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Date : 20170509


Dossier : IMM-4401-16

Référence : 2017 CF 470

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

JOEL ESON MARCUS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENTS ET MOTIFS

I.                    Aperçu

[1]               M. Joël Eson Marcus, originaire de la Guyane, est devenu résident permanent du Canada en 2005. Six ans plus tard, il a été déclaré coupable de voies de fait graves et condamné à une peine de deux ans de probation (en plus du temps qu’il avait passé en détention). En conséquence, il a été déclaré interdit de territoire au Canada et frappé d’une mesure d’expulsion.

[2]               L’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) avait prévu le renvoi de M. Marcus vers la Guyane pour le 22 octobre 2016. M. Marcus a demandé à l’agent de l’ASFC de reporter son renvoi en se fondant sur des preuves médicales établissant qu’il avait des problèmes cardiaques. L’agent a examiné les preuves et sollicité un avis médical indépendant, mais a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs pour retarder le renvoi de M. Marcus. M. Marcus a demandé et obtenu le sursis de son renvoi en attendant qu’une décision soit rendue au sujet de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de l’agent. Le juge Keith Boswell a accordé à M. Marcus le sursis et l’autorisation d’introduire la présente demande de contrôle judiciaire.

[3]               M. Marcus soutient que le rejet par l’agent de sa demande de report était déraisonnable, compte tenu de la preuve. Il prétend également que l’agent a appliqué le mauvais critère relatif à l’octroi des sursis. Enfin, il me demande d’admettre une nouvelle preuve en vue de réfuter la description donnée par l’agent des services médicaux disponible en Guyane. M. Marcus me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner que sa demande de report soit réexaminée par un autre agent.

[4]               Je ne trouve aucun fondement pour infirmer la décision de l’agent. La décision de l’agent n’était pas déraisonnable, elle n’était pas non plus fondée sur une norme incorrecte. M. Marcus a produit une nouvelle preuve à l’appui de sa demande, mais elle est inadmissible, et, dans tous les cas, son admission n’aurait aucune incidence sur le résultat. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5]               Trois questions se posent en l’espèce :

1.                  La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

2.                  L’agent a-t-il appliqué la mauvaise norme?

3.                  La nouvelle preuve devrait -elle être admise?

II.                 La décision de l’agent

[6]               L’agent a résumé la preuve médicale, en notant que les médecins de M. Marcus enquêtaient sur la « dysfonction systolique ». De plus, un médecin indépendant a conclu que la preuve démontrait « de vagues et non spécifiques “antécédents d’examens cardiaques et neurologiques qui ont révélé une dysfonction systolique cardiaque globale” » nécessitant des examens plus approfondis. La preuve ne laissait pas entendre que M. Marcus n’était pas apte à voyager.

[7]               M. Marcus a fait savoir à l’agent qu’il ne pourrait pas se payer les traitements médicaux en Guyane, et a présenté une lettre d’un hôpital de Georgetown précisant le coût élevé d’une angioplastie. L’agent a noté que la lettre indiquait que le traitement médical serait disponible en Guyane, et qu’il n’y avait pas de preuve que M. Marcus n’aurait pas accès aux soins de santé publics. L’agent a conclu que la preuve ne démontrait pas que la santé de M. Marcus subirait un « préjudice irréparable » s’il retournait en Guyane.

[8]               L’agent a ensuite examiné la situation familiale de M. Marcus. Sa famille vit au Canada, et comprend une fille née au Canada. Sa seule parente restant en Guyane est une grand-mère âgée qui réside dans un foyer pour personnes âgées. Une fois encore, l’agent a conclu que la famille de M. Marcus ne subirait pas un « préjudice irréparable » s’il quittait le Canada; et que M. Marcus ne subirait pas non plus un « préjudice disproportionné ou irréparable » à son retour en Guyane.

[9]               Compte tenu de son pouvoir discrétionnaire limité, l’agent a conclu que le report de la mesure de renvoi n’était pas approprié dans les circonstances.

III.               Première question – La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

[10]           M. Marcus affirme également que l’agent s’est concentré de façon déraisonnable sur son aptitude à voyager plutôt que sur ses conditions médicales globales et l’accès à des traitements en Guyane. Il maintient que l’agent n’a pas tenu compte de l’absence de soutien familial en Guyane et son incapacité à payer les traitements médicaux. Il affirme aussi que l’agent n’a pas tenu compte des détails de la preuve médicale, et a spéculé sur la disponibilité des soins médicaux publics en Guyane.

