Date : 20180130
Dossier : IMM-1736-17
Référence : 2018 CF 100
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2018
En présence de monsieur le juge Russell
ENTRE :
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MARIA WILLIAMS
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
INTRODUCTION
[1]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi), à l’encontre de la décision rendue le 20 avril 2017 par un agent d’exécution de la loi (l’agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui a rejeté la demande de report de renvoi de la demanderesse.
II.
CONTEXTE
[2]
La demanderesse est une citoyenne de la Grenade, qui vit au Canada depuis 1989. En 1996, une mesure d’interdiction de séjour conditionnelle a été délivrée à son endroit, à la suite de son arrestation par l’ASFC, en 1995. Sa demande d’asile a été rejetée en 1997 et sa demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaire a été rejetée en 1998. En 2001, la demanderesse a été visée par un mandat d’arrêt après avoir omis de se présenter à une entrevue prévue avec les responsables canadiens de l’immigration.
[3]
En 2016, la demanderesse a été arrêtée sur son lieu de travail dans le cadre d’une enquête policière qui ne la visait pas. Un examen des risques avant renvoi (ERAR) a été fait et une décision défavorable a été rendue le 6 décembre 2016. Le 23 janvier 2017, la demanderesse a présenté une nouvelle demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaire. Le 4 avril 2017, elle a reçu l’ordre de se présenter pour son renvoi du Canada prévu pour le 24 avril 2017.
[4]
Dans une lettre datée du 6 avril 2017, la demanderesse a demandé le report de son renvoi parce que sa demande pour motifs d’ordre humanitaire était en instance. Dans cette lettre, la demanderesse indiquait que, si elle ne recevait pas de décision écrite d’ici le 17 avril 2017, elle présumerait que la demande de report avait été refusée et elle introduirait alors une demande de contrôle judiciaire.
[5]
La demanderesse a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 18 avril 2017. Dans sa demande, la demanderesse sollicitait une révision de la décision rendue par l’agent Carly Worsley, le 14 avril 2017, qui avait refusé sans motifs la demande de report du renvoi de la demanderesse.
[6]
Le 20 avril 2017, l’agent Sam Vatikiotis a rejeté la demande de report du renvoi de la demanderesse.
[7]
Le 21 avril 2017, la juge McDonald a rendu une ordonnance visant à surseoir à la mesure de renvoi de la demanderesse.
III.
DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE
[8]
L’agent estime que le report du renvoi de la demanderesse n’est pas indiqué dans les circonstances.
[9]
Il ajoute qu’un agent d’exécution dispose de peu de pouvoir discrétionnaire pour décider s’il doit ou non y avoir report. Et lorsqu’il exerce ce pouvoir discrétionnaire, l’agent d’exécution doit exécuter l’ordonnance dans les plus brefs délais.
[10]
La demanderesse a demandé le report de son renvoi afin de permettre le traitement de sa demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaire et de lui donner le temps d’organiser son départ du Canada. Elle a aussi demandé que l’agent tienne compte des difficultés auxquelles elle serait confrontée à son retour à la Grenade.
[11]
L’agent a examiné les interactions passées entre la demanderesse et les autorités canadiennes de l’immigration. L’agent note plus particulièrement la demande pour motifs d’ordre humanitaire en instance de la demanderesse, à l’égard de laquelle aucune décision n’a encore été rendue. L’agent fait toutefois valoir qu’une demande de résidence permanente en suspens ne donne pas automatiquement lieu au sursis de la mesure de renvoi en vertu de la Loi, ni ne constitue un obstacle au renvoi. Selon l’agent, la demanderesse [traduction] « n’a présenté aucun élément de preuve crédible démontrant que sa présence au Canada est nécessaire pour qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada puisse continuer de traiter sa demande de résidence permanente »
. L’agent estime en outre que les éléments de preuve présentés par la demanderesse sont insuffisants pour établir que la décision concernant sa demande de résidence permanente est imminente ou en retard. L’agent est convaincu que le traitement de la demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaire se poursuivra après le renvoi, et exprime des réserves quant au moment choisi par la demanderesse pour présenter sa demande pour motifs d’ordre humanitaire.
[12]
Bien qu’il ne soit pas habilité à évaluer les demandes pour motifs d’ordre humanitaire, l’agent examine si des préjudices médicaux justifient le report du renvoi de la demanderesse. L’agent note que la demanderesse a reçu un diagnostic de trouble de la thyroïde, d’hypertension et d’hypercholestérolémie. La demanderesse fait valoir que les médicaments pour le traitement de ces problèmes médicaux sont excessivement chers à la Grenade. L’agent conclut toutefois que [traduction] « les éléments de preuve présentés sont insuffisants pour démontrer que la demanderesse sera incapable d’obtenir des traitements médicaux à son retour à la Grenade, y compris d’avoir accès aux médicaments dont elle a besoin »
. De même, l’agent reconnaît que les soins de santé au Canada sont sans doute meilleurs qu’à la Grenade, mais juge que la preuve médicale selon laquelle la demanderesse subira un préjudice irréparable si elle retourne à la Grenade n’est guère plus qu’une [traduction] « simple hypothèse »
.
[13]
L’agent mentionne que la demanderesse a de la famille à la Grenade avec laquelle elle sera réunie et qui pourra lui apporter une aide durant sa transition.
[14]
En ce qui a trait au délai supplémentaire demandé par la demanderesse pour avoir le temps de régler ses affaires avant son renvoi, l’agent note que la demanderesse sait qu’elle est en attente de renvoi depuis son arrestation, en août 2016, et depuis le début de l’ERAR le mois suivant. La demanderesse a donc eu amplement le temps de se préparer à son renvoi. Là encore, l’agent juge que les éléments de preuve ou les justifications sont insuffisants pour expliquer pourquoi la demanderesse aurait besoin de trois à quatre mois supplémentaires pour préparer son retour à la Grenade.
IV.
QUESTIONS EN LITIGE
[15]
La présente demande soulève les questions en litige suivantes :
- Le refus de l’agent de reporter le renvoi de la demanderesse vers la Grenade est-il déraisonnable?
- La demande est-elle prématurée?
- La demande constitue-t-elle un recours abusif?
V.
NORME DE CONTRÔLE
[16]
Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence est constante quant à la norme de contrôle applicable à une question précise, la cour de révision peut adopter cette norme. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble incompatible avec l’évolution récente des principes de contrôle judiciaire en common law que la cour de révision doit procéder à une analyse des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.
[17]
La norme de contrôle qui s’applique à la révision du refus d’un agent d’exécution de surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi est celle de la décision raisonnable : Baron c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CAF 81 [Baron], au paragraphe 25; Escalante c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 897, au paragraphe 13.
