Dossier : T-1699-12
Référence : 2018 CF 227
Ottawa (Ontario), le 28 février 2018
En présence de monsieur le juge Martineau
ACTION SIMPLIFIÉE
ENTRE :
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RENÉ BARKLEY
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demandeur
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et
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SA MAJESTÉ LA REINE
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défenderesse
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ORDONNANCE ET MOTIFS
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Il s’agit d’une requête en reconsidération par laquelle le demandeur, M. René Barkley, recherche la tenue d’une « enquête administrative judiciaire »
concernant certains agissements reprochés au Service Correctionnel du Canada [Service] et à deux procureurs de la défenderesse, et du même coup, demande à la Cour d’annuler l’ordonnance du protonotaire Morneau radiant la présente action simplifiée.
[2]
La présente requête a été entendue conjointement avec la requête formulée dans le dossier T-1625-15 et dont il est disposé par une ordonnance séparée (René Barkley c Sa Majesté la Reine, 2018 CF 228 [Barkley 2018 #2]). Pour les motifs qui suivent, la requête en reconsidération du demandeur est rejetée.
Déclaration de délinquant dangereux
[3]
Le demandeur est présentement incarcéré à l’établissement à sécurité maximale de Port-Cartier dont le Service assure la gestion. Au cours des dernières décennies, il a eu de nombreux démêlés avec la justice et a été incarcéré à plusieurs reprises – généralement en lien avec des crimes à caractère sexuel.
[4]
De fait, le 12 novembre 2003, le demandeur a été déclaré délinquant dangereux et a été condamné à une peine d’emprisonnement indéterminée par le juge Jean-Yves Tremblay de la Cour du Québec (voir R c RB, 2003 CanLII 33102, 2003 CarswellQue 1270 (QCCQ) [R c RB] [jugement de 2003]). Le demandeur, qui se réfère à cette affaire comme « le dossier de Chicoutimi »
, avait auparavant plaidé coupable à des accusations de vols qualifiés, d’introduction par effraction dans une maison d’habitation avec l’intention d’y commettre un acte criminel, de menace de mort ou de lésions corporelles, de voies de fait, de séquestration, d’entrave au cours de la justice, de méfait public et d’agression sexuelle avec lésions corporelles. À l’époque, le demandeur n’a pas fait appel de la sentence.
[5]
Il n’empêche, en 2015, le demandeur s’est adressé à la Cour supérieure (chambre criminelle et pénale) pour obtenir l’émission d’un bref de mandamus avec certiorari ancillaire, afin de casser le jugement de 2003 et d’obtenir tous les documents qui ont été utilisés contre lui dans le dossier de Chicoutimi pour le faire déclarer délinquant dangereux. Le juge Pronovost de la Cour supérieure a noté que toutes ses demandes étaient faites dans l’optique de préparer un appel de la décision le déclarant délinquant dangereux. Il a rejeté cette requête le 9 mars 2015, notant d’abord qu’il serait difficile d’obtenir ce genre d’ordonnance sans extension du délai d’appel, et concluant que le mandamus n’était pas le recours approprié, en l’absence d’obligation des personnes visées de lui remettre les documents demandés (voir Barkley c Wullaert, 2015 QCCS 956 [Wullaert]). Le 11 juin 2015, sa requête en prolongation du délai d’appel de la décision R c RB le déclarant délinquant dangereux est rejetée par la Cour d’appel du Québec (voir Barkley c R, 2015 QCCA 1134). La juge Dutil a conclu que le demandeur n’avait pas démontré son intention d’en appeler dans le délai, ni de motifs d’appel sérieux.
[6]
Qui plus est, les 18 mai et 9 septembre 2016, le demandeur a présenté deux nouvelles requêtes à la Cour supérieure (chambre criminelle et pénale), soit une en certiorari à l’encontre du jugement de 2003 et une en mandamus pour obtenir la production de divers documents et matériels informatiques utilisés dans le dossier de Chicoutimi. Les deux requêtes ont été rejetées à nouveau le 25 septembre 2017, la Cour soulignant qu’il s’agit en réalité d’un appel déguisé de sa sentence dans R c RB (voir Barkley c R, 2017 QCCS 5097 au para 10 [Barkley 2017 QCCS]). S’agissant de la demande en certiorari, la Cour supérieure conclut que la demande est caduque puisque la Cour d’appel a refusé de prolonger le délai d’appel et que la sentence du demandeur n’est pas illégale à sa face même – ce qui, autrement, permettrait d’écarter le jugement de 2003. Pour ce qui est du recours en mandamus, la Cour réitère essentiellement les conclusions du juge Pronovost dans Wullaert en ce qu’il n’y existe aucune obligation légale de fournir les documents demandés, et rappelle que le demandeur a déjà eu tous ces documents en sa possession. Les requêtes pour permission d’en appeler de ces jugements ont été rejetées par la Cour d’appel le 17 novembre 2017, la Cour n’ayant pas compétence puisque le jugement dans Barkley 2017 QCCS était appelable de plein droit (voir Barkley c R, 2017 QCCA 1830 [Barkley 2017 QCCA]). Le demandeur a donc porté ce jugement en appel.
