Date : 20180130
Dossier : IMM-2581-17
Référence : 2018 CF 93
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2018
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
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SALMAN HERSI ABDI
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
La mémoire institutionnelle et le renouvellement constant de l’information, attributs propres à un tribunal spécialisé, sont la raison même de l’existence d’un tel tribunal. L’évaluation de la crédibilité d’une partie, qui repose dans chaque cas sur les dossiers d’information et le savoir accumulé concernant un pays donné, découle de centaines de pages réparties dans divers classeurs, de demandes de communication de documents publics, d’une formation professionnelle sans cesse mise à contribution pour accroître la compréhension des événements propres à un pays, de ses groupes ethniques, de sa religion ou de ses religions, de ses coutumes, de ses traditions, de sa géographie, de sa politique, de son économie, de son niveau de vie, de sa structure gouvernementale, de ses associations ou groupements publics, officiels ou non, ainsi que des autres associations, groupements militaires ou paramilitaires, et factions rivales, le cas échéant.
Cette connaissance d’une foule de références, d’un lexique de mots et expressions et d’une galerie de portraits (outre une évaluation de la fiabilité des rapports venant du pays lui-même ainsi que d’autres pays, sans compter les organisations gouvernementales ou non gouvernementales) est donc une connaissance acquise par l’expérience, une connaissance au dépositaire de laquelle une compétence est conférée pour cette raison précise.
La Cour ne prétend pas posséder une telle connaissance. [...] Les tribunaux spécialisés sont établis pour des raisons pratiques évidentes, pour faire en sorte que ses membres constituent un bassin de spécialistes. Cette spécialisation n’est pas différente de celle des techniciens en sécurité, dans une industrie pour laquelle il existe des tribunaux spécialisés (plus souvent compris dans un contexte industriel que dans le présent contexte, mais néanmoins de même nature). La spécialisation dans ces domaines ne se rapporte pas à des connaissances générales, mais plutôt à une mémoire institutionnelle, à une information et à une formation, fonctions dans le contexte desquelles de tels tribunaux spécialisés sont établis et investis d’une compétence. Les juges ne sont pas formés, ni équipés pour l’exercice de fonctions aussi spécialisées, et c’est la raison pour laquelle ils s’en rapportent, de par la loi, à des tribunaux spécialisés.
Par conséquent, tout ce que la Cour peut faire, c’est examiner la demande de contrôle judiciaire et, lorsque la chose est appropriée, analyser la situation et certifier une question, mais, si l’affaire requiert d’être réévaluée, elle ne peut être renvoyée qu’au tribunal spécialisé qui a jugé l’affaire au départ; une procédure de contrôle judiciaire ne saurait donc être convertie en un appel et la Cour ne saurait rendre jugement comme s’il s’agissait d’un appel.
(Zheng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 673, au paragraphe 1 [Zheng].)
[1]
La raison pour laquelle la Cour renvoie le présent dossier à la Section de la protection des réfugiés pour un nouvel examen repose sur un examen de la preuve erroné et hors contexte, comme je l’expliquerai ci-dessous dans mon jugement.
II.
Nature de l’affaire
[2]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission), datée du 18 mai 2017, par laquelle elle a rejeté la demande d’asile du demandeur après avoir jugé qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97(1) de la LIPR.
III.
Exposé des faits
[3]
Le demandeur, âgé de 20 ans, affirme être un citoyen de la Somalie et venir de la ville de Mogadiscio.
[4]
Le demandeur prétend appartenir au sous-clan Hawiye, qui appartient au clan Murusade.
[5]
Le demandeur a vécu à Mogadiscio jusqu’au 5 juin 2009, puis a fui au Kenya avec sa famille (ses parents et leurs deux autres enfants) en raison de la guerre civile en Somalie. Ils ont vécu dans le camp de réfugiés de Dadaab, au Kenya. Le demandeur a ensuite déménagé à Nairobi pour aller vivre avec son cousin.
[6]
Le demandeur craint la persécution en Somalie en raison de la présence du groupe Al Chabaab. Il affirme avoir été victime de discrimination de la part de certains groupes et des autorités policières au Kenya, qui sont hostiles aux Somaliens à cause d’Al Chabaab. En juin 2014, le demandeur prétend avoir été poignardé à la cuisse lors d’une manifestation au Kenya contre les réfugiés somaliens.
[7]
Le 19 novembre 2015, le demandeur a décidé de rentrer à Mogadiscio. Sa famille était revenue à Mogadiscio en mars 2015, après le décès de son père le 2 février 2015. Le demandeur aurait raconté à ses amis de Mogadiscio les incidents survenus au Kenya à la suite des attaques du groupe Al Chabaab. Le lendemain, il affirme avoir reçu un appel d’un interlocuteur anonyme qui l’a menacé de représailles s’il continuait à dénigrer Al Chabaab.
