Date : 20171018
Dossier : IMM-1688-17
Référence : 2017 CF 926
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2017
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
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HUSSEIN MUHAMED MAALIM
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés, qui a rejeté l’appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle le demandeur n’est ni un réfugié ni une personne à protéger.
II.
Résumé des faits
[2]
Le demandeur est un Somalien qui a affirmé ce qui suit :
en tant que membre d’un clan ethnique minoritaire au teint clair, les Begedi, il a fait l’objet de discrimination par une tribu plus importante, les Hawiye;
le demandeur, tout comme sa famille, n’a pas bénéficié de la protection de l’État;
les Hawiye l’ont agressé ainsi que sa famille, ont pris leur terre agricole, l’ont battu jusqu’à ce qu’il perde connaissance, l’ont menacé et l’ont extorqué, ainsi que sa mère, et ils ont tué cette dernière;
il est un adepte du soufisme, une dénomination interdite par Al Shabaab qui contrôlait son village natal;
il s’est enfui aux États-Unis en février 2015 où sa demande d’asile a été rejetée, et il est entré illégalement au Canada;
il serait tué par Al Shabaab ou les Hawiye s’il retournait en Somalie.
[3]
La Section de la protection des réfugiés avait des doutes importants concernant la crédibilité en raison des incohérences entre son témoignage, son formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA), la déclaration et l’entrevue avec l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), ainsi que les documents relatifs à la demande d’asile aux États-Unis.
[4]
La Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur n’était pas crédible et, subsidiairement, qu’il existait une possibilité de refuge intérieur à Mogadiscio.
[5]
La Section d’appel des réfugiés a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés, mais selon un point de vue légèrement différent.
[6]
Les principales conclusions de la Section d’appel des réfugiés qui sont en lien avec le présent contrôle judiciaire sont les suivantes :
Aucune loi n’exigeait que l’on fournisse au demandeur un enregistrement audible de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés, et l’omission de le faire ne constituait pas un manquement à la justice naturelle. La Section d’appel des réfugiés a également conclu qu’il y aurait eu manquement à la justice naturelle uniquement si le décideur n’avait pas disposé d’une copie audible. De plus, le demandeur n’a pas demandé une copie audible quand il a découvert que la sienne était vierge.
Les exigences du paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, n’ont pas été respectées, et il n’y avait donc pas de fondement pour admettre un nouvel élément de preuve ou tenir une audience.
Le demandeur a eu suffisamment de temps pour se préparer, et les nouveaux délais plus serrés pour présenter une demande d’asile ne nécessitaient pas une nouvelle évaluation de la crédibilité.
Les incohérences du demandeur en ce qui concerne son état civil, sa relation avec une observatrice et le nombre de ses frères et sœurs n’étaient pas sans lien avec une évaluation de la crédibilité ou l’établissement de son identité.
La Section de la protection des réfugiés a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la mère du demandeur n’avait pas été assassinée, et que le défaut du demandeur de revendiquer le statut de réfugié aux États-Unis a miné sa crainte subjective de persécution.
La Section de la protection des réfugiés a eu raison de conclure qu’il existait une possibilité de refuge intérieur viable à Mogadiscio.
III.
Discussion
[7]
Les principales questions à trancher dans le présent contrôle judiciaire sont les suivantes :
le manquement à l’équité procédurale ou aux exigences législatives en ce qui concerne l’enregistrement de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés;
le caractère raisonnable des conclusions de la Section d’appel des réfugiés en matière de crédibilité;
le caractère raisonnable de la conclusion sur la possibilité de refuge intérieur.
[8]
La norme de contrôle est bien établie et n’est pas contestée. L’équité procédurale est assujettie à la norme de la décision correcte, alors que l’appel devant la Section d’appel des réfugiés relativement aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés est assujetti à la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, [2016] 4 RCF 157), et il faut faire preuve d’une grande déférence à l’égard des questions de crédibilité et d’appréciation des éléments de preuve.
A.
Enregistrement de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés
[9]
La Section d’appel des réfugiés a commis une erreur, dans les faits, lorsqu’elle a conclu que le demandeur, par l’entremise de son avocat, n’avait pas demandé une copie audible de l’enregistrement après s’être aperçu que la copie qu’il avait était vierge. M. Matas avait demandé une copie en bon état, mais la demande a été retardée parce que la Section de la protection des réfugiés s’est demandée si M. Matas était avocat, même si son nom figurait sur l’avis d’appel.
