Dossier : IMM‑3482‑17
Référence : 2018 CF 252
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 6 mars 2018
En présence de monsieur le juge Favel
ENTRE :
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LIKE MA
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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ORDONNANCE ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
Le demandeur, Like Ma, demande le contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 ch. 27 [LIPR], d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] du 12 juillet 2017. La SAR a infirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] le 17 janvier 2017. La SPR a conclu que le demandeur n’était pas exclu en vertu de l’Article 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 1951, CTS 1969/6; 189 UNTS 150 [Convention]. Le demandeur demande à la Cour d’accorder le contrôle judiciaire et de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué.
II.
Les faits
A.
Faits
[2]
Le demandeur est un citoyen de la Chine et est âgé de 37 ans. Il a un diplôme d’études secondaires. Le demandeur a un fils (âgé de cinq ans) né à Vancouver.
[3]
Le jour de son témoignage devant la SPR, le demandeur a décrit sa participation au conseil du village. Le demandeur a allégué qu’il a trouvé un emploi avec le conseil du village à une fête du village et a commencé à travailler en 2004 en tant que garde de sécurité avec le conseil. À l’époque il avait 24 ans. Au bout d’un an, il a été promu par son patron au poste de gestionnaire des ventes. Le salaire du demandeur a alors été considérablement augmenté, de 2 000 $ par mois à 4 000 $ par mois. Le demandeur a allégué qu’il a demandé à des personnes privées en 2006-2007 d’investir dans une affaire menée par les membres du conseil de son village. Le demandeur devait demander à d’autres personnes d’investir dans une entreprise grossiste de produits agricoles, avec une promesse de retour sur leur investissement. Il l’a fait, apportant un capital d’investissement total de près de 500 000 $ (2,8 millions de RMB) de plus de 40 investisseurs. Toutefois, apparemment sans qu’il le sache, le conseil du village ne faisait que recueillir l’argent et n’avait jamais eu l’intention de fournir un retour aux investisseurs sur leur investissement. Lorsqu’il a réalisé qu’il n’y aurait aucun retour, il a refusé de vendre d’autres investissements pour l’entreprise et a été menacé par son conseil du village, mais a fui en 2007 à Wenzhou (Chine). Alors qu’il se cachait, le conseil du village a envoyé des personnes pour perquisitionner le domicile du demandeur.
[4]
Le demandeur a témoigné en disant qu’en 2010, la police chinoise est venue à la recherche du demandeur chez ses parents, étant donné qu’ils avaient un mandat pour l’arrêter pour détournement. Le demandeur est resté caché. En décembre 2011, la police chinoise a arrêté la petite amie du demandeur. À l’époque, le demandeur vivait avec sa petite amie à Dongguan (Chine). Lorsqu’il a eu connaissance de l’arrestation de sa petite amie, le demandeur s’est rendu à la police en 2012 et a été détenu. Le demandeur a soutenu que sa mère a pu conclure un marché avec le conseil du village de le libérer s’il admettait faussement sa culpabilité, et à ce moment-là il a été condamné à une peine avec sursis. Le demandeur a indiqué que le procès n’a duré que quelques minutes, qu’il n’y avait pas de témoins, qu’il n’avait pas demandé d’avocat et que tout le processus a consisté en une lecture des allégations et en une condamnation.
[5]
Le 7 juin 2012, le demandeur a été accusé de détournement. Le 14 juin 2012, le demandeur a été reconnu coupable de détournement en Chine en vertu des paragraphes 272(1) et 67(1) du Code pénal chinois. Le demandeur a été condamné à une peine de prison d’un an et demi avec un sursis de deux ans en échange d’avoir plaidé coupable de l’infraction. Il a purgé sa peine d’emprisonnement en juin 2014 et sa probation s’est achevée en juin 2016. Ainsi, il n’est plus recherché par la Chine.
[6]
Il a allégué qu’après qu’il a purgé sa peine en 2014, le conseil du village faisait pression sur lui pour qu’il recommence les activités illégales, et par conséquent il est allé aux États-Unis en avril 2015. Il est retourné en Chine peu de temps après, en mai 2015.