[18]
Les deuxième et troisième questions en litige dans la présente demande ne requièrent pas la révision de la décision. La prématurité est une question qui vise à déterminer si la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser d’accorder le redressement dans les circonstances, parce que le processus administratif sous-jacent n’était pas terminé au moment où la décision a été rendue. Voir, par exemple, Shea c. Canada (Procureur général), 2006 CF 859, aux paragraphes 37 et 53 à 61. Quant à l’abus de procédure, cette question fait référence à la procédure utilisée par la demanderesse dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision par notre Cour, et non au processus administratif sous-jacent.
[19]
Lorsqu’une décision est examinée en regard de la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».
Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47 et l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision contestée est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».
VI.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
[20]
Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes en l’espèce :
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[21]
Les dispositions suivantes de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada, L.C. 2005, ch. 38 (Loi sur l’ASFC) sont pertinentes en l’espèce :
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[22]
Les dispositions suivantes du Décret précisant les responsabilités ministérielles pour l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, TR/2015-52, (2015) Gazette du Canada, partie II, 2232 (Décret sur les responsabilités), sont pertinentes en l’espèce :
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[23]
La disposition suivante de la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. (1985), ch. J-2 (Loi sur le ministère de la Justice), est pertinente en l’espèce :
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[24]
La disposition suivante de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 (Loi sur les Cours fédérales) est pertinente en l’espèce :
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[25]
Les dispositions suivantes des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (Règles de l’immigration), sont pertinentes en l’espèce :
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[26]
Les dispositions suivantes des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, (Règles des Cours fédérales) sont pertinentes en l’espèce :
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VII.
ARGUMENTATION
A.
Demanderesse
[27]
La demanderesse soutient que l’agent a mal interprété des éléments de preuve crédibles ou a omis d’en tenir compte et, donc, que la décision est déraisonnable.
[28]
Elle allègue notamment que son renvoi à la Grenade lui causera des préjudices irréparables et des difficultés d’une importance démesurée, notamment les suivants : sa santé sera menacée; la perte de sa source de revenu fera en sorte qu’elle ne pourra plus subvenir financièrement aux besoins de son fils; les perspectives économiques sont limitées à la Grenade pour les personnes de son âge et de son sexe; et son renvoi occasionnera des souffrances collatérales pour les résidents du service de psychiatrie où elle travaille, au Canada.
[29]
La demanderesse insiste sur le fait qu’elle ne sollicite pas un report permanent de son renvoi. Elle demande plutôt un report le temps que soit traitée sa demande pour motifs d’ordre humanitaire.
[30]
Elle fait valoir que la décision est déraisonnable parce qu’elle ne tient pas compte d’éléments de preuve médicaux crédibles selon lesquels sa santé risque de se détériorer si elle est renvoyée dans un pays où elle ne pourra pas avoir accès aux médicaments qui lui ont été prescrits. Les éléments de preuve sur les difficultés auxquelles elle sera exposée incluent une lettre de son médecin, la Dre Jill Blakeney, datée du 18 avril 2017; une copie d’un extrait du site Web du National Insurance Scheme of Grenada; un extrait d’un rapport sur la Grenade du Fonds monétaire international, ainsi que sa demande de résidence pour motifs d’ordre humanitaire avec documentation à l’appui.
[31]
Selon la demanderesse, tous ces éléments de preuve ont été présentés « au défendeur »
avant le prononcé de la décision. La demanderesse cite l’extrait suivant de l’ordonnance rendue par la juge McDonald autorisant un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi à son égard :
[TRADUCTION]
[...] la demanderesse a établi l’existence d’une question sérieuse et d’un préjudice irréparable résultant du défaut de l’agent de tenir compte de ses problèmes de santé et de son besoin continu en médicaments, ainsi que de la possibilité ou non pour elle d’obtenir ces médicaments à la Grenade. L’agent a omis d’examiner cette question ou de tenir compte des éléments de preuve.
[32]
La demanderesse ajoute que le défendeur a été saisi des mêmes éléments de preuve que ceux présentés à la juge McDonald avant que soit rendue [traduction] « la décision du défendeur le 20 avril 2017 »
.
[33]
Elle soutient en outre que, même si l’agent n’a pas reçu les éléments de preuve en question, l’avocat du défendeur les avait en sa possession avant le prononcé de la décision, ces éléments lui ayant été remis dans le cadre de l’audience sur le sursis tenue le 21 avril 2017 devant notre Cour. Selon la demanderesse, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’avocat du défendeur examine la preuve avec l’agent avant que celui-ci rende sa décision. Elle soutient que le défendeur n’a pas expliqué pourquoi l’agent n’avait pas été consulté, étant donné l’imminence de l’audition de la requête en sursis et de la date de renvoi prévue.
[34]
Elle soutient en outre que le défaut de l’agent de communiquer avec son médecin équivaut à de l’aveuglement volontaire. Lors d’une entrevue avec un autre agent de l’ASFC tenue le 4 avril 2017, la demanderesse a signé un formulaire autorisant tout professionnel de la santé à communiquer ses renseignements médicaux personnels à l’ASFC pour l’évaluation des motifs médicaux invoqués à l’appui de sa demande de report. Par conséquent, même si l’agent n’avait pas en sa possession la lettre de la Dre Blakeney datée du 18 avril 2017, il aurait pu malgré tout obtenir plus tôt les renseignements énoncés dans cette lettre. La demanderesse prétend que la conduite de l’agent représente une erreur susceptible de révision et pourrait constituer une circonstance spéciale justifiant l’adjudication de dépens en sa faveur.
[35]
Elle ajoute que le principe de la courtoisie judiciaire s’applique aux conclusions formulées par la juge McDonald dans son ordonnance de sursis. Selon la demanderesse, l’affaire invoquée par le défendeur pour réfuter l’application de la courtoisie judiciaire, soit l’affaire Haghighi c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 372 [Haghighi], diffère de l’instance en l’espèce. En effet, dans Haghighi, la question dont la cour de révision judiciaire avait été saisie différait de celle examinée dans le cadre de la requête en sursis. Or, la demanderesse fait valoir que l’ordonnance de la juge McDonald porte sur la même question que celle dont notre Cour a été saisie en l’espèce, à savoir l’agent a-t-il omis de tenir compte des problèmes de santé de la demanderesse.
[36]
La demanderesse affirme en outre, sans toutefois fournir de détails, que les effets défavorables de la décision sur sa santé contreviennent aux droits qui lui sont reconnus en vertu des articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 [la Charte].
B.
