Date : 20171215
Dossier : T-464-16
Référence : 2017 CF 1159
Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2017
En présence de monsieur le juge LeBlanc
ENTRE :
|
JOHN BILES
|
demandeur
|
et
|
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision présentée par le commissaire à l’intégrité du secteur public (le commissaire), datée du 19 février 2016, qui a rejeté la plainte en matière de représailles que le demandeur a déposée le 19 décembre 2014 aux termes de l’article 19.1 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, LC 2005, c 46 (la Loi). Le demandeur allègue que des mesures de représailles ont été prises directement contre lui pour avoir collaboré dans le cadre d’une enquête menée sur une divulgation d’actes répréhensibles effectuée en application de la Loi en 2013.
[2]
À la suite d’une enquête portant sur la plainte en matière de représailles du demandeur, le commissaire a conclu qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire que des mesures de représailles avaient été prises contre lui, concluant par là qu’une demande au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (le Tribunal) n’était pas justifiée dans les circonstances de l’espèce.
II.
Résumé des faits
A.
Ce qui a donné lieu à la plainte en matière de représailles
[3]
Le demandeur est un employé à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) (maintenant connu sous le nom d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada) depuis environ dix-sept ans, spécialisé dans l’établissement et l’intégration des nouveaux arrivants. En novembre 2010, il a accepté un poste de conseiller spécial du directeur général, Intégration, à l’administration centrale de CIC à Ottawa. Son rôle principal à ce poste était de prendre la « responsabilité de l’élaboration des politiques »
de l’ensemble des sociétés de recherche liées à l’établissement.
[4]
Lorsqu’il occupait ce poste, il a fait l’objet d’une enquête du ministère déclenchée par une divulgation interne établie aux termes de la Loi (la divulgation interne) en ce qui concerne certaines allégations d’irrégularité, y compris un risque de conflit d’intérêts avec un fournisseur de services qui reçoit du financement sous forme de contributions et de données expérimentales de CIC et avec qui l’épouse du demandeur était prétendument associée. Cela est survenu en mai 2013.
[5]
La divulgation interne allègue que le demandeur a accordé un traitement de faveur à cet organisme – le Western Consortium on Integration, Citizenship and Cohesion (WCICC) – et l’a parfois aidé au-delà de ce qui était permis pour un employé de CIC, ce qui explique que le demandeur a commis des actes répréhensibles au sens de l’article 8 de la Loi. Plus précisément, le demandeur était soupçonné d’avoir fait un mauvais usage des fonds publics, d’avoir commis une erreur de gestion flagrante dans le secteur public et d’avoir gravement enfreint le code de conduite de CIC.
[6]
En septembre 2014, le demandeur a été informé que l’enquête sur la divulgation interne n’avait révélé rien de répréhensible. À ce moment-là, le demandeur n’occupait plus le poste de conseiller spécial du directeur général, Intégration, car il a accepté une affectation dans la région, prétendument dans le but d’échapper au « harcèlement systémique »
qu’il a vécu alors que la divulgation interne faisait l’objet d’une enquête. Dans le cadre de cette affectation, qui a débuté en mai 2014, le demandeur dit avoir été chargé d’exécuter un grand nombre de mesures de dotation qui exigeaient une sous-délégation des pouvoirs en matière de dotation ne pouvant être autorisée que par le sous-ministre de CIC, un poste occupé à ce moment-là par Mme Anita Biguzs.
[7]
Le demandeur soutient que, le 12 décembre 2014, alors que les demandes de sous‑délégation de ses collègues avaient été traitées et approuvées, même s’ils avaient présenté leur demande après lui, la sienne était toujours en traitement. Il soutient que Mme Biguzs a délibérément interrompu sa demande, qui aurait normalement pris un ou deux mois à être traitée, en raison de sa coopération dans l’enquête sur la divulgation interne, où il a soulevé de sérieux doutes quant au manque de clarté de la preuve présentée contre lui, à l’équité procédurale et au défaut du processus d’enquête d’appliquer un cadre législatif clair et établi comme l’exigent les politiques du Conseil du Trésor.
[8]
Vers la même époque où il a été considéré comme n’ayant commis aucun acte répréhensible à la suite de l’enquête sur la divulgation interne, le demandeur a présenté une demande d’affectation sous forme d’échange avec un organisme sans but lucratif, la Immigration Access Fund Society of Alberta (IAF), prétendant avoir été forcé d’envisager cette affectation afin d’échapper aux représailles de Mme Biguzs. Il affirme que la date de début de l’affectation sous forme d’échange a été repoussée à quatre reprises, en dépit d’avoir été assuré par le personnel et la haute direction que l’affectation sous forme d’échange surviendrait en peu de temps, et que cette affectation a finalement été refusée lorsque la directrice générale des ressources humaines de CIC de l’époque, Mme Katherine Parker, sur recommandation de la Direction des ressources humaines de la Direction générale de l’optimisation des ressources humaines, l’a informé qu’elle n’appuierait pas cette affectation. La recommandation se fondait sur l’opinion de la Direction générale que, compte tenu des expériences passées et actuelles du demandeur et de son expertise de CIC, son affiliation avec un bénéficiaire de fonds qui tirait profit d’un fonds dont il était le responsable à CIC le mettrait dans une situation de conflit d’intérêts, étant donné que cela pourrait donner lieu à la perception que la IAF bénéficierait d’un avantage auquel d’autres organismes n’auraient pas accès au moment de présenter des demandes de financement à CIC.
[9]
Le demandeur conteste le fait que Mme Parker a modifié le processus d’examen de l’affectation sous forme d’échange en demandant des renseignements à la IAF au sujet du lien qu’il pouvait avoir avec le WCICC. Il prétend qu’il s’agissait là d’une façon de faire renaître les allégations de divulgation interne, un acte qui, à son avis, était à la fois abusif et contraire à l’éthique compte tenu des résultats de l’enquête sur la divulgation interne, et qui a mené la IAF à réexaminer l’offre d’affectation sous forme d’échange afin de voir si elle pouvait présenter un risque.
[10]
Selon celui qui a agi en tant que directeur lorsqu’il a accepté l’affectation en région, le demandeur est un employé exceptionnel, qui est valorisé et très estimé.
B.
Discussion au sujet de la plainte en matière de représailles et de l’admissibilité du dossier
[11]
Tel qu’il a été indiqué au début des présents motifs, le demandeur a déposé une plainte en matière de représailles le 19 décembre 2014. La plainte visait à la fois Mme Parker, pour son intervention dans le processus d’examen de l’affectation sous forme d’échange, et Mme Biguzs, pour avoir retenu la délivrance de l’autorisation de la sous-délégation des pouvoirs en matière de dotation. La plainte s’appuyait sur l’alinéa 2d) de la Loi qui définit les « représailles »
comme étant, entre autres, « toute mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail »
.
