Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20171018


Dossier : IMM-1224-17

Référence : 2017 CF 930

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 octobre 2017

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

MAJEEDA SAEED ALRASHIDI

BAYLISAN SALEH ALMENHALI

ORJUWAN SALEH S. ALMANHALI

NOOR SALEH S. ALMANHALI

RGAD SALEH S. ALMENHALI

RAHAF SALEH S. ALMENHALI

LYAN SALEH S. ALMENHALI

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue à l’égard d’une demande d’asile. Les demanderesses, des citoyennes de l’Arabie saoudite, disent craindre d’être persécutées par le gouvernement de l’Arabie saoudite en raison de leur sexe et de leur affiliation tribale. La Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés ont toutes deux rejeté la demande des demanderesses pour des motifs de crédibilité. Selon mes conclusions ci-dessous, la Section d’appel des réfugiés a appliqué la norme de contrôle appropriée à la décision de la Section de la protection des réfugiés et elle a tiré des conclusions raisonnables compte tenu des éléments de preuve qui lui ont été présentés. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

I.  Résumé des faits

[2]  Les demanderesses, une mère et ses six filles, sont toutes des citoyennes de l’Arabie saoudite. La mère est née dans la tribu Al Rashidi, mais à son mariage, elle est devenue membre de la tribu Al Menhali. Les demanderesses affirment que le gouvernement de l’Arabie saoudite a cessé de délivrer des cartes d’identité aux femmes de la tribu Al Menhali et que, sans cartes d’identité, les femmes ne peuvent pas travailler, étudier, se marier ou accéder aux services de base. Les demanderesses craignent également le mariage forcé, entre autres formes de persécution fondée sur le sexe.

[3]  La Section d’appel des réfugiés, appliquant la décision rendue dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 [Huruglica], a examiné le dossier de la Section de la protection des réfugiés et elle a procédé à un examen indépendant des éléments de preuve. Outre les questions relatives à la crédibilité, la Section d’appel des réfugiés a conclu que les éléments de preuve objectifs ne soutenaient pas les affirmations des demanderesses selon lesquelles le gouvernement saoudien avait refusé de délivrer des cartes d’identité. Dans sa décision du 27 février 2017 (la décision), la Section d’appel des réfugiés a rejeté les demandes des demanderesses présentées en application des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 (la Loi).

II.  Discussion

[4]  La Section d’appel des réfugiés doit examiner les décisions de la Section de la protection des réfugiés en appliquant la norme de la décision correcte (Huruglica, au paragraphe 103). En revanche, les conclusions de fait de la Section de la protection des réfugiés concernant la crédibilité commandent un certain degré de déférence, par exemple, lorsque la Section de la protection des réfugiés jouissait d’un véritable avantage concernant les conclusions de fait, y compris concernant les questions de crédibilité (Huruglica, au paragraphe 70).

[5]  En ce qui concerne la Cour, puisqu’aucune question d’équité procédurale n’a été soulevée, je dois examiner l’évaluation des éléments de preuve réalisée par la Section d’appel des réfugiés et ses conclusions de fait et de droit selon la norme de la décision raisonnable (Huruglica, au paragraphe 35; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47, 51, 54 et 57).

[6]  Bien que l’avocat des demanderesses ait très bien examiné les éléments de preuve et qu’il ait fait tout ce qui était en son pouvoir pour faire valoir que la Section d’appel des réfugiés avait commis des erreurs susceptibles de révision, je ne suis pas convaincu que cette dernière (et la Section de la protection des réfugiés avant elle) a omis d’examiner correctement les éléments de preuve ou a autrement commis une erreur en tirant des conclusions sur la crédibilité. Au contraire, il était loisible à la Section d’appel des réfugiés de tirer les conclusions auxquelles elle est parvenue, notamment les conclusions relatives au long délai avant que les demanderesses ne demandent l’asile et aux explications données à cet égard. Le fait que la mère était analphabète, sans scolarité et sous la garde de son conjoint ne la dégage pas de l’obligation de démontrer une peur subjective de persécution. Il était loisible à la Section d’appel des réfugiés de conclure qu’un délai de 20 mois avant de demander l’asile, après son arrivée au Canada, était un délai indu. Ce facteur à lui seul est un motif suffisant pour maintenir la décision (Haseeb c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 711, au paragraphe 12).

[7]  De la même manière, il était loisible aux tribunaux de tirer une conclusion relative aux cartes d’identité, compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve. La Section d’appel des réfugiés n’était pas convaincue que les demanderesses ne pouvaient pas obtenir de cartes d’identité, étant donné les documents présentés par les demanderesses (une pétition de 2015 et un article de presse de 2013) et le manque d’éléments de preuve à l’appui des conditions dans le pays.

[8]  Compte tenu de mes conclusions sur les deux questions qui précèdent, je ne commenterai que brièvement les autres questions soulevées, soit (i) le motif pour lequel la Section d’appel des réfugiés a accordé peu de poids à l’avis écrit de Mme Nora Doaiji, assistante à l’enseignement et étudiante diplômée à la George Washington University, que les demanderesses ont présenté comme une experte des conditions en Arabie saoudite, y compris les questions de genre et d’ethnie; (ii) les conclusions de la Section d’appel des réfugiés selon lesquelles ces conditions équivalaient à de la discrimination, et non à de la persécution. Ces deux conclusions étaient raisonnables, et elles s’inscrivent parfaitement dans ce qui constitue l’essentiel de la compétence de la Section d’appel des réfugiés.

[9]  D’abord, en ce qui concerne l’avis de Mme Doaiji, étant donné ses compétences, la Section d’appel des réfugiés jouissait du pouvoir discrétionnaire d’appliquer la décision Fadiga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1157, et d’accorder peu de poids à son soi-disant avis d’expert.

[10]  Ensuite, il appartenait à la Section d’appel des réfugiés d’examiner si la discrimination – qu’elle a notée – équivalait à de la persécution (Frigyik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 649, au paragraphe 18). L’analyse de la Section d’appel des réfugiés relative à la discrimination comprenait un examen approprié des inégalités de genre que les femmes subissent en Arabie saoudite et des questions de tutelle soulevées par les demanderesses.

[11]  Finalement, les demanderesses contestent les conclusions de la Section d’appel des réfugiés quant aux questions relatives au genre et au mariage. Bien que certains puissent ne pas être nécessairement d’accord avec l’examen des éléments de preuve réalisé par la Section d’appel des réfugiés, cela ne rend pas ses conclusions déraisonnables.

III.  Conclusion

[12]  Malgré les efforts louables de l’avocat des demanderesses, rien ne justifie que la Cour modifie la décision de la Section d’appel des réfugiés. Je suis d’avis que les demanderesses demandent essentiellement à la Cour de remplacer la décision par une issue leur étant favorable, au moyen d’une demande de contrôle judiciaire et de réexamen des éléments de preuve. Ce n’est pas le rôle de la Cour. Je conclus que la décision de la Section d’appel des réfugiés appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1224-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les avocats n’ont présenté aucune question à certifier, et aucune n’est soulevée.

  3. Aucuns dépens ne sont accordés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1224-17

 

INTITULÉ :

MAJEEDA SAEED ALRASHIDI, BAYLISAN SALEH ALMENHALI, ORJUWAN SALEH S. ALMANHALI, NOOR SALEH S. ALMANHALI, RGAD SALEH S. ALMENHALI, RAHAF SALEH S. ALMENHALI, LYAN SALEH S. ALMENHALI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 SEPTEMBRE 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 OCTOBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

David Yerzy

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Suzanne Bruce

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Yerzy

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.