Date : 20171107
Dossier : T-2162-16
Référence : 2017 CF 1006
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2017
En présence de monsieur le juge Annis
ENTRE :
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PATRICK CONNOLLY
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demandeur
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et
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MINISTRE DU REVENU NATIONAL
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
Conformément au paragraphe 204.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl) [la Loi], un impôt spécial est exigible relativement aux cotisations à des régimes enregistrés d’épargne‑retraite [REER] qui excèdent les limites autorisées par la Loi. Pour chaque mois au cours duquel un REER contient encore des sommes excédentaires, un impôt de 1 % est perçu sur l’excédent. Un contribuable doit aussi présenter des déclarations annuelles relativement aux cotisations excédentaires (T1‑OVP) et est passible de payer des intérêts et des pénalités pour présentation tardive.
[2]
La Loi prévoit un allègement de l’impôt et des pénalités et intérêts. Selon le paragraphe 204.1(4), le ministre peut renoncer à l’impôt si les cotisations excédentaires « font suite à une erreur acceptable »
et « les mesures indiquées pour [les] éliminer [...] ont été prises »
. De plus, un allègement des pénalités et des intérêts débiteurs peut être accordé aux termes du paragraphe 220(3.1) de la Loi.
[3]
Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’une fonctionnaire déléguée du ministre du Revenu national [la fonctionnaire déléguée du ministre ou le ministre] datée du 30 novembre 2016 [la décision], rejetant des demandes d’allègement visant à la fois l’impôt spécial sur les cotisations excédentaires à des REER et les intérêts et les pénalités applicables pour les années d’imposition 2003 à 2010. Ces sommes s’élevaient à 57 831,42 $ au 29 août 2016. Pour les motifs qui suivent, malgré les tentatives de la Cour d’accorder l’allègement demandé, la demande est rejetée.
II.
Réponse selon les faits
[4]
Le demandeur est âgé de 73 ans.
[5]
En 2003 et 2004, le demandeur a cotisé les sommes respectives de 30 000 $ et 15 000 $ à un REER personnel et à un REER au profit du conjoint [les cotisations excédentaires]. Le demandeur n’a retiré ces cotisations qu’en 2010, qui s’élevaient alors au montant de 44 854 $.
[6]
Lorsque le demandeur a fait les cotisations, il n’avait pas présenté de déclaration de revenus depuis 1988. Le demandeur se fiait à son comptable, qui l’avait informé qu’il n’était pas nécessaire de le faire, puisqu’il n’avait pas d’impôt à payer. Cette pratique n’est ni illégale ni tolérée par l’Agence du revenu du Canada [l’ARC]. Par conséquent, le demandeur ne disposait d’aucun avis de cotisation récent et ignorait donc le plafond de cotisation à un REER qui s’appliquait à lui.
[7]
Le demandeur croyait, à tort, qu’il pouvait cotiser la somme maximale aux REER au cours de ces années. Il ignorait qu’il ne disposait pas de droits de cotisation en raison des cotisations de retraite faites par son employeur. Rien ne prouve que la Banque TD ait informé le demandeur des préoccupations concernant les plafonds de cotisation ni qu’il se soit renseigné à ce sujet.
[8]
Lorsque les cotisations excédentaires ont été faites en 2003, en 2004 et ultérieurement, des événements stressants de la vie avaient nui à l’état psychologique du demandeur : en 1987 son fils de 20 ans est décédé à la suite d’un accident d’automobile impliquant un conducteur ivre; en 2003, son beau‑père souffrait de sérieux problèmes de santé et est décédé par la suite; en 2004, il a fait l’objet d’un congédiement déguisé d’un poste qu’il avait occupé pendant 19 ans à la Ville de New Westminster; et son épouse et lui souffraient tous deux de dépression et d’anxiété.
[9]
En 2005, le comptable du demandeur a présenté des déclarations de revenus au nom de son client pour les années d’imposition 1997 à 2004 de celui-ci. En 2005, le demandeur a reçu de son comptable les avis de cotisation pour ses années d’imposition 2003 et 2004 sous le couvert d’une lettre l’informant qu’il avait des [traduction] « droits inutilisés de cotisation à un REER »
à reporter. Les déclarations précisaient notamment le maximum déductible au titre des REER et le montant de droits inutilisés de cotisation à un REER applicables au contribuable et l’informaient qu’il pourrait être passible d’une pénalité fiscale si le montant des droits de cotisations à un REER dépassait le maximum déductible au titre des REER. Le comptable n’a pas informé le demandeur que les droits inutilisés de cotisation à un REER constituaient des cotisations excédentaires pour lesquelles le demandeur serait pénalisé. Le demandeur a reçu des avis de cotisation contenant des renseignements semblables en 2006 et en 2007.
[10]
Le demandeur n’a pas déduit les cotisations excédentaires de son revenu dans ses déclarations de 2003 et de 2004 et a demandé des déductions seulement dans les déclarations de 2005 à 2008 de 628 $, de 0 $, de 55 $ et de 3 180 $ respectivement.
[11]
Le 9 février 2007, l’ARC a envoyé une lettre [la lettre de 2007] pour informer le demandeur de ce qui suit : a) la possibilité qu’il ait fait des cotisations excédentaires à des REER de 2003 à 2005 auxquelles s’appliquerait un impôt de 1 % par mois; b) le délai de paiement de l’impôt; c) son obligation de présenter une déclaration T1‑OVP pour chaque année au cours de laquelle il a fait des cotisations excédentaires à des REER, et le cas échéant, de payer des intérêts débiteurs et des pénalités pour défaut de produire; d) la possibilité de retirer les cotisations excédentaires à des REER, mais que toute somme retirée devait être incluse dans sa déclaration de revenus; e) son admissibilité à demander une déduction égale à la somme retirée (une [traduction] « déduction compensatoire »
) en cas de retrait des cotisations excédentaires à des REER dans un certain délai; et f) son admissibilité à retirer les cotisations excédentaires à des REER sans retenue d’impôt en présentant un formulaire T3012A à l’ARC, s’il peut demander une déduction compensatoire.
[12]
Après avoir reçu la lettre de 2007 au mois de février de l’ARC, le demandeur a immédiatement ordonné à son comptable de préparer une documentation à présenter à l’ARC afin de résoudre le problème, qui contenait les déclarations T1‑OVP pour déclarer les cotisations excédentaires et les formulaires T3012A afin de demander l’autorisation de l’ARC pour que l’émetteur des REER rembourse les cotisations excédentaires au demandeur sans retenue d’impôt. Son comptable lui a dit que le processus était long et compliqué et que cela pouvait prendre beaucoup de temps avant qu’il ne soit terminé.
[13]
Le 12 février 2008, le comptable du demandeur a envoyé les déclarations T1‑OVP et les formulaires T3012A, mais seulement après une visite du demandeur au bureau du comptable pour s’informer du retard. Le comptable a alors établi que les documents se trouvaient dans le dossier d’impôt du demandeur, terminés, mais non envoyés.
[14]
Le demandeur prétendait, dans sa demande d’allègement, que le ministre semblait avoir égaré les formulaires du mois de février 2008. L’ARC affirme n’avoir aucune preuve de la réception des formulaires et des déclarations en 2008.
