Date : 20171017
Dossier : T-438-17
Référence : 2017 CF 917
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2017
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
|
A & K ENNS TRUCKING LTD.
|
demanderesse
|
et
|
DOUG ELKEW
|
défendeur
|
et
|
LESLIE BELLOC-PINDER
|
arbitre
|
JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
Dans le présent contrôle judiciaire, la seule question à trancher est de savoir si l’arbitre a manqué à l’équité procédurale en s’appuyant sur une jurisprudence que n’avait citée aucune des parties sans leur donner l’occasion de se prononcer sur celle-ci.
Le présent contrôle judiciaire fait suite à la décision d’une arbitre qui, en application de l’article 242 du Code canadien du travail, LRC 1976, c L-2 (le Code), a accordé des dommages-intérêts au défendeur, Doug Elkew, pour congédiement injuste.
II.
Résumé des faits
[2]
Le défendeur a reconnu qu’il avait conduit son camion et son semi-remorque plus longtemps que les heures réglementaires. Il a aussi admis qu’il avait falsifié son registre de déplacements pour couvrir cette violation.
En conséquence, la demanderesse a licencié le défendeur.
[3]
Celui-ci a déposé une plainte pour congédiement injuste aux termes de l’article 240 du Code. Il n’était pas représenté par un avocat à l’audition de la plainte.
[4]
Après avoir entendu les témoignages, l’arbitre a conclu que la conduite du défendeur justifiait la prise d’une mesure disciplinaire de la part de l’employeur.
[5]
Elle a ensuite examiné la question de savoir si l’inconduite était si grave qu’elle justifiait un licenciement. Elle a indiqué que la jurisprudence pertinente depuis l’arrêt McKinley c BC Tel, 2001 CSC 38, [2001] 2 RCS 161, qu’aucune partie n’a cité, enseigne que la plupart du temps, le licenciement est justifié seulement si les inconduites sont répétitives.
[6]
L’arbitre a pris connaissance de la jurisprudence invoquée par le demandeur, mais elle a estimé qu’elle n’était ni pertinente ni utile en l’espèce.
Elle a par conséquent examiné quatre autres jugements qui portaient sur des faits semblables et qui lui donnaient un éclairage plus précis quant à l’orientation à prendre. La demanderesse soutient que la prise en compte d’une jurisprudence que n’avait invoquée aucune des parties et sur laquelle elles n’ont pas eu l’occasion de se prononcer constitue un manquement aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale.
[7]
Se fondant sur ladite jurisprudence, l’arbitre a conclu qu’un manquement isolé à une exigence réglementaire et la falsification d’un registre de déplacements ne justifient pas forcément un licenciement. Comme plusieurs autres mesures disciplinaires auraient pu être prises, l’arbitre a tranché que le licenciement était disproportionné au vu de l’inconduite en cause. Des dommages-intérêts ont donc été accordés.
III.
Discussion
[8]
La question en litige a été exposée précédemment. La norme de contrôle applicable à un manquement à l’équité procédurale est celle de la décision correcte (Sipekne’katik Band c Paul, 2016 CF 769, au paragraphe 78, 2016 CarswellNat 3283 (WL Can); Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79, [2014] 1 RCS 502). La disposition privative de l’article 243 du Code limite les contrôles judiciaires à la question de l’équité procédurale.
[9]
La présente affaire relève clairement des principes examinés par notre Cour dans la décision Lahnalampi c Canada (Procureur général), 2014 CF 1136, 469 FTR 83 [Lahnalampi].
[10]
Cette décision met en cause un arbitre qui avait induit les parties en erreur en les amenant à croire qu’il ne trancherait pas certaines questions. Bien que les parties n’aient formulé aucune observation à leur égard, l’arbitre a néanmoins soupesé ces questions au moment de prendre sa décision. S’appuyant sur l’arrêt SITBA c Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 RCS 282, 68 DLR (4th) 524 [Consolidated-Bathurst], la Cour a fait valoir qu’un [TRADUCTION] « décideur ne peut pas introduire une question qu’il n’a pas au préalable portée à l’attention des parties »
(au paragraphe 49).
[11]
En l’espèce, l’arbitre n’a pas introduit de question ou d’argument qui n’avait pas été abordé auparavant.
[12]
Dans l’arrêt Consolidated-Bathurst, la Cour suprême a conclu que la seule violation de la règle audi alteram partem a lieu « quand on propose une nouvelle politique ou un nouvel argument [...] et qu’une décision fondée sur cette politique ou cet argument est rendue sans qu’on accorde aux parties la possibilité de répliquer »
(à la page 338).
[13]
Les recherches menées par l’arbitre n’ont pas soulevé de question, de politique ou d’argument qui n’avait pas été abordé auparavant. La jurisprudence qu’elle a consultée est convaincante et, par surcroît, elle établit le droit applicable aux questions déjà soulevées par les parties.
[14]
En l’espèce, l’une des parties n’était pas représentée lors de l’audition devant l’arbitre et n’a invoqué aucune jurisprudence, alors que l’autre partie était représentée et a invoqué une jurisprudence qui, après examen, a été rejetée parce qu’elle s’est révélée peu utile.
[15]
L’arbitre n’a donc pas agi injustement en s’appuyant sur une jurisprudence qui n’a été citée par aucune des parties. Les parties n’ont pas d’office le droit de se prononcer sur la jurisprudence invoquée par un décideur, y compris un juge ou une cour d’appel, sauf dans les cas limités indiqués dans l’arrêt Consolidated-Bathurst.
IV.
Conclusion
[16]
Par conséquent, le présent contrôle judiciaire est rejeté le tout avec dépens.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-438-17
LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire le tout avec dépens.
« Michael L. Phelan »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-438-17
|
INTITULÉ :
|
A & K ENNS TRUCKING LTD. c DOUG ELKEW
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Saskatoon (Saskatchewan)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 12 octobre 2017
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE PHELAN
|
DATE DES MOTIFS :
|
Le 17 octobre 2017
|
COMPARUTIONS :
Megan Lorenz
|
Pour la demanderesse
|
Andre F. Memauri
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McDougall Gauley LLP
Avocats
Saskatoon (Saskatchewan)
|
Pour la demanderesse
|
Scharftstein Gibbings Walen Fisher LLP
Avocats
Saskatoon (Saskatchewan)
|
Pour le défendeur
|
Ce 7e jour d’août 2019
Lionbridge