Défendeur
(1)
Bien-fondé de l’affaire
[37]
Le défendeur soutient que la décision est raisonnable compte tenu du mandat limité de l’agent et de la preuve insuffisante présentée par la demanderesse. Le pouvoir discrétionnaire de l’agent de reporter un renvoi « se limite aux cas où il existe un obstacle concret et sérieux au renvoi »
: Hernandez Fernandez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1131, au paragraphe 43. Dans l’arrêt Baron, précité, au paragraphe 51, la Cour d’appel fédérale a conclu que, bien que certaines circonstances puissent influer sur le choix du moment du renvoi, « [...] l’exercice du pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain »
(souligné dans l’original).
[38]
Le défendeur soutient que la demanderesse n’a pas présenté d’éléments de preuve pour étayer ses allégations selon lesquelles elle sera incapable d’avoir accès aux médicaments dont elle a besoin à la Grenade et n’aura pas les moyens de les payer. Les éléments de preuve sur les risques allégués doivent être suffisants pour autoriser le report du renvoi. Voir l’arrêt Atawnah c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 144, au paragraphe 27. Vu l’absence d’éléments de preuve établissant la nature du système de soins de santé et de médicaments à la Grenade, ainsi que la disponibilité, le caractère abordable et la qualité des soins de santé qui y sont offerts, la conclusion de l’agent quant à l’insuffisance de la preuve de la demanderesse est raisonnable et mérite la déférence de notre Cour. Même si la lettre de la Dre Blakeney est considérée comme faisant partie des éléments de preuve présentés à l’agent, le défendeur est d’avis que cette lettre n’énonce que des hypothèses et des présomptions. Elle ne parle pas de l’état des soins de santé dispensés à la Grenade et elle repose sur l’hypothèse que la demanderesse ne pourra se procurer les médicaments dont elle a besoin.
[39]
Le défendeur soutient en outre que le report demandé n’est pas temporaire, car aucun élément de preuve ne laisse croire à l’imminence du traitement de la demande pour motifs d’ordre humanitaire de la demanderesse. À cet égard, le défendeur rappelle que la Cour d’appel fédérale a statué que « les demandes CH ne sont pas censées faire obstacle aux mesures de renvoi valides »
. S’il est établi que les demandeurs ayant présenté une demande pour motifs d’ordre humanitaire ne seront pas exposés à des risques s’ils retournent dans leur pays d’origine, on s’attend à ce que ces demandeurs présentent leur future demande de résidence permanente au Canada depuis leur pays d’origine. Voir l’arrêt Baron, précité, au paragraphe 87.
[40]
Le défendeur prétend que les allégations de la demanderesse concernant les manquements à la Charte ne sont pas fondées et qu’elles devraient être rejetées par notre Cour. La Cour suprême du Canada a conclu que les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel, car cela « banaliserait la Charte et produirait inévitablement des opinions mal motivées »
: Mackay c. Manitoba, [1989] 2 CSC 357, à la page 361.
[41]
Selon le défendeur, le principe de la courtoisie judiciaire ne s’applique pas entre l’ordonnance rendue par la juge McDonald et la question à trancher en l’espèce. Ayant examiné un argument similaire dans Haghighi, précité, aux paragraphes 20 et 21, la juge Snider a conclu que le principe de la courtoisie judiciaire ne s’appliquait pas parce qu’une décision établissant l’existence d’une question sérieuse à trancher aux fins de l’octroi d’un sursis diffère d’une décision visant à déterminer si l’agent d’exécution a commis une erreur. La juge Snider a également souligné le fait que les requêtes en sursis sont souvent introduites en urgence et que les décisions doivent donc être rendues rapidement, sans que la partie intimée ait le temps de se préparer efficacement. Voir Haghighi, précité, au paragraphe 14. Le défendeur soutient qu’il est maintenant en mesure d’examiner pleinement quels éléments de preuve ont été présentés à l’agent, et que la Cour n’est pas tenue de souscrire à l’essentiel de l’ordonnance de sursis de la juge McDonald.
(2)
Préoccupations liées à la procédure
(a)
Prématurité
[42]
Le défendeur soutient que la présente demande est prématurée, car elle conteste une décision qui n’existe pas. Le défendeur fait remarquer que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été déposée le 18 avril 2017, soi-disant pour contester la décision de l’agent de l’ASFC Carly Worsley ayant rejeté sans motifs la demande de report de la demanderesse. Selon la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, ce refus a été signifié le 14 avril 2017. Cependant, la décision est le seul refus d’accéder à une demande de report qui figure dans le dossier de la demanderesse. Et cette décision rejetant la demande de report présentée par la demanderesse le 6 avril 2017 est datée du 20 avril 2017.
[43]
Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales et le paragraphe 72(1) de la LIPR exigent tous deux que la demande de contrôle judiciaire soit présentée après le prononcé de la décision contestée. L’alinéa 5(1)b) des Règles de l’immigration précise que la demande d’autorisation doit indiquer « la date et les détails de la mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — à laquelle se rapporte le redressement recherché et la date où le demandeur en a été avisé ou en a pris connaissance »
. Selon le défendeur, la décision contestée dans le cadre de la présente demande diffère de la décision sur le report datée du 20 avril 2017 qui figure dans le dossier de la demanderesse.
[44]
La Cour d’appel fédérale, en énonçant les motifs devant figurer dans un avis de demande de contrôle judiciaire, a conclu qu’il est nécessaire d’énoncer les faits substantiels qui appuient l’octroi de la mesure de redressement demandée. La Cour d’appel fédérale a en outre déclaré qu’« [i]ntenter une poursuite en formulant des allégations totalement infondées dans l’espoir de les étoffer par la suite constitue un abus de procédure »
. Voir Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, aux paragraphes 40 à 45 [JP Morgan].
[45]
Dans Alfaka Alharazim c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1044, au paragraphe 39, notre Cour établit une distinction entre le processus décisionnel et la décision proprement dite. Le défendeur fait valoir qu’une demande de contrôle judiciaire déposée prématurément, avant que soit rendue la décision, peut entraîner le gaspillage des ressources de la cour, car la décision pourrait ne pas être celle qui avait été prévue, ou les motifs de contrôle judiciaire pourraient différer considérablement de la décision rendue. Notre Cour a en outre conclu qu’une demande de contrôle prématurée d’une décision sur un report peut être considérée comme une circonstance spéciale justifiant l’adjudication de dépens. Voir Jackson c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 56, au paragraphe 16.
(b)
Fractionnement du processus administratif
[46]
À l’appui de sa demande de contrôle judiciaire et de sa requête en sursis, la demanderesse a déposé, auprès de notre Cour le 19 avril 2017, des affidavits datés du 18 avril 2017 et du 19 avril 2017, soit avant que la décision soit rendue le 20 avril 2017. Le défendeur soutient que ces éléments de preuve n’ont pas été présentés à l’agent.
