[TRADUCTION FRANÇAISE]
ENTRE :
et
et
JERRY MCINTOSH
[1] Il s’agit d’une requête présentée par les défendeurs visant à trancher une série de 24 questions regroupées en six catégories découlant de l’interrogatoire préalable de la demanderesse, tenu le 23 mars 2006, et pour lequel la demanderesse aurait répondu aux 550 autres questions lui ayant été posées, à l’exception des présentes questions en litige.
Contexte
[2] La demanderesse, une photojournaliste, et la défenderesse, la Société Radio-Canada (ci‑après la « SRC ») ont conclu un contrat de licence (ci-après la « licence ») le 7 octobre 2002 ou aux alentours de cette date, contrat qui octroyait l’usage de cinq photographies de la demanderesse (ci-après les « photographies ») dans le cadre d’un documentaire de la SRC pour ce qui devait, semble-t-il, être [traduction] « une seule diffusion » de ce documentaire. Les photographies illustrent diverses scènes sur les lieux des attaques terroristes du World Trade Center à New York ou près de ceux-ci.
[3] La demanderesse soutient que la SRC a diffusé le documentaire de façon non autorisée à plusieurs reprises, sans en aviser la demanderesse ni la dédommager. La demanderesse allègue donc que les défendeurs ont contrevenu à ses droits prévus par la Loi sur le droit d’auteur, LRC (1985), ch. C-42, ainsi modifiée.
[4] Elle réclame des dommages-intérêts généraux de 3 080,71 $ pour chacune des diffusions non autorisées alléguées, se fondant sur le montant convenu par les parties pour la licence permettant une diffusion.
[5] Comme il a été mentionné, les questions en suspens sont constituées de vingt-quatre (24) questions divisées en six (6) catégories.
Analyse
[6] Les principes généraux applicables aux questions à répondre et aux documents à produire dans le cadre d’un interrogatoire préalable ont principalement été définis par la Cour dans la décision Reading & Bates Construction Co. and al v. Baker Energy Resources Corp. and al, (1988) 24 C.P.R. (3rd) 66, aux pages 70-72 (F.C.T.D.), dans laquelle le juge McNair, dans un exposé général en six points, commence par définir dans les points 1 à 3 les éléments permettant de juger si une question ou un document est pertinent dans un cas donné, puis expose dans les points 4 à 6 une série de circonstances ou d’exceptions autorisant en définitive à ne pas répondre à une question ou à ne pas produire un document demandé.
[7] En conservant ces principes en tête, j’évaluerai à présent le bien-fondé des questions en litige à l’aide des catégories utilisées par les parties.
Catégorie 1
[8] Cette catégorie, qui comporte 17 questions, vise le lien de causalité et les dommages.
[9] En ce qui a trait aux dommages et au lien de causalité, je ne vois pas la réclamation de la demanderesse comme étant reliée à une analyse particulière de la concurrence de la part de la SRC ou à une diminution de la demande des photographies de la demanderesse. Il est vrai qu’au paragraphe 12 de sa réponse, la demanderesse renvoi à ladite formulation, mais ce paragraphe constitue une partie des allégations de la demanderesse selon lesquelles, contrairement à ce que la SRC allègue dans sa défense, l’utilisation des photographies par la SRC ne constitue pas une utilisation équitable au sens de l’article 29.2 de la Loi sur le droit d’auteur, précitée.
[10] En l’espèce, la demanderesse fonde l’établissement des dommages-intérêts sur le montant convenu pour le contrat de licence.
[11] Comme la demanderesse l’a plaidé, les dommages-intérêts résultant d’une violation au droit d’auteur peuvent être octroyés de façon générale, et il n’est pas nécessaire d’alléguer ou de prouver des dommages précis. À cet égard, l’extrait suivant de l’ouvrage Hughes on Copyright & Industrial Design, 2e édition, Butterworths, page 659, paragraphe 101, est éclairant :
[traduction]
En examinant la possibilité d’octroyer des dommages-intérêts, il n’est pas
nécessaire de posséder de preuve précise des dommages, bien qu’il soit
possible d’accorder un montant pour la perte de profits. La notion de
dommages-intérêts est générale et, lorsqu’il est difficile de les
quantifier comme dans le cas de la valeur d’une partie seulement d’une œuvre
littéraire, par exemple, la Cour peut évaluer les dommages subis en fonction de
ce qui serait raisonnable. La compensation n’est pas nécessairement moins
élevée lorsque seuls des dommages-intérêts symboliques sont octroyés en raison
de l’absence de preuve de dommages précis. Les dommages-intérêts pour la
violation de droit d’auteur sont généralement établis comme les dommages qu’aurait
subis le détenteur du droit d’auteur en raison de la violation de son droit,
comme celui de frais de licence qui aurait autrement pu être payé.