[7]
Le demandeur a allégué qu’il a déposé une demande d’un visa de visiteur au Canada en décembre 2014 et en août 2015, mais qu’on lui a refusé les deux visas pour des motifs inconnus. La question de sa participation à des activités illégales a refait surface et, le 19 décembre 2015, le demandeur a quitté la Chine pour les États-Unis, est entré au Canada de façon illégale, et a demandé l’asile.
[8]
À son arrivée au Canada, le demandeur a demandé l’asile en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR. Le 3 octobre 2016, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a déposé un avis d’intention d’intervenir dans l’affaire, déclarant qu’il croyait que des questions qui ont trait à l’Article 1Fb) de la Convention ont été soulevées par le demandeur. L’avis indiquait que le ministre avait des motifs sérieux de croire que le demandeur avait commis une infraction grave non politique de détournement de fonds en Chine en 2011, qui, commise au Canada, constituerait une infraction en vertu de l’article 380 du Code criminel, LRC 1985, ch. C-46 [Code criminel]. Le ministre a indiqué qu’en outre, c’était un acte criminel étant donné qu’il s’agissait d’un montant de plus de 5 000 $, ainsi, le demandeur était passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans.
[9]
Dans sa décision du 17 janvier 2017, la SPR a conclu que (1) le demandeur n’était pas exclu en vertu de l’Article 1Fb) et que (2) le demandeur était un réfugié au sens de la Convention. Plus précisément, la SPR a conclu que :
(1) Le demandeur n’était pas exclu en vertu de l’article 1Fb) étant donné que le ministre ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir qu’il y avait une raison sérieuse de croire que le demandeur avait commis une infraction grave non politique avant d’entrer au Canada, notamment la fraude, conformément à l’article 380 du Code criminel. La SPR a décidé que l’infraction ne satisfaisait pas au critère d’infraction grave étant donné ce qui suit :
a) L’absence de mens rea; et
b) La corruption du système judiciaire en Chine.
(2) Le demandeur était un réfugié au sens de la Convention étant donné que :
a) Le demandeur était un témoin crédible, qui témoigne d’une façon directe, sans omissions ni contradictions;
b) Le demandeur avait une crainte bien fondée de persécution en raison de son opinion politique; et
c) Ni la protection de l’État, ni la possibilité de refuge intérieur n’étaient possibles pour le demandeur, étant donné que la persécution provenait de l’État.
B.
La décision faisant l'objet du contrôle
[10]
Le 12 juillet 2017, la SAR a infirmé la décision de la SPR. Le ministre a soutenu devant la SAR que la SPR avait commis une erreur mixte de fait et de droit en décidant que le demandeur n’était pas exclu de l’Article 1Fb).
[11]
La SAR a infirmé la décision de la SPR pour les motifs suivants :
(1) Il était sans conteste que l’infraction dont le demandeur avait été accusé en Chine contenait des éléments qui équivalaient au vol ou à la fraude au Canada, les deux étant passibles d’un emprisonnement maximal de 10 ans ou plus, et donc, une présomption existait que l’infraction était présumée être une infraction grave;
(2) Les éléments de preuve étaient suffisants pour établir que le demandeur avait commis une infraction en Chine, et la seule exigence de la SPR était de déterminer la gravité de l’infraction.
(3) L’action de la SPR d’effectuer un réexamen de la preuve allait à l’encontre de la LIPR et de la jurisprudence des Cours fédérales;
(4)
Les éléments de preuve appuyaient la conclusion selon laquelle le demandeur avait participé à une fraude complexe;
(5)
Il n’y avait pas de preuve convaincante qu’un système judiciaire corrompu avait joué un rôle dans la poursuite du demandeur en Chine; et
(6)
Le demandeur n’était pas un témoin crédible, étant donné ses contradictions dans son témoignage, l’embellissement de ses déclarations et son incapacité de fournir des explications raisonnables.
III.
