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Date : 20171123


Dossier : IMM­1976­17

Référence : 2017 CF 1063

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

ROBERTSON, MARLON DELANO HAYNES­ROBERTSON, JENNISE ADONIS (AUSSI APPELÉE ROBERTSON, JENNISE) ROBERTSON, JAVIER MARLON (AUSSI APPELÉ ROBERTSON, JAVIER) (AUSSI APPELÉ ROBERTSON, JAVIER MARLON J.) ROBERTSON, JAYLISE RHEA (AUSSI APPELÉE ROBERTSON, JAYLISE)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION ET DE LA CITOYENNETÉ

ET LE CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  En 2015, M. Marlon Delano Robertson et sa famille ont demandé l’asile au Canada après avoir reçu des menaces proférées par un membre de gang dans leur pays d’origine de Saint­Vincent­et­les Grenadines. M. Robertson avait identifié le membre de gang comme étant l’auteur d’un vol.

[2]  Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Robertson après avoir conclu qu’il n’avait pas établi qu’il ne pouvait pas obtenir la protection de l’État, ni pour lui ni pour sa famille, à Saint­Vincent­et­les Grenadines. M. Robertson a interjeté appel à la Section d’appel des réfugiés, laquelle a confirmé la conclusion de la Commission.

[3]  Il demande à présent le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés. Il soutient, en effet, que la décision était déraisonnable parce que le fardeau qui consiste à démontrer l’absence de la protection de l’État est trop lourd et que cette décision comportait une évaluation non équilibrée des éléments de preuve documentaire sur la question de la protection de l’État. De plus, les autres membres de la famille font valoir que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur en ne tenant compte ni des directives du président relatives à la persécution fondée sur le sexe, ni des conventions internationales sur les droits des enfants. Ensemble, les demandeurs me demandent d’annuler la décision de la Section d’appel des réfugiés et de demander à un autre tribunal de réexaminer leur demande.

[4]  Je suis d’accord pour dire que la conclusion de la Section d’appel des réfugiés relative à la protection de l’État était déraisonnable parce qu’elle n’a pas tenu compte des éléments de preuve indiquant que des personnes dans la même situation que M. Robertson ne peuvent obtenir la protection de l’État à Saint­Vincent­et­les Grenadines. Pour ce motif, j’accueille la demande de contrôle judiciaire. Je n’ai pas à trancher les autres questions soulevées par les demandeurs.

II.  La décision de la Section d’appel des réfugiés était­elle déraisonnable?

[5]  La Section d’appel des réfugiés a confirmé la conclusion de la Commission selon laquelle Saint­Vincent­et­les Grenadines est un État démocratique doté d’une magistrature indépendante, d’un service de police fonctionnel et d’un mécanisme visant à traiter les abus de pouvoir et la corruption des services de police. En outre, la Section d’appel des réfugiés a mentionné que le service de police avait offert une certaine protection, car le service avait enquêté sur l’allégation selon laquelle le membre de gang aurait commis un vol et qu’il aurait tiré sur M. Robertson après l’accusation de M. Robertson. Le service de police qui avait arrêté le membre de gang a dû libérer celui­ci par manque de preuve. Enfin, la Section d’appel des réfugiés a mentionné que la plupart des pays ne sont pas en mesure d’offrir le type de protection que M. Robertson demande.

[6]  Le ministre soutient que la décision de la Section d’appel des réfugiés n’était pas déraisonnable au regard de la preuve. Il ressortait de la preuve que Saint­Vincent­et­les Grenadines avait mis en œuvre des mesures pour lutter contre la violence des gangs et régler le problème de l’inconduite des policiers. En outre, le ministre renvoie aux éléments de preuve montrant que la police avait répondu aux inquiétudes de M. Robertson. Selon le ministre, s’il n’était pas satisfait de cette intervention, le demandeur aurait dû déposer une plainte auprès du comité de surveillance de la police.

[7]  Je ne souscris pas aux observations du ministre.

[8]  La question à trancher consiste à savoir si les éléments de preuve relatifs à la protection de l’État montrent qu’il est probable que M. Robertson et sa famille soient exposés à des risques pour leur vie ou des peines ou des traitements cruels et inusités en cas de retour dans leur pays.

[9]  La preuve a révélé que M. Robertson a été menacé par le présumé voleur et qu’il a été la cible de tirs. M. Robertson a demandé, en vain, la protection de la police à maintes reprises. Les membres de gang se sont présentés à la maison familiale et ont affronté M. Robertson à un arrêt d’autobus. Les enfants avaient peur de sortir de la maison.

[10]  Selon des éléments de preuve supplémentaires, non cités par la Section d’appel des réfugiés, le service de police de Saint­Vincent­et­les Grenadines ne protège tout simplement pas les témoins ni les victimes de violence de gangs, notamment les membres de la famille qui sont ciblés par les gangs. Le fait de proférer des menaces constitue un crime à Saint­Vincent­et­les Grenadines, mais il n’y a poursuite que lorsque la menace est mise à exécution. Par conséquent, il est très improbable que les interventions du service de police soient adaptées au type d’allégation exprimée par M. Robertson.

[11]  La Section d’appel des réfugiés n’a pas cité les éléments de preuve importants qui contredisent la conclusion tirée sur la question de la protection de l’État; j’en conclus que sa décision est déraisonnable.

III.  Conclusion et décision

[12]  M. Robertson et sa famille seraient probablement exposés à un risque pour leur vie ou à des sévices graves s’ils retournent à Saint­Vincent­et­les Grenadines. La Section d’appel des réfugiés a conclu de manière déraisonnable qu’il ressortait de la preuve que ce risque était atténué par la protection que cet État leur offre. Comme cette conclusion ne tenait pas compte de la preuve attestant du contraire, elle est déraisonnable. Par conséquent, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a soumis de question pour certification, et aucune question ne sera énoncée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM­1976­17

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Section d’appel des réfugiés pour réexamen.

2.  Aucune question de portée générale n’est mentionnée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM­1976­17

 

INTITULÉ :

ROBERTSON, MARLON DELANO HAYNES­ROBERTSON, JENNISE ADONIS (AUSSI APPELÉE ROBERTSON, JENNISE) ROBERTSON, JAVIER MARLON (AUSSI APPELÉ ROBERTSON, JAVIER) (AUSSI APPELÉ ROBERTSON, JAVIER MARLON J.) ROBERTSON, JAYLISE RHEA (AUSSI APPELÉE ROBERTSON, JAYLISE) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 OCTOBRE 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 NOVEMBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Oluwakemi Oduwole

POUR LES DEMANDEURS

 

Kevin Doyle

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Topmarké Attorneys LLP

North York (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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