[12]
Dans le cas de Mme Parker, le demandeur s’est plaint du fait que ses présumées représailles l’ont effectivement empêché d’accepter une affectation sous forme d’échange pour échapper aux représailles de Mme Biguzs et l’ont empêché de quitter la fonction publique pour occuper un emploi dans le secteur privé où il pourrait utiliser les aptitudes qu’il a développées au fil des ans à CIC pour faire avancer le processus d’établissement et d’intégration des nouveaux arrivants au Canada. En ce qui concerne les présumées représailles de Mme Biguzs, le demandeur s’est plaint du fait qu’elles l’ont privé des outils nécessaires pour accomplir son travail, ce qui a entraîné la conclusion par les gestionnaires du ministère selon laquelle il ne devrait être ni promu ni appuyé dans ses ambitions professionnelles, nuisant ainsi de façon importante à son avancement professionnel et à ses conditions de travail.
[13]
Le commissaire a d’abord procédé à un examen de l’admissibilité de la plainte du demandeur aux termes de l’article 19.4 de la Loi. Le 6 février 2015, à la suite de cet examen, il a avisé le demandeur qu’il enquêterait sur l’allégation selon laquelle [traduction] « Mme Parker a porté atteinte à vos conditions de travail, au sens de l’alinéa 2d) de la Loi, lorsqu’elle a modifié la demande d’affectation sous forme d’échange et refusé de donner une recommandation favorable à ladite demande le 8 décembre 2014 »
(la plainte Parker).
[14]
Toutefois, le commissaire a également décidé qu’il ne commencerait pas à enquêter sur les présumées allégations de Mme Biguzs au motif que ces allégations, en application de l’alinéa 19.3(1)c) de la Loi, outrepassaient sa compétence. Plus précisément, le commissaire a précisé que, bien qu’il puisse comprendre que la sous-délégation faciliterait ses activités de dotation, des mesures visant à atténuer le manque de délégation du demandeur avaient été mises en place, lui permettant ainsi de participer aux processus de dotation et, mise à part la capacité de signer des demandes, des lettres ou des offres de dotation, d’effectuer les autres tâches de son poste. Le commissaire n’était pas convaincu, par conséquent, que le retard dans l’examen de la demande du demandeur pour la sous-délégation des pouvoirs en matière de dotation ait nui à son emploi ou à ses conditions de travail.
[15]
Le commissaire a tiré une conclusion similaire concernant les conséquences du retard sur l’avancement professionnel du demandeur, indiquant que Mme Biguzs n’avait pas encore approuvé ou rejeté sa demande pour une telle sous-délégation, et qu’il n’y avait aucun renseignement au dossier démontrant qu’il avait été promu ou appuyé dans ses ambitions professionnelles par suite du retard à l’obtenir.
[16]
Le demandeur n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision du commissaire de ne pas traiter les allégations de représailles de Mme Biguzs.
C.
L’enquête sur la plainte Parker
[17]
Mme Gail Gauvreau, une enquêteuse principale du Commissariat à l’intégrité du secteur public (le Commissariat), a été désignée pour enquêter sur la plainte Parker. Dans une lettre datée du 8 juillet 2015, Mme Gauvreau a informé l’avocat du demandeur qu’elle souhaitait réserver une date et une heure pour interroger le demandeur. Elle a également exposé dans cette lettre, compte tenu des renseignements que CIC avait fournis à ce jour, sa compréhension du processus suivi par CIC de l’examen et finalement du rejet de la demande d’affectation sous forme d’échange du demandeur.
[18]
Le 23 juillet 2015, l’avocat du demandeur a accusé réception de la lettre de Mme Gauvreau. Il a souligné la nécessité de tenir une enquête de contexte général qui irait au‑delà d’une étroite comparaison des procédures fondamentales utilisées pour les affaires d’affectation sous forme d’échange et couvrirait notamment, étant donné, à son avis, l’inextricabilité entre l’enquête sur la divulgation interne et le processus d’examen de l’affectation sous forme d’échange, les questions suivantes :
a) Mme Biguzs et la
« haute direction »
à CIC étaient-elles impliquées dans la décision de Mme Parker de ne pas recommander l’affectation sous forme d’échange avec la IAF ou ont-elles participé à la décision sur l’affectation sous forme d’échange?b) Comment les renvois au WCICC se sont-ils glissés dans la correspondance entre Mme Parker et la IAF?
c) L’enquête sur la divulgation interne a-t-elle été indûment introduite dans le processus d’affectation sous forme d’échange?
d) Le processus d’affectation sous forme d’échange a-t-il été traité de la même manière que les autres processus pour la même période ou était-il assujetti à des délais systémiques en tant que représailles?
[19]
L’avocat a également fourni une liste de huit témoins qui devraient être interrogés par Mme Gauvreau, y compris Mme Biguzs et la présidente de la commission de la IAF, Mme Laura Wood, ainsi qu’un certain nombre de cadres supérieurs de CIC, anciens et actuels. Enfin, il a informé Mme Gauvreau que le demandeur attendait toujours une décision de Mme Biguzs au sujet de sa demande de sous-délégation des pouvoirs en matière de dotation. Selon le défendeur, ladite sous-délégation a été reçue par le demandeur en décembre 2015.
[20]
Au cours de son enquête, Mme Gauvreau a interrogé un total de neuf personnes de la IAF, y compris le demandeur, Mme Parker et Mme Wood. À l’automne 2015, en fonction de nouveaux renseignements recueillis pendant son enquête, Mme Gauvreau a décidé de recommander d’élargir ladite enquête et a préparé à cet effet, en vue d’un examen par le commissaire, un projet d’avis d’élargissement de l’enquête dans lequel elle a écrit ce qui suit :
[traduction]
24. Dans l’enquête sur Mme Parker selon laquelle elle a été identifiée comme ayant exercé des représailles en l’espèce, il semble toutefois que la haute direction peut avoir participé dans une certaine mesure à la tentative de recouvrer des renseignements liés à l’enquête [de divulgation interne].
25. Donner suite en l’espèce impliquerait la collecte de renseignements qui pourrait se rapporter à d’autres personnes, expressément la sous-ministre, Mme Bigusz [sic].
26 Ce bureau ne devrait pas commencer la collecte de renseignements, ou entreprendre de poser des questions se rapportant aux actes d’une personne lorsqu’il existe un soupçon que leurs actes pourraient être en violation de la [Loi], tant que le commissaire n’ordonne pas que l’enquête soit élargie et tant que les personnes n’ont pas été formellement avisées.
27. Par conséquent, il est recommandé que l’enquête soit élargie pour y inclure la sous-ministre, Mme Bigusz [sic].
[21]
Avec son projet d’avis d’élargissement de l’enquête, Mme Gauvreau a aussi préparé un projet de lettre au greffier du Conseil privé et au secrétaire du Cabinet visant à les informer qu’une enquête aux termes de la Loi sur les actes reprochés à Mme Biguzs serait entreprise. La lettre indiquait que cette enquête [traduction] « examinerait si la prétendue atteinte de Mme Biguzs à la demande d’affectation sous forme d’échange de M. Biles et sa capacité à fonctionner efficacement dans son poste actuel est liée à la coopération de M. Biles dans l’enquête aux termes de la Loi »
.
[22]
La recommandation de Mme Gauvreau était fondée sur de nouveaux renseignements indiquant que Mme Biguzs était [traduction] « l’élément moteur »
de l’enquête de Mme Parker sur tout lien que le IAF pourrait avoir avec le WCICC, l’organisme dont les relations avec le demandeur avaient fait l’objet d’une divulgation interne.