[8]
Le 25 novembre 2015, le demandeur est reparti au Kenya. Devant les intentions du gouvernement kenyan de rapatrier les réfugiés en Somalie, il a senti qu’il n’était dorénavant plus en sécurité au Kenya, et a par conséquent fait l’acquisition d’un faux passeport, et est arrivé aux États-Unis le 17 novembre 2016.
[9]
Le 28 février 2017, le demandeur a demandé l’asile à la frontière canado-américaine, affirmant craindre l’interdiction de territoire décrétée par le président Trump à l’égard des réfugiés. Le demandeur réside depuis au Canada.
IV.
Décision
[10]
Le 18 mai 2017, la Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile du demandeur. Le tribunal n’était pas convaincu qu’il existait une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté, ou qu’il soit personnellement exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, s’il devait retourner en Somalie.
[11]
Plus précisément, le tribunal a tiré des conclusions sur les questions suivantes : la crédibilité, l’identité et la possibilité de refuge intérieur. La Section de la protection des réfugiés a reconnu que le demandeur était d’origine ethnique somalienne, mais a estimé que celui-ci n’avait pas établi qu’il n’avait pas obtenu une autre nationalité, par exemple la nationalité kényane. La Section de la protection des réfugiés a souligné dans ses motifs qu’il incombait au demandeur de fournir des documents acceptables pour établir son identité. Même si la Section de la protection des réfugiés a reconnu que le demandeur vivait au Kenya avant d’arriver aux États-Unis, elle n’était pas convaincue que le demandeur n’avait pas reçu une autre nationalité au Kenya.
[12]
Le tribunal a tiré une inférence défavorable concernant la crédibilité du demandeur, parce qu’il a affirmé en audience qu’il ne connaissait pas son statut au Kenya. Le tribunal a indiqué dans ses motifs que le demandeur aurait pu demander à sa mère ou aux autorités kényanes quel était son statut au Kenya, ce qu’il n’a pas fait. Le tribunal a aussi conclu que le demandeur manquait de crédibilité et de vraisemblance relativement à l’incident survenu en 2015, lorsqu’un individu l’aurait appelé et menacé en l’accusant d’être un espion à la solde du gouvernement somalien ou kényan. Le tribunal a conclu que le demandeur avait exagéré les faits pour donner un fondement à sa demande d’asile.
[13]
Enfin, pour déterminer s’il existait une possibilité de refuge intérieur viable, le tribunal a pris en considération le fait que le demandeur appartenait au clan majoritaire des Hawiye, et n’a pu conclure qu’il serait persécuté à Mogadiscio. Le tribunal a ensuite souligné que des membres de la famille du demandeur vivaient à Mogadiscio, et que rien n’indiquait que ces personnes aient été pris pour cible par Al Chabaab à Mogadiscio. Le tribunal a bien pris en compte le fait que le demandeur pourrait être considéré comme occidentalisé à son retour en Somalie. Toutefois, le tribunal a conclu que le demandeur ne serait pas pris pour cible par Al Chabaab parce qu’il serait un [traduction] « espion à la solde du gouvernement »
ou un jeune, en soulignant que Al Chabaab ne contrôle pas Mogadiscio. Par ailleurs, comme la famille du demandeur habite à Mogadiscio, le tribunal a estimé qu’il n’aurait pas de difficulté à trouver un emploi ou un logement à Mogadiscio.
V.
Questions
[14]
La présente affaire soulève les questions suivantes :
La Section de la protection des réfugiés a-t-elle manqué à son obligation de respecter les principes de justice naturelle en n’avisant pas le demandeur qu’elle examinerait la question de la possibilité de refuge intérieur?
La Section de la protection des réfugiés a-t-elle tiré des conclusions raisonnables concernant les questions touchant à l’identité, à la crédibilité et à la possibilité de refuge intérieur?
[15]
La Cour estime que la norme de contrôle applicable à la première question est celle de la décision correcte. Le droit de recevoir un avis est une question d’équité procédurale et la Commission a l’obligation de signifier au demandeur, dans une audience sur le statut de réfugié, ce qu’elle estime être les questions susceptibles d’être déterminantes (Turton c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1244, au paragraphe 25; Gomes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 419, au paragraphe 7).
