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Date : 20180307


Dossier : IMM-1536-17

Référence : 2018 CF 263

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ET ENTRE :

MARINO VICTORIA CARDENAS

MARTHA LUCIA LOZANDA GOMEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  En 1999, les demandeurs, M. Marino Victoria Cardenas et son épouse, Martha Gomez, ont fui la Colombie avec leurs enfants par peur des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Les demandes d’asile, d’examen des risques avant renvoi (ERAR) et de résidence permanente pour des considérations d’ordre humanitaire (demande CH) présentées par M. Victoria Cardenas et Mme Gomez ont été rejetées. La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision rendue à l’égard des demandes CH présentées par les demandeurs. J’ai rendu une décision distincte à l’égard de la demande de contrôle judiciaire de leurs ERAR.

[2]  Les demandes CH des enfants des demandeurs ont été accueillies. En outre, la demande de contrôle judiciaire de l’épouse de M. Victoria Cardenas n’est plus en cause. Par conséquent, la seule question dont je suis saisi concerne la demande CH de M. Victoria Cardenas. Il soutient que l’agent qui a rendu la décision concernant sa demande CH n’a pas effectué une analyse complète des éléments de preuve présentés à l’appui de sa demande. L’agent a conclu qu’il n’était pas nécessaire de soupeser les difficultés auxquelles les demandeurs seraient exposés s’ils retournaient en Colombie, étant donné qu’il avait décidé de leur accorder des permis de séjour temporaires (PST) qui leur permettaient de demeurer au Canada pendant au moins trois ans.

[3]  M. Victoria Cardenas soutient que l’agent a fait fi des éléments de preuve pertinents concernant les difficultés [en Colombie (NDT)]. Il me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner qu’un autre agent réexamine sa demande.

[4]  Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de l'agent. Ce dernier a conclu de façon raisonnable que l’analyse du risque devrait être effectuée à un moment plus proche dans le temps du renvoi de M. Victoria Cardenas du Canada, le cas échéant, si ce moment devait arriver.

[5]  La seule question que la Cour est appelée à décider est si la décision de l'agent était déraisonnable.

II.  La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

[6]  L’agent a examiné l’ensemble de la situation des demandeurs, notamment :

  • Leurs antécédents professionnels et les autres indications de leur établissement au Canada;

  • Leurs compétences linguistiques en anglais;

  • La scolarité de leurs enfants;

  • Leurs liens familiaux au Canada;

  • L’effet psychologique du renvoi pour l’épouse de M. Victoria Cardenas, qui a été victime d’une agression sexuelle;

  • Les difficultés associées au retour en Colombie après une absence aussi longue;

  • La discrimination à laquelle ils risquent de faire face en Colombie en raison de leur origine ethnique afro-colombienne;

  • Le risque de persécution par les FARC; et

  • Les problèmes auxquels les enfants seraient exposés, étant donné qu’ils ne parlent pas l’espagnol et ne se sont jamais allés en Colombie.

[7]  L’agent a conclu que M. Victoria Cardenas n’avait pas le droit à la prise de mesures spéciales pour considérations d’ordre humanitaire étant donné qu’il avait commis une fraude aux États-Unis et qu’il avait tenté de tromper les autorités canadiennes de l’immigration. Toutefois, sans se livrer à une pondération exhaustive des éléments de preuve, l’agent a octroyé un permis de résidence permanente de trois ans, lui donnant ainsi une possibilité de démontrer qu’il était disposé à respecter les lois du Canada.

[8]  M. Victoria Cardenas soutient que la décision de l’agent était déraisonnable étant donné que l’agent avait le devoir d’effectuer une analyse de tous les éléments de preuve pertinents, même si le renvoi du Canada n’était pas imminent.

[9]  Mon analyse de la situation est différente. Une analyse des difficultés auxquelles M. Victoria Cardenas pourrait s’exposer en Colombie dans trois ans, voire plus tard, serait de nature spéculative et probablement d’aucune utilité. Les conditions en Colombie pourraient changer considérablement pendant cette période. En outre, au cours des trois prochaines années ou plus, les liens des demandeurs au Canada deviendront probablement plus solides. L’interdiction de territoire de M. Victoria Cardenas au Canada découle principalement de ses condamnations aux États-Unis pour usage de documents d’identité frauduleux pendant qu’il y habitait de façon illégale. Rien ne laisse entrevoir qu’il commette quelque infraction que ce soit au Canada. Autrement, l’agent n’aurait pas octroyé à M. Victoria Cardenas un permis de séjour temporaire dans le but de lui laisser la possibilité de prouver sa fidélité à la loi canadienne.