[47]
Le défendeur souligne que la demanderesse ne mentionne pas dans son affidavit que les éléments de preuve ont été envoyés à l’agent. La pièce jointe à son affidavit est elle-même une déclaration sous serment d’un auxiliaire juridique du cabinet d’avocats de la demanderesse, produite à l’appui de la présente demande, dans laquelle il n’est pas dit que les éléments de preuve ont été présentés à l’agent. Conséquemment, le défendeur a déposé un affidavit dans lequel l’agent atteste qu’il n’avait pas reçu les éléments de preuve en litige, notamment la lettre de la Dre Blakeney à laquelle il est fait référence dans l’ordonnance de sursis de la juge McDonald, avant de rendre la décision. Dans sa réponse, la demanderesse nie l’allégation voulant que les éléments de preuve n’aient pas été présentés à l’agent et elle soutient au contraire qu’ils ont bel et bien été soumis à l’agent, avec renvoi aux éléments de preuve. Elle fait ensuite valoir que, même si elle ne les a pas présentés à l’agent, le procureur général, en sa qualité d’avocat du défendeur, aurait dû examiner avec l’agent les éléments de preuve présentés à la Cour et en discuter avec lui avant que l’agent rende la décision.
[48]
Le défendeur soutient que l’approche de la demanderesse a pour effet de fractionner le processus administratif. En règle générale, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne doivent pas intervenir dans un processus administratif tant que celui-ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces n’ont pas été épuisés. Cette règle vise notamment à éviter le fractionnement du processus administratif. Voir Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, aux paragraphes 30 à 33. Le défendeur dit que la demanderesse a déposé les éléments de preuve à la Cour et qu’elle les a signifiés à l’avocat du défendeur pour engager la procédure contentieuse, mais il fait maintenant valoir que la Cour peut rendre une conclusion défavorable sur le bien-fondé de la décision en se basant sur des éléments de preuve que la demanderesse n’a pas présentés à l’agent. Cela a pour effet de confondre différents rôles et processus.
[49]
Le défendeur souligne qu’il incombe au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de prendre les décisions en vertu de l’article 48 de la Loi, mais que cette responsabilité est déléguée, par voie législative, à l’agent de l’ASFC. Voir la LIPR, article 6; la Loi sur l’ASFC, articles 2 et 6 et le Décret sur les responsabilités, article 3. Les délégués exercent personnellement le pouvoir discrétionnaire dans les limites des pouvoirs qui leur sont conférés, alors que le ministre conserve la responsabilité des décisions. Voir La Reine c. Harrison (1976), [1977] 1 RCS 238, aux pages 245 et 246; Sing c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 361, aux paragraphes 68 et 69. Tous les organismes administratifs ont l’obligation de se conformer aux règles de justice naturelle et à celles de l’équité procédurale : Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, au paragraphe 75. Cette obligation consiste notamment à assurer l’impartialité et l’indépendance de la prise de décisions : Rosenberry c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 882, au paragraphe 26.
[50]
Par comparaison, le procureur général du Canada est chargé des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige où ils sont parties : Loi sur le ministère de la Justice, alinéa 5d). Le rôle joué par le procureur général dans la défense des décisions administratives protège l’impartialité des décideurs administratifs, en n’exigeant pas que ceux-ci participent directement au processus accusatoire. Voir Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Edmonton (1978), [1979] 1 RCS 684, à la page 709. En ce qui concerne le contrôle judiciaire, les décideurs administratifs ne jouissent pas de pleins droits de participation et « [i]ls sont assujettis à de véritables restrictions quant aux observations qu’ils peuvent formuler »
: Forest Ethics Advocacy Association c. Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 245, au paragraphe 44 [Forest Ethics]. « Toutefois, puisque le procureur général est aussi le protecteur de l’intérêt public et qu’il a le devoir de défendre la suprématie du droit, il peut y avoir des limites à l’énergie dont il devrait faire preuve lorsqu’il défend le bien‑fondé de la décision de l’organisme »
: Douglas v. Canada (Procureur général), 2013 CF 451, au paragraphe 67. Voir aussi Canada (Procureur général) c. Cosgrove, 2007 CAF 103, au paragraphe 51.
[51]
Selon le défendeur, le rôle de défense de l’intérêt public joué par le procureur général crée une limite, en ce que le procureur général ne doit pas s’engager dans des activités qui minent, ou semblent miner, l’indépendance du décideur administratif. L’indépendance pourrait être compromise si l’avocat de la partie adverse dans une demande de contrôle judiciaire devait conseiller le décideur administratif dans le cadre de son processus décisionnel. Voir 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 RCS 919, aux paragraphes 54 à 56; Sawyer v Ontario (Racing Commission) (1979), 24 OR (2d) 673 (WL Can), au paragraphe 7 (CA) [Sawyer]. Selon le défendeur, les préoccupations en matière d’impartialité et d’indépendance peuvent découler de la manière dont les éléments de preuve sont présentés au décideur administratif. Voir Douglas c. Canada (Procureur général), 2014 CF 299, au paragraphe 197. Le défendeur fait donc valoir que le procureur général ne peut consulter l’agent, ni lui communiquer d’autres éléments de preuve, avant que la décision soit rendue, comme le propose la demanderesse. Agir ainsi donnerait lieu à une crainte raisonnable de partialité.
[52]
Selon le défendeur, la proposition de la demanderesse soulève une autre préoccupation, du fait que les communications entre le procureur général et ceux qu’il représente pourraient être assujetties au privilège relatif au litige. Or, si les consultations sont assujetties à un tel privilège, il se pourrait que la Cour ne puisse examiner adéquatement les motifs à l’appui de la décision. Voici quelques exemples d’affaires où la cour n’a pu mener un examen adéquat parce qu’il lui a été impossible de consulter les motifs du décideur; voir, par exemple, l’arrêt Canada c. Kabul Farms Inc., 2016 CAF 143, aux paragraphes 33, 35 et 43, et Sawyer, précité, au paragraphe 8.
[53]
Le défendeur soutient que ces préoccupations ne découlent toutefois pas du fait que les éléments de preuve en cause n’ont pas été présentés à l’agent avant qu’il rende la décision. Le défendeur fait valoir que le numéro manuscrit qui figure sur la copie de la lettre de la Dre Blakeney dans le dossier certifié du tribunal est le même que celui indiqué sur la copie dans le dossier présenté par la demanderesse à l’appui de sa demande d’autorisation. L’agent dit n’avoir reçu les documents que le 15 juin 2017, au moment où ils lui ont été remis pour déterminer s’ils figuraient au dossier avant que la décision soit rendue, le 20 avril 2017. L’agent mentionne également que la dernière correspondance qu’il a reçue de l’avocat de la demanderesse au sujet de la demande de report remonte au 7 avril 2017.
