Date : 20170922
Dossier : T-1399-15
Référence : 2017 CF 777
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 22 septembre 2017
En présence de monsieur le juge Brown
ENTRE :
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PFIZER CANADA INC. et WYETH LLC
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demanderesses
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et
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TEVA CANADA LIMITÉE et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
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défendeurs
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JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS
(Jugement et motifs confidentiels originaux et corrigés rendus le 22 août 2017)
Table des matières
IV. Exposé des faits
A. Pfizer
B. Teva
4. Détails de l’historique de l’invention : le témoignage de M. Shah, de Pfizer
5. Expérimentation avec le fumarate d’ODV
6. Tentative de créer un promédicament d’ODV
7. Tentative de créer un sel acceptable d’ODV
8. Criblage des polymorphes et des cristaux
10. La préparation du succinate d’ODV
11. Tests de perméabilité et de biodisponibilité
12. ||||||||||||||||||||||||||||||
13. Test de perfusion chez le rat
14. Tests chez le chien beagle
16. Formes à l’état solide : cristallinité, solides amorphes et polymorphes
17. Criblage des polymorphes et sous-traitance du criblage des polymorphes à SSCI
19. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
20. Points de fusion et analyse calorimétrique différentielle (ACD)
21. Études additionnelles portant sur les températures et forme amorphe
22. Test d’hygroscopicité (test relatif à la stabilité de la drogue)
23. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
24. |||||||||||||| (forme cristalline « C »)
25. |||||||||||||||||||||||| (forme cristalline « D »)
26. Travaux concernant d’autres candidats salins et criblages
VI. Dispositions législatives et fardeau de la preuve
VII. Analyse
2. Interprétation des revendications
3. L’évidence
A. Observations préliminaires et sommaire
B. L’examen relatif à l’évidence
C. Jurisprudence de la Cour d’appel fédérale
E. Identifier la « personne théorique versée dans l’art »
F. Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l’art
G. Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation
ii. Revendication 33
iii. Revendication 43
iv. Revendication 44
ii. Revendication 33
i. Appliquer la définition de l’évidence antérieure à l’arrêt Sanofi
ii. Examiner la notion de l’essai allant de soi
J. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux?
K. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention?
L. L’antériorité fournit-elle un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet
M. Le brevet 668 n’est pas un brevet de sélection
N. Quelle démarche a mené à l’invention?
i. Conclusions sur l’« essai allant de soi » concernant les revendications 8 et 9
ii. Conclusion sur l’essai allant de soi concernant les revendications 33, 43 et 44
P. Conclusion sur le caractère évident
4. L’utilité
VIII. Conclusion
IX. Dépens
***
I.
Nature de la question
[1]
La Cour est saisie de la présente demande d’ordonnance en application de l’article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/1993-133, dans sa version modifiée, DORS/1998-166, DORS/1999-379 et DORS/2006-242 (le Règlement AC) interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à l’égard d’un avis d’allégation (AA) du 10 juillet 2015 envoyé par Teva Canada Ltée (Teva ou la défenderesse) à Pfizer Canada Inc., anciennement Wyeth LLC (Pfizer, Wyeth ou la demanderesse), à l’égard du brevet canadien no 2 436 668 (le brevet 668). Le brevet 668 vise le médicament PRISTIQ, qui est utilisé dans le traitement de la dépression.
[2]
Teva allègue que les revendications 8, 9, 33, 43 et 44 du brevet 668 sont invalides pour cause d’évidence et d’absence d’utilité. Teva prétend également que le brevet 668 est un brevet de sélection invalide. Teva a soulevé l’absence de contrefaçon et l’antériorité dans son AA, mais elle a retiré ces allégations.
[3]
Teva a également retiré, au troisième jour de cet AC de cinq jours, son allégation selon laquelle Pfizer a obtenu le brevet 668 à la suite de déclarations délibérément trompeuses faites à l’encontre de l’article 53 de la Loi sur les brevets, LRC (1985), c P-4, p. ex., une conduite qui équivaut à une contrefaçon, dans sa demande de brevet.
II.
