Date : 20180213
Dossier : IMM-2821-17
Référence : 2018 CF 165
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 13 février 2018
En présence de madame la juge McDonald
ENTRE :
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YOUSEF ALIZADEHVAKILI
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Le demandeur est un citoyen de l’Iran qui sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés ayant rejeté sa demande d’asile en application des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). La Section de la protection des réfugiés a conclu que la demande du demandeur n’avait aucun fondement.
[2]
Pour les motifs exposés ci-dessous, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
I.
Résumé des faits
[3]
Le demandeur soutient que, jeune homme en Iran, il appuyait une organisation dissidente appelée le Parti du peuple musulman. Il prétend avoir été mis en état d’arrestation pendant six jours en 1980, et pendant une autre période de 45 jours, en 1986.
[4]
Il affirme avoir cessé ses activités politiques après le décès du chef du Parti du peuple musulman et le départ en l’Allemagne du fils du chef pour s’y exiler. Quelque temps plus tard, le demandeur a revu un vieil ami à une fête et a renoué avec un groupe dirigé par le fils (qualifié par la Section de la protection des réfugiés de [traduction] « groupe dissident allégué »
). Le demandeur affirme qu’à la suite de cette rencontre, il a commencé à fournir une aide financière au groupe dissident allégué sur une base mensuelle.
[5]
À l’été 2016, le demandeur est venu visiter le Canada. Peu avant son départ de l’Iran, il soutient qu’un membre du groupe dissident allégué lui a demandé de prendre possession d’un colis en vue d’une manifestation à venir. On lui a dit que quelqu’un viendrait récupérer le colis chez lui. Selon le demandeur, il a laissé le colis, qui n’avait pas été récupéré, dans son bureau chez lui.
[6]
Le demandeur déclare qu’au mois d’août 2016, pendant son séjour au Canada, il a été informé que la police avait fait une descente chez lui en Iran, trouvé le colis et délivré un mandat d’arrestation contre lui. Ces allégations constituaient le fondement de sa demande d’asile au Canada.
II.
Décision faisant l’objet du contrôle
[7]
Dans la décision en date du 29 mai 2017, la Section de la protection des réfugiés a conclu que la question déterminante portait sur la crédibilité du demandeur relativement à quatre questions : 1) l’existence du Parti du peuple musulman; 2) la façon dont le demandeur est devenu un bailleur de fonds du groupe dissident allégué; 3) l’utilisation de ses dons; 4) la question de savoir s’il a pris possession du colis sous la contrainte ou volontairement.
[8]
En ce qui concerne la première question, la Section de la protection des réfugiés a conclu qu’aucun élément de preuve objectif au dossier n’établissait l’existence du groupe dissident allégué, et a donc conclu que ce groupe n’existait pas.
[9]
Sur la deuxième question, la Section de la protection des réfugiés a constaté que le demandeur avait déclaré dans son formulaire de Fondement de la demande d’asile (FDA) qu’on lui avait demandé un soutien financier. Lors de son témoignage à l’audience, il a toutefois soutenu avoir évoqué l’idée de devenir un bailleur de fonds. La Section de la protection des réfugiés a souligné que l’explication du demandeur sur cette incohérence ne constituait pas une réponse, et, sur cette question, elle a donc tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité.
[10]
Quant à la troisième question, le demandeur a indiqué dans son formulaire FDA que les dons d’argent visaient à [traduction] « appuyer financièrement l’opposition politique iranienne à l’étranger »
. Interrogé à l’audience, il a toutefois prétendu que l’argent visait à appuyer les familles des membres incarcérés du groupe dissident allégué se trouvant en Iran, puis a soutenu qu’il ne connaissait pas les fins auxquelles les fonds devaient servir. La Section de la protection des réfugiés a tiré une conclusion défavorable relativement à la crédibilité du demandeur en raison du manque de cohérence dans ses réponses.
[11]
En ce qui concerne la quatrième question, dans son formulaire FDA, le demandeur a affirmé qu’il avait [traduction] « accepté de conserver le colis »
. Dans son témoignage, il a déclaré avoir agi sous la contrainte. La Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur [traduction] « n’avait pas fourni une réponse cohérente »
à cette contradiction, et qu’il n’avait pas conservé un colis, comme il le prétendait.