[16]
En ce qui concerne la seconde question, la question de savoir si le demandeur a démontré une crainte fondée de persécution est une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La norme de la décision raisonnable s’applique aussi aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés sur l’identité et la crédibilité, ainsi que sur la protection offerte par l’État (Csonka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1056, au paragraphe 56 [Csonka]; Bazelais c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 316, au paragraphe 36). Par conséquent, la Cour ne peut intervenir que si les motifs de la Section de la protection des réfugiés ne sont pas justifiés, transparents ou intelligibles. Pour satisfaire à ce critère, une décision doit appartenir aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
(Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).
VI.
Dispositions pertinentes
[17]
L’article 96 et le paragraphe 97(1) de la LIPR prévoient ce qui suit :
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VII.
Observations des parties
A.
Observations du demandeur
[18]
D’après le demandeur, la Section de la protection des réfugiés a manqué à son obligation de respecter les principes de la justice naturelle en ne l’informant pas que la question d’une possibilité de refuge intérieur serait prise en considération. Le demandeur n’a pas eu la possibilité de s’exprimer sur la question de la possibilité de refuge intérieur en audience. Le demandeur rappelle qu’au début de l’audience, la Section de la protection des réfugiés n’a pas évoqué la question de la possibilité de refuge intérieur, et qu’aucune question n’a été posée au demandeur pendant toute l’audience sur la possibilité de refuge intérieur, ni sur Mogadiscio comme lieu possible de refuge (transcription du dossier certifié du tribunal [DCT], pages 256 et 257). Il est aussi souligné qu’avant les observations orales, l’avocat n’a pas non plus été avisé par la Section de la protection des réfugiés de la possibilité que soit soulevée la question de la protection offerte par l’État.
[19]
Le demandeur soutient que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en affirmant que Mogadiscio pourrait présenter une possibilité de refuge intérieur pour le demandeur. En fait, la Section de la protection des réfugiés n’a pas tenu compte de la preuve documentaire sur les conditions dangereuses dans cette ville. La Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en indiquant dans ses motifs qu’à Mogadiscio, « le groupe Al Chabaab ne vise pas la population en général, mais plutôt les politiciens, les journalistes, la police et les forces de sécurité »
(Motifs et décision de la Section de la protection des réfugiés, au paragraphe 43). Le demandeur soutient qu’il existe en fait des éléments de preuve documentaire émanant de la Section de la protection des réfugiés et qui contredisent ce constat.
[20]
Le demandeur affirme aussi que la Section de la protection des réfugiés a effectué une analyse trop minutieuse. Par exemple, la Section de la protection des réfugiés n’a accordé aucune importance à une lettre de l’école du demandeur au Kenya, au motif qu’elle ne portait pas le numéro d’identification de l’école. Non seulement cette conclusion est-elle remise en doute, mais la Section de la protection des réfugiés a aussi accordé beaucoup d’importance à des détails mineurs pour y déceler des incohérences. « La Cour a statué que la Commission ne doit pas se concentrer sur quelques erreurs : Attakora, précité »
(Dong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 55, au paragraphe 27 [Dong]), mais doit examiner le dossier dans son ensemble. « En effet, il en résulte alors une analyse microscopique inadmissible des éléments de preuve »
(Dong, précité, au paragraphe 27).
[21]
Il est aussi soutenu que la conclusion de la Section de la protection des réfugiés sur l’identité, fondée sur des attentes et des hypothèses concernant le fait que le demandeur n’avait pas de document officiel du Kenya, ne correspond pas à la preuve documentaire, ce qui laisse croire que la Commission a écarté les éléments de preuve objectifs. Les éléments de preuve documentaire indiquent clairement que de nombreux Somaliens au Kenya sont sans papiers et non inscrits, et que ce ne sont pas tous les réfugiés qui ont reçu des pièces d’identité en raison de problèmes de distribution. Pour ces motifs, le demandeur avance, en s’appuyant sur les éléments de preuve objectifs, que la Commission a commis une erreur en imposant au demandeur un fardeau de preuve déraisonnable, et en lui demandant d’établir son statut de réfugié, sans tenir compte des difficultés à obtenir des documents légitimes en Somalie, ce que précisent clairement les documents sur les conditions dans le pays.
[22]
Enfin, sur la question de la crédibilité, le demandeur affirme que la Commission doit tenir compte de tous les aspects de la revendication, même si certains aspects ne sont pas crédibles. La Commission doit aussi se garder d’arriver à une conclusion contraire à la prépondérance de la preuve pertinente (Salamat c Canada (Commission d’appel de l’immigration), [1989] ACF no 213 (QL); Xu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF no 810 (QL); Djama c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF no 531 (QL)).
B.
