20171214
Dossier : T-573-17
Référence : 2017 CF 1152
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2017
En présence de monsieur le juge Barnes
ENTRE :
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MARGARET FRIESEN
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demanderesse
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et
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MINISTRE DE LA SANTÉ
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Il s’agit d’une demande de Margaret Friesen présentée aux termes de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information (la Loi), LRC, 1985, c A-1. Mme Friesen subit un préjudice en raison du défaut par le ministère de la Santé (le ministère) de produire certains documents qui, à son avis, auraient dû être produits en réponse à sa demande d’accès à l’information de janvier 2015.
[2]
La demande d’accès à l’information de Mme Friesen visait principalement le témoignage d’un employé du ministère dans le cadre d’une procédure judiciaire devant les tribunaux du Québec. En particulier, elle voulait consulter des documents ministériels pertinents pour ce témoignage.
[3]
Certains documents avaient été initialement produits, mais Mme Friesen n’était pas satisfaite. Elle a déposé une plainte auprès du Commissariat à l’information. Dans le cadre de l’enquête du commissaire, il a été établi que des documents pertinents pourraient se trouver dans les dossiers du ministère de la Justice et une recherche a été effectuée. Cette recherche a donné lieu à la communication d’autres documents. Mme Friesen est demeurée insatisfaite et a communiqué de nouveau avec la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du ministère, ce qui a entraîné la communication de trois autres documents qui avaient été omis [traduction] « par inadvertance »
des communications précédentes.
[4]
Le 7 mars 2017, le commissaire a écrit à Mme Friesen pour l’informer que, bien que les efforts du ministère aient été insuffisants au départ, celui-ci avait corrigé les écarts et [traduction] « traité tous les documents répondant à la demande »
. Sa plainte a été inscrite comme étant [traduction] « bien fondée et réglée »
.
[5]
Mme Friesen n’était toujours pas convaincue que tous les documents pertinents lui avaient été présentés et elle a déposé la présente demande.
[6]
Bien que la demande de Mme Friesen vise une réparation sous forme d’un [traduction] « examen complet et approfondi de la décision de Santé Canada de refuser à la demanderesse l’accès aux dossiers demandés »
, son affidavit comprend des demandes d’explication pour le contenu de certains des documents qu’elle a reçus.
[7]
Au cœur de la préoccupation continue de Mme Friesen se trouve la conviction que d’autres documents pertinents doivent exister et que les recherches du ministère à ce jour ont été insuffisantes. Elle est particulièrement préoccupée par la possibilité que des documents « latents »
existent en format numérique, lesquels, malgré leur élimination électronique, pourraient demeurer récupérables sur le plan judiciaire. Même si elle n’a pas d’élément de preuve ou de connaissance en ce qui concerne l’existence de tels documents, elle a exprimé le sentiment qu’il serait [traduction] « fortement inhabituel »
ou [traduction] « plutôt étrange »
qu’ils ne soient pas disponibles ou accessibles.
[8]
En examinant une demande en application de l’article 41, il faut reconnaître la portée de la compétence de la Cour. Ce n’est qu’au moyen de la Loi que la Cour possède le pouvoir d’obliger la communication en soi de documents du gouvernement. L’article 41 prévoit ce qui suit :
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La disposition qui précède doit aussi être examinée en tenant compte de l’article 49 de la Loi qui prévoit ce qui suit :
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Les dispositions qui précèdent ont été examinées à maintes reprises par la Cour et par la Cour d’appel fédérale. Sans exception, il a été jugé dans ces décisions que la Cour fédérale ne peut offrir une réparation à un demandeur qu’en cas de refus illégal de communiquer un document recensé. Un des énoncés les plus clairs à ce sujet se trouve dans la décision Olumide c Canada (Procureur général), 2016 CF 934, [2016] 6 CTC 1, où la protonotaire Mireille Tabib a conclu ceci :
[18] Dans la mesure où la demande est une demande, en vertu de l’article 41 de la LAI, de contrôle judiciaire du refus de l’ARC de divulguer les relevés téléphoniques demandés, je conclus qu’il est évident qu’elle est vouée à l’échec. La Cour a établi clairement et à différentes reprises que lorsqu’un ministère, en réponse à une demande d’information (que ce soit en vertu de la LAI ou en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, c. P-21), répond que le document n’existe pas, cette réponse ne constitue pas un refus d’accès. En l’absence d’un refus, la Cour n’a pas compétence dans le contrôle judiciaire en vertu de l’article 41 de la LAI ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à moins qu’il n’existe des éléments de preuve, au-delà d’un simple soupçon, que les documents existent et qu’ils ont été retenus (voir Clancy c Canada (Ministre de la Santé), 2002 A.C.F. no 1825; Wheaton c Société canadienne des postes, 2000 A.C.F. no 1127; Doyle c Canada (Ressources humaines et Développement des compétences Canada), 2011 CF 471; Blank c Canada (Minister of The Environment), 2000 ACF no 1620.
