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Date : 20180129


Dossier : IMM‑2177‑17

Référence : 2018 CF 90

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2018

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

OLUDEWA DEBORAH EMESIOBI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2018)

I.  Aperçu

[1]  La Cour d’appel fédérale dans Wong (Guardian) c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1049 (QL) au paragraphe 13 [Wong] a tenu qu’un agent des visas doit examiner « l’ensemble des circonstances », y compris « l’objectif à long terme du demandeur » (Wong, précitée, au paragraphe 13). Avant de décider qu’un demandeur n’est pas un vrai étudiant en raison du fait qu’un programme d’études ne correspond pas à la formation scolaire et aux antécédents professionnels d’une personne, un agent devrait examiner la preuve dans son ensemble, aussi bien qu’en profondeur, afin d’aborder dans ses motifs les intentions et motivations d’un demandeur pour étudier au Canada dans un domaine d’études souhaité.

[2]  L’agent doit parvenir à une décision raisonnable et une décision raisonnable ne doit pas être spéculative. La jurisprudence ne permet pas la spéculation; une décision acceptable doit être raisonnable.

[12] Il se peut que l’agent a été au courant de questions sous-jacentes soulevées par la demande. Cependant, la seule explication donnée pour le motif du refus, à savoir que le demandeur ne quitterait pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée en raison [traduction« de son parcours scolaire et de ses antécédents professionnels », n’est d’aucune aide, car l’agent ne précise pas ce qui est réellement problématique à propos des études ou de l’emploi.

Ogbuchi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 764 [Ogbuchi].)

II.  Nature de la question

[3]  La présente est une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c-27 [LIPR] d’une décision datant du 10 mai 2017, par un agent des visas (agent) au Haut-Commissariat du canada à Accra (Ghana), refusant la demande de permis d’études de la demanderesse.

III.  Les faits

[4]  La demanderesse, âgée de 41 ans, est une citoyenne du Nigéria.

[5]  Elle est mariée à son époux depuis 2004 et elle est la mère de quatre enfants. La famille réside actuellement au Nigéria.

[6]  La demanderesse a demandé un permis d’études le 16 septembre 2016. La demande avait été rejetée par un agent des visas le 9 décembre 2016, en raison de la conclusion de l’agent que les renseignements fournis par la demanderesse dans son plan d’études/sa déclaration d’intention n’étaient pas suffisants.

[7]  Le 3 février 2017, la demanderesse a présenté une deuxième demande de permis d’études. La demanderesse a été acceptée dans un programme d’études supérieures à plein temps dans la gestion des ressources humaines, avec un programme postsecondaire d’enseignement coopératif ou d’internat (Coop) au Conestoga College à Kitchener, en Ontario, du 8 mai 2017 au 16 décembre 2017. La demanderesse détient un diplôme en droit du Nigéria et travaille chez Sweetcrude Limited en tant qu’analyste de contrats pour les contrats de travail du secteur de l’industrie du pétrole et de l’essence depuis mai 2014.

IV.  La décision

[8]  Le 10 mai 2017, l’agent a rejeté la demande de permis d’études de la demanderesse étant donné qu’il était décidé que la demande ne satisfait pas aux exigences de la LIPR et de son Règlement. En vertu du paragraphe 11(1) de la LIPR, l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé en raison de l’objectif de sa visite.

[9]  Dans les notes dans le Système mondial de la gestion des cas [SMGC] qui accompagnaient la lettre de refus, l’agent a donné les raisons suivantes pour la décision :

Le refus antérieur est noté. Après un examen minutieux de la demande et des documents fournis à l’appui, le programme d’études au Canada ne semble pas se rapporter aux études antérieures et aux antécédents professionnels. La demanderesse n’a pas donné de raison convaincante pour les études au Canada. Il n’est pas évident pourquoi la demanderesse subirait les coûts des études dans son pays de résidence. Préoccupation que la demanderesse se sert du permis d’études comme moyen de faciliter l’entrée au Canada plutôt que l’avancement de ses études. En fonction des éléments de preuve fournis, je ne suis pas convaincu que la demanderesse est une vraie étudiante qui a l’intention de suivre ses études au Canada et qui partirait à la fin du séjour autorisé. Demande refusée.