[Renvois omis. Non souligné dans l’original.]
[12] Je suis de l’avis général que les défendeurs participent à une « expédition de pêche » et que les questions se trouvant sous cette catégorie constituent une enquête approfondie de la situation financière et de l’état des affaires de la demanderesse, ce qui n’est ni nécessaire ni pertinent considérant les principes enseignés précédemment et que les tierces parties impliquées sont principalement des magazines et non des télédiffuseurs nationaux comme la SRC. En outre, l’interrogatoire préalable auquel s’est soumis la demanderesse a ratissé suffisamment large pour permettre ultimement au juge du fond de tenir compte, selon son bon jugement, d’autres éléments que la licence elle-même dans son évaluation des dommages-intérêts réclamés.
[13] Relativement à la question du lien de causalité, je ne vois pas la nécessité de mener d’autres interrogatoires à cet égard.
[14] À l’annexe A jointe à ses observations écrites déposées en réponse à la présente requête, la demanderesse a soulevé 17 questions précises s’inscrivant dans cette première catégorie. J’ai examiné les motifs particuliers de refus qui y sont soulevés, de même que l’annexe semblable présentée par les défendeurs, et je suis en accord avec la position de la demanderesse sur toutes les questions de cette catégorie.
[15] Par conséquent, en fonction de ce qui précède, il n’y a pas lieu de répondre aux questions de cette catégorie.
[16] Toutefois, la demanderesse a accepté lors de l’audience de fournir aux défendeurs une copie caviardée du contrat qui aurait été conclu entre la demanderesse et Corbis afin de prouver la date d’entrée en vigueur de ce contrat.
Catégorie 2
[17] Cette catégorie ne comprend qu’une seule question et est intitulée [traduction] « Cadre de l’utilisation ». La question 61 demande à la demanderesse de fournir le nom de l’agence qui aurait géré ses photographies relativement à leur utilisation par Newsweek.
[18] Je ne vois pas en quoi cette question est pertinente puisque toute restriction ou modalité applicable à une licence ne s’applique qu’à cette licence particulière. De plus, je crois que les défendeurs font une recherche à l’aveuglette, espérant trouver des renseignements potentiellement préjudiciables à divulguer. Il n’est donc pas nécessaire de répondre à cette question.
Catégorie 3
[19] Cette catégorie est intitulée « Res Gestae ». Il n’est pas nécessaire de répondre à la question se trouvant sous cette catégorie puisque je suis d’avis que sa formulation la rend trop vague et trop large pour être comprise et répondue. Le même raisonnement s’applique aux questions 480 à 484 de la catégorie 6.
Catégorie 4
[20] La question de cette catégorie, intitulée [traduction] « Responsabilité » a maintenant été suffisamment répondue. Aucune autre réponse n’est nécessaire. Le même raisonnement s’applique à la question 490 de la catégorie 6.
Catégorie 5
[21] Il n’est pas nécessaire de répondre aux deux questions se trouvant sous cette catégorie intitulée [traduction] « Preuve » en raison des motifs retrouvés à l’annexe A de la demanderesse.
Catégorie 6
[22] Cette catégorie a été examinée et rejetée aux paragraphes 19 et 20 de la présente décision.
Protonotaire
Montréal (Québec)
Le 19 janvier 2007
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-299-05
INTITULÉ : CATHERINE LEUTHOLD
demanderesse
et
LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA
et
JERRY MCINTOSH
défendeurs
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 17 janvier 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE
PROTONOTAIRE MORNEAU
DATE DES MOTIFS : Le 19 janvier 2007
COMPARUTIONS :
Daniel F. O’Connor
|
POUR LA DEMANDERESSE |
Lyla Simon
|
POUR LES DÉFENDEURS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Daniel F. O’Connor Pointe-Claire (Québec)
|
|
McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. Toronto (Ontario) |