[15]
Dans une lettre du 20 octobre 2008, l’ARC a informé le demandeur qu’elle n’avait pas reçu de réponse à sa lettre du 9 février 2007, par laquelle elle demandait qu’il présente des déclarations T1‑OVP pour les années d’imposition 2003 et subséquentes dans un délai de 30 jours, qu’elle établirait arbitrairement une cotisation à l’égard des déclarations T1‑OVP manquantes si elle ne les recevait pas.
[16]
Le 5 janvier 2009, le demandeur a reçu des avis de cotisation de l’impôt prévu à la partie X.1 et de pénalités pour présentation tardive relativement à ses années d’imposition 2003 à 2007. Les cotisations avaient pour effet d’imposer un impôt égal à 1 % des cotisations excédentaires par mois, en application du paragraphe 204.1(2.1) de la Loi. Il est mentionné ici que, le 6 octobre 2009, après une opposition formulée par le demandeur, le ministre a établi une nouvelle cotisation concernant l’impôt pour les années d’imposition 2003 et 2004. Cet impôt et les pénalités et intérêts pour présentation tardive qui y sont associés forment une partie de la demande d’allègement du demandeur.
[17]
Le 21 janvier 2009, le comptable a envoyé les déclarations T1‑OVP pour les années d’imposition 2003 à 2007, ainsi que les formulaires T3012A pour les années d’imposition 2003 et 2004.
[18]
Au mois de mars 2009, le demandeur a fait opposition aux cotisations du 5 janvier 2009 établies à l’égard des déclarations T1‑OVP pour les années 2003 à 2007. Dans une lettre du 27 août 2009, l’ARC a informé le demandeur que les cotisations établies à l’égard des déclarations T1‑OVP pour les années 2003 et 2004 seraient modifiées, tout en confirmant les cotisations établies à l’égard des déclarations T1‑OVP pour les années 2005 à 2007.
[19]
Dans une lettre du 10 septembre 2009, en réponse aux formulaires T3012A présentés par le demandeur pour les années d’imposition 2003 et 2004, le ministre a rejeté la demande de retrait des cotisations excédentaires sans que l’émetteur des REER ne retienne l’impôt parce que le demandeur n’avait pas respecté le délai de présentation des formulaires T3012A. Le ministre a précisé que ces formulaires devaient être présentés au plus tard le 31 décembre 2006. Le ministre a aussi encouragé le demandeur à présenter sa déclaration T1‑OVP pour l’année 2008.
[20]
Peu après, le demandeur a retiré les cotisations excédentaires des REER. Il a inclus le montant des cotisations excédentaires dans son revenu dans sa déclaration de revenus de 2010 conformément au paragraphe 146(8) de la Loi et a demandé une déduction correspondante au titre des cotisations excédentaires non déduites aux termes du paragraphe 146(8.2).
[21]
Dans une nouvelle cotisation établie le 31 octobre 2011 à l’égard de l’année d’imposition 2010 du demandeur, le ministre a refusé la déduction demandée aux termes du paragraphe 146(8.2). Le demandeur a formulé une opposition et a fini par interjeter appel à la Cour canadienne de l’impôt relativement à son année d’imposition 2010. Le 5 avril 2013, M. le juge Bocock a conclu [le jugement de la Cour de l’impôt] que le demandeur avait satisfait aux exigences techniques de la Loi afin de demander une déduction relativement aux cotisations excédentaires de 2004 (15 000 $), et non pas relativement aux cotisations excédentaires de 2003 (30 000 $) parce que le demandeur n’avait pas respecté le délai applicable au retrait des cotisations excédentaires de 2003. La Cour de l’impôt a donc accueilli l’appel en partie. Ce faisant, le juge Bocock a tiré les conclusions de fait et de droit suivantes :
[TRADUCTION]
i. Le demandeur a fait les cotisations excédentaires sans tenter de les déduire de son revenu en 2003 et en 2004 et sans avoir reçu de demande de renseignements au sujet de ses plafonds de cotisation du comptable ou du conseiller en placements dont il avait retenu les services;
ii. Le demandeur a fait les cotisations excédentaires sans reconnaître qu’il ne connaissait pas les règles complexes relatives aux plafonds de cotisation à un REER et les questions connexes, qu’un contribuable moyen ne pourrait probablement jamais connaître;
iii. Étant donné que le demandeur n’avait pas tenté de demander des déductions de son revenu au cours des années en cause relativement aux cotisations excédentaires, les avis de cotisation de 2005 ne précisaient nullement que les cotisations excédentaires n’étaient pas conformes au texte d’usage suivant :
iv. En revanche, si le demandeur avait demandé les déductions, il y aurait peut-être eu un refus plus évident des déductions. Cela explique l’inertie du demandeur en 2005.
v. Le demandeur, à la réception de la lettre de 2007, a fait tout ce qu’il a pu, par l’entremise de son comptable « sujet à problèmes », pour connaître le fond du problème et pour le résoudre. Son comptable avait été d’une « lenteur lamentable » à s’occuper du problème.
vi. L’ARC a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2004 du demandeur en 2008, mais ne lui a pas envoyé la nouvelle cotisation.
vii. En raison de l’établissement de la nouvelle cotisation en 2008 (dont la date était pertinente quant au calcul du délai de présentation du formulaire T3012A), la date du 31 décembre 2006 n’était pas la bonne date limite pour présenter le formulaire T3012A pour l’année 2004; le demandeur avait légalement le droit de présenter le formulaire T3012A et de retirer la cotisation excédentaire pour l’année 2004 aux dates qu’il a choisies.
[22]
M. le juge Bocock était très favorable à ce qu’un allègement soit accordé au demandeur des conséquences de ses cotisations excédentaires. Dans le jugement de la Cour de l’impôt, il a renvoyé à l’affaire McNamee c La Reine, 2009 CCI 630 [McNamee], selon laquelle « [c]ette législation complexe [relative aux REER] ne devrait pas être utilisée pour pénaliser des personnes de bonne foi et mal informées, dont font partie M. McNamee et 99 % des contribuables ».
Il a discuté d’autres jugements, dont l’affaire Dimovski c Canada Agence du revenu, 2011 CF 721 [Dimovski], qu’il a jugée pertinente quant à une demande d’allègement. Il a fortement suggéré que le ministre prenne en compte toutes les tentatives du demandeur de corriger la situation, puisque de telles considérations seraient pertinentes pour décider s’il y a lieu d’accorder un allègement dans le cadre de toute demande fondée sur le paragraphe 204.1(4) de la Loi.
[23]
Le 19 décembre 2013, ou autour de cette date, l’ARC a reçu la première demande d’allègement du demandeur.
[24]
Dans une lettre du 29 septembre 2014, l’ARC a demandé au demandeur de présenter ses déclarations T1‑OVP pour ses années d’imposition 2008, 2009 et 2010. Le 19 juin 2015, l’ARC n’avait pas reçu ces déclarations. Ainsi, le 19 juin 2015, le ministre a établi une cotisation à l’égard du demandeur concernant l’impôt, les intérêts débiteurs et les pénalités pour présentation tardive relatifs aux cotisations aux REER en 2008, 2009 et 2010.
[25]
Au mois d’août 2015, le demandeur a présenté une déclaration T1‑OVP pour l’année d’imposition 2010 et a fait opposition à la cotisation établie le 19 juin 2015 concernant la déclaration T1‑OVP pour 2010. Le 9 mars 2016, le ministre a accueilli l’opposition et a établi une nouvelle cotisation en conséquence à l’égard du demandeur concernant les cotisations aux REER pour 2010. La nouvelle cotisation est le sujet de la seconde partie de la demande d’allègement du demandeur, qui faisait partie de sa demande d’allègement définitive, présentée de nouveau le 3 février 2016.