Les questions en litige
[12]
Ayant examiné les observations des parties, la Cour conclut que les questions et les sous-questions peuvent être organisées comme suit :
(1) La SAR a-t-elle mené de façon raisonnable l’analyse nécessaire pour décider si la présomption de gravité était applicable?
a) La conclusion de la SAR selon laquelle une analyse d’équivalence n’était pas nécessaire dans le cadre du critère de l’exclusion en vertu de l’Article 1Fb) était-elle raisonnable?
b) La décision de la SAR selon laquelle il existait une présomption que l’infraction commise en Chine constituait une infraction grave en vertu des lois du Canada était-elle raisonnable?
(2) La SAR a-t-elle effectué de façon raisonnable l’analyse nécessaire pour décider si la présomption de la gravité de l’infraction pouvait être réfutée?
a) La SAR a-t-elle évalué de façon raisonnable les quatre facteurs établis dans Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 404, [2008] ACF no 1740 [Jayasekara]?
b) La décision de la SAR selon laquelle la SPR ne pouvait vérifier la déclaration de culpabilité en Chine, c’est-à-dire, réévaluer la déclaration de culpabilité était-elle raisonnable?
c) Les conclusions de la SAR concernant la corruption dans le système de justice pénale en Chine étaient-elles raisonnables?
d) La décision de la SAR de ne pas faire preuve de retenue à l’égard de l’évaluation de la SPR concernant la crédibilité était-elle raisonnable?
IV.
La norme de contrôle
[13]
Le demandeur soutient que les normes de contrôle sont les suivantes :
(1) L’interprétation du critère de l’Article 1Fb) est une question de droit et est donc susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte; et
(2) L’application du critère de l’Article 1Fb) est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.
[14]
Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.
[15]
Les normes de contrôle applicables sont décrites dans Jung c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 464, 479 FTR 1, aux paragraphes 27 et 28 :
[27] Il n’y a pas de désaccord entre les parties quant à la norme de contrôle applicable. Tout d’abord, la norme de la décision correcte s’applique à la question de savoir si la Commission a commis une erreur de droit en interprétant l’alinéa b) de la section F de l’article premier comme interdisant la prise en compte de la réhabilitation du demandeur après sa condamnation ou du danger qu’il présente actuellement. Bien qu’il existe une présomption selon laquelle la norme de la raisonnabilité s’applique à l’égard de l’interprétation, par un tribunal administratif, de sa loi habilitante, cette présomption ne s’applique pas en l’espèce, parce que les dispositions des conventions internationales doivent recevoir l’interprétation la plus uniforme possible : Febles CAF, au paragraphe 24.
[28] Par contre, la décision quant à la question de savoir si un crime non politique est grave entraîne l’application de la norme de la raisonnabilité. La Cour d’appel fédérale a maintenu dernièrement dans l’arrêt Feimi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 325 (au paragraphe 16), une affaire connexe à Febles CAF, que « [l]a norme applicable lorsque, comme en l’espèce, le droit et les faits “s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés” […] est celle de la décision raisonnable ».
[16]
L’interprétation par la SAR du critère de gravité visé par l’Article 1Fb) était correcte. La jurisprudence explique que la première étape du critère de l’exclusion est d’établir si l’infraction, commise au Canada, aurait été passible d’un emprisonnement d’au moins 10 ans. Le cas échéant, la présomption que l’infraction est grave existe : Chan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 390 (CA), et Jayasekara.
[17]
Toutefois, dans Hernandez Febles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CSC 68, la CSC a expliqué que la présomption ne devait pas être considérée comme une présomption rigide qu’il est impossible de réfuter.
[18]
Dans Jayasekara, la Cour a expliqué que la deuxième étape est de déterminer si cette présomption est réfutée par le jeu de quatre facteurs : les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, et les circonstances atténuantes et aggravantes.
[19]
La SAR a énoncé le critère à deux volets d’une façon semblable comme suit :
[traduction]
[10] Le premier volet serait de déterminer quelle peine possible aurait été imposée si le crime avait été commis au Canada.
[…]
Le deuxième volet comprend l’examen des facteurs supplémentaires suivants :
(i) Les éléments constitutifs du crime;
(ii) Le mode de poursuite;
(iii) La peine imposée;
(iv) Toutes les circonstances atténuantes et aggravantes sous-jacentes à la déclaration de culpabilité.
