Citations omises.].
[…]
[71] […] Lorsque le danger du ouï-dire a trait à la sincérité, la fiabilité substantielle n’est établie que lorsque les circonstances et la preuve corroborante démontrent que la possibilité que le déclarant ait menti est essentiellement écartée, que [TRADUCTION] « même un sceptique prudent [...] considérerait [la déclaration] comme très probablement fiable ». Pour réfuter la présomption d’inadmissibilité, des éléments de preuve corroborants ou les circonstances doivent démontrer que la déclaration est intrinsèquement fiable.
[Citations omises.]
[40]
Le demandeur ne m’a pas convaincue que la seule hypothèse possible soit celle où Gilles Bénard aurait tué Robert O’Brien et avoué honnêtement son crime sur son lit de mort. Il est au moins aussi plausible que Gilles Bénard ait fabriqué cette histoire afin d’aider le demandeur rencontré par hasard en maison de transition, sachant qu’il allait mourir et qu’il ne pourrait subir aucune conséquence de cet aveu. Les informations additionnelles fournies par Alexandre Bénard ne font pas en sorte que seule l’hypothèse avancée par le demandeur soit plausible. Il est possible que Gilles Bénard ait déjà tué un individu autre que Robert O’Brien et qu’en discutant de ce meurtre avec le demandeur, l’idée de confesser le meurtre de Robert O’Brien pour innocenter le demandeur ait germé.
[41]
Plusieurs éléments de preuve présentés lors du procès de 1983 militent en faveur d’une hypothèse autre que celle avancée par le demandeur. Gilles Bénard est totalement étranger à la preuve présentée au jury; aucun des témoins n’a évoqué sa présence ou la présence d’un individu non identifié près de la scène du crime.
[42]
La ministre a fait exactement ce que le demandeur plaide qu’elle devait faire : se demander s’il est plus probable qu’improbable que Gilles Bénard ait dit la vérité dans son affidavit. Elle a répondu à cette question par la négative et cette réponse est raisonnable si l’on considère l’ensemble des faits de cette affaire.
[43]
Pris globalement, les informations contenues dans l’affidavit de Gilles Bénard, l’ensemble des circonstances entourant le meurtre de Robert O’Brien et la rencontre fortuite entre le demandeur et Gilles Bénard, ainsi que les informations additionnelles apportées par Alexandre Bénard, ne permettent pas d’éliminer les dangers associés à une preuve par ouï-dire.
[44]
La ministre pouvait raisonnablement conclure que la déclaration de Gilles Bénard, corroborée sur certains aspects non cruciaux, ne constituait pas un motif raisonnable de conclure en une probable erreur judiciaire commise au moment où le demandeur a été trouvé coupable du meurtre de Robert O’Brien.
[45]
Je suis également d’avis que le fardeau imposé par la ministre n’était pas trop lourd et que son interprétation de ce que constitue « une preuve crédible pouvant raisonnablement affecter un verdict »
est raisonnable et conforme aux dispositions du Code criminel et du Règlement. Contrairement à ce que plaide le demandeur, la ministre n’a pas cherché à se convaincre elle-même de la culpabilité de Gilles Bénard ou de l’innocence du demandeur. Elle rejette plutôt la demande de révision parce qu’elle conclut que les informations contenues dans l’affidavit de Gilles Bénard sont non fiables et que l’affidavit constitue du ouï-dire inadmissible.
[46]
Le demandeur insiste sur le fait que son dossier devrait procéder à l’étape de l’enquête. Il plaide qu’il existe plusieurs possibilités que la ministre et son équipe pourraient explorer avec les ressources disponibles.
[47]
Tel qu’indiqué précédemment, il n’y a enquête que si la ministre constate qu’il pourrait y avoir des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite. Or, la ministre a fait le constat inverse à l’égard de la demande de révision du demandeur.
[48]
Mais il y a plus. Le SPVM a conduit sa propre enquête suite à la réception de l’affidavit de Gilles Bénard par le ministère de la justice du Québec. Le rapport d’enquête a été produit au soutien de la demande de révision du demandeur et la ministre en a tenu compte dans son analyse. Non seulement ce rapport d’enquête n’a révélé aucune information susceptible de favoriser la thèse du demandeur, mais le demandeur n’a pas indiqué quelle(s) piste(s) d’enquête non exploitée(s) par le SPVM aurai(en)t pu être exploitée(s) par la ministre et son personnel.
[49]
L’enquêteur du SPVM a notamment rencontré l’épouse de Gilles Bénard qui lui a expliqué qu’à l’époque du meurtre de Robert O’Brien, le couple habitait sur la Rive-Sud (alors que le meurtre a eu lieu à Montréal), que son mari travaillait sur la Rive-Sud et terminait ses journées de travail à 16h30, qu’il rentrait généralement à la maison, qu’il sortait peu et passait ses soirées devant le téléviseur.
[50]
Je suis donc d’avis que le demandeur n’a soulevé aucun fait d’intérêt qui aurait pu faire l’objet d’une enquête, le seul nouveau témoin étant décédé.
VI.
Conclusion
[51]
Compte tenu de ce qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.
JUGEMENT au dossier T-961-17
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée;
Les dépens au montant de 750 $, déboursés et taxes inclus, sont accordés au défendeur.
« Jocelyne Gagné »
Juge
Annexe A
Dispositions législatives
Code criminel
Criminal Code
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Règlements sur les demandes de révision auprès du ministre (erreurs judiciaires)
Regulations Respecting Applications for Ministerial Review – Miscarriages of Justice
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-961-17
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INTITULÉ :
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JEAN-CLAUDE BOUCHARD c MINISTRE DE LA JUSTICE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
|
MONTRÉAL (QUÉBEC)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 1ER MARS 2018
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JUGEMENT ET motifs :
|
LA JUGE GAGNÉ
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DATE DES MOTIFS :
|
LE 30 MAI 2018
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COMPARUTIONS :
Robert Israel
Juliette Vani
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Pour LE DEMANDEUR
|
Laurent Brisebois
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Pour LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Battista Turcot Israel
Corbo s.e.n.c.
Montréal (Québec)
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Pour LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Montréal (Québec)
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Pour LE DÉFENDEUR
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