[26]
Les paragraphes 204.1(4) et 220(3.1) de la Loi sont ainsi libellés :
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III.
La décision du ministre du 30 novembre 2016 par laquelle les demandes d’allègement ont été rejetées
[27]
En ce qui concerne l’allègement de l’impôt spécial, la fonctionnaire déléguée du ministre a résumé son raisonnement concernant le défaut du demandeur de satisfaire à l’exigence de démontrer l’existence d’une « erreur acceptable »
, en ces termes :
[Traduction] L’expression « erreur acceptable » n’est pas définie en droit; cependant, l’ARC utilise les lignes directrices ci-après pour évaluer les demandes de renonciation à l’impôt prévu à la partie X.1 ou d’annulation de cet impôt. L’ARC entend par « erreur acceptable », d’abord et avant tout, que l’excédent fait suite à une erreur et que le contribuable n’a pas cotisé en trop intentionnellement. Une « erreur acceptable » s’entend aussi d’une circonstance exceptionnelle jamais vue par le contribuable et qui étaient [sic] indépendante de la volonté du contribuable et qui a entraîné l’excédent [et qui] laisserait croire, dans la plupart des cas, que l’excédent fait suite à une erreur acceptable. Dans votre cas, la méconnaissance ou les mauvais conseils reçus de votre comptable ou de votre institution financière ne satisfont [sic] pas à ce critère.
[Non souligné dans l’original.]
[28]
En ce qui concerne la prise en compte des troubles émotifs du demandeur comme facteur justifiant une renonciation à l’impôt, la fonctionnaire déléguée du ministre a rejeté l’argument ainsi :
[Traduction] Nous comprenons que vous avez souffert de troubles émotifs pendant un certain nombre d’années; cependant, sur la foi des renseignements que vous avez fournis, les troubles émotifs n’étaient pas une circonstance atténuante dans le cas des cotisations excédentaires, pas plus qu’ils n’ont contribué directement à votre incapacité de vous acquitter de votre obligation de présenter vos déclarations T1‑OVP, ou d’effectuer des paiements, sans délai.
[29]
Quant à la question de savoir si « les mesures indiquées pour éliminer l’excédent ont été prises »
, la fonctionnaire déléguée du ministre a conclu que ce passage signifie que des mesures avaient été prises pour éliminer l’excédent « le plus rapidement possible »
. Bien que le demandeur ait été informé en 2005 et en 2007 de ses droits inutilisés de cotisation à un REER qui pouvaient être soumis à l’impôt, et de sa possibilité de retirer les cotisations excédentaires directement de son institution financière, il n’a pris aucune mesure pour remédier à la situation. Il a fini par les retirer en 2010. Le contribuable continue d’être redevable de ses obligations fiscales malgré sa décision de recevoir les conseils fiscaux ou financiers d’un tiers; l’erreur d’un tiers est matière à résolution entre le particulier et le tiers.
[30]
De plus, en traitant de l’« erreur acceptable »
et des « mesures indiquées »
, la fonctionnaire déléguée du ministre a mentionné le fait que le demandeur s’était fié à des tiers en ces termes :
[Traduction] Le particulier qui décide de recevoir les conseils fiscaux ou financiers d’un tiers demeure redevable de ses obligations fiscales. L’ARC n’est pas responsable de quelque conseil inadéquat ou erroné que ce soit que vous auriez pu recevoir de votre comptable concernant vos déclarations de revenus ni de l’absence de renseignements fournis par votre institution financière concernant votre admissibilité à cotiser à un REER. L’erreur d’un tiers est matière à résolution entre le particulier et le tiers.
[31]
Contrairement à la conclusion de la Cour de l’impôt, la fonctionnaire déléguée du ministre n’était pas d’accord pour dire que le demandeur était admissible à la renonciation à la retenue fiscale de 2004 après 2006, en raison de la nouvelle cotisation établie à l’interne par l’ARC en 2008. La nouvelle cotisation était nécessaire en raison du défaut du demandeur de déclarer ses cotisations de 22 000 $ à des REER dans la bonne année, et a de toute façon été établie après le 31 décembre 2009, la date limite applicable au retrait des cotisations de 2004. La fonctionnaire déléguée du ministre a avoué, lors de son contre-interrogatoire, ne pas avoir compris le jugement de la Cour de l’impôt et ne pas s’y être fiée.
[32]
En ce qui concerne l’allègement demandé des intérêts et des pénalités pour présentation tardive aux termes du paragraphe 220(3.1) (laquelle disposition ne fait nullement mention d’une conduite acceptable de la part du contribuable), la fonctionnaire déléguée du ministre a conclu que le demandeur ne pouvait pas démontrer que les pénalités et les intérêts découlaient de circonstances indépendantes de sa volonté, telles que la maladie, un accident, des troubles émotifs graves, une catastrophe naturelle ou un acte de l’ARC, en se fondant en fait sur les mêmes conclusions de fait que celles appliquées pour refuser l’allègement de l’impôt spécial aux termes du paragraphe 204.1(4).
IV.
Les observations des parties
A.
Les observations du demandeur
[33]
Le demandeur avance qu’[traduction] « [i]l ressort clairement du libellé du paragraphe 204.1(4) qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu des circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté du contribuable, pas plus qu’il n’est nécessaire que les cotisations excédentaires soient retirées le plus tôt possible, pour que l’allègement soit accordé »
[soulignement ajouté].
[34]
Le demandeur avance que le mot « acceptable »
a un sens bien arrêté en droit commun dans de nombreux contextes en dehors de la Loi ou le sens que lui donnent les lignes directrices relatives à la renonciation à un impôt [les lignes directrices]. Il soutient que, selon le [traduction] « sens ordinaire du mot “acceptable” »
tiré des dictionnaires et étayé par la jurisprudence mentionnée, une erreur acceptable [traduction] « devrait s’entendre d’une erreur qu’une personne objective, ordinaire, qui connaît tous les faits pertinents, ne jugerait pas absurde ou ridicule, mais une erreur qu’une personne, par ailleurs rationnelle et sensée, commettrait dans les circonstances ».
[35]
En ce qui concerne les « mesures indiquées »
, le demandeur soutient qu’elles devraient s’entendre de mesures qu’une personne objective et ordinaire jugerait sensées et convenables dans les circonstances, et non pas d’un délai étant [traduction] « le plus tôt possible »
. En outre, au sujet du sens de l’expression « délai raisonnable »
, il cite le passage ci‑après de l’affaire Silden c Le Ministre du Revenu national, 90 DTC 6576, à la page 6582 :
[Traduction] Quand une loi décrit un délai raisonnable ou n’importe quelle autre mesure ou conduite raisonnable, on peut affirmer avec certitude que cela ne décrit pas quelque chose de précisément rigide, éternel, universel, régulateur ou même la vérité. Il s’agit d’une notion selon laquelle les circonstances dictent ce qu’est une période de temps raisonnable.
[36]
S’agissant du contexte et de l’objet du paragraphe 204.1(4), le demandeur soutient que le législateur, en intégrant la disposition relative à la renonciation au régime complexe des REER, a reconnu que le régime était à ce point complexe que le contribuable moyen ne pourrait pas comprendre la législation. Pour étayer cet argument, il mentionne le paragraphe 13 de l’affaire McNamee, cité ci-dessus par le juge Bocock, selon lequel « [c]ette législation [fiscale] complexe ne devrait pas être utilisée pour pénaliser des personnes de bonne foi et mal informées, dont font partie M. McNamee et 99 % des contribuables »
.