Note de procédure
[4]
Sur le plan procédural, la présente affaire a été débattue après que j’eus entendu les débats dans l’affaire Pfizer Canada Inc et Wyeth LLC c Apotex Inc et le ministre de la Santé, à l’égard de laquelle je rendrai les motifs et le jugement plus tard aujourd’hui dans le dossier 2017 CF 774. Ces deux affaires concernent des AA distincts déposés par d’autres secondes personnes (Teva et Apotex), contre la même première personne (Pfizer) à l’égard du même brevet 668. Bien que l’historique de l’invention soit essentiellement le même dans les deux affaires, les motifs d’invalidité diffèrent. Les arguments étaient semblables à certains égards et différents à d’autres; il y a donc certaines répétitions entre ces deux ensembles de motifs. La loi est la même dans les deux affaires, ce qui occasionnera encore des répétitions.
[5]
À titre de conseils pour ceux qui liront les deux décisions, je dois noter que, bien que l’évidence et l’inutilité soient soulevées dans les deux instances, Teva n’a pas soulevé l’absence de contrefaçon, l’antériorité ou le double brevet comme l’a fait Apotex dans son procès. Les parties dans le procès de Teva étaient d’accord sur l’interprétation des revendications 8 et 9, mais n’étaient pas d’accord sur l’interprétation des revendications dans le procès d’Apotex. Dans son procès, Apotex a également soulevé la notion de promesses excessives conformément au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets comme motif pour établir l’invalidité, un argument que Teva n’a pas soulevé dans la présente affaire.
III.
Résumé des conclusions
[6]
Dans les motifs qui suivent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, les allégations d’invalidité pour cause d’évidence et d’inutilité que soulève Teva ne sont pas justifiées. Par conséquent, Pfizer obtiendra son ordonnance d’interdiction, en plus des dépens aux termes d’une entente entre les deux parties.
IV.
Exposé des faits
1.
Les témoins
A.
Pfizer
[7]
M. Syed Shah est un ancien employé de Wyeth (et ultérieurement de Pfizer) qui a occupé différents postes au sein des deux entreprises. Vers la fin des années 1990 et au début des années 2000, il était le directeur adjoint du service de mise au point de produits chimiques et pharmaceutiques chez Wyeth et a participé à la mise au point d’une forme d’ODV pour la recherche clinique et la commercialisation. Il a supervisé la recherche préclinique concernant le succinate d’ODV (et d’autres formes d’ODV), ainsi que la recherche clinique ultérieure concernant le succinate d’ODV et PRISTIQ. M. Shah est un inventeur désigné du brevet 668. Il a été nommé témoin des faits.
[8]
M. Allan Myerson est professeur de la pratique du génie chimique au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il est un expert en cristallisation et en cristallisation des solides pharmaceutiques. Il a siégé au comité consultatif à SSCI de 2001 à 2006. Il a auparavant fourni des preuves pour le brevet correspondant aux États-Unis.
[9]
Mme Aeri Park est une ancienne directrice chez SSCI Inc., le laboratoire de recherche engagé par Wyeth pour réaliser des études polymorphiques concernant le succinate d’ODV. Elle a dirigé l’équipe de scientifiques qui a réalisé les travaux portant sur le succinate d’ODV, qui consistaient notamment à déterminer, à analyser et à produire diverses formes à l’état solide du succinate d’ODV. Elle fait partie des inventeurs désignés au brevet 668. Mme Park a été nommée à titre de témoin des faits
[10]
M. Leonard Chyall est le président de Chyall Pharmaceutical Consulting LLC. Il était auparavant directeur à SSCI Inc. et n’a pas directement participé au projet de succinate d’ODV. Il a été formé par un des inventeurs désignés au brevet 668. Il est un expert en matière de chimie des solides et a de l’expertise avec les sels et le criblage des polymorphes et les techniques expérimentales utilisées pour analyser et déterminer les formes solides et les caractériser.
[11]
M. James Polli est professeur en pharmacie industrielle et produits pharmaceutiques à l’école de pharmacie de l’Université du Maryland. Ses recherches portent principalement sur 1) la maximisation de la biodisponibilité par l’adoption de méthodes de formulation et de méthodes chimiques, et 2) l’élaboration de normes de qualité publiques applicables aux formes pharmaceutiques orales. Il est un expert en pharmaceutique, en pharmacocinétique et en biodisponibilité.
B.