Les faits pertinents relatifs à l’action simplifiée
[7]
Abordons maintenant les faits directement liés à la présente affaire.
[8]
Le 13 septembre 2012, le demandeur a intenté une action simplifiée contre la défenderesse lui réclamant des dommages-intérêts de 50 000 $. Il se fondait sur divers actes de négligence et autres actes illégaux qui auraient été posés entre 2000 et 2003 par les agents du Service et la Commission des libérations conditionnelles (section d’appel). En bref, le demandeur reprochait au Service d’avoir fait référence à son évasion de la prison de Waterloo en 1994 pour le faire déclarer délinquant dangereux, alors qu’il avait été acquitté de cette accusation. Il reprochait également au Service d’avoir utilisé une déclaration incriminante qu’il aurait faite dans le cadre du dossier de Montréal dans lequel il a été condamné, et ce, pour l’incriminer dans le dossier de Joliette, dans lequel il y avait eu arrêt des procédures. De plus, le Service et la Commission des libérations conditionnelles l’ont forcé à suivre un programme de réhabilitation pour délinquants sexuels. Selon le demandeur, ce programme aurait plutôt pour but de lui faire avouer sa culpabilité et de recueillir des informations incriminantes. Plus généralement, le Service aurait aussi divulgué de l’information à son sujet et se serait immiscé dans des procédures judiciaires : après que le procureur de la Couronne lui ait déclaré qu’il n’y avait pas de preuves documentaires dans le dossier de Joliette, certains documents étaient pourtant ressurgis dans le dossier de Chicoutimi.
Radiation de l’action simplifiée
[9]
Le 16 novembre 2012, la défenderesse a déposé une requête en rejet et en radiation d’action.
[10]
Le 20 décembre 2012, le protonotaire Morneau a ordonné le rejet et la radiation de l’action du demandeur, sans possibilité d’amendement, puisque celle-ci ne révélait aucune cause raisonnable d’action et était scandaleuse, frivole et vexatoire. Le protonotaire s’appuie alors sur trois constats : la déclaration d’action n’énonce pas de faits matériels propres à permettre à la défenderesse de préparer et de produire une défense; la déclaration est truffée d’allégations incompréhensibles cherchant à étaler les démêlées du demandeur avec la justice; et la cause est prescrite puisqu’elle s’attaque à des évènements survenus entre 2003 et 2009, soit hors du délai de trois ans stipulé à l’article 2915 du Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991).
[11]
Le demandeur a fait appel. Procédant à un examen de novo, le juge de Montigny a rejeté l’appel et a confirmé la validité de l’ordonnance de radiation dans une décision du 14 janvier 2014. Pour résumer, le juge de Montigny conclut que les réparations recherchées par le demandeur n’entrent pas dans les paramètres d’une action simplifiée. De plus, l’action ne s’appuie sur aucun fait matériel et ne révèle aucune cause d’action même si les faits allégués sont tenus pour avérés, et de surcroît, elle est frivole et vexatoire. D’abord, seule la Commission des libérations conditionnelles peut imposer des conditions de libération et non le Service. Les allégations du demandeur à ce sujet sont également spéculatives : on ne sait pas s’il a suivi le programme de réhabilitation pour délinquants sexuels, s’il a effectivement révélé des informations incriminantes et si elles ont été utilisées contre lui. Ensuite, le Service devait maintenir à jour les informations relatives à l’évasion, puisque, bien qu’il n’ait pas reçu de sentence pour cette évasion, le demandeur s’est bien évadé et est demeuré en liberté pendant un mois et demi, ce qu’il ne nie pas. Cette mention à son dossier ne constitue pas un renversement de son acquittement. Le juge de Montigny conclut que le demandeur n’a pas réussi à établir de faute de la part du Service. Enfin, le protonotaire avait également eu raison de conclure que le recours était prescrit.
[12]
Le demandeur n’a pas fait appel de l’ordonnance de rejet de son appel. Il s’agit donc d’un jugement final qui a force de chose jugée à toutes fins que de droit.