V.  Les questions en litige

[10]  L’espèce soulève les questions suivantes :

  1. L’agent des visas a-t-il commis une erreur en refusant d’accorder un visa d’études à la demanderesse?

  2. L’agent a-t-il manqué à l’obligation de l’équité en n’offrant pas à la demanderesse la possibilité de répondre aux préoccupations soulevées?

[11]  La Cour conclut que « [l]a décision de l’agent est discrétionnaire, et ses conclusions portant sur le sérieux du projet d’études et son intention de quitter le Canada après ses études portent sur des questions de fait » (Mered c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 454 au paragraphe 12). La norme de contrôle applicable pour les conclusions de fait tirées par un agent des visas afin de délivrer un permis d’études est la norme de la décision raisonnable (Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 614 au paragraphe 19 [Dhillon]; Akomolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 472 au paragraphe 9).

[12]  Pour l’équité procédurale, la question de savoir si la demanderesse s’est vu refuser la possibilité de répondre sera examinée selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au paragraphe 43).

VI.  Dispositions pertinentes

[13]  Les dispositions suivantes de la LIPR et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR] sont pertinent à la décision de l’agent :

Le paragraphe 11(1) de la LIPR prévoit ce qui suit :

Visa et documents

Application before entering Canada

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

L’alinéa 216(1)(b) :

Délivrance du permis d’études

Issuance of Study Permits

Permis d’études

Study permits

216 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

216 (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

[…]

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

VII.  Observations des parties

A.  Observations de la demanderesse

[14]  Selon la demanderesse, la décision de l’agent est déraisonnable à l’égard des lignes directrices et de la LIPR. Elle soutient que l’agent a ignoré les éléments de preuve, comme il est indiqué dans les notes du SMGC, en concluant que la demanderesse n’est pas une étudiante de bonne foi. L’agent n’a fourni aucun motif pour expliquer pourquoi il n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé et la présente demande de contrôle judiciaire devrait donc être accueillie (Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 602 au paragraphe 34 [Patel]). « Ces motifs n’indiquent cependant pas pourquoi elle est arrivée à cette conclusion » (Adu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 2005 au paragraphe 20). La demanderesse soutient qu’il y avait des éléments de preuve dont l’agent était saisi, qui montrent, entre autres, qu’elle est déjà venue au Canada pour des vacances sans demeurer au-delà de la période de séjour autorisée. Elle a également démontré des liens étroits avec son pays de résidence (c’est-à-dire un époux et quatre enfants mineurs au Nigéria).  Étant donné que l’agent n’a pas pris ce facteur en considération, la décision devrait être annulée (Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1493 au paragraphe 18 [Zhang]; Zuo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 88 au paragraphe 31 [Zuo].

[15]  Afin d’évaluer la bonne foi d’un étudiant, le guide « OP 12 Étudiants » [OP 12], section 5.15, fourni par Citoyenneté et Immigration Canada indique que :

La bonne foi de tous les étudiants doit être évaluée au cas par cas; […]. Si un agent veut tenir compte d’informations complémentaires, plus particulièrement de celles qui soulèvent des doutes ou des inquiétudes quant à la bonne foi du demandeur, il doit en informer ce dernier et lui offrir l’occasion de régler la question. […] Il incombe, comme toujours, au demandeur de prouver à l’agent qu’il n’a pas l’intention d’immigrer et qu’il est un visiteur de bonne foi qui quittera le Canada à la fin de ses études, aux termes de l’article R216(1)b). […] En évaluant une demande, un agent doit toujours prendre en considération :

• la durée du séjour au Canada;

• les moyens de subsistance;

lles obligations et les liens au pays d’origine;

• la probabilité que le demandeur quittera le Canada si une demande de résidence permanente est refusée;

• le respect des exigences de la Loi et de son Règlement.

[Non souligné dans l’original.]