[37]
Le demandeur mentionne aussi l’affaire 3500772 Canada Inc c Canada (Revenu national), 2008 CF 554 [3500772 Canada], dans laquelle la Cour a jugé incorrecte l’interprétation des lignes directrices relatives à l’allègement du prélèvement de pénalités et d’intérêts, aux termes du paragraphe 220(3.1) de la Loi, qui nécessite l’existence d’une « situation extraordinaire »
pour qu’un allègement soit accordé.
B.
Observations du défendeur
[38]
L’avocat du ministre a soutenu que l’« erreur acceptable »
ne pouvait pas reposer sur l’ignorance de la loi ni sur la confiance en la conduite d’un tiers, en mentionnant la jurisprudence qui est examinée ci-dessous. Un argument semblable a été avancé pour rejeter la justification du retard à prendre les « mesures indiquées »
en raison de la conduite d’un tiers.
[39]
Le ministre jouit d’un très large pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 204.1(4) de la Loi. Comme notre Cour l’a mentionné dans l’affaire Kapil c Canada Agence du revenu, 2011 CF 1373, au paragraphe 28 [Kapil] : « [m]ême [si le paragraphe 204.1(4)] est satisfait aux deux volets, le pouvoir discrétionnaire quant à la renonciation appartient toujours au ministre ».
De plus, le demandeur ne laisse pas entendre que les lignes directrices en l’espèce empêchent l’exercice par la fonctionnaire déléguée du ministre de ce pouvoir discrétionnaire. Les lignes directrices applicables à la fois au paragraphe 204.1(4) et au paragraphe 220(3.1) de la Loi recommandent que l’existence de « circonstances exceptionnelles »
indépendantes de la volonté du contribuable soit prise en compte. Étant donné que les lignes directrices sont bénéfiques et appropriées, la Cour ne devrait trouver aucune raison qui les invaliderait ou qui justifierait l’annulation de la décision. L’avocat du ministre a soutenu à l’audience que l’« erreur acceptable »
ne pouvait pas reposer sur l’ignorance du droit ni sur la confiance en la conduite d’un tiers, en mentionnant la jurisprudence qui est examinée ci-dessous. Un argument semblable a été avancé pour rejeter la justification du retard à prendre les « mesures indiquées »
en raison de la conduite d’un tiers.
[40]
En ce qui concerne l’affaire 3500772 Canada, le ministre n’est pas d’accord pour dire que notre Cour a conclu que l’élément des circonstances exceptionnelles pose problème. La Cour a plutôt conclu que l’auteure de la décision ne peut pas se fier systématiquement aux lignes directrices, y compris à l’élément de la « situation extraordinaire »,
sans tenir compte de tous les renseignements dont elle dispose.
V.
Questions en litige
[41]
La présente affaire soulève les questions suivantes :
La norme de contrôle applicable;
La question de savoir si le ministre, par l’entremise de l’ARC :
a commis des erreurs de droit dans son interprétation du paragraphe 204.1(4),
a tiré des conclusions de fait erronées de façon abusive ou arbitraire, sans que la documentation dont disposait l’auteure de la décision (notamment, le jugement de la Cour de l’impôt) ait été prise en compte,
a rendu une décision déraisonnable;
La question de savoir si la décision a été rendue de manière inéquitable sur le plan de la procédure.
VI.
Norme de contrôle
[42]
Le demandeur avance que les lignes directrices, et donc la décision, contredisent le paragraphe 204.1(4) de la Loi. Le défendeur, bien qu’il avance que la norme à appliquer est celle du caractère raisonnable, reconnaît qu’il n’est pas nécessaire de respecter les lignes directrices si elles contredisent une disposition législative : Ainsley Financial Corp c Ontario (Securities Commission), [1994] OJ No 2966 (CA Ont). Étant donné que la présente affaire, telle qu’elle est formulée, porte sur une question d’interprétation législative à l’égard de laquelle l’ARC ne possède aucune expertise relative face aux tribunaux, la question relève de la norme de la décision correcte : affaire Fondation Redeemer c MRN, 2006 CAF 325, au paragraphe 24, confirmée par la Cour suprême sans commentaire sur ce point : 2008 CSC 46; et affaire Bozzer c Canada, 2011 CAF 186, au paragraphe 3.
[43]
Aucune question d’interprétation n’est soulevée à l’égard du paragraphe 220(3.1) en vue de l’allègement des intérêts et des pénalités eu égard aux lignes directrices, et non plus relativement aux autres questions concernant la décision qu’il faut évaluer selon la norme du caractère raisonnable, en suivant l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. Il s’agit de décisions discrétionnaires qui doivent donc appeler une certaine retenue : affaire Kapil, précitée, au paragraphe 19 et la jurisprudence qui y est mentionnée.
VII.
Discussion
A.
L’interprétation du mot « acceptable »
employé au paragraphe 204.1(4)
(1)
Erreur et recours à de tiers conseillers
[44]
Le demandeur fait valoir que la fonctionnaire déléguée du ministre a commis des erreurs de droit fondamentales dans son interprétation du paragraphe 204.1(4) et, plus précisément, de ce que sont une « erreur acceptable »
et les « mesures indiquées »
, soit les exigences à remplir pour obtenir un allègement de l’impôt spécial.
[45]
Il est constant que ces exigences s’interprètent de façon conjonctive, c’est‑à‑dire que les critères de l’erreur acceptable et des mesures indiquées doivent tous deux être remplis dans une affaire donnée.
[46]
Les passages pertinents de la lettre de décision du ministre dans lesquels le caractère acceptable est défini aux fins du paragraphe 204.1(4) adhèrent aux lignes directrices de la manière suivante :
L’erreur raisonnable signifie que vous n’aviez pas l’intention de cotiser en trop à votre REER et que l’excédent fait suite à des circonstances exceptionnelles indépendantes de votre volonté.
Les mesures indiquées signifient que vous avez pris des mesures pour éliminer l’excédent le plus rapidement possible.
[Soulignement ajouté]
[47]
Comme il a été mentionné dans le résumé des faits ci-dessus, le demandeur avance que la jurisprudence définit le mot « acceptable »
par renvoi au contribuable ordinaire placé dans sa situation, et non comme imposant la contrainte extérieure de l’existence de circonstances exceptionnelles indépendantes de sa volonté justifiant un allègement de l’impôt spécial. Il se fonde sur des conclusions de fait exprimées dans le jugement de la Cour de l’impôt pour démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait le contribuable raisonnable susceptible de faire [traduction] « des cotisations excédentaires sans se rendre compte de sa méconnaissance des règles complexes relatives aux plafonds de cotisation à un REER et des questions connexes, qu’un contribuable moyen ne pourrait probablement jamais connaître »
. Le demandeur avoue aussi avoir agi ainsi [traduction] « en n’ayant reçu aucune demande de renseignements pertinente quant à ses plafonds de cotisation du comptable et du conseiller en placement dont il avait retenu les services »
. Dans un même ordre d’idées, en ce qui concerne les « mesures indiquées »
, la Cour a conclu qu’il avait [traduction] « fait tout ce qu’il a[vait] pu, par l’entremise de son comptable “sujet à problèmes”, pour connaître le fond du problème et pour le résoudre. Son comptable avait été d’une “lenteur lamentable” à s’occuper du problème »
.