Observations du défendeur
[23]
Le défendeur, quant à lui, affirme que la Section de la protection des réfugiés n’a pas manqué à son obligation de respecter les principes de justice naturelle, puisqu’elle n’était pas tenue d’informer le demandeur. Il incombait au demandeur de présenter tous les éléments de preuve pertinents pour établir qu’il ne disposerait d’aucune possibilité de refuge intérieur, d’autant plus que l’existence ou non d’une possibilité de refuge intérieur est au cœur de la définition de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger. Quant au caractère raisonnable de la conclusion sur la possibilité de refuge intérieur, le défendeur soutient qu’il revenait au demandeur de démontrer qu’il n’avait pas de possibilité de refuge intérieur. La preuve documentaire, à laquelle renvoie le demandeur dans son mémoire des arguments, ne corrobore pas l’idée qu’Al Chabaab ciblait des individus présentant le profil du demandeur. Ainsi, la Commission n’a pas commis d’erreur en tirant la conclusion qu’il n’existait aucun élément de preuve indiquant qu’il serait déraisonnable que le demandeur s’installe à Mogadiscio, vu son profil (âge, appartenance au clan majoritaire).
[24]
Le défendeur affirme aussi que la Section de la protection des réfugiés n’a pas commis d’erreur dans ses constats sur la crédibilité et l’identité. Le défendeur soutient que, selon la LIPR et son Règlement, l’absence de documents acceptables sans explication raisonnable, ou le défaut de prendre des mesures raisonnables pour les obtenir, constitue un facteur décisif dans l’évaluation de la crédibilité d’un demandeur.
[25]
Il était aussi raisonnable que la Section de la protection des réfugiés n’accorde pas d’importance à la lettre de l’école du demandeur pour établir son identité. Selon le défendeur, la lettre affirmait simplement que le demandeur avait fréquenté l’école au Kenya.
[26]
Enfin, il était raisonnable que la Section de la protection des réfugiés juge que le fait que le demandeur n’ait pas demandé l’asile aux États-Unis et qu’il ait tardé à se rendre au Canada minait ses allégations de crainte subjective. Les explications du demandeur à ce sujet étaient aussi peu vraisemblables.
C.
Réponse
[27]
Le demandeur réitère que la Commission est tenue d’informer les demandeurs d’asile qu’elle se penchera sur la question de la possibilité de refuge intérieur.
[I]l appartient au ministre ou à la Commission d’avertir le demandeur si la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays doit être soulevée. [...] Par conséquent, il n’est pas permis au ministre ou à la Commission d’alléguer à l’improviste contre le demandeur la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays sans lui donner avis que cette question sera soulevée à l’audience.
(Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (QL), au paragraphe 10 [Thirunavukkarasu].)
[O]n ne peut s’attendre à ce que le demandeur de statut soulève la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays ni à ce qu’on puisse simplement déduire de la demande elle-même la prétention que cette possibilité est inexistante. La question doit être expressément soulevée lors de l’audience par l’agent d’audience ou par la Commission, et le demandeur doit avoir l’occasion d’y répondre en présentant une preuve et des moyens. [Gras ajouté par le demandeur.]
(Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (QL), au paragraphe 9 [Rasaratnam].
[28]
Le demandeur affirme aussi que le défendeur a mal interprété les propos du demandeur en affirmant que la preuve documentaire n’indiquait pas que le groupe Al Chabaab ciblait expressément les personnes présentant le même profil que le demandeur. Le demandeur rétorque qu’il était simplement déraisonnable que la Section de la protection des réfugiés, un tribunal spécialisé, affirme que le groupe Al Chabaab ne vise pas la population en général, mais plutôt les politiciens, les journalistes, la police et les forces de sécurité. Cette seule méconnaissance de la preuve objective contredit manifestement la preuve documentaire.
VIII.
Discussion
[29]
Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.
A.
La Section de la protection des réfugiés a-t-elle manqué à son obligation de respecter les principes de justice naturelle en n’avisant pas le demandeur qu’elle examinerait la question de la possibilité de refuge intérieur?
[30]
La Cour estime que la Section de la protection des réfugiés a manqué à son devoir de respecter les principes de justice naturelle en ne donnant pas au demandeur la possibilité de présenter des éléments de preuve concernant la question de la possibilité de refuge intérieur. La Cour d’appel fédérale a conclu que « [le] demandeur du statut de réfugié bénéficie des principes de justice naturelle devant la section du statut »
(Thirunavukkarasu, précitée, au paragraphe 10). La Cour se rallie aux observations en réponse du demandeur, affirmant ce qui suit :
Le droit d’un demandeur du statut de réfugié d’être avisé de la preuve réunie contre lui est extrêmement important lorsque ce demandeur peut être requis de réfuter l’allégation du ministre en prouvant qu’il n’existe pas vraiment de possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Par conséquent, il n’est pas permis au ministre ou à la Commission d’alléguer à l’improviste contre le demandeur la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays sans lui donner avis que cette question sera soulevée à l’audience.