[16]  La demanderesse soutient également que l’agent n’a pas fourni d’explications pourquoi il a conclu que le programme d’études prévu au Canada n’était pas conforme à ses études antérieures et à ses antécédents professionnels (Ogbuchi, précitée, au paragraphe 12). Il est présenté dans la preuve que la demanderesse était employée en tant qu’analyste de contrats chez Sweetcrude Limited au Nigéria. Il y avait également une lettre de son employeur expliquant que la demanderesse serait plus précieuse pour l’entreprise à la fin de son programme d’études au Canada. La demanderesse a également indiqué dans sa déclaration d’intention qu’elle travaille en collaboration avec l’équipe des Ressources humaines et qu’elle est motivée à poursuivre un autre cheminement de carrière afin de devenir consultante agréée des ressources humaines au Nigéria.

Mon expérience de travailler étroitement avec l’équipe des RH dans les 2 dernières années a motivé mon intérêt significatif dans la gestion des ressources humaines en tant que cheminement alternatif de carrière. Au Nigéria et globalement, la gestion stratégique et des ressources humaines font partie des indices principaux pour évaluer le rendement organisationnel, la croissance et la durabilité de la majorité des entreprises florissantes. Il existe un besoin accru de professionnels des RH formés et qualifiés au Nigéria et l’échelle de rémunération est très impressionnante. Ce qui a renforcé ma décision de renforcer mes qualifications dans le domaine des études et d’améliorer mes compétences professionnelles pour ce domaine recherché.

(dossier certifié du tribunal [DCT], déclaration de l’intention de la demanderesse en date du 23 janvier 2017, p. 13).

[17]  La demanderesse soutient en outre qu’il n’est pas inhabituel qu’une personne cherche à faire carrière dans un autre métier ou domaine étant donné le changement continu du climat économique mondial. Il n’est donc pas raisonnable que l’agent tire la conclusion que la demanderesse n’est pas une vraie étudiante au motif qu’elle souhaite acquérir des connaissances dans un nouveau domaine ou métier pour lequel elle a une passion et une motivation. « [L] » agent des visas a compétence, même dès la première demande d’un tel visa, pour examiner l’ensemble des circonstances, y compris l’objectif à long terme du demandeur » (Wong, précitée, au paragraphe 13). L’agent a ignoré le plan d’études de la demanderesse, ses objectifs généraux en matière d’études, les motifs de son choix du programme et comment son choix améliorerait ses possibilités d’emploi ou professionnelles.

[18]  Enfin, la demanderesse soutient qu’on lui a refusé les principes de justice naturelle étant donné qu’elle n’a pas eu la possibilité de répondre aux préoccupations de l’agent, comme il est énoncé dans la directive de l’OP 12.  L’agent n’a jamais informé la demanderesse de ses préoccupations concernant le lien entre son emploi au Nigéria et les études qu’elle a l’intention de suivre au Canada (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au paragraphe 25).

B.  Observations du défendeur

[19]  Le défendeur, d’autre part, soutient que la décision de l’agent est raisonnable. Il soutient que dans Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 [Solopova], la Cour a maintenu qu’il était raisonnable que l’agent des visas conclue que les antécédents académiques de la demanderesse « ne correspondaient pas » à son domaine d’études envisagé au Canada (Solopova, précitée, au paragraphe 25).

[20]  Le défendeur soutient que notre Cour a également maintenu qu’il était raisonnable que l’agent des visas soulève des préoccupations concernant le changement de carrière du demandeur (Noor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 442 aux paragraphes 9 et 10). Il incombe au demandeur qui demande un permis d’études de convaincre l’agent des visas qu’il ou elle quittera le Canada à la fin du séjour autorisé (Patel, précitée, au paragraphe 12). Malgré les explications de la demanderesse dans sa déclaration d’intention, il était raisonnable pour l’agent de conclure que les études que la demanderesse avait prévu de suivre ne correspondent pas à ses études antérieures ni à ces antécédents professionnels.

[21]  Enfin, le défendeur soutient que l’agent n’a pas d’obligation de faire part de ses préoccupations au demandeur avant de rendre une décision (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 526 au paragraphe 52 [Singh]).

[22]  Les agents sont présumés avoir considéré l’ensemble de la preuve et ne sont pas tenus de référer à chaque élément qui la compose dans leurs motifs (Solopova, précitée, au paragraphe 28). Selon le défendeur, « la preuve fournie ne satisfait pas l’obligation fondamentale d’établir que le demandeur quittera à la fin du séjour autorisé » (De la Cruz Garcia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 784 au paragraphe 12 [De la Cruz Garcia]).