[12] En vertu des points (iii) et (iv), il convient d’examiner la pénalité imposée en Chine en termes du marché conclu en ce qui concerne la plaidoirie.
[20]
Par conséquent, la question dont nous sommes saisis est plutôt l’application du critère aux faits. La norme applicable est celle de la décision raisonnable.
[21]
En ce qui concerne la norme de contrôle applicable aux questions de crédibilité, la jurisprudence est claire que la norme applicable est celle de la décision raisonnable (Majoros c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 667, au paragraphe 24).
[22]
Avant d’évaluer le caractère raisonnable de la décision de la SAR, il est important de se rappeler de ce qui constitue le caractère raisonnable tel qu’il est établi par Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], au paragraphe 47 :
[47] […] Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[23]
Dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland Nurses], le CSC a aussi décrit le contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable comme suit :
[14] Il s’agit d’un exercice plus global : les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles. Il me semble que c’est ce que la Cour voulait dire dans Dunsmuir en invitant les cours de révision à se demander si « la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité » (par. 47).
V.
Les dispositions législatives
[24]
L’Article 1Fb) de la Convention définit le terme réfugié comme suit :
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[25]
Le paragraphe 2(1) de la LIPR précise ce qui suit :
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[26]
L’article 98 de la LIPR applique l’Article 1F à la loi canadienne.
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[27]
Le paragraphe 380(1) du Code criminel précise ce qui suit :
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VI.
Arguments
[28]
Le demandeur soutient que la SAR a commis cinq erreurs lorsqu’elle est parvenue à sa décision.
[29]
Premièrement, le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur dans son analyse d’équivalence. Le défendeur soutient qu’aucune analyse d’équivalence n’était nécessaire dans le cadre du critère d’exclusion en vertu de l’Article 1Fb) et s’appuie sur Notario c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1159, [2014] ACF no 1211.
[30]
Deuxièmement, le demandeur affirme que la SAR a commis une erreur dans sa conclusion selon laquelle la SPR ne pouvait vérifier la condamnation. Le défendeur soutient que la SAR n’était pas tenue d’effectuer un réexamen de l’infraction.
[31]
Troisièmement, le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en ne faisant pas preuve de retenue à l’égard de l’évaluation de la crédibilité de la SPR, étant donné que la SPR jouissait d’un avantage contrairement à la SAR. Le défendeur soutient qu’il y a des exemples où la SPR ne jouit pas d’un avantage, et que l’espèce constitue l’un de ces exemples.
[32]
Quatrièmement, le demandeur soutient que la SAR a tiré une conclusion déraisonnable concernant la corruption en Chine. Le défendeur soutient que la conclusion de la SAR selon laquelle il n’y avait pas de preuve de corruption en l’espèce était raisonnable.
[33]
Enfin, le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en n’effectuant pas une analyse comme il convient pour savoir si la présomption de la gravité de l’infraction avait été réfutée. En particulier, le demandeur conclut que la SAR n’a pas examiné les facteurs atténuants et aggravants, tels qu’ils sont énoncés dans Jayasekara. Le défendeur soutient que la conclusion de la SAR selon laquelle la présomption avait été réfutée était raisonnable.
VII.
Discussion
A.
La SAR a-t-elle entamé de façon raisonnable l’analyse nécessaire pour déterminer si la présomption de gravité était applicable?
[34]
La SAR a énoncé de façon appropriée le critère à deux volets tel qu’il est établi dans Jayasekara. La question dont nous sommes saisis est l’application du critère par la SAR. La norme applicable est celle de la décision raisonnable.
(1)
La SAR a-t-elle pris une décision raisonnable dans sa conclusion qu’une analyse d’équivalence n’était pas nécessaire dans le cadre du critère de l’exclusion en vertu de l’Article 1Fb)?