[48]
Le demandeur ne semble toutefois pas avoir reconnu que la fonctionnaire déléguée du ministre a rejeté ses demandes d’allègement principalement fondées sur l’ignorance de la loi et sur le recours à un tiers conseiller pour conclure que [traduction] « la méconnaissance ou les conseils inadéquats reçus de votre comptable ou de votre institution financière ne satisfait [sic] pas à ce critère »
[celui des circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté du demandeur]. Dans un même ordre d’idées, elle a conclu que le demandeur ne pouvait invoquer les manquements de son conseiller financier pour démontrer la prise des « mesures indiquées »
parce que [traduction] « l’erreur d’un tiers est matière à résolution entre le particulier et le tiers »
. Ces conclusions ont été par ailleurs étayées par d’autres motifs exprimés dans la décision.
[49]
En demandant un allègement de l’impôt spécial, le demandeur a limité la portée de ses observations pour ne traiter que du texte de la version de la circulaire d’information portant sur les demandes de renonciation à l’impôt prévu à la partie X.1 – 19(23)7.3 intitulée « Information Circular Request to waive Part X .1 tax 19(23)7.3 19(23)7.3 »
[les lignes directrices]. Il ne faut pas confondre ce document avec le document intitulé « Guidelines for waiving tax 19(23)7.23 »
[les lignes directrices – 19(23)7.23], que le demandeur a reçu durant le contre-interrogatoire de la fonctionnaire déléguée du ministre. Les lignes directrices – 19(23)7.23 disposent que l’ignorance de la loi et le recours à des tiers ne sont pas des motifs de renonciation à l’impôt spécial :
[TRADUCTION]
Ignorance de la loi
L’ignorance de la loi ne devrait pas être acceptée comme raison d’accorder une renonciation. Si l’excédent est le résultat de la négligence, de l’insouciance ou de la méconnaissance du contribuable, il ne devrait pas y avoir de renonciation à l’impôt. Par exemple, le fait qu’un contribuable n’était pas au courant de l’impôt applicable aux cotisations excédentaires à un REER ou à un RPAC ou que le contribuable ignorait l’obligation de présentation ne constitue pas à lui seul un motif acceptable de renonciation à l’impôt.
Tiers (institutions financières, employeurs et conseillers financiers)
Un tiers est défini comme étant un représentant qui agit au nom du contribuable ou de l’employeur.
Les contribuables sont responsables de remplir les obligations que leur impose la législation que l’Agence administre.
Si le contribuable affirme qu’un reçu de cotisation à un REER ou à un RPAC est inexact ou que des sommes ont été versées dans un régime enregistré par erreur, informez le contribuable qu’il ne peut être renoncé à l’impôt.
[50]
Le défendeur invoque le principe bien établi par les tribunaux voulant qu’il incombe au contribuable de connaître la loi et qu’il faut écarter tout argument fondé sur l’ignorance du particulier du droit canadien : voir, par exemple, l’affaire Gagné c Canada (Procureur général), 371 FTR 150; l’affaire Kapil, précitée, aux paragraphes 22 à 24; l’affaire Dimovski, précitée, au paragraphe 17, dans laquelle il est écrit :
Le régime fiscal canadien est fondé sur le principe de l’autocotisation, ce qui signifie qu’il appartient à tous les contribuables de mener leurs affaires financières d’une manière conforme à la Loi de l’impôt sur le revenu: R c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627.
[51]
La fonctionnaire déléguée du ministre a raison de croire que les participants à un régime de revenu différé, tel qu’un REER, doivent s’attendre à démontrer un certain degré de connaissance de ce placement. Le contribuable raisonnable doit exercer une diligence appropriée, ce qui, compte tenu de la complexité du régime fiscal canadien, nécessite qu’il reconnaisse de façon raisonnable ses propres limites et le besoin de demander de l’aide.
[52]
Dans un même ordre d’idées, la Cour a toujours refusé de reconnaître toute notion de renonciation à des impôts, à des pénalités ou à des intérêts, qui soit fondée sur la conduite de tiers : voir l’affaire Fleet c Canada (Procureur général), 2010 CF 609, au paragraphe 29 :
[29] Il me semble que la raison pour laquelle M. Fleet n’a pas pris ces mesures est du moins en partie attribuable au fait qu’il s’est fié à ses conseillers et qu’il a malheureusement été victime de leurs erreurs ou de leurs omissions. Toutefois, le droit est bien établi : le contribuable est « directement responsable des agissements de la personne qu’il a désignée pour administrer ses affaires financières » (Babin c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CF 972, paragraphe 19; Northview Apartments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 74, paragraphe 8 et 11; PPSC Enterprises Ltd. c. Ministre du Revenu national, 2007 CF 784, paragraphe 23; et Succession Jones c. Canada (Procureur général), 2009 CF 646 (CanLII), paragraphe 59), et qu’il « leur appartient de s’informer des règles applicables à la production des déclarations » (Sandler c. Procureur général du Canada, 2010 CF 459, paragraphe 12).
[53]
Lorsque ces moyens de défense sont soulevés, la question d’interprétation relative au paragraphe 204.1(4) ne se limite pas à savoir s’il est « acceptable »
qu’un allègement ne soit accordé que s’il existe des « circonstances exceptionnelles »
. Il faut d’abord convaincre la Cour d’accepter une interprétation très libérale du paragraphe 204.1(4) de sorte qu’un allègement puisse être accordé sur le fondement d’une [traduction] « erreur acceptable de droit »
et de la [traduction] « confiance acceptable dans un tiers conseiller imprudent pour prendre les mesures indiquées pour éliminer les cotisations excédentaires »
. De plus, la Cour d’appel fédérale a conclu que la doctrine fondée sur l’« erreur raisonnable de droit »
n’est pas reconnue : voir l’affaire Corporation de l’école polytechnique c Canada, 2004 CAF 127, aux paragraphes 32, 33 et 37 [Polytechnique] :
[32] La question est d’abord apparue en droit criminel à cause de l’article 19 du Code criminel qui énonce le principe que « l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse ». Ce principe a été importé et appliqué en droit statutaire et réglementaire : voir R. c. MacDougall, 1982 CanLII 212 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 605, à la page 612. Il ne fait pas de distinction entre l’erreur de droit et l’ignorance de la loi comme telle : Molis c. La Reine, 1980 CanLII 8 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 356. Tant en matière criminelle qu’en droit statutaire et réglementaire, il a trouvé sa justification dans les considérants suivants énoncés par le professeur Don Stuart, Canadian Criminal Law, A Treatise, 3e éd., 1995, aux pages 295 à 298 :
1. L’admission du moyen de défense d’ignorance de la loi causerait aux tribunaux des problèmes insurmontables en matière de preuve.
2. Elle encouragerait l’ignorance alors que la connaissance est souhaitable du point de vue social.
3. Sinon, chacun ne connaîtrait d’autre loi que la sienne, ce qui contreviendrait au principe de la légalité et contredirait les principes moraux qui sous-tendent le droit.
4. L’ignorance de la loi est répréhensible en soi.
[33] Sans vouloir être exhaustif, l’on peut distinguer, pour les fins de cette courte révision des principes applicables en matière d’erreurs de droit, quatre types d’erreurs de droit : l’erreur de droit commise de bonne foi et l’erreur de droit raisonnable que nous traiterons ensemble et qui ne sont pas admises comme défenses, l’erreur de droit provoquée par une personne en autorité et l’erreur de droit invincible.