C.  Réponse

[23]  La demanderesse soutient que les arguments du défendeur ne font que l’écho de la décision de l’agent et ses motifs énoncés dans les notes du SMGC.

[24]  Selon la demanderesse, il est déplacé que le défendeur s’appuie sur Solopova et De La Cruz Garcia, précitées.

[25]  Contrairement à ce que soutient le défendeur, la demanderesse déclare que les documents à l’appui de sa demande étaient clairs et directs, par conséquent, l’intention de la demanderesse n’a jamais été de fournir une autre explication des éléments de preuve afin de l’interpréter différemment.

VIII.  Discussion

[26]  Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

A.  L’agent des visas a-t-il commis une erreur en refusant d’accorder un visa d’études à la demanderesse?

[27]  En fonction des éléments de preuve présentée par la demanderesse, la Cour conclut que l’agent a commis une erreur dans un seul aspect qui était critique à la décision et qui l’a rendue déraisonnable en accordant un visa d’études à la demanderesse pour le motif suivant :

L’agent n’a pas expliqué comment le programme d’études au Canada ne correspond pas à ses études antérieures et à ses antécédents professionnels;

[28]  Il incombe au demandeur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée (Dhillon, précitée, au paragraphe 41). « Bien que le fardeau de la preuve incombe au demandeur, la décision de l’agente selon laquelle le demandeur ne pouvait pas être considéré comme un véritable visiteur doit être fondée sur certains éléments de preuve, faute de quoi elle sera manifestement déraisonnable » (Zuo, précitée au paragraphe 12). En l’espèce, la demanderesse a fait de son mieux pour s’acquitter de ce fardeau en fournissant des éléments de preuve, aussi bien que des motifs, à l’agent, pourquoi elle devrait retourner à son pays de résidence à Nigéria (Zhang, précitée, au paragraphe 22). Plus précisément, la demanderesse a présenté des éléments de preuve que (i) elle est mariée, a quatre enfants mineurs au Nigéria; (ii) elle travaille pour un employeur qui attend qu’elle retourne à la fin de ses études; (iii) elle est financièrement stable et capable de financer ses études avec l’aide de son époux et de son beau-frère; (iv) elle a également des obligations dans son pays d’origine étant donné qu’elle et son époux possèdent des bandes de terre au Nigéria.

[29]  La Cour conclut que la décision de l’agent manquait de justification. En fait, la demanderesse a présenté sa déclaration d’intention où elle explique clairement pourquoi elle a choisi d’étudier au Canada le programme de la gestion des ressources humaines au Conestoga College, en raison de ses antécédents professionnels et ses études :

Je travaille en collaboration avec l’équipe des Ressources humaines à structurer et évaluer les contrats liés au recrutement, à la rémunération, à la compensation, à la formation et au développement des fournisseurs de service indigènes. […] Mon diplôme de premier cycle m’a donné des fortes aptitudes d’analyse, de relations interpersonnelles et d’organisation et je crois que c’est un excellent tremplin pour me propulser dans la nouvelle carrière que j’ai choisie. [Non souligné dans l’original]

[…] Ma décision de poursuivre un certificat de deuxième cycle en gestion des ressources humaines au Canada est due à la qualité excellente du système d’éducation qui compte parmi les meilleurs du monde. Suivre ce programme au Canada servira également à accélérer l’acquisition d’une qualification officielle dans le domaine des études de la gestion des ressources humaines en une année, contrairement à de nombreuses écoles au Nigéria où le programme prend plus de temps à achever en raison surtout des actions de grève fréquentes dans le domaine de l’éducation »

(DCT, déclaration de l’intention de la demanderesse en date du 23 janvier 2017, p. 13).

[30]  Ce témoignage contredit la conclusion de l’agent qui affirme que « le programme d’études au Canada ne semble pas se rapporter aux études antérieures et aux antécédents professionnels » et que « la demanderesse n’a pas donné de raison convaincante pour les études au Canada ».