[35]
La SAR a pris une décision raisonnable lorsqu’elle a décidé de ne pas effectuer une analyse d’équivalence. La jurisprudence suggère que l’analyse d’équivalence vise l’interdiction de territoire pour criminalité (Victor c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CF 979, 439 FTR 263 (Eng.), aux paragraphes 59 à 62). Il est déconseillé de mélanger les critères des questions d’interdiction de territoire pour criminalité avec les questions d’exclusion en vertu de l’Article 1Fb).
(2)
La décision de la SAR selon laquelle il existait une présomption que l’infraction commise en Chine constituait une infraction grave en vertu des lois du Canada était-elle raisonnable?
[36]
La SAR a pris une décision raisonnable lorsqu’elle a conclu que la présomption de gravité était applicable à l’infraction du demandeur en Chine. La SAR a expliqué que l’infraction de détournement de fonds pour laquelle le demandeur a été condamné en Chine se trouvait aux paragraphes 272(1) et 67(1) du Code pénal chinois. Elle a conclu aussi qu’en vertu du Code criminel, l’infraction se trouverait à l’alinéa 380(1)a), que la valeur de l’objet de l’infraction dépassait 5 000 $ et que ce serait un acte criminel. L’analyse de la SAR était intelligible aussi bien que transparente et justifiable.
B.
La SAR a-t-elle effectué de façon raisonnable l’analyse nécessaire pour déterminer si la présomption de la gravité de l’infraction pouvait être réfutée?
(1)
Les facteurs selon Jayasekara
[37]
Les conclusions de la SAR, fondées sur son évaluation des quatre facteurs selon Jayasekara et la crédibilité du demandeur, étaient raisonnables. Il incombait au demandeur de réfuter la présomption, et d’établir, reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi, qu’il n’y avait pas de motifs sérieux de considérer que le demandeur a commis une infraction grave non politique avant d’entrer au Canada (Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, au paragraphe 114).
[38]
En ce qui concerne les éléments constitutifs du crime, la SAR a indiqué ce qui suit :
(1) Le demandeur avait participé à une fraude complexe qui comprenait ce qui suit :
a) Solliciter les investisseurs;
b) Gagnerleurconfiance;
c) Faire en sorte qu’ils s’engagent à investir;
d) Faire signer des contrats par les investisseurs; et
e) Accepter les plaintes des investisseurs et les orienter vers les dirigeants des compagnies pour une réparation.
(2) La participation continue du demandeur à la fraude;
(3) Le nombre d’investisseurs directement attribués au demandeur (environ 40) aussi bien que les finances touchées par la fraude (environ 500 000 $);
(4) Le fait que le demandeur a été condamné pour l’infraction;
(5) Le fait que le demandeur était prêt à fréquenter ceux qui avaient pris part au détournement en faisant d’autres opérations commerciales après avoir purgé sa peine prescrite, malgré son témoignage selon lequel il craignait que ces personnes lui fassent du tort; et
(6) La fraude est passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans en vertu de l’article 380 du Code Criminel si la valeur de l’objet de l’infraction dépasse 5 000 $ (alinéa 380(1)a)) et constitue un acte criminel.
[39]
En ce qui concerne le mode de poursuite, la SAR a indiqué que le demandeur a plaidé coupable afin d’obtenir une peine moins sévère et, par conséquent, une audience approfondie avec un avocat n’était plus nécessaire. La SAR a conclu que, selon le dossier du demandeur et l’enregistrement audio de l’audience devant la SPR, le demandeur n’était pas crédible.
[40]
En ce qui concerne la peine prévue, le demandeur a été condamné à une peine de prison d’un an et demi avec un sursis de deux ans en échange d’avoir plaidé coupable de l’infraction. La SAR a considéré la peine comme légère avec raison, étant donné que la preuve indiquait que la mère du demandeur avait persuadé l’avocat du conseil du village d’intervenir et de demander une peine moins sévère, aussi bien que d’assurer son silence en ce qui concerne l’implication des dirigeants de l’entreprise.
[41]
La SAR a conclu que l’assistance que le demandeur a prêtée aux autorités était limitée et intéressée. La SAR a également indiqué qu’une fraude dont l’objet dépasse 5 000 $ constitue un acte criminel en vertu du Code criminel.