La présente requête en reconsidération
[13]
Plus de deux ans et demi plus tard, soit le 22 août 2017, le demandeur a déposé la présente requête en reconsidération.
[14]
Au soutien de sa demande de reconsidération, le demandeur allègue que le Procureur général du Canada et le Service ont délibérément menti à la Cour. Il prétend que ces derniers savaient que le Service avait commis des irrégularités en 2003 dans le dossier de Chicoutimi : ils auraient obtenu illégalement certains documents, fourni des documents détruits à un témoin pour manipuler le résultat, etc. D’ailleurs, la Cour supérieure (chambre criminelle et pénale) a permis en 2016 la réouverture du dossier de Chicoutimi à l’occasion en acceptant de considérer des nouvelles preuves, ce qui constituerait un « revirement spectaculaire »
. Le demandeur conteste la radiation de son action en raison de la prescription. Les délais pour intenter une action en dommages auraient dû commencer à courir au moment de sa prise de conscience de la situation – qui était beaucoup plus tardive, puisque le Service détenait toutes les preuves. Le demandeur soutient également que le Service lui a subtilisé des documents juridiques qu’il voulait utiliser dans l’instance, et ce, dans le but de manipuler le résultat. Enfin, il allègue que le Service aurait saisi pendant plusieurs semaines diverses preuves sur CD-ROM qu’on lui aurait envoyées par courrier privilégié. En guise de réparation, le demandeur réclame la tenue d’une enquête contre les procureurs de la défenderesse; l’octroi de dépens; la fourniture de matériel et de papeterie nécessaires à sa requête en reconsidération; le dépôt de preuves nécessaires à l’enquête administrative judiciaire demandée; l’interrogatoire de personnes relativement à l’enquête; toute réparation additionnelle dépendant des constats de l’enquête; le paiement des frais postaux; et la surveillance de l’enquête par un procureur indépendant.
[15]
La défenderesse soumet en premier lieu que ses procureurs ont eu un comportement irréprochable. Qui plus est, la Cour fédérale n’a pas compétence pour ordonner la tenue de l’enquête administrative judiciaire recherchée par le demandeur, alors que les conditions du test de ITO-Int’l Terminal Operators c Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752 à la p 766, 28 DLR (4e) 641 [ITO avec renvois aux RCS] ne sont pas rencontrées en l’espèce.
[16]
De surcroît, la Cour ne devrait pas ordonner la réouverture du présent dossier. Certes, la Règle 399 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles], permet à la Cour, dans certaines circonstances particulières et exceptionnelles, d’annuler ou de modifier une ordonnance lorsqu’il existe des faits nouveaux survenus ou découverts après son prononcé. Pour ce faire, le demandeur doit remplir les trois conditions énoncées dans Ayangma c Canada, 2003 CAF 382 au paragraphe 3 [Ayangma], soit : (1) l’existence de faits nouveaux; (2) ceux-ci qui ne doivent pas être des faits que l’intéressé aurait pu découvrir avant que l’ordonnance ne soit rendue en faisant preuve de diligence raisonnable; et (3) ceux-ci doivent être de nature à exercer une influence déterminante sur la décision en question. Or, ces critères ne sont pas remplis en l’espèce.
Enquête administrative judiciaire refusée
[17]
Je suis d’accord avec la défenderesse que la Cour fédérale n’a pas le pouvoir général d’ordonner la tenue d’une enquête au sujet des agissements qu’ont pu commettre en 2003 ou à une autre date le Service et les procureurs de la défenderesse dans le dossier de Chicoutimi. Effectivement, la Cour fédérale ne possède que la compétence qui lui est conférée par la loi (voir généralement ITO). En l’espèce, comme le souligne la défenderesse, aucune loi ne semble attribuer une telle compétence à la Cour fédérale, particulièrement dans le cadre d’une requête. Les prétentions du demandeur n’invoquent d’ailleurs aucun principe juridique à l’appui de la demande, ni de fondement législatif spécifique établissant cette compétence. Selon la Loi sur les enquêtes, LRC 1985, c I-11, il incombe plutôt au gouverneur en conseil de faire procéder à toute enquête relative aux affaires publiques du Canada ou à un ministère (voir Chaudhry c Canada, 2008 CAF 417 au para 12 [Chaudhry].