[23]
Au même moment qu’elle décidait de recommander l’élargissement de l’enquête sur la plainte Parker, Mme Gauvreau a également décidé de recommander une conciliation et a préparé un projet de recommandation de conciliation. Le 16 novembre 2015, le directeur des opérations du Commissariat, M. Raynald Lampron, en l’absence de Mme Gauvreau, a averti les avocats du demandeur, par courriel, qu’il n’y avait aucune garantie que [traduction] « l’autre partie »
voudrait avancer en ce qui concerne la conciliation ou que le commissaire l’approuverait, et il a insisté pour dire que le contenu du courriel ne devait pas être interprété ou reçu [traduction] « comme un engagement selon lequel la conciliation sera recommandée, ou […] aura lieu, ou, dans l’éventualité où elle est recommandée et approuvée, qu’elle aura lieu avant Noël »
, tel que l’avait prévu le demandeur.
[24]
Conformément à la preuve au dossier, la conciliation a été examinée par le commissaire le 22 décembre 2015 lorsqu’il a examiné le rapport d’enquête préliminaire de Mme Gauvreau. Aucune conciliation n’a été effectuée pour la plainte Parker.
[25]
Le 2 décembre 2015, après avoir procédé à un examen de la preuve au dossier avec M. Lampron, Mme Gauvreau a abandonné l’idée de recommander l’élargissement d’une enquête, considérant à ce moment-là que cette preuve n’était pas suffisante pour appuyer une recommandation à cet effet. Aucun élargissement d’enquête sur la plainte Parker n’a donc été entrepris.
[26]
Le 23 décembre 2015, le commissaire a publié le rapport d’enquête préliminaire. Il a en même temps divulgué un conflit d’intérêts potentiel de la part de Mme Gauvreau pour avoir un lien de parenté indirect avec Mme Parker, lien que Mme Gauvreau ignorait avant le 1er décembre 2015. Par souci de prudence et pour s’assurer que l’intégrité de l’enquête ne faisait aucun doute, le commissaire a décidé que le reste de l’enquête serait terminé par quelqu’un d’autre que Mme Gauvreau. L’enquête a été terminée par M. Lampron. Rien en l’espèce ne repose sur un conflit d’intérêts potentiel.
[27]
Les deux parties ont commenté le rapport d’enquête préliminaire. Plus précisément, le demandeur a de nouveau souligné la nécessité d’enquêter sur le contexte général, c’est-à-dire le lien entre l’intervention de Mme Parker dans le processus d’examen de l’affectation sous forme d’échange et l’enquête sur la divulgation interne, et le rôle de Mme Biguzs à cet égard.
D.
Le rapport final d’enquête et la décision du commissaire de rejeter la plainte Parker
[28]
Le 19 février 2016, le commissaire a publié le rapport final d’enquête, adoptant dans son ensemble les conclusions, l’analyse et la recommandation de son auteur, M. Lampron.
[29]
M. Lampron était d’abord convaincu que le demandeur avait coopéré de bonne foi dans une enquête menée sur une divulgation — l’enquête sur la divulgation interne — conformément à la définition de « représailles »
de la Loi. Il a ensuite déterminé, selon cette définition, la question de savoir si le fait de se voir refuser une demande d’affectation sous forme d’échange équivaut à une mesure nuisant à l’emploi ou aux conditions de travail du fonctionnaire qui en a fait la demande. Il a souligné à cet égard qu’aucun fonctionnaire n’a le droit de prendre part de plein droit à une affectation sous forme d’échange. Il a souligné que les politiques du gouvernement sur les programmes d’affectation sous forme d’échange établissent les responsabilités strictes des administrateurs généraux des ministères pour soulever toute question de conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel susceptible de découler d’une affectation sous forme d’échange.
[30]
Cela dit, M. Lampron a reconnu que [traduction] « le refus par un employé d’une affectation professionnelle envers un employé qui satisfait au critère d’admissibilité et où l’échange appuierait les objectifs du programme d’affectation sous forme d’échange, ainsi que ceux des participants, des organismes et du gouvernement du Canada, pourrait correspondre à une mesure qui nuirait à l’emploi et aux conditions de travail d’un fonctionnaire »
et pourrait, si elle était liée à la coopération du fonctionnaire dans l’enquête, constituer des représailles.
[31]
Convaincu que Mme Parker [traduction] « avait au moins eu connaissance de la participation de M. Biles dans l’enquête [sur la divulgation interne] »
, M. Lampron a poursuivi afin de déterminer s’il y avait un lien entre cette participation et le rôle qu’a joué Mme Parker en refusant la demande d’affectation sous forme d’échange. Il a conclu à l’absence d’un tel lien. Son évaluation globale de la preuve à cet égard se trouve aux paragraphes 82 et 83 du rapport final d’enquête :
[traduction]
82. La preuve indique que Mme Parker ignorait la demande d’affectation sous forme d’échange jusqu’au 14 novembre 2014 et, à l’époque, elle a seulement vu la demande comme un élément sur une liste de travail à effectuer par la Section de l’optimisation des ressources humaines. Elle n’a pas vu de copie de la demande de M. Biles avant le 27 novembre. Elle n’a pas pu donner suite à la demande tant que le rapport sur les valeurs et l’éthique n’était pas terminé. Aucun élément de preuve n’indique qu’elle est intervenue dans les recommandations de Mme Eliane Habib, l’agente de l’éthique et des enquêtes en milieu de travail, qui avait été affectée pour examiner le rapport confidentiel de M. Biles. Mme Habib a recommandé que l’affectation sous forme d’échange reste sans suite. La directrice de Mme Habib, Mme Lapointe, a souscrit à la recommandation de Mme Habib et a indiqué qu’aucune pression n’a été exercée sur elle concernant la prise de décision et qu’on ne lui a pas dit que l’affectation sous forme d’échange ne serait pas appuyée. Elle a pris sa décision uniquement sur les descriptions de poste et le travail de M. Biles au ministère. À la fin de l’examen de Mme Lapointe, le dossier est passé à Mme Parker pour son examen et sa décision.
83. Le courriel de Mme Parker à l’organisme était inutile puisqu’elle avait une recommandation solide de son personnel selon laquelle l’affectation sous forme d’échange aurait constitué un conflit d’intérêts entre le travail de M. Biles à CIC et les fonctions qu’il exercerait à la IAF. L’enquête supplémentaire de Mme Parker en ce qui concerne la IAF était peut-être inutile et par conséquent quelque peu douteuse; néanmoins, cet acte n’a eu aucun effet sur la recommandation et la décision concernant la demande d’affectation sous forme d’échange de M. Biles. La recommandation de Mme Habib n’était liée en aucune façon à l’enquête de divulgation interne menée aux termes de la Loi. Avec ou sans l’enquête menée à la IAF, la recommandation aurait été la même, laquelle était que la demande de M. Biles soit refusée au motif d’un conflit d’intérêts apparent.