Teva
[12]
M. Fakhreddin Jamali est professeur à la faculté de pharmacie et des sciences pharmaceutiques de l’Université de l’Alberta. Il est enseignant, chercheur et praticien dans le secteur de la pharmacie et des sciences pharmaceutiques. Il a de l’expertise en pharmacologie clinique, en pharmacocinétique, en biodisponibilité et en bioéquivalence.
[13]
M. Eugene F. Fiese est consultant auprès de Fiese Pharmaceutics Consulting. M. Fiese est un chimiste-pharmacologue expert dans le secteur de la préformulation, de la recherche pharmaceutique et du développement des formes posologiques.
[14]
Le Dr Daniel Z. Lieberman est professeur en psychiatrie et en sciences du comportement et directeur clinique à la George Washington University. Il est clinicien, enseignant, chercheur et praticien en psychiatrie et a une expertise particulière dans le traitement des troubles de l’humeur, dont la dépression.
2.
Résumé des faits
[15]
Le brevet 668 concerne un médicament appelé O-desméthyl-venlafaxine, ci-après « ODV ». L’ODV est un inhibiteur de réabsorption de sérotonine et de norépinéphrine [IRSN] qui est indiqué pour le traitement de la dépression. L’ODV agit en inhibant simultanément la recapture de sérotonine et de la noradrénaline, deux neurotransmetteurs qui sont censés être en cause dans la dépression et l’anxiété. L’ingrédient pharmaceutique actif (IPA) visé par la présente instance est le succinate d’ODV de forme I, qui est une forme cristalline particulière d’un sel d’ODV donné, soit le succinate d’ODV. Le succinate d’ODV de forme I est une nouvelle composition de matières et fait l’objet des revendications 8 et 9, dont dépendent les revendications 33, 43 et 44. Comme nous le verrons, j’ai retenu l’allégation de Pfizer selon laquelle le succinate d’ODV de forme I fait l’objet des revendications 8 et 9, dont dépendent les revendications 33, 43 et 44.
[16]
L’ODV est un métabolite actif du médicament mère de l’ODV, la venlafaxine. On appelle l’ODV un métabolite parce que lorsque de la venlafaxine est administrée, elle est modifiée chimiquement dans le corps pour former l’ODV; c’est l’ODV qui transmet une partie ou la totalité de l’effet pharmacologique.
[17]
Il est communément admis que l’ODV lui-même et son usage en tant qu’antidépresseur sont connus depuis un certain temps. La venlafaxine a déjà été approuvée pour traiter la dépression et a été commercialisée par Wyeth et maintenant par son successeur, Pfizer. Wyeth disposait de l’ODV depuis au moins 1990. Wyeth a commercialisé l’ODV, en tant que métabolite connu de la venlafaxine, sous les noms EFFEXOR et EFFEXOR XR. EFFEXOR est la version à libération immédiate de la venlafaxine (qui se transforme en ODV dans le corps); EFFEXOR XR est la version à libération prolongée de la venlafaxine (qui se transforme aussi en ODV dans le corps). L’ODV est donc l’IPA tant dans EFFEXOR que dans EFFEXOR XR.
[18]
EFFEXOR et EFFEXOR XR contiennent tous deux du chlorhydrate de venlafaxine, qui est un sel; le chlorhydrate de venlafaxine est tout simplement appelé « venlafaxine » à partir de maintenant.
[19]
L’ODV et [traduction] « ses formes correspondantes de sels de qualité pharmaceutique »
ont été revendiqués à la fois aux États-Unis dans le brevet américain no 4 535 186 (brevet US 186), revendication 22, émis en 1985, et au Canada, dans le brevet canadien no 1 248 540 (brevet CA 540), revendication 21, émis en 1989. Le brevet CA 540 avait été accordé à la société précédant la demande de Wyeth, société précédente qui détient également le brevet US 186.
[20]
Les [traduction] « sels pharmaceutiquement acceptables »
, selon l’expression employée dans les brevets US 186 et CA 540, sont formés par la réaction d’un acide et d’une base. L’ODV est une base. Pour produire un sel, il faut donc un acide convenable pour provoquer une telle réaction. Les brevets US 186 et CA 540 revendiquent tous deux le succinate d’ODV comme étant l’un des 11 sels pharmaceutiquement acceptables [traduction] « indicatifs »
et mentionnent donc de faire réagir l’ODV avec l’acide succinique. Rien n’indique toutefois que le succinate d’ODV ait déjà été produit, ni que le succinate d’ODV de forme cristalline ait déjà été produit, ou que le succinate d’ODV de forme I ait déjà été produit par Wyeth.