[18]
Il convient tout de même de rappeler que la Cour fédérale reste dotée des pouvoirs nécessaires à un exercice plein et efficace de sa propre compétence (voir généralement Canada (Commission des droits de la personne) c Canadian Liberty Net, [1998] 1 RCS 626, 157 DLR (4e) 385; voir aussi Bernard Letarte et al, Recours et procédures devant les Cours fédérales, Montréal, LexisNexis, 2013 à la p 12 [Letarte]). Cela inclut le pouvoir de contrôler l’intégrité de ses propres procédures et d’en sanctionner les abus, « y compris […] avoir droit de regard sur la manière dont les avocats exercent leurs fonctions »
(Letarte à la p 12, citant R c Cunningham, 2010 CSC 10; voir aussi Canada (Revenu national) c Compagnie d’assurance vie RBC, 2013 CAF 50 au para 36; Lee v Canada (Correctional Service), 2017 FCA 228 aux paras 13-15). Sans pouvoir ordonner la tenue d’une enquête, la Cour bénéficie tout de même d’une certaine marge de manœuvre pour sanctionner d’éventuelles inconduites des procureurs. Il n’y a toutefois pas lieu d’avoir recours à un tel pouvoir en l’espèce, en l’absence d’une quelconque preuve concrète ou crédible à cet effet.
[19]
Il n’est également pas nécessaire d’examiner les autres ordonnances recherchées dans la requête qui supposent la tenue d’une enquête potentielle : dépôt de preuves, tenue d’interrogatoires, octroi d’une réparation additionnelle, etc.
Réouverture du dossier refusée
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Le paragraphe 399(2) des Règles permet à la Cour d’annuler ses ordonnances dans certains cas précis et exceptionnels, faisant ainsi exception à la règle de la finalité des jugements :
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En l’espèce, le demandeur n’a pas démontré à la satisfaction de la Cour que la situation présente entre dans une ou l’autre des deux catégories susmentionnées. D’une part, le demandeur n’a pas démontré l’existence de faits nouveaux qui auraient un impact sur l’issue de la requête en radiation. D’autre part, toute allégation de fraude faite à l’encontre des procureurs de la défenderesse est sans fondement aucun, puisqu’elle n’est pas appuyée par la preuve et est totalement gratuite.
[22]
Dans l’affaire Ayangma au paragraphe 3, la Cour d’appel fédérale a déterminé trois conditions que doit remplir le requérant pour la Cour donne droit à sa requête sous 399(2)a) :
1- les éléments découverts depuis peu doivent constituer des « faits nouveaux » au sens de l'alinéa 399(2)a);
2- les « faits nouveaux » ne doivent pas être des faits nouveaux que l'intéressé aurait pu découvrir avant que l'ordonnance ne soit rendue en faisant preuve de diligence raisonnable;
3- les « faits nouveaux » doivent être de nature à exercer une influence déterminante sur la décision en question.
[23]
Rappelons que le protonotaire Morneau a radié la déclaration du demandeur car celle-ci n’énonce pas de faits matériels propres à permettre à la défenderesse de préparer et de produire une défense; que la déclaration est truffée d’allégations incompréhensibles cherchant à étaler les démêlées du demandeur avec la justice; et que l’action est prescrite. Cette décision a été confirmée en appel par un examen de novo des faits au dossier par le juge de Montigny.
[24]
Or, pour obtenir une reconsidération du dossier, le demandeur se doit de prouver l’existence de faits nouveaux en lien avec ces conclusions. D’entrée de jeu, il s’avère que le demandeur n’a pas plaidé spécifiquement le lien entre ses nouvelles allégations de fait et la nécessité de réouvrir le dossier. Le demandeur n’a pas expliqué d’une manière claire quels sont les faits nouveaux invoqués. La plupart des allégations générales formulées par le demandeur sont plutôt en lien avec des comportements problématiques du Service qui n’ont rien à voir avec ce que le demandeur reprochait à la Couronne dans sa déclaration du 13 septembre 2012.
[25]
En effet, la requête actuelle n’a aucun lien avec les allégations reliées à son évasion, ou la condition de suivre un programme de réhabilitation. Le seul élément qui pourrait constituer un fait nouveau semble être sa prétention à l’effet que la Cour supérieure aurait réouvert le dossier de Chicoutimi. Cela pourrait à première vue être pertinent puisque le demandeur alléguait dans sa déclaration de septembre 2012 que le Service se serait immiscé dans ce dossier devant les tribunaux. Une vérification des jugements rendus en l’espèce démontre effectivement que la Cour supérieure du Québec s’est penchée sur une requête du demandeur visant à obtenir l’ensemble des documents et une reconsidération de la décision du juge dans le dossier de Chicoutimi (voir Barkley 2017 QCCS; voir aussi R c RB). Cette requête a toutefois été rejetée par la Cour supérieure, et la requête pour permission d’appeler a également été rejetée par la Cour d’appel du Québec (voir Barkley 2017 QCCS; Barkley 2017 QCCA). On ne peut donc parler d’un « revirement spectaculaire »
comme le prétend le demandeur. Ainsi, bien que l’audition même de cette requête puisse potentiellement constituer un élément nouveau, ayant eu lieu après l’audition de la requête en radiation, je suis d’avis que cela n’a aucune influence sur la décision de radier la déclaration du demandeur puisque la Cour supérieure n’a pas décelé de problèmes au niveau du dossier de Chicoutimi.