[32]
M. Lampron a ajouté que la demande d’affectation sous forme d’échange du demandeur a été traitée en 45 jours, ce qui relève bien du délai de traitement habituel des demandes d’affectation sous forme d’échange de 21 à 90 jours, et que Mme Parker a seulement pris 4 jours de travail pour prendre sa décision une fois qu’on lui a fourni les documents requis. Par conséquent, M. Lampron était convaincu que le processus relatif à la demande d’affectation sous forme d’échange du demandeur [traduction] « n’était pas trop long et relevait des délais normaux »
.
[33]
Vu l’ensemble de la preuve, M. Lampron a conclu qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables pour que le commissaire croie que le demandeur a été victime de représailles pour avoir coopéré à une enquête sur la divulgation aux termes de la Loi. Par conséquent, il a recommandé que le commissaire conclue que le demandeur n’avait pas fait l’objet de représailles de la part de CIC et qu’il rejette sa plainte conformément à l’article 20.5 de la Loi.
[34]
Comme il a été indiqué précédemment, le commissaire a fait siennes les conclusions et la recommandation de M. Lampron, mais il a également traité de deux autres questions pertinentes en l’occurrence.
[35]
Premièrement, il a rejeté la prétention du demandeur selon laquelle Mme Gauvreau avait l’esprit fermé quant à la preuve dont elle disposait, malgré le fait que c’est M. Lampron qui a conclu l’enquête. Le commissaire s’est dit convaincu du fait que Mme Gauvreau avait pleinement examiné toutes les circonstances relatives à la plainte Parker, y compris le fait que Mme Parker avait une certaine connaissance de l’enquête sur la divulgation interne lorsqu’elle a été appelée à examiner la recommandation de son personnel concernant la demande d’affectation sous forme d’échange du demandeur.
[36]
Deuxièmement, le commissaire a examiné l’allégation du demandeur selon laquelle l’enquête sur la plainte Parker devait être élargie aux termes du paragraphe 33(1) de la Loi, pour comprendre comment Mme Parker a acquis des connaissances au sujet de la divulgation interne. Il a conclu qu’une plainte en matière de représailles ne peut pas servir de fondement à une nouvelle enquête en application du paragraphe 33(1), car cette disposition ne vise que les enquêtes entreprises dans le contexte de divulgations d’actes répréhensibles. Il a également conclu qu’il ne serait pas inhabituel pour Mme Parker, en sa qualité de directrice des ressources humaines, d’avoir une certaine connaissance des enquêtes de divulgation au sein de CIC.
III.
Questions en litige et norme de contrôle
[37]
Le demandeur conteste à la fois le caractère raisonnable et l’équité procédurale de la décision contestée et invoque le fait que le commissaire [traduction] « a commis plusieurs erreurs de droit et de procédure interreliées en rendant ses décisions le 19 février 2016 »
.
[38]
Au sujet du caractère raisonnable, le demandeur soutient que le commissaire a commis une erreur (i) en qualifiant mal les allégations contre Mme Biguzs en exigeant une [traduction] « nouvelle enquête »
; (ii) en interprétant et en appliquant le paragraphe 33(1) de la Loi, et (iii) en interprétant et en appliquant la notion de « représailles »
qui découle des allégations dans la plainte en matière de représailles sous-jacente.
[39]
Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Agnaou c Canada (Procureur général), 2015 CAF 29, au paragraphe 31 [Agnaou]; Gupta c Canada (Procureur général), 2016 CAF 50, au paragraphe 4). Cette norme est respectée lorsque la décision contestée cadre bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité et qu’elle appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).
[40]
Au sujet de l’équité procédurale, le demandeur soutient que le commissaire a omis (i) d’examiner les renseignements contextuels relatifs à Mme Biguzs et à Mme Beck et, ainsi, d’examiner des éléments de preuve clés, (ii) de renvoyer l’affaire devant un conciliateur en violation de ses attentes légitimes, (iii) d’avoir accès à des renseignements expurgés potentiellement pertinents contenus dans le dossier certifié du tribunal, et de les évaluer, (iv) de vérifier les renseignements pertinents au motif qu’ils constituaient du ouï-dire. Là encore, les deux parties conviennent que ces questions sont assujetties à la norme de la décision correcte (Agnaou, au paragraphe 30), alors que le défendeur affirme, en s’appuyant sur l’arrêt Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF 160, que, lorsque le caractère approfondi et suffisant de l’enquête du commissaire est mis en cause, c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique.
IV.
Discussion
A.
Le régime des plaintes en matière de représailles de la Loi
[41]
Suivant le préambule de la Loi, la Loi vise à améliorer la confiance dans les institutions publiques par « la création de mécanismes efficaces de divulgation des actes répréhensibles et de protection des fonctionnaires divulgateurs »
. Par conséquent, l’objet de la Loi est double : elle vise à « dénoncer et punir les actes répréhensibles dans le secteur public dans le but ultime d’accroître la confiance du public dans l’intégrité des fonctionnaires fédéraux »
tout en protégeant des représailles « les divulgateurs et autres personnes qui participent à une enquête sur des actes répréhensibles »
(Agnaou, aux paragraphes 60 et 62).
[42]
L’article 2 de la Loi définit les « représailles »
ainsi :
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[43]
Le paragraphe 2(2) de la Loi précise que la mention de la personne ayant exercé des représailles vaut mention de la personne qui en a ordonné l’exercice.
[44]
Les plaintes en matière de représailles peuvent être déposées par tout « fonctionnaire ou [...] ancien fonctionnaire qui a des motifs raisonnables de croire qu’il a été victime de représailles »
(paragraphe 19.1(1) de la Loi). Elles doivent être reçues et examinées à l’égard des représailles, et le commissaire doit enquêter sur celles-ci et y donner suite (alinéa 22i) de la Loi).
[45]
Le commissaire statue sur la recevabilité de la plainte dans les quinze jours suivant son dépôt (paragraphe 19.4(1) de la Loi). Il peut refuser de statuer sur une plainte s’il l’estime irrecevable pour un des motifs suivants : (i) l’objet de la plainte a été instruit comme il se doit dans le cadre d’une procédure prévue par toute autre loi fédérale ou toute convention collective ou aurait avantage à l’être; (ii) la plainte déborde sa compétence; (iii) elle n’est pas faite de bonne foi (paragraphe 19.3(1) de la Loi).
[46]
Dans le cas où le commissaire décide que la plainte est recevable et où il y donne suite, le commissaire envoie par écrit sa décision au plaignant et à la personne ou à l’entité qui a le pouvoir d’infliger les sanctions disciplinaires à chaque personne qui a participé à l’exercice des prétendues représailles faisant l’objet de la plainte (paragraphe 19.4(2) de la Loi). Dans le cas où il décide que la plainte est irrecevable, le commissaire envoie par écrit sa décision motivée au plaignant (paragraphe 19.4(3) de la Loi).
[47]
S’il décide que la plaine est recevable, le commissaire peut charger une personne d’enquêter sur la plainte (paragraphe 19.7(1) de la Loi). Au moment de commencer l’enquête, l’enquêteur informe l’administrateur général compétent de la tenue de celle-ci et lui fait connaître l’objet de la plainte. Il peut aussi informer toute personne, notamment toute personne dont la conduite est mise en question par la plainte, de la tenue de l’enquête et lui faire connaître l’objet de la plainte (paragraphe 19.8 de la Loi).