[19] Comme je l’ai déjà mentionné, il est évident que le « refus » en l’espèce est fondé sur la conclusion de l’ARC que les documents demandés n’existent pas, et le rapport d’enquête du Commissaire à l’information confirme cette conclusion. Le demandeur n’a fourni aucune preuve ni aucun argument convaincant permettant de conclure que les documents existent ou qu’ils sont retenus. Il est évident que la Cour ne peut avoir aucune compétence en l’espèce aux termes de l’article 41 de la LAI.
[11]
Plus récemment, dans Blank c Canada (Justice), 2016 CAF 189, [2016] ACF no 694 (QL), la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question du pouvoir de révision de la Cour en ce qui concerne une demande visant à ordonner une recherche plus poussée de documents. Au paragraphe 36, la Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit :
[36] Répétons-le, en vertu de la Loi, le rôle principal de surveillance appartient au commissaire. Le rôle de la Cour fédérale est étroitement circonscrit : l’article 41, s’il est interprété à la lumière des articles 48 et 49, limite le pouvoir de la Cour fédérale en matière de révision à ordonner la communication de dossiers précis lorsqu’elle a été refusée en contravention à la Loi. À moins que le législateur ne change la loi, il n’appartient pas à la Cour d’ordonner et de superviser la collecte des dossiers détenus par l’administrateur d’une institution publique ou d’examiner la façon dont les institutions publiques répondent aux demandes d’accès, à l’exception peut-être des circonstances les plus flagrantes de mauvaise foi. Le dossier confidentiel dont je dispose ne me donne pas de motifs raisonnables de conclure à une tentative de compromettre l’intégrité des dossiers. Par conséquent, le juge n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il n’avait pas la compétence d’ordonner une recherche plus poussée de ces dossiers. [Non souligné dans l’original.]
Voir également : Blank c Canada (Justice), 2015 CF 956, [2015] ACF no 949 (QL); Connolly c Société canadienne des postes, 2002 CAF 50, [2002] ACF no 185 (QL); et X c Canada, [1991] 1 CF 670, 41 FTR 73.
[12]
Toutes ces décisions confirment que le pouvoir de la Cour fédérale en application des articles 41 et 49 de la Loi n’inclut pas le pouvoir de rendre une ordonnance enjoignant à une autorité de mener une recherche plus poussée de documents non recensés ou d’expliquer le sens ou l’importance des documents qui ont été communiqués. La Cour ne possède pas non plus le pouvoir d’examiner la sagesse des politiques de conservation de documents du gouvernement. Enfin, la compétence de la Cour d’ordonner une réparation ne survient que si le dirigeant d’une institution gouvernementale ou d’un ministère refuse, sans justification légale, de produire un document connu.
[13]
Dans le présent cas, il n’y a pas eu de refus de communiquer un document connu. Le commissaire a mené une enquête et a conclu raisonnablement que Mme Friesen ne s’était vu refuser aucun document répondant à la demande. La préoccupation de Mme Friesen en ce qui concerne l’existence possible d’autres documents se résume à de la spéculation de sa part qui ne pourrait être corrigée que par une ordonnance obligeant le ministère à mener une recherche plus poussée en ce qui concerne ses documents – un pouvoir dont la Cour n’est pas investie : voir la décision de la Cour d’appel fédérale dans Blank, précitée, au paragraphe 36.
[14]
Par conséquent, la présente demande est rejetée. Je note la demande de dépens du ministre de 2 660 $. Cependant, il me semble que la lettre de décision du commissaire pouvait induire Mme Friesen en erreur en indiquant qu’une demande à la Cour fédérale pouvait être présentée [traduction] « pour réviser la décision du ministère de vous refuser l’accès aux dossiers demandés »
. Dans la présente affaire, il n’y a pas eu de refus d’accès du genre qui pourrait déclencher un redressement judiciaire. Le commissaire serait mieux avisé de retirer l’énoncé en surbrillance des décisions semblables à la présente lorsqu’il est décidé que tous les documents répondant à la demande ont été communiqués. Cela étant dit, Mme Friesen avait l’occasion de revoir le bien-fondé de sa cause à la réception du mémoire des faits et du droit du ministre et des textes législatifs à l’appui. Elle a cependant insisté pour présenter sa demande en vain. J’accorde donc au ministre des dépens de 500 $.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-573-17
LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Des dépens de 500 $ sont adjugés au ministre de la Santé.
« R.L. Barnes »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 19e jour de septembre 2019
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-573-17
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INTITULÉ :
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MARGARET FRIESEN c LE MINISTRE DE LA SANTÉ
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Winnipeg (Manitoba)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 14 novembre 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE BARNES
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DATE DES MOTIFS :
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Le 14 décembre 2017
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COMPARUTIONS :
MARGARET FRIESEN
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POUR LA DEMANDERESSE
(POUR SON PROPRE COMPTE)
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JOHN FAULHAMMER
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
S.O.
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POUR LA DEMANDERESSE
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Procureur général du Canada
Winnipeg (Manitoba)
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Pour le défendeur
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