[54]
Selon le défendeur, l’argument voulant que l’accès à un document par un acteur suppose que d’autres acteurs y ont aussi accès constitue une tentative de fusionner les identités distinctes d’acteurs intervenant dans le processus administratif. La Cour d’appel fédérale a mis en garde contre ce type d’argument dans l’arrêt Canada c. Pathak, [1995] 2 RCF 455, au paragraphe 21 (CAF).
(c)
Les affirmations de la demanderesse
[55]
Selon le défendeur, la manière dont la demanderesse affirme que l’agent avait les éléments de preuve contestés soulève d’autres préoccupations. Le défendeur note que le témoignage dans l’affidavit de la demanderesse est dicté par ce que son avocat lui a dit au sujet des éléments de preuve fournis à l’agent, et que la demanderesse reste vague quant à l’identité du défendeur et aux personnes à qui l’avocat a présenté les éléments de preuve. De plus, la demanderesse n’a fourni aucun élément de preuve pour corroborer ses allégations.
[56]
Elle dit que ce qu’elle sait des éléments de preuve qui ont été présentés au défendeur lui vient de ce que son avocat lui a dit. Dans Seymour Stephens c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 609, au paragraphe 29, notre Cour a conclu que cette pratique contrevient indirectement à l’article 82 des Règles des Cours fédérales, et peut être considérée comme du ouï-dire si elle ne se limite pas aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle comme l’exige l’article 81 de ces Règles.
[57]
Le défendeur note également que la demanderesse a nié que les éléments n’avaient pas été présentés à l’agent, dans sa réponse au mémoire du défendeur lors de l’examen de la demande d’autorisation, mais qu’elle a ensuite refusé de soumettre un autre affidavit pour appuyer ses allégations après que la demande d’autorisation a été accueillie. Dans ces circonstances, le défendeur affirme qu’aucun élément de preuve n’appuie la dénégation de la demanderesse.
[58]
Le défendeur soutient que l’avocat de la demanderesse avait peut-être l’obligation d’indiquer à la Cour si les éléments de preuve avaient été présentés à l’agent. Au moment de rendre son ordonnance de sursis, la juge McDonald a conclu que les éléments de preuve en litige étaient importants, et la demanderesse demande maintenant à la Cour de statuer sur le caractère raisonnable de la décision en s’appuyant sur les mêmes éléments de preuve. Dans Logeswaren c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1374, aux paragraphes 13 à 19, citant la décision Mueller-Hein Corporation c. Donar Investments Ltd (2003), 29 CLR (3d) 143, aux paragraphes 53 à 56 (Cour supérieure de justice l’Ontario), notre Cour a déclaré que le défaut d’un avocat de communiquer à la Cour des renseignements qu’il connaissait, et qui auraient évité la confusion s’ils avaient été divulgués, pourrait être une circonstance où il serait justifié de condamner personnellement l’avocat à payer des dépens.
[59]
Plutôt que de fournir les éléments de preuve pertinents à la Cour par voie d’un affidavit plus détaillé, la demanderesse a présenté une réponse dans laquelle elle allègue que, même si les éléments de preuve en litige n’ont pas été signifiés à l’agent, il n’incombait pas à son avocat de les fournir. Le défendeur fait valoir que, même si la demanderesse abandonne son allégation selon laquelle lesdits éléments ont été signifiés à l’agent, cela ne remédie pas au défaut de divulguer à la Cour des faits substantiels qui étaient connus de son avocat.
(d)
Recours abusif
[60]
Le défendeur soutient que la proposition de la demanderesse, selon laquelle il incombe au procureur général, dans un litige introduit prématurément, de communiquer au décideur administratif les éléments de preuve qui ont été déposés à la Cour, pourrait donner lieu à un abus de procédure.
[61]
Selon le défendeur, une telle proposition permettrait à un demandeur de cacher certains renseignements au décideur administratif pour renforcer la contestation lors du contrôle judiciaire. Le procureur général serait obligé de déterminer quels éléments de preuve ont été présentés au décideur et de plaider la cause du demandeur en présentant ces éléments de preuve au décideur. Les demandeurs pourraient tirer avantage du fait que le procureur général ne s’oppose pas à toutes les demandes prématurées portant sur des requêtes urgentes en sursis, et déformer le dossier de la preuve présenté à la Cour. Une telle proposition permettrait en outre à l’avocat d’un demandeur de se soustraire à ses propres obligations de soumettre au décideur administratif les éléments de preuve au nom de son client.
[62]
La Cour suprême du Canada a déclaré que « [l]a doctrine de l’abus de procédure est souple et permet d’éviter que l’administration de la justice soit déconsidérée »
: Behn c. Moulton Contracting Ltd, 2013 CSC 26, au paragraphe 41. Cette doctrine engage le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement et s’intéresse moins à l’intérêt des parties qu’à l’intégrité du système judiciaire. Voir Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, aux paragraphes 35 à 44. À ce titre, elle « s’entend également de la conduite qui, même lorsqu’elle n’est pas empreinte de mauvaise foi, risque néanmoins de miner l’intégrité du système de justice »
: Canada (Procureur général) c. Barnaby, 2015 CSC 31, au paragraphe 10. Le défendeur affirme que la demande prématurée de la demanderesse et le renvoi à une décision qui n’a pas encore été rendue au sujet d’un report sont des exemples d’allégations non fondées qui, selon la Cour d’appel fédérale, constituent des abus de procédure dans l’arrêt JP Morgan, précité, au paragraphe 45.
(e)
Preuve dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire
[63]
Le défendeur prétend que la preuve de la demanderesse ne se situe dans aucune des exceptions à la règle générale qui sont admises relativement aux éléments de preuve nouveaux présentés à la cour dans une demande de contrôle judiciaire.
[64]
Comme le législateur accorde aux décideurs administratifs le pouvoir de statuer sur le bien-fondé de certaines affaires, c’est au décideur qu’il incombe de formuler les conclusions de fait. Par conséquent, notre Cour « ne saurait se permettre de tirer des conclusions de fait sur le fond »
: Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, au paragraphe 19 [Access Copyright]. Le dossier de la preuve examiné dans le cadre d’un contrôle judiciaire se limite donc au dossier de preuve dont disposait le décideur, et les éléments de preuve ayant trait au bien-fondé de l’affaire, qui n’ont pas été présentés au décideur, ne sont pas admissibles dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. Voir Access Copyright, précité, au paragraphe 19; Forest Ethics, précité, au paragraphe 43.