[48]
L’enquête est menée, dans la mesure du possible, sans formalisme et avec célérité (paragraphe 19.7(2) de la Loi). Au cours de l’enquête, l’enquêteur peut recommander au commissaire de nommer un conciliateur chargé de tenter d’en arriver à un règlement de la plainte (paragraphe 20(1) de la Loi). La nomination d’un conciliateur est laissée à la discrétion du commissaire (paragraphe 20(2) de la Loi) et les conditions d’un règlement sont subordonnées à l’approbation du commissaire (paragraphe 20.2(1) de la Loi).
[49]
Lorsque la conciliation n’est pas recommandée, est réputée ne pas être justifiée par le commissaire ou est réputée justifiée mais échoue, l’enquêteur présente son rapport au commissaire le plus tôt possible après la fin de l’enquête (paragraphe 20.3 de la Loi). Après réception du rapport d’enquête, le commissaire peut rejeter la plainte ou la renvoyer au Tribunal (paragraphes 20.4(1) et 20.5 de la Loi).
[50]
Le renvoi a lieu lorsque le commissaire est d’avis que l’instruction de la plainte par le Tribunal est justifiée pour qu’il détermine si des représailles ont été exercées ou non à l’égard du plaignant et pour ordonner la prise des mesures de réparation à l’égard du plaignant dans les cas où le Tribunal détermine que des représailles ont été exercées (paragraphe 20.4(1) de la Loi). Lorsqu’il examine la question de savoir si l’instruction de la plainte par le Tribunal est justifiée, le commissaire tient compte des facteurs suivants établis au paragraphe 20.4(3) de la Loi :
a) il y a des motifs raisonnables de croire que des représailles ont été exercées à l’égard du plaignant;
b) l’enquête relative à la plainte ne peut être terminée faute de collaboration d’un administrateur général ou de fonctionnaires;
c) la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 19.3(1)a) à d);
d) il est dans l’intérêt public de présenter une demande au Tribunal compte tenu des circonstances relatives à la plainte.
[51]
La plainte doit être rejetée lorsque le commissaire est d’avis, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, que l’instruction de celle-ci par le Tribunal n’est pas justifiée (paragraphe 20.5 de la Loi).
[52]
Dans l’arrêt Agnaou, la Cour d’appel fédérale a qualifié le processus établi aux termes de la Loi pour le traitement des plaintes en matière de représailles comme étant « très différent »
de celui établi pour la divulgation d’actes répréhensibles. Elle souligne aussi la similitude entre le processus des plaintes en matière de représailles de la Loi et le processus de plainte énoncé dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC (1985), c H-6 [LCDP] (Agnaou). Les différences et similitudes étaient énoncées comme suit :
[62] Le législateur a établi un processus très différent pour traiter des plaintes en matière de représailles. En fait, ce processus est similaire à celui prévu dans la LCDP. L’intérêt public demeure une préoccupation majeure. Il faut promouvoir la divulgation d’actes répréhensibles en protégeant les divulgateurs et autres personnes qui participent à une enquête sur des actes répréhensibles. Toutefois, comme c’est souvent le cas pour les plaintes déposées sous la LCDP, les représailles dont on se plaint ont un impact direct sur la carrière et les conditions de travail des fonctionnaires impliqués. La Loi prévoit que le Tribunal spécialement constitué pour traiter de ces questions pourra accorder des remèdes aux plaignants, en plus d’imposer des mesures disciplinaires aux fonctionnaires fautifs lorsque le commissaire le recommande.
[63] Dans le processus applicable à ces plaintes, le rôle du commissaire est semblable à celui de la Commission. Comme cette dernière, il gère les plaintes et s’assure qu’elles soient traitées comme il convient. Pour ce faire, le commissaire examine les plaintes à deux étapes du processus avant de décider si leur instruction par le Tribunal pour la protection des fonctionnaires divulgateurs est justifiée.
[64] Dans les quinze jours de la réception de la plainte en matière de représailles, le commissaire doit décider de sa recevabilité. Les motifs pour lesquels une plainte peut être rejetée sommairement sont beaucoup plus limités que ceux prévus à l’article 24 (divulgations). Ils sont de la même nature que ceux prévus à l’article 41 de la LCDP et sont même plus limités que ces derniers, puisque le paragraphe 19.3(1) n’inclut pas la possibilité de rejeter une plainte considérée frivole ou abusive.
[65] Après enquête, le commissaire examine à nouveau la plainte à la lumière des facteurs décrits au paragraphe 20.4(3) de la Loi qui inclut entre autres s’« il y a des motifs raisonnables de croire que des représailles ont été exercées » et si la plainte doit être rejetée pour un des motifs énoncés aux alinéas 19.3(1)a) à d). Il rejette la plainte si son instruction n’est pas justifiée (paragraphe 20.5). Ces dispositions de la Loi sont substantiellement les mêmes que l’on retrouve aux paragraphes 44(1) et 44(3) de la LCDP, tels qu’interprétés par la jurisprudence.
[53]
En raison de la similitude entre la façon dont les plaintes sont traitées et établies, la jurisprudence traitant des plaintes devant la Commission canadienne des droits de la personne a été jugée « utile »
lorsqu’elle examine les plaintes déposées auprès du commissaire (Agnaou, au paragraphe 40).
[54]
Dans le contexte de la LCDP, il est maintenant fermement établi que l’enquête menant à la décision de rejeter ou de renvoyer une plainte au Tribunal canadien des droits de la personne doit, afin que soit établi un fondement juste, satisfaire à deux conditions : la neutralité et la rigueur (Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 CF 574; 1994 CarswellNat 271, au paragraphe 50 [Slattery]). En ce qui concerne l’exigence de rigueur, la Cour va généralement intervenir « lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante, qu’un contrôle judiciaire s’impose »
(Slattery, au paragraphe 57). L’élément de preuve est « manifestement important »
dans le contexte où le critère « exige qu’il soit évident pour n’importe quelle personne rationnelle que la preuve qui, selon le demandeur, aurait dû être examinée durant l’enquête était importante compte tenu des éléments allégués dans la plainte »
(Gosal c Canada (Procureur général), 2011 CF 570, au paragraphe 54 [Gosal], citant Beauregard c Société canadienne des postes, 2005 CF 1383, au paragraphe 21).
[55]
Par ailleurs, bien que l’enquêteur ne soit pas tenu d’interroger chaque personne proposée par les parties (Slattery, au paragraphe 70), son enquête pourrait ne pas satisfaire au critère de rigueur si l’enquêteur n’a pas interrogé de témoins essentiels, c’est-à-dire des personnes qui étaient des [traduction] « acteurs centraux »
des événements ayant donné lieu à la plainte (Sanderson c Canada (Procureur général), 2006 CF 447, et Gravelle c Canada (Procureur général), 2006 CF 251).
B.
La décision du commissaire doit être annulée
[56]
Pour déterminer si une plainte doit être rejetée ou poursuivie devant le Tribunal, le commissaire doit, comme nous l’avons vu, tenir compte s’il y a présence de motifs raisonnables de croire que des représailles ont été exercées à l’égard du plaignant à la suite d’une divulgation protégée (alinéa 20.4(3)a) de la Loi). Ce critère exige, pour qu’une mesure soit considérée comme des représailles, qu’il y ait un lien entre la divulgation protégée et les prétendues mesures.