[10]  M. Victoria Cardenas invoque deux affaires qui, selon lui, appuient sa thèse : Brar c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2011 CF 691, et Zazai c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2012 CF 162.

[11]  À mon avis, ses deux affaires ne sont d’aucun secours pour M. Victoria Cardenas.

[12]  Dans la décision Brar, un sursis au renvoi du demandeur avait été accordé en raison de craintes qu’il soit exposé à des peines cruelles en Inde. L’agent qui a traité la demande CH du demandeur l’a rejetée en raison de l’interdiction de territoire du demandeur au Canada et a conclu que, compte tenu du sursis au renvoi, il n’était pas nécessaire de pondérer l’intérêt supérieur des enfants du demandeur au regard des conditions prévalant en Inde. Le juge James Russel a conclu que l’agent a commis une erreur étant donné que le statut du demandeur était [traduction] « conditionnel et provisoire » le sursis à la mesure de renvoi du demandeur pouvant être levé à tout moment. En outre, il n’était pas clair si un autre mécanisme que la demande CH aurait pu prendre en compte l’intérêt supérieur des enfants touchés avant le renvoi du demandeur. Il en est de même en ce qui concerne les difficultés.

[13]  En l’espèce, toutefois, le statut du demandeur est sécurisé pour au moins trois ans. L’intérêt supérieur des enfants du demandeur a déjà été examiné et on leur a octroyé le statut de résidents permanents au Canada. Tandis que la question des difficultés n’a pas encore été entièrement analysée, la question est entièrement liée aux risques auxquels M. Victoria Cardenas serait exposé s’il était renvoyé du Canada en Colombie, une question qui peut être pleinement examinée de nouveau dans le cadre d’une nouvelle évaluation des risques avant renvoi.

[14]  La décision Zazai, avait accordé au demandeur un permis de séjour temporaire de cinq ans. L’agent qui évaluait la demande CH du demandeur a pris en compte de l’interdiction de territoire du demandeur au Canada et d’autres facteurs pertinents, mais a refusé la demande sans analyser l’intérêt supérieur des enfants du demandeur. Le juge John O’Keefe avait conclu que l’agent avait commis une erreur étant donné qu’il n’existait pas d’autre mécanisme disponible pour tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants du demandeur avant le renvoi du demandeur du Canada. Le demandeur aurait eu le droit à un ERAR, mais cela n’aurait pas compris une analyse de l’intérêt supérieur des enfants. En outre, cela jetait le doute sur le statut du demandeur au Canada puisque l’Agence des services frontaliers du Canada avait ordonné au demandeur de lui présenter des rapports de façon régulière.

[15]  Une fois de plus, les circonstances de l’espèce sont différentes. M. Victoria Cardenas a un statut sûr au Canada pendant au moins trois ans. L’intérêt supérieur de ses enfants a été entièrement pris en considération. Tout risque de renvoi du demandeur du Canada peut être examiné dans un prochain ERAR.

[16]  Par conséquent, je conclus que l’agent a tiré une conclusion raisonnable qu’il n’était pas nécessaire de soupeser tous les facteurs pertinents étant donné que le demandeur avait le droit de demeurer au Canada pendant au moins trois ans.

III.  Conclusion et décision

[17]  M. Victoria Cardenas a obtenu le droit de demeurer au Canada pendant au moins trois ans en application d’un permis de séjour temporaire. L’agent a raisonnablement conclu qu’il n’était pas nécessaire d’effectuer une analyse complète de la preuve relative aux difficultés auxquelles il serait exposé lors de son renvoi. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n'a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n'est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1536-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est mentionnée.

  3. L’intitulé de la cause est modifié, avec effet immédiat, en y substituant « MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION » à « MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ »;

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1536-17

INTITULÉ :

MARINO VICTORIA CARDENAS, MARTHA LUCIA LOZANDA GOMEZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 MARS 2018

 

COMPARUTIONS :

Subodh Singh Bharati

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Neeta Logsetty

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Subodh S. Bharati

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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