[…]
[37] La doctrine a constamment critiqué en vain la rigidité de la règle de droit applicable à l’erreur de droit. Le professeur Stuart, à ce sujet, écrit à la page 324 de son Traité, précité :
The proposition that ignorance of the law is no excuse is based on the conclusive presumption that everybody knows the law. This implies that the law exists in a body of discernable rules which the ordinary person remembers or is capable of discovering. If this proposition was ever valid, it is certainly laughable in our present complex society in which there is a vast proliferation of laws of every description, including statutory provisions, obscure regulatory ones and intricate judge-made law.
Taxation statutes are certainly excellent representatives of this description given by Prof. Stuart of the existing legislative situation.
[Soulignement ajouté]
[54]
La Cour ne souscrit pas non plus à l’argument du demandeur selon lequel l’interprétation juridique du mot « acceptable »
a toujours un [traduction] « sens bien arrêté en droit commun dans de nombreux contextes en dehors de la Loi »
. On prête très souvent à l’observateur raisonnable, qui sert de modèle dans l’ensemble du régime juridique, des qualités particulières destinées à produire des résultats qui reflètent les politiques qui sous-tendent la législation ou la situation en question. Par exemple, il est bien reconnu que le critère de la personne raisonnable trop prudente du droit de la négligence est appliqué en vue d’accroitre le risque des défendeurs qui sont souvent des assureurs. Cette pratique appuie la politique de répartition des pertes au moyen de l’assurance plutôt que d’imposer au demandeur d’assumer la perte sans indemnité.
[55]
Il n’était pas déraisonnable pour la fonctionnaire déléguée du ministre de conclure que le régime fiscal canadien est fondé sur une politique d’autocotisation. Il revient ainsi aux particuliers de veiller à mener leurs affaires financières conformément à la Loi : R c Mckinlay Transport Ltd, [1990] 1 RCS 627. Les contribuables qui participent à un régime de revenu différé, tel qu’ un REER, doivent s’attendre à démontrer un certain degré de connaissance de ce placement. Par conséquent, le contribuable raisonnable fictif utilisé pour évaluer la conduite du demandeur devrait normalement s’attendre à exercer une diligence appropriée.
[56]
La complexité du régime d’imposition canadien nécessite la reconnaissance raisonnable de la part du contribuable ordinaire de ses connaissances limitées des principes d’imposition ainsi que le besoin connexe de demander les conseils appropriés face à des cas d’imposition complexes : affaire Dimovski, précitée. Pour des raisons liées à la politique, il a donc toujours été présumé que le contribuable raisonnable et objectif fictif, utilisé pour évaluer l’erreur acceptable et les mesures indiquées des contribuables qui demandent une renonciation à l’impôt spécial, fait preuve de diligence en veillant à ses propres intérêts. Il s’ensuit normalement qu’il ne sera pas permis de fonder des cotisations excédentaires sur l’ignorance de la loi ou de se fonder sur les erreurs de tiers conseillers pour justifier le défaut de se conformer à la Loi.
[57]
En outre, bien que le demandeur puisse avancer que le critère des [traduction] « circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté du contribuable »
consiste en une interprétation trop restrictive de l’« erreur acceptable »
, il n’empêche qu’en pratique, une fois l’erreur de droit ou le recours à des tiers conseillers écartés, il reste peu de motifs autres que les situations qui sont exceptionnelles. Cette conclusion s’applique pareillement aux « mesures indiquées »
, qui, de façon pratique et pour la même raison, nécessitent, exceptionnellement, la justification de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable.
B.
Un coup de main pour le demandeur
[58]
En rejetant l’argumentation du demandeur, la Cour ne veut pas donner l’impression d’être à l’aise avec l’issue, ou de ne pas être très sensible à la situation du demandeur, comme c’était le cas du juge Bocock. Par conséquent, la Cour a considéré certains moyens d’aider le demandeur à se sortir de sa situation. Cela a nécessité l’élaboration d’observations qui pourraient aider à sa situation, n’eût été la jurisprudence en suspens, et plus particulièrement la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Polytechnique, qui écarte toute notion d’erreur de droit raisonnable. Bien qu’aucun tribunal ne s’emploie à faire porter sa décision en appel, si un appel est néanmoins interjeté, l’argumentation ci-dessous pourrait s’avérer utile pour défendre une interprétation libérale et littérale du paragraphe 204.1(4) :
i. une présomption en faveur d’une interprétation littérale, soit du mot « acceptable », existe dans le cas où l’interprétation ne peut pas par ailleurs être correctement établie, selon Ruth Sullivan, dans l’ouvrage Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd (LexisNexis, 2014), aux rubriques 21.11 à 21.16.
ii. la logique contextuelle laisse croire que, si l’existence de
« circonstances exceptionnelles »constitue le critère applicable au paragraphe 220(3.1), aux termes duquel le ministre jouit d’un très large pouvoir discrétionnaire, il ne peut pas s’appliquer aussi à l’allègement prévu au paragraphe 204.1(4), aux termes duquel le ministre devrait normalement accorder un allègement dans une situation« acceptable »;
iii. les facteurs liés à la politique mentionnés dans l’affaire Polytechnique à l’encontre de l’erreur de droit raisonnable semblent ne s’appliquer d’aucune manière à la situation du demandeur;
iv. les
« mesures indiquées »visent la conduite du contribuable, et le processus suivi par les tiers conseillers;
v. la politique de non-indemnisation des tiers autorisés à l’égard des erreurs qu’ils commettent en fournissant des services au client ne s’applique pas lorsque le demandeur n’a aucun recours à exercer contre le conseiller, qui n’aurait pas à l’indemniser en raison de l’« erreur déraisonnable » qu’il a commise en faisant les cotisations;
vi. les lignes directrices – 19(23)7.23 disposent que le report du retrait des cotisations excédentaires peut être conditionnel à ce qu’il soit décidé si l’erreur était raisonnable ou non : [traduction]
« [s]i l’Agence a conclu que l’excédent fait suite à une erreur raisonnable, et que l’excédent n’a pas déjà été éliminé, le contribuable dispose de deux mois de la date de la lettre de l’Agence pour retirer les sommes et fournir la preuve du retrait » [soulignement ajouté];
vii. le paragraphe 204.1(4) consiste en une disposition d’allègement qui vise à donner une certaine souplesse équitable à un régime fiscal par ailleurs rigide;
viii. le caractère raisonnable vise la proportionnalité qui devrait permettre l’atteinte d’autres résultats que les décisions catégoriques qui refusent ou accordent intégralement l’allègement;
ix. les cotisations à un REER ne sont pas obligatoires, contrairement au paiement des impôts et des taxes, mais bien volontaires et visent à accorder des avantages à la société en favorisant l’épargne et l’investissement, en plus de fournir une aide financière aux contribuables non syndiqués à leur retraite;
x. l’issue très sévère de la présente affaire n’est pas conforme à l’intention du législateur d’établir un programme pour accorder aux contribuables la sécurité financière à leur retraite.
C.