[57]
Dans ce cas-ci, si je comprends bien sa position, le demandeur soutient qu’il y a un lien inextricable entre la divulgation interne et le processus d’examen de sa demande d’affectation sous forme d’échange. Il dit, à cet égard, qu’en soulevant des préoccupations directement liées à l’enquête sur la divulgation interne, la haute direction à CIC, dirigée par la sous-ministre Biguzs, a, à tort, tenté de modifier le processus d’examen des affectations sous forme d’échange, qui, entre autres, a fait que la IAF a réexaminé son offre d’affectation sous forme d’échange. Il en est ainsi, selon cet argument, parce que la haute direction n’a pas pu démontrer d’actes répréhensibles de sa part dans l’enquête sur la divulgation interne.
[58]
Le demandeur soutient qu’en dépit de l’issue de sa demande d’affectation sous forme d’échange, cette tentative équivaut, à elle seule, à des représailles au sens de la Loi et aurait dû par conséquent faire l’objet d’une enquête dans le cadre de la plainte Parker. Il affirme que la preuve recueillie par Mme Gauvreau comportait des éléments suffisants pour élargir l’enquête afin d’inclure ces allégations, proposition que Mme Gauvreau a considérée à un moment donné, mais qu’elle a finalement refusé de recommander au commissaire. Le demandeur précise que la preuve, qu’il a décrite comme [traduction] « preuve circonstancielle »
fournissant un contexte clé à la façon dont le processus d’examen de l’affectation sous forme d’échange a eu lieu, est, à tous égards, absente à la fois du rapport provisoire et du rapport final d’enquête.
[59]
La preuve se trouve dans l’avis d’élargissement de l’enquête de Mme Gauvreau, sous la rubrique [traduction] « Nouveaux renseignements liés à un autre particulier »
Cette approche peut être résumée comme suit :
a) Mme Parker a d’abord traité le dossier de demande d’affectation sous forme d’échange du demandeur le 14 novembre 2014, date à laquelle Mme Beck a demandé à Mme Parker de confirmer la rumeur selon laquelle le demandeur avait quitté la fonction publique.
b) Peu de temps après, la directrice de la Direction générale de l’optimisation des ressources humaines à ce moment-là, Mme Josée Lapointe, a dit à Mme Parker que Mme Beck l’avait [traduction]
« talonnée »
pour obtenir des renseignements concernant l’épouse de M. Biles, chose avec laquelle Mme Lapointe ne s’est pas sentie à l’aise.c) Mme Parker a finalement parlé à Mme Beck, confirmant que le demandeur n’avait pas quitté la fonction publique et était dans un processus de demande d’affectation sous forme d’échange. À la suite de cette conversation, elle a cru comprendre que Mme Biguzs était [traduction]
« l’élément moteur »
pour obtenir des renseignements au sujet de l’épouse du demandeur et, plus tard, au sujet de tout lien que la IAF pourrait avoir avec le WCICC.d) Dans une rencontre subséquente avec son équipe, Mme Parker a une nouvelle fois été informée par Mme Lapointe que Mme Beck l’avait talonnée pour obtenir un rapport confidentiel du demandeur. Mme Parker a continué de croire que Mme Biguzs demandait à Mme Beck d’obtenir les renseignements dans le but de clarifier et de résoudre toute question de conflit d’intérêts.
e) À cet égard, Mme Parker a dit à Mme Gauvreau que, puisque la directrice générale du demandeur [traduction]
« n’avait pas clarifié la situation »
, elle a pensé résoudre le problème de tout un chacun en vérifiant auprès de la IAF à propos de [traduction]« tout lien »
avec le WCICC, ce qu’elle a fait le 3 décembre 2014 en envoyant un courriel à Mme Wood; en fait, la directrice générale du demandeur et Mme Lapointe, selon Mme Parker, ont toutes les deux refusé de s’adresser au demandeur pour obtenir des renseignements relatifs au WCICC. Dans la mesure où ces refus étaient liés aux préoccupations concernant le droit de recueillir ou même de demander de tels renseignements, Mme Parker était en désaccord, étant d’avis que le ministère avait le droit de recueillir ces renseignements dans le contexte d’une demande d’affectation sous forme d’échange de manière à éviter un conflit d’intérêts.f) Lorsque Mme Gauvreau lui a demandé la raison pour laquelle elle avait tenu cette enquête, Mme Parker a déclaré qu’elle croyait, d’après ce qui s’était dégagé de ses conversations avec Mme Beck, que la demande d’enquête venait de Mme Biguzs par l’intermédiaire de Mme Beck, étant donné qu’il ne lui était pas possible de communiquer avec Mme Biguzs. Elle croyait que l’insistance de Mme Biguzs pour obtenir les renseignements était pour essayer [traduction]
« d’atténuer tout dommage qui pourrait découler »
de l’affectation sous forme d’échange.g) Mme Parker affirme qu’elle a entendu dire [traduction]
« quelque chose concernant l’épouse de M. Biles qui travaillerait pour un [organisme prestataire de services] (WCICC) et qu’il serait préférable pour le ministère d’avoir un rapport confidentiel concernant la situation plutôt que de n’en avoir aucun »
, ce qui expliquerait possiblement, selon Mme Parker, les doutes de Mme Biguzs qu’il pourrait y avoir des dommages à atténuer. Bien qu’elle soutienne ne pas avoir lu le rapport de l’enquête sur la divulgation interne ou y avoir eu accès, elle savait que la divulgation interne portait sur des allégations de conflit d’intérêts contre le demandeur, liées à l’emploi de son épouse dans un certain organisme.h) Au moment où elle a communiqué avec Mme Wood, Mme Parker savait que la Direction générale de l’optimisation des ressources humaines ne recommandait pas l’affectation sous forme d’échange du demandeur avec la IAF étant donné qu’il entraînerait un conflit d’intérêts.
i) Finalement, Mme Parker a soutenu avoir été [traduction]
« vraiment surprise »
d’apprendre que la demande de sous-délégation des pouvoirs en matière de dotation du demandeur n’avait pas encore été approuvée par Mme Biguzs, malgré le fait que la directrice générale du demandeur l’avait recommandée et signée. Elle affirme que le demandeur était le seul qui [traduction]« effectuait ce travail au Canada »
à ne pas avoir reçu sa sous-délégation de pouvoirs en matière de dotation; elle a jugé la situation [traduction]« très étrange »
et [traduction]« rare dans leur milieu de travail »
.
[60]
Le commissaire, qui a fait siennes les conclusions de M. Lampron, a conclu que, bien que l’enquête de Mme Parker concernant le lien entre la IAF et le WCICC ait été à la fois douteuse et inutile, [traduction] « ouvrant la voie à des questions sur la raison pour laquelle elle mènerait d’autres enquêtes »
, cet acte de Mme Parker n’a eu aucune incidence sur la recommandation et la décision en ce qui concerne la demande d’affectation sous forme d’échange du demandeur, puisque cette recommandation, émanant d’un membre de la Direction générale de l’optimisation de ressources humaines, a été faite sans aucune preuve d’atteinte ou de pression de la part de Mme Parker ou de la haute direction de CIC.