[11]           À mon avis, la décision de l’agent n’était pas déraisonnable compte tenu du pouvoir discrétionnaire limité dont il disposait et des éléments de preuve sur lesquels M. Marcus s’est appuyé.

[12]           Un agent d’exécution peut reporter le renvoi seulement lorsque le demandeur démontre des circonstances personnelles impérieuses justifient le sursis temporaire. La Cour d’appel fédérale a statué que les reports ne devraient généralement être accordés que lorsque le demandeur serait autrement exposé à une « menace de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain » (Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, paragraphe 51, citant Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148). Compte tenu de sa discrétion, l’agent n’a pas commis d’erreur en examinant si M. Marcus était suffisamment en santé pour faire le voyage en avion : il était approprié de déterminer si la santé de M. Marcus serait gravement comprise par un long vol vers la Guyane.

[13]           À mon avis, cependant, l’agent ne s’est pas limité à considérer l’état de santé de M. Marcus pour le voyage par avion. L’agent a plutôt examiné la preuve médicale devant lui et l’a résumée de manière raisonnablement précise. La preuve ne fournissait simplement pas un diagnostic définitif de l’état de santé de M. Marcus ou tout renseignement sur les types de traitements médicaux dont il pourrait avoir besoin en Guyane. L’agent a souligné que M. Marcus n’avait qu’une seule parente en Guyane, mais rien n’indique que M. Marcus aurait besoin du soutien familial à l’avenir. Enfin, M. Marcus n’a pas fourni de preuve démontrant qu’il n’aurait pas accès aux services de santé publics en Guyane.

[14]           Par conséquent, je ne peux pas conclure que la décision de l’agent était déraisonnable.

IV.              Deuxième question : L’agent a-t-il appliqué la mauvaise norme?

[15]           M. Marcus affirme que l’utilisation répétée par l’agent de l’expression « préjudice irréparable » indique que l’agent a appliqué la mauvaise norme.

[16]           Je suis d’accord avec M. Marcus lorsqu’il affirme que l’utilisation de ces expressions était inappropriée. Il risque d’importer dans les décisions de report la jurisprudence et les normes applicables aux injonctions et aux sursis, qui ne sont pas pertinentes pour les reports.

[17]           Pourtant, dans les circonstances présentes, je considère les motifs de l’agent comme étant une tentative d’appliquer une norme assez stricte pour le type de preuve qui justifierait un report. Comme il a été mentionné ci-dessus, la jurisprudence utilise les expressions comme des « circonstances personnelles impérieuses » ou une « menace de mort, de sanctions extrêmes ou de traitement inhumain ». Bien que je ne tolérerais pas l’utilisation de l’expression « préjudice irréparable » comme un substitut valide de la norme applicable, son utilisation par l’agent ici n’équivaut pas à une erreur qui justifierait une annulation de la décision.

V.                 Troisième question – la nouvelle preuve devrait-elle être admise?

[18]           M. Marcus prétend que je devrais admettre la nouvelle preuve pour réfuter l’appui manifeste de l’agent sur une source non identifiée indiquant que les services de santé publics étaient disponibles en Guyane. M. Marcus cite un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé décrivant les services de santé en Guyane comme étant « inadéquats ».

[19]           Les nouveaux éléments de preuve sont rarement admissibles dans le cadre d’un contrôle judiciaire. L’exception la plus courante est le cas où le demandeur souhaite faire valoir qu’il a été traité injustement par le décideur. Si l’on suppose aux fins des présentes que la situation de M. Marcus entre dans cette exception, la nouvelle preuve sur laquelle il s’appuie n’aurait aucune incidence sur le résultat de la décision de l’agent. Le rapport de l’Organisation mondiale de la Santé indique particulièrement que « les services de santé publics sont principalement financés par le gouvernement » et que les dépenses du gouvernement sur les soins de santé ont considérablement augmenté récemment. Je ne saurai conclure, en conséquence, que la nouvelle preuve aurait eu une incidence sur la conclusion de l’agent.

VI.              Analyse et décision

[20]           La conclusion de l’agent n’était pas déraisonnable à la lumière de la preuve, et l’agent n’a pas commis d’erreur susceptible de révision au regard de la norme de contrôle applicable. La nouvelle preuve n’aurait eu aucun effet sur l’issue. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4401-16

LA COUR REND le jugement suivant :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question de portée générale n’est mentionnée.

« James W. O’Reilly »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4401-16

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

JOEL ESON MARCUS c. LE MINISTRE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 avril 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 mai 2017

 

COMPARUTIONS :

Kingsley I. Jesuorobo

Pour le demandeur

 

Laoura Christodoulides

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley I. Jesuorobo

Avocat

North York (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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