[65]
Dans l’arrêt Access Copyright, précité, au paragraphe 20, la Cour d’appel fédérale a admis trois exceptions à cette règle générale : renseignements généraux pouvant aider la cour à comprendre les questions en litige pertinentes; preuve de vices de procédure; et éléments visant à démontrer l’absence totale de preuve devant le décideur. Selon le défendeur, les éléments de preuve supplémentaires de la demanderesse n’entrent dans aucune de ces catégories. De plus, le caractère prématuré de la demande de la demanderesse prive la Cour d’un dossier complet et favorise l’application de la norme de la décision correcte à l’examen d’une question qui commande la déférence envers l’agent. Voir Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, au paragraphe 36.
[66]
Le défendeur demande le rejet de la demande de contrôle judiciaire et soutient que la demande de dépens de la demanderesse n’est pas justifiée.
VIII.
ANALYSE
[67]
La demanderesse fait valoir que l’agent, en rejetant sa demande de report, a fait une interprétation erronée d’importants éléments de preuve médicaux ou en a fait abstraction.
16. La conclusion du tribunal selon laquelle la demanderesse était prête pour son renvoi, compte tenu des éléments de preuve crédibles présentés sur son état de santé et des médicaments sur ordonnance dont elle a besoin pour traiter ses problèmes de santé, est déraisonnable et passe totalement à côté de l’essentiel, car le renvoi de la demanderesse dans son état actuel présenterait un risque pour sa santé et pourrait provoquer une détérioration de son état, dans un pays où elle ne pourrait pas avoir accès aux traitements et aux médicaments appropriés.
Motifs de la décision, page 3, onglet 2 du dossier; affidavit sous serment de Maria Williams daté du 15 mai 2017, paragraphe 11, pièce no 10, pages 248 et 249; onglet 13 du dossier
Éléments de preuve pertinents mal interprétés ou non pris en compte
17. Faire une interprétation erronée des éléments de preuve pertinents suivants ou en faire abstraction constitue une erreur susceptible de révision de la part du tribunal :
a. Rapport médical de la Dre Blakeney daté du 18 avril 2017 (affidavit sous serment de Maria Williams daté du 16 mai 2017, pièce no 10, pages 248 et 249; onglet 13 du dossier)
b. Copie du site Web du National Insurance Scheme of Grenada (affidavit sous serment de Maria Williams daté du 16 mai 2017, pièce no 11, pages 255 et 256; onglet du dossier [sic]
c. Copie d’un extrait du rapport du Fonds monétaire international intitulé « Grenada: 2014 Article IV Consultation and Request for An extended Credit Facility Arrangement – Staff Report and Press Release » (affidavit sous serment de Maria Williams daté du 16 mai 2017, pièce no 11, page 259; onglet 14 du dossier)
d. Demande pour motifs d’ordre humanitaire et documentation à l’appui (affidavit sous serment de Maria Williams daté du 16 mai 2017, pièce no 4, pages 62 à 105; onglet 7 du dossier)
[Souligné dans l’original.]
[68]
Dans la décision rendue le 20 avril 2017, l’agent déclare ce qui suit sur ce point :
[TRADUCTION]
Je note que des éléments de preuve objectifs insuffisants, ne constituant guère plus que de simples hypothèses, ont été présentés pour indiquer que Mme Williams subirait un préjudice ou un risque irréparable dans les circonstances. Je note, à la lumière des renseignements dont je dispose, que Mme Williams a une sœur à la Grenade qui pourra lui apporter un soutien affectif et l’aider dans sa transition de retour dans son pays d’origine. Je note également qu’elle a un fils à la Grenade, avec lequel elle pourra être réunie.
[69]
À la lecture du dossier qui m’a été remis à l’appui de la présente demande, il semble que les éléments de preuve médicaux qui, selon la demanderesse, ont été mal interprétés ou ignorés par l’agent n’ont en fait jamais été présentés à l’agent avant qu’il rende sa décision. Durant les plaidoiries, la demanderesse a admis qu’elle n’avait pas présenté directement la preuve médicale en litige à l’agent. Elle allègue toutefois que l’on peut présumer que l’agent avait une connaissance par interprétation de ces éléments de preuve, et ce, pour deux raisons précises.
[70]
Elle allègue premièrement qu’elle a été amenée à croire, et qu’elle était en droit de présumer, en signant le formulaire d’autorisation médicale, que l’agent communiquerait directement avec la Dre Blakeney pour obtenir des renseignements médicaux pertinents avant de rendre la décision.
[71]
Dans l’affidavit déposé à l’appui de la présente demande, la demanderesse dit simplement qu’elle [traduction] « a signé un formulaire autorisant le défendeur à parler à son médecin et qu’une copie a été jointe à titre de pièce no 7 »
[souligné dans l’original]. Cependant, elle ne mentionne pas qu’elle croyait, en signant le formulaire d’autorisation médicale, que l’agent communiquerait avec son médecin et obtiendrait les éléments de preuve en litige. Dans sa plaidoirie, l’avocat de la demanderesse a prétendu que les modalités mêmes du formulaire d’autorisation médicale laissaient clairement entendre que l’agent utiliserait ce consentement pour obtenir les renseignements médicaux nécessaires.
[72]
Cependant, il ne fait aucun doute, à la lecture de ce formulaire, qu’il s’agit d’un formulaire normalisé qui ne fait qu’autoriser la divulgation de renseignements médicaux pour permettre à l’agent d’évaluer les motifs médicaux invoqués pour reporter le renvoi de la demanderesse du Canada. Ce formulaire n’indique pas, ni même ne laisse entendre selon moi, que l’agent qui rend la décision assumera la responsabilité d’obtenir les éléments de preuve médicaux à l’appui de la demande de report de la demanderesse.
[73]
Comme l’indique clairement la demanderesse dans son affidavit, la compréhension qu’elle avait du processus de report et de ses obligations était entièrement modelée par les informations que l’avocat l’ayant accompagnée à l’entrevue d’immigration lui avait communiquées. Un avocat expérimenté sait très bien qu’il incombe généralement au demandeur de présenter tous les renseignements qu’il souhaite voir examiner par un agent dans le cadre d’une demande de report. Voir John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1re inst. 420, au paragraphe 24. Un avocat expérimenté doit également savoir que la signature d’un formulaire d’autorisation médicale ne dégage pas, en soi, le demandeur de ses responsabilités. Je ne dispose d’aucun élément de preuve me permettant de croire que les agents de renvoi, que ce soit d’après l’expérience de l’avocat de la demanderesse ou selon la pratique générale, assument eux-mêmes la responsabilité de communiquer avec les médecins, de sorte que les demandeurs peuvent présumer qu’ils n’ont qu’à signer un formulaire d’autorisation et que cela les dégage de la responsabilité de présenter les éléments de preuve nécessaires pour étayer leur demande de report.