[61]
Le défendeur soutient que cette décision est raisonnable puisque l’enquête montre que la recommandation de ne pas procéder à la demande d’affectation sous forme d’échange aurait été la même en tenant compte ou non de l’enquête sur la IAF menée par Mme Parker. Selon le défendeur, cette information a fourni au commissaire un fondement rationnel pour conclure que le rejet de la demande d’affectation sous forme d’échange du demandeur n’était pas attribuable à sa coopération dans l’enquête sur la divulgation interne.
[62]
Le défendeur ajoute que la décision du commissaire de rejeter la demande du demandeur selon laquelle la portée de l’enquête soit élargie aux termes de l’article 33 de la Loi était fondée en droit, puisque cette disposition peut être raisonnablement interprétée comme s’appliquant seulement dans le contexte d’enquêtes sur la divulgation.
[63]
Les deux arguments, même en supposant qu’ils sont bien fondés, ne fournissent pas, à mon avis, une réponse complète à l’ensemble de la demande du demandeur. Je vois deux aspects de la plainte Parker qui n’ont pas été examinés par le commissaire, quelque chose qui remet en question la rigueur de l’enquête menée en l’espèce, et la justification, la transparence et l’intelligibilité de la décision elle-même.
[64]
D’abord, comme l’a noté Mme Gauvreau, à la suite de l’enquête de Mme Parker et de l’interrogatoire subséquent par la IAF, le demandeur a été informé par le président de la IAF que l’organisme aurait besoin de réexaminer si l’offre d’affectation sous forme d’échange ne présenterait pas de risques. Le réexamen n’a toutefois jamais été effectué, puisque le demandeur a été informé par Mme Parker, le 8 décembre 2014, qu’elle n’était pas en mesure de lui fournir une recommandation favorable pour autoriser la possibilité d’affectation sous forme d’échange, et qu’il devrait par conséquent s’abstenir de rechercher un emploi auprès de la IAF.
[65]
Comme il a été mentionné, M. Lampron a qualifié l’intervention de Mme Parker de [traduction] « quelque peu douteuse »
et [traduction] d’« inutile »
, mais a finalement conclu qu’une telle intervention n’avait pas eu d’incidence réelle puisque la demande d’affectation sous forme d’échange du demandeur était vouée à l’échec en raison d’un conflit d’intérêts. Une telle logique, à mon avis, est viciée.
[66]
Afin d’être considéré comme une victime de représailles découlant de l’enquête de Mme Parker, le demandeur, comme l’exige l’article 2 de la Loi, était tenu de démontrer (i) qu’il avait collaboré de bonne foi dans une enquête visant la divulgation; (ii) que l’enquête de Mme Parker avait nui à son emploi ou aux conditions de travail; et (iii) qu’il y avait un lien entre sa collaboration dans la divulgation interne et les prétendues mesures défavorables.
[67]
Il n’est pas contesté que le demandeur a collaboré à une enquête aux termes de la Loi. En fait, il n’était pas le dénonciateur habituel. Il était l’auteur allégué se défendant contre une divulgation. Il ressort clairement du rapport final que M. Lampron et, par extension, le commissaire, ont considéré que le refus de la possibilité d’affectation sous forme d’échange correspondrait à une mesure nuisant à l’emploi ou aux conditions de travail d’un fonctionnaire au sens de l’alinéa 2d) de la Loi.
[68]
En fonction de ce qui a été présenté à Mme Gauvreau, l’intervention de Mme Parker, qui a découlé de ses connaissances de la divulgation interne, y compris le fait que le WCICC était l’organisme en litige dans cette enquête, a eu pour effet que la IAF a réexaminé l’offre d’affectation sous forme d’échange présentée par le demandeur.
[69]
À mon avis, il importe peu que la décision de Mme Parker de refuser la demande d’affectation sous forme d’échange ait été appuyée par la recommandation indépendante d’une personne qui ignorait l’enquête sur la divulgation interne à l’égard du demandeur ou que cette même demande devait être refusée en fin de compte. Le simple fait que Mme Parker soit intervenue pourrait fort bien être vu comme préjudiciable pour la carrière du demandeur puisqu’elle a créé un doute dans l’esprit de la IAF quant à savoir si le fait de procéder à sa nomination serait convenable à un moment où les allégations d’actes répréhensibles contre le demandeur, qui impliquait sa relation et celle de son épouse avec le WCICC, étaient jugées non fondées.
[70]
Puisque le doute aurait été causé par quelque chose qui n’aurait eu aucun lien avec la demande d’affectation sous forme d’échange en soi et tout ce qui a trait à l’enquête sur la divulgation interne, je crois que le commissaire a commis une erreur en ne se penchant pas sur la question de savoir si l’intervention de Mme Parker soulevait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait subi des représailles dans ces circonstances. Autrement dit, le commissaire, comme le prétend le demandeur, n’a pas tenu compte d’éléments de preuve clés à cet égard, ayant ainsi une incidence sur le caractère raisonnable de sa décision.
[71]
Ma deuxième préoccupation quant à la décision contestée a trait à la rigueur de l’enquête. Plus précisément, je suis préoccupé par le défaut de Mme Gauvreau d’enquêter sur ce qui, selon elle, à un moment donné au cours de son enquête, devrait être examiné dans le cadre d’une enquête élargie, c’est-à-dire si Mme Biguzs, par l’intermédiaire de Mme Beck, avait tenté indûment de modifier le processus d’examen des affectations sous forme d’échange en soulevant des préoccupations directement liées à l’enquête sur la divulgation interne.
[72]
Dans la mesure où on peut établir un parallèle avec le rôle de la Commission canadienne des droits de la personne, je suis conscient du fait que le commissaire, lorsqu’il s’agit de plaintes en matière de représailles, exerce une fonction d’examen préalable, et que son rôle à cet égard est de déterminer si une enquête du Tribunal est justifiée compte tenu de toutes les circonstances de la plainte, l’aspect principal de ce rôle étant d’évaluer « si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l’étape suivante »
, et non « de juger si la plainte est fondée »
(Cooper c Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 RCS 854, aux paragraphes 52 et 53). Je suis également conscient du fait qu’en règle générale, cela signifie que la Cour devrait s’abstenir d’analyser à la loupe le rapport de l’enquêteur ou de reprendre son travail (Attaran c Canada (Procureur général), 2013 CF 1132, au paragraphe 100) ou d’intervenir dans la décision du commissaire au seul motif qu’elle aurait pu en venir à une conclusion différente (Bell c Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1999] 1 CF 113, au paragraphe 38 (CAF)).
[73]
Cela dit, j’ai de la difficulté à comprendre ce qui a incité Mme Gauvreau à changer d’idée étant donné la quantité de renseignements indiquant la nécessité d’une enquête élargie portant sur les présumées interventions de Mme Biguzs à propos du processus d’examen de l’affectation sous forme d’échange, comme le relève clairement, à mon avis, la description des renseignements au paragraphe 59 des présents motifs.