L’affaire 3500772 Canada ne s’applique plus à l’interprétation des« circonstances exceptionnelles »
[59]
La Cour conclut que l’argumentation des parties concernant l’affaire 3500772 Canada n’est plus applicable dans la mesure où les lignes directrices relatives au paragraphe 220(3.1) ont été modifiées de sorte à ne plus admettre aucun argument selon lequel une décision fondée sur des circonstances exceptionnelles consiste en une appréciation erronée des lignes directrices.
[60]
Au paragraphe 39 de l’affaire 3500772 Canada, la Cour a conclu que les circonstances doivent être « indépendantes de la volonté du contribuable »
conformément aux critères de dispense, le facteur des circonstances « exceptionnelles »
étant pertinent, mais non essentiel. La Cour a tiré les conclusions suivantes :
[L]es situations qui justifient une dispense peuvent très bien être décrites comme des situations « extraordinaires »; cependant, c’est parce qu’il s’agit de situations indépendantes de la volonté du contribuable que la dispense peut être accordée suivant les lignes directrices. La situation ne doit pas nécessairement être « extraordinaire ».
[61]
Par conséquent, la Cour a conclu, au paragraphe 40 que l’auteure de la décision, qui avait déclaré que le ministre ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire qu’en présence d’une « situation extraordinaire »
avait adopté une « appréciation erronée des lignes directrices »
.
[62]
Bien que le défendeur ait raison de dire que la ratio decidendi de la décision visait le défaut de l’agente de tenir compte de tous les facteurs, elle était néanmoins fondée sur la conclusion selon laquelle l’existence d’une « situation extraordinaire »
n’est pas un critère essentiel à l’application du paragraphe 220(3.1). Le demandeur a avancé cet argument parce que l’expression « circonstances exceptionnelles »
est employée dans les lignes directrices relatives au paragraphe 220(3.1) et au paragraphe 204.1(4).
[63]
L’affaire 3500772 Canada était toutefois fondée sur une interprétation des lignes directrices appelées Circulaire d’information 92‑2, comme en témoigne l’extrait des anciennes lignes directrices tiré du paragraphe 38 de l’affaire 3500772 Canada et reproduit ci-dessous :
5. Il sera convenable d’annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux-ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l’employeur. Voici des exemples de situations extraordinaires qui pourraient empêcher un contribuable […]
[Souligné dans l’original]
[64]
La circulaire d’information IC07-1 relative au paragraphe 220(3.1), qui s’applique en l’espèce, a remplacé l’ancienne version en vigueur le 31 mai 2007 [les lignes directrices de 2007]. Le paragraphe 23 des lignes directrices de 2007 décrit les « circonstances exceptionnelles »
comme appartenant à l’une de trois situations qui peuvent justifier un allègement des pénalités et des intérêts. Plus loin, le facteur des « circonstances extraordinaires »
contenu dans les deux dispositions fait l’objet des précisions suivantes, au paragraphe 25 :
Situations qui peuvent justifier un allègement des pénalités et des intérêts
23. Le ministre du Revenu national peut accorder un allègement des pénalités et des intérêts dans les situations suivantes si elles justifient l’incapacité du contribuable à respecter une obligation ou une exigence fiscale : a) Circonstances exceptionnelles b) Actions de l’ARC c) Incapacité de payer ou difficultés financières
[…]
Circonstances exceptionnelles
25. Les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en tout ou en partie, si elles découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d’effectuer un paiement lorsqu’il était dû, de produire une déclaration à temps ou de s’acquitter de toute autre obligation que lui impose la Loi comprennent, sans en exclure d’autres, les suivantes : d) Troubles émotifs sévères ou souffrances morales graves, tels qu’un décès dans la famille immédiate.
[Soulignement ajouté]
[65]
De l’avis de la Cour, les passages des lignes directrices de 2007 relatives au paragraphe 220(3.1) reproduits ci-dessus démontrent que l’erreur raisonnable nécessite que les contribuables établissent l’existence de circonstances exceptionnelles indépendantes de leur volonté, c’est-à-dire que les deux critères doivent être remplis. Il s’ensuit donc que le demandeur ne peut pas avancer l’argument selon lequel une interprétation des lignes directrices relatives au paragraphe 204.1(4) qui exige l’existence de « circonstances exceptionnelles »
est incorrecte selon le raisonnement adopté dans l’affaire 3500772 Canada.
[66]
Ces conclusions étayent davantage la décision de la Cour selon laquelle la fonctionnaire déléguée du ministre n’a commis aucune erreur en se fondant sur les lignes directrices pour interpréter le paragraphe 204.1(4) de la Loi.
D.
Conclusions de fait erronées
[67]
Le reste des motifs porte sur les autres observations du demandeur, à commencer par son argument selon lequel la fonctionnaire déléguée du ministre a tiré des conclusions de fait erronées en n’adoptant pas les conclusions de fait et de droit de la Cour de l’impôt. Comme il a été mentionné, le jugement de la Cour de l’impôt contenait des commentaires incitant le ministre à accorder un allègement aux termes du paragraphe 204.1(4), en l’exhortant fortement à conclure que les cotisations excédentaires faisaient suite à une erreur acceptable et que les mesures indiquées avaient été prises pour éliminer les cotisations excédentaires. La Cour de l’impôt, dans son jugement, est même allée jusqu’à examiner la décision rendue dans l’affaire Dimovski en vue de la distinguer, parce que le demandeur avait [traduction] « fait tout ce qu’il a[vait] pu, par l’entremise de son comptable [traduction] “sujet à problèmes”, pour connaître le fond du problème et pour le résoudre »
.
[68]
Je souscris à la thèse du demandeur selon laquelle les commentaires du juge de la Cour de l’impôt sont des remarques incidentes non contraignantes. Surtout, ils ne visent pas le principal motif de rejet de la demande d’allègement du demandeur, fondée sur son erreur de droit fiscal et sur les manquements apparents de ses conseillers de bien le conseiller de prendre les mesures indiquées pour éliminer les cotisations excédentaires.
[69]
Le demandeur avance aussi que la fonctionnaire déléguée du ministre aurait dû accepter les conclusions contenues dans le jugement de la Cour de l’impôt selon lesquelles le contribuable a agi rapidement pour éliminer les cotisations excédentaires. Cet argument ne tient pas compte du fait que le retard à agir semble avoir été causé par ses conseillers, pour qui le droit fiscal n’est pas une matière indépendante de la volonté du contribuable.
[70]
Des commentaires semblables s’appliquent à l’argument du demandeur selon lequel la date limite du 31 décembre 2006 était directement contradictoire avec la conclusion juridique contraignante contenue dans le jugement de la Cour de l’impôt concernant la déduction des cotisations de 2004. Il reste l’absence d’erreur acceptable de la part du demandeur en faisant des cotisations qui fait obstacle à l’allègement, même s’il pouvait être établi que les mesures indiquées ont été prises.
[71]
Les conclusions de la Cour de l’impôt concernent l’admissibilité à la déduction au titre du remboursement des droits inutilisés de cotisation à un REER. La pénalité fiscale de 1 % par mois est tout de même applicable à la période des cotisations excédentaires. Elles ne s’appliquent pas non plus aux cotisations de 2003. Bien que cet aspect ne fasse l’objet d’aucun appel, la Cour s’inquiète de l’utilisation, dans le jugement de la Cour de l’impôt, de la nouvelle cotisation interne de 2008, qui n’a pas été envoyée, pour justifier la prorogation du délai pour demander une déduction. La nouvelle cotisation était requise en raison du défaut du demandeur de déclarer sa cotisation dans la bonne année. Il semble que la Cour de l’impôt ignorait ce fait. Il serait illogique qu’un contribuable profite de son défaut de se conformer à des obligations en matière de déclaration.