(Thirunavukkarasu, précitée, au paragraphe 10.)
[31]
Comme la Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur ne risquerait pas la persécution s’il retournait en Somalie, elle n’a pas avisé le demandeur avant l’audience, ni soulevé la question de la possibilité de refuge intérieur durant l’audience, ce qui aurait permis au demandeur de fournir des éléments de preuve à l’appui de sa demande d’asile. Même si le fardeau de la preuve incombe au demandeur, « on ne peut s’attendre à ce que le demandeur de statut soulève la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays ni à ce qu’on puisse simplement déduire de la demande elle-même la prétention que cette possibilité est inexistante. La question doit être expressément soulevée lors de l’audience par l’agent d’audience ou par la Commission, et le demandeur doit avoir l’occasion d’y répondre en présentant une preuve et des moyens ».
(Rasaratnam, précitée, au paragraphe 9) [Non souligné dans l’original.]
B.
La Section de la protection des réfugiés a-t-elle tiré des conclusions raisonnables concernant les questions touchant à l’identité, à la crédibilité et à la possibilité de refuge intérieur?
La mémoire institutionnelle et le renouvellement constant de l’information, attributs propres à un tribunal spécialisé, sont la raison même de l’existence d’un tel tribunal. L’évaluation de la crédibilité d’une partie, qui repose dans chaque cas sur les dossiers d’information et le savoir accumulé concernant un pays donné, découle de centaines de pages réparties dans divers classeurs, de demandes de communication de documents publics, d’une formation professionnelle sans cesse mise à contribution pour accroître la compréhension des événements propres à un pays, de ses groupes ethniques, de sa religion ou de ses religions, de ses coutumes, de ses traditions, de sa géographie, de sa politique, de son économie, de son niveau de vie, de sa structure gouvernementale, de ses associations ou groupements publics, officiels ou non, ainsi que des autres associations, groupements militaires ou paramilitaires, et factions rivales, le cas échéant.
Cette connaissance d’une foule de références, d’un lexique de mots et expressions et d’une galerie de portraits (outre une évaluation de la fiabilité des rapports venant du pays lui-même ainsi que d’autres pays, sans compter les organisations gouvernementales ou non gouvernementales) est donc une connaissance acquise par l’expérience, une connaissance au dépositaire de laquelle une compétence est conférée pour cette raison précise.
La Cour ne prétend pas posséder une telle connaissance. [...] Les tribunaux spécialisés sont établis pour des raisons pratiques évidentes, pour faire en sorte que ses membres constituent un bassin de spécialistes. Cette spécialisation n’est pas différente de celle des techniciens en sécurité, dans une industrie pour laquelle il existe des tribunaux spécialisés (plus souvent compris dans un contexte industriel que dans le présent contexte, mais néanmoins de même nature). La spécialisation dans ces domaines ne se rapporte pas à des connaissances générales, mais plutôt à une mémoire institutionnelle, à une information et à une formation, fonctions dans le contexte desquelles de tels tribunaux spécialisés sont établis et investis d’une compétence. Les juges ne sont pas formés, ni équipés pour l’exercice de fonctions aussi spécialisées, et c’est la raison pour laquelle ils s’en rapportent, de par la loi, à des tribunaux spécialisés.
Par conséquent, tout ce que la Cour peut faire, c’est examiner la demande de contrôle judiciaire et, lorsque la chose est appropriée, analyser la situation et certifier une question, mais, si l’affaire requiert d’être réévaluée, elle ne peut être renvoyée qu’au tribunal spécialisé qui a jugé l’affaire au départ; une procédure de contrôle judiciaire ne saurait donc être convertie en un appel et la Cour ne saurait rendre jugement comme s’il s’agissait d’un appel.
(Zheng, précitée, au paragraphe 1)
[32]
La Cour estime que la décision de la Section de la protection des réfugiés est déraisonnable dans ses aspects portant sur la crédibilité, l’identité et la possibilité de refuge intérieur, parce que le tribunal n’a pas pris en considération les éléments de preuve objectifs et n’a pas correctement évalué la preuve. Pour établir qu’il existe une crainte fondée de persécution, la Section de la protection des réfugiés doit examiner les éléments de preuve subjectifs et objectifs. « Une demande d’asile valide comporte à la fois un élément de crainte subjective et un élément de crainte objective »
(Csonka, au paragraphe 3). Même si la décision pourrait très bien demeurer la même si elle était renvoyée pour un nouvel examen, la Section de la protection des réfugiés, un tribunal spécialisé et expert, devait mener une évaluation adéquate de la preuve objective et évaluer en profondeur l’ensemble de la preuve qui lui avait été présentée. La Section de la protection des réfugiés a fait une évaluation peu favorable de la preuve sur les conditions au pays présentée au tribunal, et a ainsi omis de prendre en considération le récit du demandeur dans le contexte général d’une situation concrète.
