Date : 20180201
Dossier : IMM-1147-17
Référence : 2018 CF 109
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 1er février 2018
En présence de madame la juge McDonald
ENTRE :
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HAJAR AHANI
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JAWAD AHANI
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Le 26 janvier 2017, l’agent des visas (l’agent) a retiré le nom des demandeurs de la demande de résidence permanente de leur père puisqu’ils n’étaient pas des « enfants à charge »
selon la définition de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR).
[2]
Pour les motifs suivants, le contrôle judiciaire de cette décision est rejeté. La décision de l’agent est raisonnable et les faits ne soulèvent aucune question sur l’équité procédurale.
I.
Résumé des faits
[3]
Les deux demandeurs, qui étaient âgés de 33 ans et de 28 ans en janvier 2017, sont les enfants adultes d’un citoyen iranien, M. Ahani, qui cherche à obtenir le statut de résident permanent au Canada. M. Ahani les a inscrits sur sa demande en partant du principe qu’ils sont étudiants.
[4]
Le demandeur a présenté des dossiers d’études à partir du premier trimestre de l’année scolaire de 2002-2003 jusqu’au premier trimestre de 2011-2012, lorsqu’il étudiait à temps partiel pour obtenir un baccalauréat en ingénierie civile. En 2012-2013, il s’est inscrit à une maîtrise en ingénierie civile. Il a pris un congé en 2014-2015, puis un autre au cours du deuxième trimestre de 2015-2016.
[5]
La demanderesse était inscrite à des cours du soir entre 2007 et 2013. Elle était étudiante à temps plein au cours de l’année scolaire 2013-2014. Au cours du deuxième trimestre de l’année scolaire 2014-2015, elle a pris un congé ayant duré jusqu’au premier trimestre de l’année 20152016. La demanderesse a repris ses études à la suite de son congé.
II.
La décision faisant l’objet du contrôle
[6]
Les motifs de la décision se composent du courriel envoyé aux demandeurs le 26 janvier 2017 ainsi que des notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) transmises aux demandeurs le 29 mai 2017.
[7]
Le courriel avisait les demandeurs que leurs noms avaient été retirés de la demande de leur père. Les notes du SMGC indiquent que le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve d’études au-delà du deuxième trimestre de 2011, et qu’il ne semblait plus être étudiant. Par conséquent, selon l’agent, le demandeur n’a pas pu être une personne à charge en application du RIPR.
[8]
L’agent observe en outre que la demanderesse a fourni des éléments de preuve d’études consignées dans des dossiers pour la fin de 2014 et le début de 2015. L’agent précise que la demanderesse était inscrite à des cours pendant cette période, mais n’y a pas participé.
[9]
L’agent a conclu que le demandeur et la demanderesse ne respectaient pas la définition d’« enfants à charge »
.
III.
Questions en litige
[10]
Les demandeurs ont soulevé deux questions :
- La décision est-elle raisonnable?
- Y a-t-il eu un manquement à l’équité procédurale quant à la demanderesse?
IV.
Norme de contrôle
[11]
La décision d’un agent selon laquelle un demandeur respecte la définition d’« enfant à charge »
dans le RIPR est examinée selon la norme du caractère raisonnable (Shomali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1, au paragraphe 12 [Shomali].
[12]
La question de savoir si la demanderesse a eu la possibilité de répondre constitue une question d’équité procédurale normalement examinée selon une norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43. Toutefois, une jurisprudence récente provenant de la Cour d’appel fédérale indique que la norme de contrôle fluctue en fonction des questions d’équité procédurale : Vavilov c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 132, au paragraphe 11. En l’espèce, comme j’ai conclu qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale, la norme de contrôle applicable ne changerait pas le résultat.
V.
Dispositions législatives
[13]
La demande visée par le contrôle en l’espèce a été reçue en 2013. Par conséquent, une version antérieure de l’article 2 du RIPR définissant le terme « enfant à charge »
était en vigueur. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :
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VI.
Analyse
A.
La décision est-elle raisonnable?
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Les demandeurs soutiennent que l’agent a fait fi des éléments de preuve qui démontrent que le demandeur était étudiant à temps plein après 2012, rendant ainsi la décision déraisonnable.
[15]
Comme les dispositions ci-dessus le démontrent, afin d’être considéré comme un « enfant à charge »
après l’âge de 22 ans, un demandeur ne doit pas avoir cessé d’être inscrit comme étudiant à temps plein avant l’âge de 22 ans.
[16]
Dans la décision Shomali, au paragraphe 17, la Cour a tenu compte de la définition des mots « n’a pas cessé »
dans le RIPR et a décidé qu’elle signifiait « de manière continue, sans interruption; de façon interrompue, sans arrêt »
. Dans la décision Shomali, bien que le demandeur ait été en congé pendant six mois pour des raisons militaires, la Cour a conclu que le demandeur avait cessé d’être inscrit à un programme d’études, et qu’il n’était par conséquent pas un enfant à charge.
[17]
En l’espèce, le demandeur a été étudiant à temps partiel pendant une décennie, ce qui ne correspond manifestement pas à la définition d’un « enfant à charge »
pour cette période. Bien qu’il ait commencé à étudier « quotidiennement »
en 2012 et qu’il semble avoir été inscrit à un programme d’études pour les années 2012-2013 et 2013-2014, il a pris un congé d’un an en 2014-2015, puis un autre au premier trimestre de 2015-2016. Ces congés ont été consignés dans son dossier scolaire officiel.