[74]
Les notes de Mme Gauvreau sont loin d’être claires à cet égard. Elles sont rédigées comme suit :
[traduction]
Examen de la preuve afin d’établir la validité de procéder à l’enquête élargie. Raynald Lampron a indiqué, en se basant uniquement sur le projet de rapport, qu’il pensait que la preuve favorisait le sous-ministre adjoint. Il a cependant voulu s’assurer que nous avions examiné l’ensemble de la preuve recueillie à ce jour en vue de déterminer si le sous-ministre ou le sous-ministre adjoint, ou encore les deux, devraient faire l’objet de l’enquête élargie. S’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour l’un ou les deux, nous procéderions alors avec le rapport d’enquête préliminaire comme nous l’avons mentionné à la réunion du 23 novembre.
Examen des renseignements au dossier et détermination du fait que, si l’omission de fournir une délégation n’était pas abordée, la preuve invoquant le sous-ministre et le sous-ministre adjoint était une preuve par ouï-dire de la conjoncture de la part de certains témoins (notamment Mme Parker qui croyait que le sous-ministre adjoint ou le sous-ministre souhaitait obtenir des renseignements). La preuve au dossier n’était pas suffisante pour appuyer la recommandation d’une enquête élargie.
[75]
Si cela signifie, comme il semble en être le cas, que le fait d’élargir l’enquête sur la plainte Parker quant au rôle joué par Mme Biguzs ou Mme Beck dans le processus d’examen d’affectation sous forme d’échange n’était pas justifié à cause de la nature purement conjecturale des allégations à l’appui d’une telle ligne de conduite, alors je suis d’accord avec le demandeur pour dire que sa justification est mal fondée. Un enquêteur aux termes de la Loi est une personne chargée par le commissaire d’« enquêter sur une plainte »
(paragraphe 19.7(1)). Le rôle principal de cette personne est de découvrir les faits, et non pas d’être un organisme d’arbitrage (Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 77; Tekano c Canada (Procureur général), 2010 CF 818, au paragraphe 30). Le rôle de Mme Gauvreau, par conséquent, consistait à recueillir des éléments de preuve et à évaluer leur fiabilité dans son rapport au commissaire. Elle n’avait pas le pouvoir de rejeter à l’avance les déclarations et les documents appuyant le dossier pour un élargissement de l’enquête sur le seul fondement qu’il s’agissait de ouï-dire. Même un arbitre ne peut rejeter la preuve d’emblée parce qu’il s’agit d’une preuve par ouï-dire; il doit l’examiner (Basra c Canada (Procureur général), 2010 CAF 24, au paragraphe 22).
[76]
Par conséquent, en plus de cette justification de ouï-dire mal fondée, je ne vois pas d’autre fondement expliquant pourquoi Mme Gauvreau, bien qu’elle ait présenté des arguments plutôt convaincants pour justifier une enquête élargie dans son projet d’avis d’élargissement de l’enquête, a finalement décidé de ne pas poursuivre cette ligne de conduite. Dans la mesure où le demandeur soutient que la tentative de Mme Biguzs de modifier le processus d’examen de l’affection sous forme d’échange en faisant renaître l’enquête sur la divulgation interne était, à elle seule, des représailles au sens de la Loi, je suis convaincu qu’en ne poursuivant pas cette ligne de conduite, Mme Gauvreau « n’a pas examiné une preuve manifestement importante »
(Slattery, au paragraphe 57) de témoins clés, c’est-à-dire de personnes qui semblaient être des [traduction] « acteurs centraux »
des événements qui ont donné lieu à la plainte Parker. Je suis également convaincu que cela a fait que cet aspect important de la plainte du demandeur a été négligé dans la décision de rejeter ladite plainte. Prétendre que les prétendus actes de Mme Biguzs, si leur existence est établie, équivalaient à une mesure ayant des répercussions sur l’emploi ou les conditions de travail du demandeur dans les circonstances particulières de l’espèce, n’est pas sans valeur; elles exigeaient l’attention du commissaire.
[77]
Le demandeur soutient depuis le début que l’enquête sur la plainte Parker ne devrait pas se limiter à une étroite comparaison des aspects fondamentaux du processus utilisé pour les décisions liées à l’affectation sous forme d’échange et devrait considérer le contexte général dans lequel l’examen de la demande d’affectation sous forme d’échange a eu lieu, y compris si l’enquête sur la divulgation interne a été présentée indûment dans le processus d’affectation sous forme d’échange et quel rôle, le cas échéant, a joué Mme Biguzs à cet égard. Le demandeur n’a pas cessé de soutenir que le contexte général était à l’origine des actes de représailles distincts découlant du refus réel de la demande d’affectation sous forme d’échange.
[78]
Envisagée, certes, à un moment donné, cette enquête n’a jamais été menée et je ne vois pas d’explication satisfaisante à cet égard au dossier. Peu importe que je l’examine en tenant compte de la norme de la décision correcte ou de la décision raisonnable, je conclus que l’enquête du commissaire a manqué de rigueur.
[79]
Comme l’a affirmé M. Lampron dans le rapport final d’enquête, l’enquête mal avisée de Mme Parker sur la IAF a ouvert la voie aux questions concernant son comportement. Dans le contexte général de l’espèce, ces questions impliquent Mme Biguzs. Elles ont été soulevées par le demandeur, mais on n’y a jamais donné suite. C’est le principal vice de l’ensemble de l’enquête et l’intervention de la Cour est justifiée.
[80]
Le demandeur peut s’être trompé en soutenant que l’enquête sur la plainte Parker devrait être élargie aux termes de l’article 33 de la Loi étant donné que, sans prendre de décision à cet égard, l’application de cette disposition dans le contexte d’une enquête sur une plainte en matière de représailles semble très improbable. Cela dit, le commissaire avait néanmoins l’obligation de mener une enquête rigoureuse, chose que, pour les raisons que je viens de soulever, lui et son enquêteur dans le dossier n’ont pas faite.
[81]
Je conclus, par conséquent, que la décision du commissaire rejetant la plainte Parker doit être annulée étant donné que les éléments de preuve clés ont été mis de côté et qu’il n’y a pas eu d’enquête à l’égard de certains aspects importants de ladite plainte. Il n’est pas nécessaire, dans ces circonstances, de trancher les autres questions soulevées par le demandeur à l’encontre de la décision contestée, qui, selon le demandeur, sont étroitement liées les unes aux autres de toute façon.
[82]
Le demandeur a droit à ses dépens en l’espèce.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie;
La décision du commissaire à l’intégrité du secteur public, datée du 19 février 2016, est annulée et l’affaire est renvoyée au Commissariat à l’intégrité du secteur public pour une enquête plus approfondie et un réexamen conformément aux présents motifs;
Les dépens sont adjugés au demandeur.
« René LeBlanc »
Juge
Ce 1er jour de juin 2020
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-464-16
|
INTITULÉ :
|
JOHN BILES c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Ottawa (Ontario)
|
DATE DE L’AUDITION :
|
Le 24 mai 2017
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE LEBLANC
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 15 décembre 2017
|
COMPARUTIONS :
Yavar Hameed
|
Pour le demandeur
|
Zoe Oxaal
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hameed Law
Avocats
Ottawa (Ontario)
|
Pour le demandeur
|
Nathalie G. Drouin
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa (Ontario)
|
Pour le défendeur
|