38. L’élément de crainte – qui est un état d’esprit et une condition subjective – est précisé par les mots « avec raison ». Ces mots impliquent que ce n’est pas seulement l’état d’esprit de l’intéressé qui détermine sa qualité de réfugié, mais que cet état d’esprit doit être fondé sur une situation objective. Les mots « craignant avec raison » recouvrent donc à la fois un élément subjectif et un élément objectif et, pour déterminer l’existence d’une crainte raisonnable, les deux éléments doivent être pris en considération.
42. Il est nécessaire d’évaluer les déclarations du demandeur également en ce qui concerne l’élément objectif. Les autorités qui sont appelées à déterminer la qualité de réfugié ne sont pas tenues d’émettre un jugement sur les conditions existant dans le pays d’origine du demandeur. Cependant, les déclarations du demandeur ne peuvent pas être prises dans l’abstrait et elles doivent être considérées dans le contexte général d’une situation concrète. Si la connaissance des conditions existant dans le pays d’origine du demandeur n’est pas un but en soi, elle est importante parce qu’elle permet d’apprécier la crédibilité des déclarations de l’intéressé. En général, la crainte exprimée doit être considérée comme fondée si le demandeur peut établir, dans une mesure raisonnable, que la vie est devenue intolérable pour lui dans son pays d’origine pour les raisons indiquées dans la définition ou qu’elle le serait, pour les mêmes raisons, s’il y retournait.
(Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, UNHCR 1979 [le Guide]) [Non souligné dans l’original.]
[33]
La Section de la protection des réfugiés n’a que partiellement évalué la preuve qui lui avait été présentée sur les conditions au pays, et a donc omis d’évaluer le récit du demandeur dans le contexte général d’une situation concrète, exposée dans la preuve documentaire, lue dans son intégralité. Les nuances qui y sont tracées sont contraires aux déclarations de la Section de la protection des réfugiés, dans sa décision, et indiquent qu’il ne peut être affirmé que le groupe Al Chabaab est absent de Mogadiscio :
[traduction]
1.2.8 Ces opérations ont entraîné des pertes civiles par centaines, notamment des femmes, des enfants et des étrangers.
1.2.11 De plus, Al Chabaab est réputé continuer de se livrer à des violences extrêmes contre des civils, notamment à l’assassinat d’éminents militants de la paix, de dirigeants communautaires, de chefs de clan, et des membres de leur famille à la suite de leur rôle dans le maintien de la paix, et à la décapitation de personnes considérées comme des « traîtres » et collaborateurs avec les forces nationales somaliennes et les milices affiliées.
1.2.40 [...] Toutefois, des assassinats ont lieu de temps à autre à Mogadiscio, et le contexte général en Somalie demeure fragile, malgré les progrès et les améliorations constatées en matière de sécurité depuis août 2011.
(DCT, dans le CND sur la Somalie (31 mars 2017), élément 1.3, Royaume-Uni. Home Office, Country Information and Guidance: Somalia, April 2014, pages 122, 123 et 133.)
[34]
La Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en tirant la conclusion qu’à Mogadiscio, « le groupe Al Chabaab ne vise pas la population en général, mais plutôt les politiciens, les journalistes, la police et les forces de sécurité »
(Motifs et décision de la Section de la protection des réfugiés, au paragraphe 43). Ce constat est contraire à la preuve objective au dossier sur les conditions au pays :
[traduction]
Al Chabaab a mené des attentats mortels au hasard dans des secteurs hautement protégés de Mogadiscio et dans d’autres villes, faisant des centaines de morts ou de blessés parmi les civils. Les cibles très recherchées sont demeurées vulnérables à de telles attaques.
[…]
Ciblage de civils
Des civils ont également été directement ciblés lors de ces attaques, surtout par les combattants d’Al Chabaab et les milices des clans. Le 15 juin, des combattants d’Al Chabaab ont procédé à des tirs de mortier dans des zones densément peuplées de Mogadiscio;
[…]
En outre, Al Chabaab a continué de torturer et d’exécuter sommairement des personnes accusées d’espionnage ou de ne pas se conformer à son interprétation de la loi islamique. Le groupe a mené des exécutions en public, y compris par décapitation ou lapidation, et a procédé à des amputations et des flagellations, surtout dans des zones d’où s’est retirée AMISOM, la mission de l’Union africaine en Somalie.