[42]
Il ne faut pas effectuer un examen isolé de la durée d’une peine ni du fait de l’avoir purgé ou non. Une peine clémente ne diminue en rien la gravité du crime commis (Cabreja Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1130, [2012] ACF no 1215).
[43]
En ce qui concerne les circonstances atténuantes et aggravantes, la SAR a examiné comme il convenait les circonstances du marché conclu concernant le plaidoyer et l’arrangement avec le conseil du village. Les facteurs postérieurs au crime ne doivent pas être pris en compte pour déterminer la gravité de l’infraction (Valdespino Partida c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 359, 430 FTR 197 (Eng.), au paragraphe 11). Je ne considère pas le fait que le demandeur a cessé de travailler avec le conseil du village après avoir purgé sa peine comme étranger à l’infraction (Jayasekara). L’implication continue du demandeur avec le conseil du village est également un facteur pertinent dans l’évaluation de la crainte du demandeur du conseil du village.
(2)
La décision de la SAR selon laquelle un réexamen de la preuve du crime en Chine était inapproprié dans les circonstances était-elle raisonnable?
[44]
Il incombait à la SAR d’effectuer une évaluation raisonnable des facteurs selon Jayasekara conjointement avec la crédibilité du demandeur. La SAR a mené une évaluation raisonnable de la crédibilité du demandeur conjointement avec les quatre facteurs énoncés dans Jayasekara. La SAR a également donné les motifs pour lesquels elle a conclu que le demandeur était coupable de l’infraction. C’est conforme à Valdes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2011] ACF no 1175, 2011 CF 959, au paragraphe 49.
[45]
La justification de la SAR était transparente et intelligible et sa conclusion appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
(3)
Les conclusions de la SAR concernant la corruption dans le système de justice pénale en Chine étaient-elles raisonnables?
[46]
La décision de la SAR selon laquelle la corruption dans le système judiciaire n’était pas en question dans ce cas particulier est raisonnable. La SAR a examiné le rapport du professeur Yang et d’autres éléments de preuve du demandeur. La SAR a indiqué que les éléments de preuve suggéraient que les autorités en Chine enquêtaient sur la corruption à petite échelle au niveau local mais que les éléments de preuve n’ont montré aucune corruption dans ce cas particulier.
(4)
La décision de la SAR de ne pas faire preuve de retenue à l’égard de l’évaluation de la SPR concernant la crédibilité était-elle raisonnable?
[47]
Le rôle de la SAR est d’intervenir lorsque la SPR commet une erreur de droit, de fait ou de droit factuel (Huruglica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CAF 93, [2016] ACF no 313 [Huruglica], au paragraphe 28). Il est indiqué au paragraphe 72 de Huruglica :
[72] […] Si la SAR relève une erreur dans un cas où, par exemple, un demandeur n’a pas été jugé crédible parce que son récit n’était pas plausible selon le simple bon sens, il peut s’avérer que la SPR n’ait pas de véritable avantage sur la SAR.
[48]
Au paragraphe 74, la Cour va encore plus loin :
[74] […] La SAR doit avoir la possibilité de développer sa propre jurisprudence à ce sujet; il n’est donc pas nécessaire que je lui donne des précisions sur le degré de déférence commandé par chaque affaire [à la SPR].
[49]
Le seuil nécessaire pour la SAR pour infirmer la décision de la SPR est peu élevé. La SAR doit simplement conclure que l’évaluation de la SPR était erronée. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de conclure que la décision de la SAR de substituer sa propre évaluation quant à la crédibilité était déraisonnable.
VIII.
Conclusion
[50]
Pour les motifs susmentionnés, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.
« Paul Favel »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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DOSSIERS :
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IMM‑3482‑17
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INTIULÉ :
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LIKE MA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TORONTO (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 5 FÉVRIER 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE FAVEL
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DATE DES MOTIFS :
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LE 6 MARS 2018
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COMPARUTIONS :
Me Naseem Mighoowani
Me Lorne Waldman
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POUR LE DEMANDEUR
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Me Netta Logsetty
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POUR LE DÉÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman & Associates
Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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