[26]
D’autre part, le demandeur n’a pas prouvé que l’ordonnance de radiation du protonotaire Morneau, confirmée par le juge de Montigny, a été obtenue par fraude. La Cour d’appel fédérale a établi que, pour obtenir gain de cause sous l’alinéa 399(2)b), la partie doit établir de manière satisfaisante qu’une déclaration fausse a bien été faite et qu’elle a été faite ou bien sciemment, sans croire honnêtement à sa vérité, ou bien de façon téméraire, dans l’insouciance de sa vérité ou de sa fausseté (voir Pfizer Canada Inc c Canada (Santé), 2011 CAF 215 au para 20 (autorisation d’appeler en Cour suprême refusée) [Pfizer]). La fraude alléguée doit être prouvée selon la probabilité la plus forte (voir Pfizer au para 21). En l’espèce, bien que la requête du demandeur contienne des allégations graves à l’effet que les procureurs de la défenderesse auraient menti à la Cour et délibérément dissimulé des informations pertinentes lors de l’audition de la requête en radiation, que le Service lui aurait volé des documents et saisi son courrier, il n’a soumis aucune preuve concrète ou crédible à l’appui de ses prétentions. Aucun document n’a été soumis par le demandeur, hormis ses prétentions écrites, un affidavit sommaire et une copie des directives du Service correctionnel.
[27]
Pour les motifs susmentionnés, la requête en reconsidération du demandeur est rejetée. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner la demande de suspension d’instance présentée par le demandeur dans sa réplique du 8 février 2018.
La question des dépens
[28]
Vu le résultat, la défenderesse a droit aux dépens.
[29]
Le paragraphe 400(1) des Règles confère à la Cour un pouvoir discrétionnaire absolu en matière d’adjudication des dépens. Dans l’exercice de ce pouvoir, je dois déterminer un montant qui soit juste et équitable, en tenant compte tenu de la triple finalité recherchée par l’adjudication de dépens, soit l’indemnisation, l’incitation à régler et la dissuasion de comportements abusifs (voir par ex Air Canada c Thibodeau, 2007 CAF 115 au para 24). Les dépens ne devraient ainsi pas avoir un effet punitif sur la partie condamnée à les payer. Dans divers affaires impliquant des détenus, les juges se sont souvent montrés sensibles à la capacité de payer limitée de ces plaignants (voir par ex Johnson c Canada (Procureur Général), 2008 CF 1357 au para 106; Johnson c Canada (Service Correctionnel), 2017 CF 370 au para 35).
[30]
En l’espèce, la défenderesse réclame des dépens d’un total de 442,50 $, conformément à son mémoire de frais déposé le 26 janvier 2018. Lors de l’audience du 22 janvier 2018, le demandeur a rappelé à la Cour ses moyens limités. En effet, il affirme seulement recevoir un revenu net d’environ 20 $ aux 15 jours, après les diverses retenues sur son salaire, incluant un prélèvement de 25% servant à payer les 3 308 $ de dépens auxquels il a été condamné dans le cadre de la requête en radiation. Il propose notamment la suspension des dépens jusqu’à sa libération.
[31]
Des dépens de 400 $ m’apparaissent raisonnables en les circonstances. Il appartiendra à la défenderesse, compte tenu de la situation particulière du demandeur, de déterminer s’il y a lieu ou non de suspendre la perception des dépens qui sont aujourd’hui accordés par la Cour.
JUGEMENT au dossier T-1699-12
LA COUR STATUE que la requête en reconsidération soit rejetée. La défenderesse a droit à des dépens de 400 $.
« Luc Martineau »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-1699-12
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INTITULÉ :
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RENÉ BARKLEY c SA MAJESTÉ LA REINE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 22 janvier 2018
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ORDONNANCE ET MOTIFS :
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LE JUGE MARTINEAU
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DATE DES MOTIFS :
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LE 28 février 2018
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COMPARUTIONS :
René Barkley
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Pour le demandeur
(POUR SON PROPRE COMPTE)
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Me Andrée-Renée Touchette
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Pour la défenderesse
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
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Pour la défenderesse
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