(DCT, dans le Cartable national de documentation pour la Somalie (CND) (31 mars 2017), Rapport d’Amnistie Internationale sur la Somalie pour 2016/17, page 239.)
[traduction] Al Chabaab a continué d’exécuter des civils. Le groupe a notamment procédé à l’exécution de personnes qu’il accuse d’espionnage et de collaboration avec les FGS, les forces de l’ordre somaliennes, et les milices affiliées.
(DCT, dans le CND pour la Somalie (31 mars 2017), élément 2.1, États-Unis. Department of State, Somalia. Country Reports on Human Rights Practices for 2016, 3 mars 2017, page 168.)
[35]
La Section de la protection des réfugiés a aussi tiré une conclusion défavorable concernant l’identité du demandeur :
L’identité était une question cruciale dès le début de l’audience. L’identité est une question déterminante. Il incombe au demandeur d’asile de prouver son identité. Dans la présente affaire, le demandeur d’asile n’a pas établi son identité ni fourni son passeport. Le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que l’identité personnelle du demandeur d’asile n’a pas été établie, ni son identité en tant que citoyen de la Somalie. Le tribunal conclut que le demandeur d’asile n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’est pas un citoyen du Kenya.
(Motifs et décision de la Section de la protection des réfugiés, au paragraphe 37.)
[36]
La preuve objective mentionne que les réfugiés somaliens établis dans le camp de Dadaab au Kenya craignaient de retourner en Somalie après l’annonce par le gouvernement kenyan d’un programme de rapatriement. Le demandeur a affirmé ne pas connaître son statut au Kenya au motif que les Somaliens risquaient un retour involontaire en Somalie :
[traduction]
Le programme de rapatriement des réfugiés somaliens, basé sur la peur et la désinformation, ne respecte pas les critères internationaux pour le retour volontaire de réfugiés. Nombre de réfugiés vivant dans le camp de Dadaab au Kenya, qui ne cesse de s’élargir et abrite au moins 263 000 Somaliens, affirment avoir accepté le principe d’un retour dans leur pays parce qu’ils craignent que le Kenya les expulse de force s’ils restent.
[…]
Certains Somaliens qui avaient accepté de retourner en Somalie après avoir passé des années comme réfugiés à Dadaab sont revenus au Kenya pour une seconde fois, en raison des violences qui se poursuivent et de l’absence de services de base en Somalie. Human Rights Watch a constaté que les demandeurs d’asile et les réfugiés somaliens nouvellement arrivés qui n’étaient pas parvenus à se ré-établir en Somalie se voient refuser l’accès à l’inscription comme réfugiés ou aux procédures de demande d’asile à Dadaab. Ils sont ainsi laissés sans statut légal ni rations alimentaires.
[…]
« Les autorités kényanes ne laissent aucun véritable choix aux réfugiés somaliens entre rester et partir, et l’agence de l’ONU vouée aux réfugiés ne diffuse pas de renseignements exacts sur les conditions de sécurité en Somalie », a affirmé Bill Frelick, directeur des droits des réfugiés à Human Rights Watch. « Il est absolument impossible de considérer ces retours comme étant volontaires ».
[…]
Intimidation par les fonctionnaires kenyans
Des réfugiés et des demandeurs d’asile continuent de dire à Human Rights Watch que les fonctionnaires kenyans exercent sur eux des pressions directes et indirectes pour qu’ils retournent en Somalie.
(DCT, dans le CND sur la Somalie (31 mars 2017), Kenya : Involuntary Refugee Returns to Somalia, 17 avril 2017, pages 242, 243, 247.)
[37]
La Section de la protection des réfugiés a conclu qu’il ne serait pas objectivement déraisonnable ou trop sévère de s’attendre à ce que le demandeur d’asile retourne à Mogadiscio, étant donné qu’Al Chabaab ne contrôlait pas Mogadiscio. La preuve documentaire, toutefois, indique ce qui suit :
[traduction]
1.2.23 [...] Malgré les récentes avancées du gouvernement, Al Chabaab conserve le contrôle de vastes zones rurales, et d’une majeure partie du Sud et du centre de la Somalie.
1.2.28 Dans un bulletin de juin 2013, UNOCHA rapporte que la sécurité dans le Sud et le centre de la Somalie demeurait imprévisible et volatile.