E.
Le caractère déraisonnable de la décision
[72]
Le demandeur avance que le caractère déraisonnable de la décision de refuser l’allègement de l’impôt spécial s’illustre par les deux facteurs se rapportant au défaut d’interpréter correctement le sens du caractère acceptable au paragraphe 204.1(4) et par le défaut de prendre en compte les conclusions de la Cour de l’impôt, compte tenu des conséquences inéquitables pour le demandeur de ses cotisations excédentaires involontaires. Les deux premiers facteurs ont déjà été examinés et rejetés.
[73]
Le demandeur n’a avancé aucun argument sérieux selon lequel son indisposition psychologique constituait un facteur ayant contribué à ses actes. L’ARC a reconnu que les troubles émotifs du demandeur auraient pu constituer une conséquence exceptionnelle indépendante de la volonté du contribuable justifiant un allègement de l’impôt. Elle a demandé des renseignements supplémentaires du demandeur pour qu’il étaye cette prétention. Bien que des éléments de preuve supplémentaire de sa dépression aient été fournis, il n’y avait aucune preuve d’un lien de causalité entre ses troubles émotifs et les décisions de faire des cotisations ou, quoique entraîné par son conseiller financier, le retard à prendre des mesures pour éliminer les cotisations excédentaires.
[74]
Le demandeur ne s’oppose pas sérieusement à la décision d’appliquer les dispositions relatives aux intérêts et à la pénalité du paragraphe 220(3.1). Selon la thèse du demandeur, si un allègement de l’impôt spécial avait été accordé, il s’appliquerait également aux intérêts et à la pénalité imposés. Les mêmes obstacles à l’obtention d’un allègement de ces sommes s’appliquent et justifient le refus d’un allègement de l’impôt spécial.
[75]
En revanche, la Cour est d’accord pour dire que l’élimination des cotisations du demandeur ainsi que des pertes additionnelles provenant des intérêts et des pénalités accumulés qui lui sont imposées, en raison d’une cotisation excédentaire involontaire à un REER qu’un contribuable inconscient pourrait facilement faire, a des conséquences qui semblent démesurément sévères et disproportionnelles. En effet, les conséquences semblent être aux antipodes d’un régime établi par la législation dans l’intention d’aider les contribuables à leur retraite. De telles conséquences regrettables ont toujours été le problème auquel sont confrontés les tribunaux dans ces dossiers, mais elles ne rendent pas la décision déraisonnable. Toute application sévère de la loi ne peut être attribuée à l’ARC, qui est tenue d'appliquer le droit, même en présence de résultats qui semblent sévères.
F.
La décision a été rendue de manière inéquitable sur le plan de la procédure
[76]
Le demandeur avance que le ministre a manqué à son obligation d’équité procédurale envers le demandeur parce le ministre n’a pas pris en compte le jugement de la Cour de l’impôt et qu’il a rejeté ou qu’il n’a retenu que certaines des conclusions de fait du juge de la Cour de l’impôt constituent un manquement . Étant donné qu’il a été conclu que le jugement de la Cour de l’impôt ne s’applique pas en l’espèce, cet argument doit être écarté.
G.
Les cotisations à des REER peuvent représenter un piège caché pour les contribuables
[77]
Les limites imposées à l’obtention d’un allègement en raison des principes de l’erreur de droit et de l’absence de confiance des tiers, en plus de l’obligation du contribuable de démontrer l’existence d’une « erreur acceptable »
et la prise des « mesures indiquées »
, font en sorte que le paragraphe 204.1(4) pourra très rarement servir à accorder un allègement aux contribuables. Même si M. Connolly avait pu démontrer que ses troubles émotifs avaient eu une incidence sur la décision de faire des cotisations excédentaires, il serait toujours aux prises avec les erreurs de ses conseillers en n’ayant pas éliminé l’excédent dans un délai convenable, et ce, même s’il était raisonnable pour lui de se fier à son conseiller ou, malgré sa propre diligence, en lui demandant de prendre des mesures. Dans un même ordre d’idées, sans la renonciation à l’impôt spécial, les conditions d’obtention d’un allègement des intérêts et de la pénalité imposés aux termes du paragraphe 220(3.1) sont limitées de la même manière par la nécessité de prouver que les circonstances étaient indépendantes de la volonté du contribuable.
[78]
Cette réalité fait en sorte que le meilleur résultat que le contribuable peut souhaiter en présence d’une erreur liée à une cotisation excédentaire est de se voir facturer des honoraires raisonnablement modestes par un fiscaliste retenu pour engager la procédure longue et complexe de retirer l’excédent dans un délai convenable et sans que les sommes ne soient ajoutées au revenu du contribuable pour l’année de leur retrait. Si les sommes ne sont pas retirées à temps, il reste comme seul recours une demande d’indemnisation accordée contre le conseiller pour toute responsabilité engagée en faisant la cotisation excédentaire ou en ne prenant pas les mesures indiquées pour éliminer l’excédent. Il ne s’agit d’une procédure que la plupart des contribuables souhaitent entamer ou qui réussira nécessairement si le contribuable est celui qui a fait la cotisation excédentaire en premier lieu.
[79]
Vues sous cet angle, les cotisations excédentaires aux REER constituent un éventuel piège qui peut entraîner d’importantes pertes de placements de retraite pour des contribuables non avertis. Ce n’est évidemment pas ce que le législateur voulait en établissant le régime des REER. Elles entraînent aussi un fardeau administratif pour l’ARC, qui doit faire face aux conséquences des cotisations excédentaires des contribuables.
[80]
Dans de telles circonstances, la Cour se demande si des mesures non intrusives plus robustes peuvent être adoptées pour empêcher que des sommes soient cotisées en trop. Une telle mesure raisonnable pourrait être aussi simple que l’exigence que les formulaires utilisés par les institutions financières pour faire des cotisations comportent un avertissement évident de l’ARC, que le cotisant aurait à signer, contre la cotisation à un REER dans le cas où le particulier ne connaît pas ses plafonds de cotisation. Une mesure de cette nature pourrait contribuer à dissuader les contribuables à faire des cotisations excédentaires, comme celles qui ont été faites en l’espèce. Elle pourrait aussi inciter les institutions financières à aider leurs clients à déterminer leurs plafonds afin de recevoir les sommes qu’ils ont cotisé.
[81]
Malheureusement, cette suggestion n’aidera pas le demandeur, dont la demande doit malheureusement être rejetée pour les motifs fournis.
VIII.
Conclusion
[82]
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[83]
Étant donné que le demandeur a subi des pertes financières considérables et exceptionnelles au titre de son revenu de retraite et de celui de son épouse, l’adjudication de dépens est contre-indiquée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑2162‑16
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans dépens.
« Peter Annis »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T‑2162‑16
|
INTITULÉ :
|
PATRICK CONNOLLY c. MRN
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Ottawa (Ontario)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 14 septembre 2017
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE ANNIS
|
DATE DES MOTIFS :
|
Le 7 novembre 2017
|
COMPARUTIONS :
Me Jennifer Flood
|
Pour le demandeur
|
Me Melissa Nicolls
|
Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Thorsteinssons LLP
Avocats fiscalistes
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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Pour le demandeur
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Sous‑procureur général du Canada
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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Pour le défendeur
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