[12]
En raison de l’effet cumulatif des conclusions relatives à la crédibilité, la Section de la protection des réfugiés a conclu que la demande n’avait aucun minimum de fondement et l’a rejetée conformément aux articles 96 et 97 de la LIPR.
III.
Question en litige
[13]
La seule question à trancher dans le cadre du présent contrôle judiciaire est de savoir si la décision de la Section de la protection des réfugiés est raisonnable compte tenu des conclusions sur la crédibilité.
IV.
Norme de contrôle
[14]
En l’espèce, la norme de contrôle applicable à la décision de la Section de la protection des réfugiés est celle de la décision raisonnable (Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 519, au paragraphe 8).
V.
Discussion
A.
Groupe dissident allégué
[15]
Le demandeur soutient que la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle le groupe dissident allégué n’existe pas n’est pas raisonnable, puisqu’une simple recherche sur Google effectuée par la Section de la protection des réfugiés aurait prouvé le contraire. De plus, le demandeur soutient qu’il est déraisonnable de la part de la Section de la protection des réfugiés de s’attendre à ce qu’il puisse prouver l’existence d’un groupe de dissidents secret.
[16]
Toutefois, dans le cadre d’une demande d’asile, il incombe au demandeur de fournir tous les éléments de preuve nécessaires pour étayer sa demande (Barre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1091, au paragraphe 20).
[17]
En l’espèce, le demandeur ne peut ajouter, après-coup, les résultats d’une recherche effectuée sur Google aux éléments de preuve produits pour remédier au manque d’éléments de preuve présentés au décideur (Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, aux paragraphes 13 à 28).
[18]
Puisque le fardeau de la preuve incombe au demandeur, son défaut de s’en acquitter peut justifier une conclusion défavorable quant à la crédibilité, surtout dans le cas où les éléments de preuve documentaire n’indiquent pas ce à quoi on s’attendrait (Adu c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1995] ACF no 114 (CAF)).
[19]
En l’absence d’éléments de preuve objectifs concernant le groupe dissident allégué, la Section de la protection des réfugiés a conclu que le groupe n’existait pas et s’est donc fondée sur cette conclusion pour attaquer la crédibilité du demandeur. Elle n’a commis aucune erreur en tirant cette conclusion.
B.
Soutien financier
[20]
La Section de la protection des réfugiés a relevé l’incohérence dans le témoignage du demandeur concernant les circonstances qui l’ont mené à faire des dons d’argent au groupe dissident allégué. Dans son formulaire FDA, il a soutenu qu’on lui avait demandé de faire des dons; dans son témoignage, il a affirmé avoir offert cette aide financière.
[21]
Dans le cadre du contrôle judiciaire, la Cour fait preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions sur la crédibilité tirées par la Section de la protection des réfugiés (Hohol c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 870, au paragraphe 18 [Hohol].
[22]
Il est loisible à la Section de la protection des réfugiés de se fonder sur les contradictions relevées entre un témoignage de vive voix et des documents écrits, comme en l’espèce, pour tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité (Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 440, au paragraphe 14).
[23]
De même, la Section de la protection des réfugiés a tiré une conclusion négative concernant la crédibilité vu les incohérences relevées dans le récit du demandeur relativement à la compréhension qu’il a dit avoir de l’utilisation du soutien financier qu’il avait accordé au groupe dissident allégué.
[24]
En l’espèce, la Section de la protection des réfugiés a tenu compte de l’explication du demandeur voulant qu’une erreur de traduction ait pu se glisser dans le formulaire FDA, mais a conclu que cette explication était vague. Cette incohérence, que la Section de la protection des réfugiés est habilitée à relever, concerne la question de savoir si le demandeur s’est associé ou non volontairement au groupe dissident allégué. Cette question touche le bien-fondé de la demande présentée par le demandeur, et a été relevée à juste titre par la Section de la protection des réfugiés.
[25]
Comme il a été mentionné précédemment, il est loisible à la Section de la protection des réfugiés de tirer de telles inférences. En l’espèce, l’incohérence entre le témoignage de vive voix et les éléments de preuve documentaire était réelle. Rien ne justifie l’intervention de la Cour.