[31]  La Cour d’appel fédérale dans Wong, précitée, a tenu qu’un agent des visas doit examiner « l’ensemble des circonstances », y compris « l’objectif à long terme du demandeur » (Wong, précitée, au paragraphe 13). Avant de décider qu’un demandeur n’est pas un vrai étudiant en raison du fait qu’un programme d’études ne correspond pas à la formation scolaire et aux antécédents professionnels d’une personne, un agent devrait examiner la preuve dans son ensemble, aussi bien qu’en profondeur, afin d’aborder dans ses motifs les intentions et motivations d’un demandeur pour étudier au Canada dans un domaine d’études souhaité.

[32]  L’agent doit parvenir à une décision raisonnable et une décision raisonnable ne doit pas être spéculative. La jurisprudence ne permet pas la spéculation; une décision acceptable doit être raisonnable.

[12] Il se peut que l’agent a été au courant de questions sous-jacentes soulevées par la demande. Cependant, la seule explication donnée pour le motif du refus, à savoir que le demandeur ne quitterait pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée en raison [traduction] « de son parcours scolaire et de ses antécédents professionnels », n’est d’aucune aide, car l’agent ne précise pas ce qui est réellement problématique à propos des études ou de l’emploi.

(Ogbuchi, précitée).

B.  L’agent a-t-il manqué à l’obligation de l’équité en n’offrant pas à la demanderesse la possibilité de répondre aux préoccupations soulevées?

[33]  Enfin, la Cour est d’accord avec le défendeur que l’agent n’avait aucune obligation d’informer la demanderesse de ses préoccupations avant de rendre une décision (Singh, précitée, au paragraphe 52). Il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale de la part de l’agent; toutefois, la décision n’avait pas la justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

[34]  Dans Fakharian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 440 au paragraphe 13, la Cour a également conclu que la décision de l’agent était déraisonnable pour les motifs indiqués ci-après :

M. Fakharian a expliqué que bien qu’il ait déjà obtenu un diplôme universitaire dans son domaine, il existe au Canada des collèges qui dispensent une formation « pratique », appliquée, qui diffère des études théoriques qu’il a suivies en Iran.  L’employeur de M. Fakharian a expliqué que la société avait besoin de professionnels formés à l’étranger pour l’aider dans son projet d’expansion.  Si nous savons que l’agente a conclu que cette explication n’était pas convaincante, nous ne savons pas pourquoi, et par conséquent, la décision manque de justification, de transparence et d’intelligibilité que commande, à ce sujet, une décision raisonnable.

[35]  Dans Ogbuchi, précitée, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a conclu ce qui suit :

[12] Il se peut que l’agent a été au courant de questions sous-jacentes soulevées par la demande. Cependant, la seule explication donnée pour le motif du refus, à savoir que le demandeur ne quitterait pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée en raison [traduction] « de son parcours scolaire et de ses antécédents professionnels », n’est d’aucune aide, car l’agent ne précise pas ce qui est réellement problématique à propos des études ou de l’emploi.

[13] En d’autres termes, il aurait été parfaitement justifié que l’agent fonde son refus sur l’un des motifs, mais celui-ci devait indiquer, avec un minimum de clarté, ce qu’ils étaient.  Les motifs d’un agent des visas n’ont pas à être parfaitement clairs, mais ils doivent « [permettre] à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au paragraphe 16). Lorsque, comme en l’espèce, les motifs sont insuffisants au point de rendre la décision injustifiée et inintelligible, et que, par conséquent, la conclusion n’appartient pas aux issues possibles acceptables, la décision doit être examinée et renvoyée pour nouvel examen.

[36]  Vu les motifs de l’agent, la Cour ne peut conclure que la décision rendue appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

IX.  Conclusion

[37]  La demande de contrôle judiciaire est accordée.


JUGEMENT dans IMM‑2177‑17

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre agent pour une nouvelle décision. Aucune question grave de portée générale n’est à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


DOSSIERS :

IMM‑2177‑17

 

INTIULÉ :

OLUDEWA DEBORAH EMESIOBI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

À Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 janvier 2018

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE SHORE

 

DATE DU JUGEMENT :

LE 29 JANVIER 2018

 

COMPARUTIONS :

Me Florence Thomas

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Nicole Rahaman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Florence Thomas Law Firm

Waterloo (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

TORONTO (ONTARIO)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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