[74]
Des questions d’équité procédurale se seraient posées si l’agent avait pris un tel engagement. Mais rien n’indique qu’il en a été ainsi. Les avocats ne laissent pas de telles questions entre les mains des agents de renvoi, car, en agissant de la sorte, ils ne pourraient contrôler l’information communiquée aux agents. Pour bien représenter son client, l’avocat ne peut laisser au décideur le soin de compiler les éléments de preuve qu’il juge nécessaires pour étayer la décision. Le demandeur a le droit et l’obligation de présenter à l’agent de renvoi les éléments de preuve qui, à son avis, aidera à l’examen de sa demande. À titre d’exemple, si on laissait à l’agent le soin de communiquer avec le médecin d’un demandeur, il serait alors impossible de savoir quelles questions l’agent pourrait poser ou quelles interprétations erronées pourraient en découler. Cela pourrait facilement donner lieu à une erreur susceptible de révision pour des raisons liées à l’équité procédurale. Les formulaires d’autorisation médicale permettent de vérifier les éléments de preuve et les motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande de report. Ces formulaires n’exigent pas que les agents rassemblent eux-mêmes les renseignements du dossier médical au nom du demandeur, ni ne les autorisent à le faire.
[75]
En l’absence d’un engagement précis de la part de l’agent en l’espèce, aucun élément de preuve n’appuie une attente légitime selon laquelle l’agent s’est engagé à dégager la demanderesse et son avocat de l’obligation de présenter les éléments de preuve médicaux nécessaires pour étayer la demande.
[76]
Quoi qu’il en soit, c’est l’avocat de la demanderesse qui a finalement obtenu les éléments de preuve médicaux en l’espèce, afin qu’ils puissent être utilisés dans la requête en sursis. Ces éléments de preuve ont été obtenus facilement et rapidement, et rien ne laisse croire qu’ils n’auraient pas pu être obtenus et présentés avec la demande de report ou à tout autre moment avant que la décision soit rendue. L’avocat de la demanderesse invoque les contraintes de temps qui peuvent exister lorsqu’une personne doit se présenter pour son renvoi et que la décision n’est pas rendue en temps opportun. Cette question ne se pose toutefois pas en l’espèce. L’ASFC a reçu la demande de report de la demanderesse le 6 avril 2016, et le renvoi était prévu pour le 24 avril 2017. Aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi la preuve médicale n’a pas été présentée avec la demande ou à tout autre moment avant que l’avocat de la demanderesse décide finalement de l’obtenir pour appuyer la requête en sursis.
[77]
La demanderesse soutient que l’agent avait une certaine connaissance de droit de cette preuve médicale, car celle-ci avait été communiquée à l’avocat du défendeur dans le cadre du dossier présenté à la juge McDonald à l’appui de la requête en sursis :
[TRADUCTION]
7. De plus, si, comme l’allègue le défendeur, l’agent du défendeur n’a pas reçu ladite preuve de la demanderesse, il ne fait aucun doute que l’avocat du défendeur avait lesdits éléments de preuve en sa possession bien avant que le défendeur rende la décision, le 20 avril 2017. Il est par ailleurs raisonnable de s’attendre à ce que l’avocat du défendeur, dans sa préparation à l’audition de la requête en sursis le 21 avril 2017, ait examiné les éléments de preuve en question avec l’agent avant que celui-ci rende la décision, le 20 avril 2017. L’avocat du défendeur ne nie pas avoir reçu en temps opportun les éléments de preuve en question. L’avocat du défendeur ne fournit aucune explication pour indiquer pourquoi il n’a pas consulté l’agent du défendeur en temps opportun, au sujet de la signification des éléments de preuve en cause de la demanderesse, notamment compte tenu de l’imminence de l’audition de la requête en sursis et de la date de renvoi prévue.
[78]
Comme le souligne le défendeur à juste titre, cette tentative visant à transférer à l’avocat du défendeur la responsabilité de présenter les éléments de preuve de la demanderesse à l’agent soulève trop de questions de procédure complexes, dont une, et non la moindre, concerne le conflit d’intérêt qui se pose si l’avocat adverse est tenu d’agir dans l’intérêt de la demanderesse. Il n’est pas utile de tenter d’examiner et de résoudre toutes les possibilités concernant le transfert de cette obligation à l’avocat du défendeur. Comme je l’ai mentionné précédemment, rien n’empêchait l’avocat de la demanderesse de présenter les éléments de preuve médicaux à l’agent en temps opportun, avant que la décision soit prononcée. La demanderesse ne peut déléguer cette responsabilité à l’agent ou à l’avocat du défendeur. Durant l’audition de l’affaire, l’avocat de la demanderesse a fait valoir que la demanderesse ne devrait pas être pénalisée du fait que l’avocat n’a pas présenté, plus tôt durant la procédure, la preuve médicale nécessaire à l’appui de sa demande de report. Il n’y a bien sûr aucune raison pour laquelle le défendeur devrait être pénalisé pour ce manquement et qu’il ait à assumer des responsabilités que l’avocat de la demanderesse tente maintenant de lui imposer.
[79]
La demanderesse suggère en outre, pour des motifs de courtoisie judiciaire ou quelque autre motif, que je souscrive simplement aux conclusions de la juge McDonald énoncées dans l’ordonnance qu’elle a rendue au moment d’autoriser le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Les sections pertinentes de la décision de la juge McDonald se lisent comme suit :
La demanderesse est une femme de 67 ans qui vit au Canada depuis 28 ans. Je suis d’avis que la demanderesse a établi l’existence d’une question sérieuse et d’un préjudice irréparable résultant du défaut de l’agent de tenir compte de ses problèmes de santé et de son besoin continu en médicaments, ainsi que de la possibilité ou non pour elle d’obtenir ces médicaments à la Grenade. L’agent a omis d’examiner cette question ou de tenir compte des éléments de preuve. Il en a résulté un examen incomplet des risques pour la santé de la demanderesse si celle-ci ne peut avoir accès aux médicaments dont elle a besoin à la Grenade. Les éléments de preuve sur la disponibilité de ces médicaments à la Grenade et, le cas échéant, sur la capacité financière de la demanderesse de se les procurer, sont contradictoires. Dans une lettre datée du 18 avril 2017, le médecin de famille de la demanderesse qui traitait la demanderesse depuis 23 ans a déclaré ce qui suit : [traduction] « [...] si la demanderesse doit retourner à la Grenade et qu’elle n’a pas les moyens d’obtenir des soins médicaux et de se procurer les médicaments [...], sa santé se détériorera rapidement ». Dans ce contexte, je suis convaincue que la demanderesse satisfait aux deux premiers volets du critère Toth.