C.
Colis
[26]
Le demandeur soutient que la Section de la protection des réfugiés n’a accordé aucun poids aux éléments de preuve sur la descente de police effectuée à son domicile et la découverte du colis par la police iranienne. Il fait valoir que cela était déraisonnable. Le demandeur soutient que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en ne faisant pas une évaluation raisonnable d’une lettre de son fils confirmant la descente de police, et qu’elle a, de façon déraisonnable, assimilé ses conclusions générales sur la crédibilité à une conclusion d’absence de minimum de fondement.
[27]
La Section de la protection des réfugiés a tiré des conclusions défavorables sur la crédibilité à partir des incohérences relevées dans le témoignage par écrit et de vive voix du demandeur. Dans le formulaire FDA, le demandeur a affirmé qu’il avait accepté de conserver le colis, parce qu’il faisait confiance à la personne qui lui en avait fait la demande. À l’audience, le demandeur a déclaré qu’il avait été forcé de le faire.
[28]
Cette déclaration constituait un élément essentiel de l’allégation liée à son prétendu risque prospectif de persécution, et avait en fait été l’événement déclencheur qui aurait mené à la descente de police à son domicile en Iran.
[29]
La Section de la protection des réfugiés se trouve dans une position unique pour évaluer la crédibilité et l’importance des incohérences relevées dans les questions importantes, et pour en tirer les conclusions qui s’imposent (Hohol, au paragraphe 18; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 46).
[30]
Il était loisible à Section de la protection des réfugiés d’examiner cette incohérence dans l’élément essentiel de la demande et d’en tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité. La Cour doit respecter cette conclusion.
D.
Absence d’un minimum de fondement
[31]
Compte tenu de l’ensemble des conclusions défavorables quant à la crédibilité, la Section de la protection des réfugiés a conclu que la demande du demandeur n’avait aucun fondement. Le critère permettant de conclure à l’« absence de minimum de fondement »
est énoncé dans l’arrêt Rahaman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89, au paragraphe 52 [Rahaman] :
S’il n’y a aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel chacun des membres de la Commission aurait pu se fonder pour reconnaître le statut de réfugié au revendicateur, une conclusion que ce dernier n’était pas un témoin crédible justifiera la conclusion d’absence de minimum de fondement.
[32]
L’existence de certains éléments de preuve crédibles ou dignes de foi n’empêchera pas une conclusion d’ « absence de minimum de fondement » si ces éléments de preuve sont insuffisants en droit pour que le statut de réfugié soit reconnu au revendicateur : Rahaman, au paragraphe 30.
[33]
En l’espèce, la conclusion d’absence de minimum de fondement était fondée sur l’effet cumulatif des conclusions relatives à la crédibilité tirées par la Section de la protection des réfugiés. L’arrêt Rahaman le permet.
[34]
De plus, la Section de la protection des réfugiés n’a pas tenu compte de la véracité de la lettre du fils, en partie en raison de ces conclusions sur la crédibilité. Une conclusion générale d’absence de crédibilité fondée sur des incohérences peut s’appliquer à tous les éléments de preuve pertinents provenant d’un demandeur (Lawal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 558).
[35]
En l’espèce, la Section de la protection des réfugiés doutait de l’élément de preuve fourni par le fils, et cet élément de preuve, à lui seul, est insuffisant pour que le statut de réfugié soit reconnu, de pair avec les conclusions défavorables tirées quant à la crédibilité. Par conséquent, le demandeur n’a pas démontré l’existence de motifs justifiant que la Cour modifie les conclusions de la Section de la protection des réfugiés.
[36]
La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2821-17
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.
« Ann Marie McDonald »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 14e jour d’août 2019
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2821-17
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INTITULÉ :
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YOUSEF ALIZADEHVAKILI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TORONTO (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 11 JANVIER 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE MCDONALD
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DATE DES MOTIFS :
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LE 13 FÉVRIER 2018
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COMPARUTIONS :
John Cintosun
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POUR LE DEMANDEUR
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Nicole Paduraru
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat
Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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