[21]
En plus des renseignements divulgués dans le brevet CA 540 et le brevet US 186 qui viennent d’être mentionnés, il est également entendu qu’une autre forme d’ODV, soit sa forme libre, c.-à-d., la drogue ODV elle-même plutôt qu’une forme saline ou cristalline de la drogue, a été divulguée dans la publication de brevets internationale no WO OO/59 851 (WO 851) du 12 octobre 2000. Le brevet WO 851 énumérait 26 [traduction] » sels pharmaceutiquement acceptables », dont l’acide succinique. Là encore, rien n’indique toutefois que le succinate d’ODV ait déjà été produit, ni que le succinate d’ODV de forme cristalline ait déjà été produit, ou que le succinate d’ODV de forme I ait déjà été produit avant qu’il ne soit produit par Wyeth.
[22]
L’antériorité divulguait que la venlafaxine en tant qu’EFFEXOR ou EFFEXOR XR et son métabolite ODV étaient utiles pour traiter la dépression.
[23]
La dépression est une condition grave qui était bien connue et qui peut être débilitante et l’est souvent pour ceux qui en souffrent. Il n’est pas controversé que toutes ces drogues, y compris le succinate d’ODV de forme I, aident les patients qui souffrent de dépression à retrouver et à vivre une vie plus remplie et fonctionnelle.
3.
Historique de l’invention
[24]
De façon générale, l’essentiel de l’historique de l’invention n’est également pas contesté, bien que certains de ses aspects le soient. Les parties ne s’entendent pas sur sa caractérisation et sur la façon dont l’historique de l’invention se rapporte à l’évidence, à l’essai allant de soi et à d’autres principes du droit des brevets. L’historique de l’invention est également pertinent au litige quant à l’utilité. À mon avis, il est justifié d’en exposer un certain nombre de détails; je vais d’abord résumer cet historique et ensuite j’en exposerai certains détails.
[25]
Ce que je conclus de l’historique de l’invention en règle générale vient de l’affidavit de M. Shah qui était employé à Wyeth à l’époque et qui était responsable de la commercialisation de l’ODV en général et ensuite la mise en marché du succinate d’ODV. Je tire également l’historique de l’invention de l’affidavit de Mme Park qui était chargée du criblage des polymorphes du succinate d’ODV dans une société spécialisée en la matière pour Wyeth, soit SSCI Inc. (SSCI).
[26]
J’ai retenu les témoignages de Mme Park et de M. Shah parce qu’ils étaient là au moment de l’invention, et qu’ils ont une connaissance directe des sujets à l’égard desquels ils témoignent. Je suis conscient qu’ils sont tous deux des inventeurs désignés du brevet 668, mais je ne suis pas convaincu que ce fait n’ait eu aucune incidence sur leurs témoignages, que ce soit dans leurs affidavits ou en contre-interrogatoire.
[27]
Wyeth, maintenant Pfizer, disposait de la venlafaxine et savait également que l’ODV en était un métabolite actif. Wyeth, par l’entremise d’une société précédente (ci-après nommée Wyeth), ainsi que Pfizer, avaient mis en marché la venlafaxine en tant qu’EFFEXOR et EFFEXOR XR. EFFEXOR transmettait immédiatement la venlafaxine, mais chez de nombreux patients, il fallait l’administrer plusieurs fois par jour. EFFEXOR XR, une version à libération continue d’EFFEXOR, pouvait être donnée une fois par jour; elle transmettait une dose accrue au début, mais une fois présente dans le corps, sa libération était prolongée. EFFEXOR XR est une formulation prolongée ou continue qui était mieux indiquée pour de nombreux patients, voire pour la plupart, y compris ceux qui souffraient de dépression, parce que la prise d’un seul comprimé par jour était plus commode et entraînait une meilleure conformité que la prise de plusieurs comprimés tout au long de la journée. De plus, la forme à libération prolongée ou continue réduisait les effets secondaires en raison de la libération d’une dose réduite du médicament dans le corps à un moment donné, comparativement à EFFEXOR, la forme à libération immédiate de la venlafaxine.