[80]
Je ne connais pas le contenu de la plaidoirie qui a été présentée devant la juge McDonald, mais il ne fait aucun doute que la juge n’avait pas été saisie de l’affidavit de l’agent dans lequel celui-ci affirmait n’avoir jamais reçu la preuve médicale en litige en l’espèce avant de rendre la décision, le 20 avril 2017. De plus, la jurisprudence est claire sur ce point; je ne suis pas tenu de souscrire aux décisions rendues dans une injonction interlocutoire, souvent dans le cadre d’un processus précipité (comme ce fut le cas en l’espèce), lorsque j’ai l’avantage de disposer d’éléments de preuve différents ou plus complets et de plus de temps de réflexion. Voir Haghighi, précité, aux paragraphes 12 à 19; Williams c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 274, aux paragraphes 28 et 29; Roy Doman c. Canada (Sécurité publique), 2012 CF 435, au paragraphe 4.
[81]
L’essentiel de la décision se lit comme suit :
[TRADUCTION]
[...] les éléments de preuve présentés étaient insuffisants pour démontrer que Mme Williams sera incapable d’obtenir des traitements médicaux à son retour à la Grenade, y compris d’avoir accès aux médicaments dont elle a besoin. De plus, je note que des éléments de preuve insuffisants ont été présentés pour indiquer que Mme Williams n’est pas apte à voyager en ce moment.
Compte tenu des éléments de preuve dont disposait l’agent au moment de rendre la décision, il ne s’agit pas d’une conclusion déraisonnable.
[82]
Je comprends que la demanderesse est une personne vulnérable et qu’elle présente de graves problèmes de santé qui devraient être examinés pleinement avant qu’elle soit tenue de quitter le Canada. Sa demande de résidence pour motifs d’ordre humanitaire est toujours en cours et, comme un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi a été accordé, mes conclusions dans la présente demande n’empêcheront pas la demanderesse de demander un autre report, si on lui demande de quitter le Canada avant le règlement de sa demande pour motifs d’ordre humanitaire, auquel moment elle pourra présenter un dossier médical complet à l’agent de renvoi concerné afin d’éviter les problèmes qui se sont présentés en l’espèce.
IX.
CERTIFICATION
[83]
La défenderesse a soulevé les questions à certifier suivantes :
1) Lorsqu’un demandeur présente une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire dans laquelle il conteste une décision qui n’a pas encore été rendue au sujet d’un report et sollicite une requête visant à surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi, et que l’identité du décideur administratif n’est pas connue du demandeur, est-ce que la signification de la preuve, avant que soit rendue la décision administrative, au procureur général qui tenu de répondre à la requête en vertu de l’alinéa 5d) de la Loi sur le ministère de la Justice, constitue une signification au décideur administratif?
et
2) Y a-t-il manquement à l’équité procédurale ou au principe de justice naturelle, ou à la doctrine des attentes légitimes, lorsqu’un agent de l’ASFC ou son délégué rejette une demande de report après avoir omis, sans motifs, de donner suite à une autorisation médicale signée fournie par la demanderesse à la demande de l’agent de l’ASFC, que la demanderesse a informé l’ASFC que des problèmes médicaux sont liés au renvoi en instance, et que le formulaire autorise l’ASFC ou son délégué à communiquer avec tout professionnel de la santé mentionné sur la demande de report du renvoi et à lui poser des questions, pour évaluer les fondements médicaux invoqués à l’appui de la demande de report?
[84]
Dans l’arrêt Mudrak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, la Cour d’appel fédérale a confirmé les principes devant s’appliquer durant la certification de questions :
[15] Notre Cour, dans l’arrêt Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. no 1637 (QL) [Liyanagamage], énonce les principes à considérer lorsqu’il s’agit de décider s’il y a lieu de certifier une question :
[4] Lorsqu’il certifie une question sous le régime du paragraphe 83(1), le juge des requêtes doit être d’avis que cette question transcende les intérêts des parties au litige et qu’elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale [voir l’excellente analyse de la notion d’« importance » qui est faite par le juge Catzman dans la décision Rankin c. McLeod, Young, Weir Ltd. et al. (1986), 57 O.R. (2d) 569 (H.C. de l’Ont.)] et qu’elle est aussi déterminante quant à l’issue de l’appel. Le processus de certification prévu à l’article 83 de la Loi sur l’immigration ne doit pas être assimilé au processus de renvoi prévu à l’article 18.3 de la Loi sur les Cours fédérales, ni être utilisé comme un moyen d’obtenir, de la cour d’appel, des jugements déclaratoires [à] l’égard de questions subtiles qu’il n’est pas nécessaire de trancher pour régler une affaire donnée.
[16] Dans l’arrêt Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, [2014] 4 R.C.F. 290 [Zhang], au paragraphe 9, notre Cour a réitéré ces critères. C’est un principe élémentaire de droit que, pour être certifiée, une question doit i) être déterminante quant à l’issue de l’appel, ii) transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. En corollaire, la question doit avoir été soulevée devant la cour d’instance inférieure, qui doit l’avoir examinée dans sa décision, et elle doit découler de l’affaire, et non des motifs du juge, au paragraphe 4; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zazai, 2004 CAF 89, [2004] A.C.F. no 368 (QL), aux paragraphes 11 et 12 [Zazai]; Varela, aux paragraphes 28, 29 et 32).
[85]
La demanderesse ne cite aucune jurisprudence ni aucun principe qui, à mon avis, pourrait laisser croire à une réponse favorable à l’une ou l’autre de ces questions à la lumière des faits présentés en l’espèce. L’avocat de la demanderesse tente simplement de se soustraire aux responsabilités qui lui incombent clairement, notamment en ne veillant pas à ce que l’agent chargé de statuer sur la demande de report dispose de tous les éléments de preuve nécessaires pour évaluer les problèmes de santé de la demanderesse et les répercussions de son renvoi à la Grenade. Ces questions ne requièrent pas les directives de la Cour d’appel fédérale.
JUGEMENT dans le dossier IMM-1736-17
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
La demande est rejetée.
Aucune question n’est certifiée.
« James Russell »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-1736-17
|
INTITULÉ :
|
MARIA WILLIAMS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Toronto (Ontario)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 22 novembre 2017
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE RUSSEL
|
DATE DES MOTIFS :
|
Le 30 janvier 2018
|
COMPARUTIONS :
Roger Rowe
|
Pour la demanderesse
|
Brad Bechard
|
Pour les défendeurs
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Law Offices of Roger Rowe
Avocats
Toronto (Ontario)
|
Pour la demanderesse
|
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
|
Pour les défendeurs
|