[10]
De plus, la Section d’appel des réfugiés a adopté un point de vue trop étroit concernant le droit à l’enregistrement alors qu’elle s’est concentrée sur la question de savoir si le décideur avait une copie de l’enregistrement, au lieu de se demander si un appelant devrait en obtenir une copie. Un enregistrement n’est pas uniquement au bénéfice du décideur. Pour des raisons d’équité, en l’absence d’une bonne raison, un appelant a droit à un enregistrement de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés.
[11]
La Section d’appel des réfugiés a également commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’aucune loi n’exigeait que l’on fournisse une copie de l’enregistrement à un appelant. Le sous-alinéa 3(3)g)(ii) des Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2012-257, prévoit précisément qu’un appelant pourrait avoir accès à l’enregistrement de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés :
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Malgré ces erreurs, le demandeur n’a pas démontré comment l’accès à l’enregistrement aurait pu influencer le présent contrôle judiciaire. Après avoir obtenu l’accès à l’enregistrement, le demandeur ne peut affirmer que des éléments de l’enregistrement auraient pu rendre ses arguments plus complets ou soulever de nouveaux motifs ou même améliorer sa perspective concernant les faits.
[13]
Je dois donc conclure que la question juridique soulevée est tout à fait théorique et qu’elle ne peut servir de fondement pour annuler la décision de la Section d’appel des réfugiés.
B.
Conclusions en matière de crédibilité
[14]
Selon le demandeur, les conclusions sur la crédibilité étaient viciées parce que la Section d’appel des réfugiés ne peut accepter certaines conclusions de la Section de la protection des réfugiés, en rejeter d’autres, puis confirmer les conclusions de la Section de la protection des réfugiés sans tirer une conclusion relativement à la crédibilité globale, en particulier s’il n’y a pas eu d’audience.
Le défendeur a semblé concédé ce point, mais il était d’avis que la possibilité de refuge intérieur était définitive.
[15]
Toutefois, l’évaluation de la crédibilité est un processus complexe. À moins que la Section d’appel des réfugiés ait tenu compte de questions non pertinentes, elle dispose d’une marge de manœuvre considérable pour formuler des conclusions sur cette question. La question de l’identité était toujours d’actualité pour la Section d’appel des réfugiés, et les questions portant sur les frères et sœurs du demandeur, sa relation avec une observatrice, et son état civil, même si elles étaient accessoires aux questions principales, restent pertinentes pour les considérations touchant à la crédibilité.
[16]
Rien ne me permet de conclure que la conclusion quant à la crédibilité était déraisonnable.
[17]
Pour ce qui est de l’argument présenté par le demandeur, selon lequel la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le nouveau processus de revendication du statut de réfugié n’avait aucun rapport avec les questions de crédibilité, une proposition aussi radicale serait incorrecte. Certains facteurs comme les courts délais susceptibles d’avoir une incidence sur les efforts pour obtenir des éléments de preuve corroborants peuvent avoir des répercussions sur certains dossiers en particulier.
[18]
En l’espèce, la difficulté pour le demandeur est qu’il n’y a aucun élément de preuve convaincant indiquant que le nouveau processus a eu une incidence sur les décisions de la Section de la protection des réfugiés ou de la Section d’appel des réfugiés. La question est intéressante, mais, en l’espèce, elle est théorique.
C.
Possibilité de refuge intérieur
[19]
En l’espèce, la conclusion portant sur la possibilité de refuge intérieur est déterminante pour la demande d’asile. La Section d’appel des réfugiés a examiné la question du risque auquel est exposé un membre du clan des Begedi, tant en Somalie en général qu’à Mogadiscio en particulier.
[20]
Je ne suis pas convaincu que cette conclusion est déraisonnable. La conclusion de l’existence d’une possibilité de refuge intérieur viable est donc justifiée et la Cour n’interviendra pas dans cette décision.
IV.
Conclusion
[21]
Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[22]
Aucune question n’est soumise pour être certifiée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1688-17
LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 9e jour de septembre 2019
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-1688-17
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INTITULÉ :
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HUSSEIN MUHAMED MAALIM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Winnipeg (Manitoba)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 10 octobre 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE PHELAN
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DATE DES MOTIFS :
|
Le 18 octobre 2017
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COMPARUTIONS :
David Matas
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Pour le demandeur
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Brendan Friesen
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
David Matas
Avocat
Winnipeg (Manitoba)
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Pour le demandeur
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Procureur général du Canada
Winnipeg (Manitoba)
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Pour le défendeur
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