[18]
Il semble bien que l’agent n’a pas tenu compte du fait que le demandeur était inscrit aux études après 2012. Toutefois, même si cette preuve avait été prise en compte dans l’analyse, elle n’aurait pas changé le résultat puisque le demandeur n’a quand même pas pu prouver qu’il « n’avait pas cessé »
d’être inscrit en tant qu’étudiant à temps plein comme le RIPR l’exige en raison des congés suivants qu’il a pris tout au long des années 2014-2015 et 2015-2016. Par conséquent, l’agent avait raison, selon Shomali, de conclure que le demandeur avait cessé d’être inscrit à des études à temps plein.
[19]
Dans tous les cas, afin que l’erreur soit considérée comme une erreur susceptible de révision, elle doit « toucher le cœur de la décision »
(Castillo Mendoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 648, au paragraphe 24; Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 615, au paragraphe 23). En l’espèce, bien que la décision de l’agent n’indique pas que les éléments de preuve au-delà de 2011 ont été pris en considération, cette omission importe peu.
[20]
Les mêmes facteurs s’appliquent pour l’évaluation du statut d’étudiante de la demanderesse. Pendant plusieurs années (2007-2013), la demanderesse a suivi des cours du soir et n’était pas étudiante à temps plein. En outre, elle a pris un congé officiel à partir du deuxième trimestre de l’année 2014-2015, qui a duré tout au long du premier trimestre de l’année 2015-2016. L’agent a raisonnablement conclu que ces circonstances ne constituaient pas des études à temps plein ininterrompues, comme établi dans la décision Shomali.
[21]
Dans l’ensemble, l’affaire diffère de la décision Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 365 [Singh Gill]. Dans cette affaire, la Cour a conclu que le demandeur était un enfant à charge même si le demandeur, comme en l’espèce, a pris un congé d’études. Toutefois, dans la décision Singh Gill, le demandeur a pris de courts congés et n’a pas cessé ses études contrairement à la demanderesse et au demandeur en l’espèce.
[22]
Par conséquent, en fonction de la définition des mots « n’a pas cessé »
dans la décision Shomali, il était raisonnable que l’agent conclue que le demandeur et la demanderesse ne respectent pas la définition d’études ininterrompues leur permettant d’être considérés comme enfants à charge au sens du RIPR.
[23]
À mon avis, nonobstant l’erreur de l’agent de ne pas avoir tenu compte des éléments de preuve du demandeur après 2011, la décision de l’agent était néanmoins raisonnable.
B.
Y a-t-il eu un manquement à l’équité procédurale quant à la demanderesse?
[24]
La demanderesse soutient que l’agent aurait dû lui donner la possibilité d’expliquer les congés figurant à son dossier scolaire. La demanderesse s’appuie sur le manuel opérationnel de l’agent qui fait référence à un processus d’entrevue. La demanderesse soutient en outre qu’une lettre relative à l’équité soulevant les préoccupations particulières ainsi que les hypothèses de l’agent aurait dû être envoyée aux demandeurs.
[25]
Toutefois, l’agent n’avait pas de telles obligations en l’espèce. Dans la décision Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24, la Cour a précisé que, lorsque qu’une demande soulève une préoccupation quant à la loi elle-même, il n’y a aucune obligation de donner la possibilité à un demandeur de répondre aux préoccupations d’un agent.
[26]
Toutefois, lorsque les préoccupations se rapportent à la « nature crédible, exacte ou authentique »
des renseignements, une possibilité de répondre peut être accordée : Hamza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 264, au paragraphe 25; Ansari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 849, aux paragraphes 17 à 19.
[27]
Toutefois, l’agent n’a tiré aucune conclusion en l’espèce quant à la crédibilité de la demanderesse ou à la fiabilité des dossiers d’études qu’on lui a présentés. L’agent n’a fait qu’évaluer les éléments de preuve devant lui.
[28]
Les demandeurs s’appuient sur la décision Azizian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 379, aux paragraphes 20 à 24 (Azizian) pour soutenir l’idée selon laquelle l’agent aurait dû donner à la demanderesse la possibilité d’expliquer les congés figurant à son dossier scolaire. Dans la décision Azizian, la Cour a conclu que la lettre relative à l’équité procédurale envoyée au demandeur avait omis des détails médicaux pertinents que le demandeur aurait dû avoir la possibilité d’expliquer.
[29]
En l’espèce, puisqu’aucune lettre relative à l’équité procédurale n’a été envoyée à la demanderesse, cette affaire ne s’applique pas. L’affaire Azizian ne défend pas le principe qu’une lettre relative à l’équité procédurale doit être envoyée. Plutôt, elle confirme que, lorsqu’une telle lettre est donnée, elle doit présenter les préoccupations de l’agent afin que le demandeur puisse répondre en conséquence.
[30]
Toutefois, l’affaire diffère de la décision Azizian en ce sens que la demanderesse n’a pas obtenu la possibilité de répondre dès le départ. En l’espèce, l’agent n’a douté de la véracité d’aucun élément de preuve présenté par les demandeurs. L’agent n’a fait qu’appliquer les exigences du RIPR aux éléments de preuve de la demanderesse, et a évalué l’admissibilité des demandeurs comme « enfants à charge »
. Dans ce contexte, il n’y avait aucune obligation de donner à la demanderesse la possibilité d’expliquer ces éléments de preuve davantage.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1147-17
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
La demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent des visas est rejetée.
Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.
« Ann Marie McDonald »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 26e jour de septembre 2019
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-1147-17
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INTITULÉ :
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HAJAR AHANI, JAWAD AHANI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 7 décembre 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE MCDONALD
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DATE DES MOTIFS :
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Le 1er février 2018
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COMPARUTIONS :
John O. Grant
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POUR LES DEMANDEURS
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Christopher Ezrin
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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