1.2.42 Amnesty a indiqué, lors d’une réunion en septembre 2013, ce qui suit :
[traduction] Les améliorations à Mogadiscio en matière de sécurité sont d’une portée extrêmement limitée. La situation demeure imprévisible et continue de varier en intensité selon la région et l’heure de la journée, et s’est détériorée au cours de l’année 2013. […] Mogadiscio demeure le théâtre de violences constantes et d’attaques tant aveugles que ciblées. Les civils continuent de vivre une grave insécurité, caractérisée par des gestes de violence physique, des assassinats, des viols et de l’extorsion.
(DCT, dans le CND sur la Somalie (31 mars 2017), élément 1.3, Royaume-Uni. Home Office, Country Information and Guidance: Somalia, April 2014, pages 127, 128 et 134.)
6.2.12 [traduction] Le UNHCR a en outre indiqué ce qui suit, dans son exposé de principes de janvier 2014 sur le Sud et le centre de la Somalie :
[…]
« En ce qui concerne les possibilités de refuge ou de réinstallation à l’intérieur du pays pour les Somaliens qui fuient la persécution et les graves attaques d’Al Chabaab, la protection de l’État n’est en général pas disponible à Mogadiscio, même si la ville est sous le contrôle des forces du gouvernement, appuyées par les troupes d’AMISOM. Cela s’applique tout particulièrement aux Somaliens dont le nom pourrait figurer sur la “liste noire” d’Al Chabaab ».
(Dossier complémentaire de la Cour, dans le CND sur la Somalie (31 mars 2017), élément 1.3, Royaume-Uni. Home Office, Country Information and Guidance: Somalia, April 2014, pages 81 et 82.)
[38]
La Cour estime que la Section de la protection des réfugiés n’a pas pleinement évalué la crainte de persécution du demandeur en Somalie, à la lumière des renseignements contenus dans le cartable national de documentation sur la Somalie qui a été présenté à la Commission, cartable qui, en fait, émane de la Commission.
53. En outre, un demandeur du statut de réfugié peut avoir fait l’objet de mesures diverses qui en elles-mêmes ne sont pas des persécutions (par exemple, différentes mesures de discrimination), auxquelles viennent s’ajouter dans certains cas d’autres circonstances adverses (par exemple une atmosphère générale d’insécurité dans le pays d’origine). En pareil cas, les divers éléments de la situation, pris conjointement, peuvent provoquer chez le demandeur un état d’esprit qui permet raisonnablement de dire qu’il craint d’être persécuté pour des « motifs cumulés ». Il va sans dire qu’il n’est pas possible d’énoncer une règle générale quant aux « motifs cumulés » pouvant fonder une demande de reconnaissance du statut de réfugié. Toutes les circonstances du cas considéré doivent nécessairement entrer en ligne de compte, y compris son contexte géographique, historique et ethnologique [Non souligné dans l’original.]
[Guide]
[39]
Enfin, à titre subsidiaire, même si la Section de la protection des réfugiés n’a pas conclu que le demandeur serait exposé à un risque s’il devait retourner en Somalie, elle a aussi examiné la question de l’existence d’une possibilité de refuge intérieur viable où pourrait s’installer le demandeur à Mogadiscio. La Section de la protection des réfugiés a indiqué ce qui suit dans ses motifs de décision :
Par conséquent, le seul problème est le fait qu’il a vécu à l’extérieur de la Somalie, de sorte qu’il pourrait être considéré comme une personne occidentalisée. Encore une fois, les documents indiquent que cela serait un problème dans les régions sous le contrôle d’Al Chabaab, mais pas à [Mogadiscio]. Ainsi, le tribunal conclut que le demandeur d’asile ne serait pas pris pour cible par Al Chabaab parce qu’il serait un [traduction] « espion à la solde du gouvernement » comme il le prétend, ou pour toute autre raison, par exemple parce qu’il se serait [traduction] « occidentalisé » ou qu’il est un jeune.
(Motifs et décision de la Section de la protection des réfugiés, au paragraphe 43.)
[40]
Pour ces motifs, la Cour conclut que la décision de la Section de la protection des réfugiés n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).
IX.
Conclusion
[41]
La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2581-17
LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire et le dossier sera renvoyé à la Commission pour une nouvelle évaluation par un tribunal différemment constitué. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.
« Michel M.J. Shore »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 20e jour de février 2020
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2581-17
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INTITULÉ :
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SALMAN HERSI ABDI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Ottawa (Ontario) (par vidéoconférence)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 24 janvier 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE SHORE
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DATE DES MOTIFS :
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Le 30 janvier 2018
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COMPARUTIONS :
Alp Debreli
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Pour le demandeur
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Margherita Braccio
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Alp Debreli, avocat
Toronto (Ontario)
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Pour le demandeur
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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