[28]
Le problème qu’avait Wyeth avec la venlafaxine était que, même si son métabolite actif était l’ODV, aucune forme solide de l’ODV lui-même ne pouvait être conservée de façon sécuritaire, préparée en tant que drogue, et livrée efficacement aux patients. Wyeth n’avait que la venlafaxine qui dépendait du corps, plus précisément du foie, pour se convertir en ODV, le métabolite de la venlafaxine, qui ensuite agissait comme antidépresseur dans le corps, plus précisément dans le cerveau.
[29]
La nouvelle drogue ODV que Wyeth cherchait à découvrir devait posséder plusieurs caractéristiques fondamentales : stabilité, solubilité, perméabilité et biodisponibilité. La perméabilité est la capacité d’une drogue à traverser la muqueuse de la voie gastro-intestinale (GI). La biodisponibilité est la capacité d’une drogue à pénétrer dans la circulation sanguine, ce qui, selon une dose orale, comporte la pénétration dans la muqueuse de la voie GI.
[30]
La nouvelle drogue ODV qui était recherchée devait être une drogue stable, c’est-à-dire, une drogue qui devait se conserver de façon sécuritaire tout au long des procédés de fabrication et de distribution. L’ODV recherché devait maintenir sa stabilité tout au long de ces procédés, de même qu’entre les mains du personnel hospitalier et des patients, à des températures ambiantes et des taux d’humidité différents que l’on pouvait observer aux endroits où il pourrait être fabriqué, conservé, distribué ou utilisé.
[31]
La drogue recherchée devait être une drogue qui se dissout dans la voie GI, p. ex., une drogue qui n’est pas soluble. Elle devait aussi être une drogue qui traverserait la voie GI jusque dans la circulation sanguine, où elle pourrait accomplir son travail dans les systèmes du corps et, plus précisément, dans le cerveau, en ce sens qu’elle devait être une drogue perméable et biodisponible.
[32]
En plus d’être stable, soluble, perméable et biodisponible, la nouvelle drogue ODV qui était recherchée devait posséder ces propriétés sans entraîner d’effets secondaires néfastes qui soient inacceptables, comme la nausée et les vomissements, qui étaient des problèmes connus associés à l’ODV.
[33]
En résumé, pendant environ deux ans – les travaux s’étant grandement intensifiés vers la fin de cette période – des travaux d’expérimentation et de développement de drogues ont été effectués, d’abord par Wyeth, puis par Wyeth conjointement avec un laboratoire qui, selon moi, est un laboratoire spécialisé à contrat, SSCI. Des employés de Wyeth et de SSCI sont des inventeurs désignés du brevet 668.
[34]
Wyeth et SSCI ont éventuellement trouvé une forme cristalline solide d’ODV qui semblait être stable, soluble et biodisponible. Cette forme cristalline est maintenant connue sous le nom de succinate d’ODV de forme I, et Pfizer allègue qu’il s’agit du concept inventif qui sous-tend les revendications 8 et 9 du brevet 668. Il est communément admis que cette forme cristalline est une nouvelle composition de matières qui n’avait jamais été produite ni divulguée avant sa création par Wyeth.
[35]
À cet égard, il vaut la peine de noter que, bien que Teva évoque l’antériorité dans son AA, elle a subséquemment retiré cette allégation. Par conséquent, dans la présente affaire, il n’est pas contesté que le succinate d’ODV de forme I est une « nouvelle »
composition de matières conformément à la définition d’« invention »
prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.
[36]
J’ai mentionné des essais menés Wyeth et SSCI lors desquels Wyeth a créé le succinate d’ODV de forme I cristalline, et lors desquels |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Dans ce contexte, les experts s’entendent pour dire que la personne versée dans l’art aurait été incapable de prédire si le succinate d’ODV formerait un solide, si ce solide pouvait former un composé cristallin, ou quelles seraient les propriétés de tout solide cristallin hypothétique, en ce qui concerne la stabilité, la solubilité, la perméabilité et la biodisponibilité, et les effets néfastes; aucun de ces renseignements ne serait connu en l’absence de recherches empiriques.
[37]
Comme il en sera question plus loin, à mon avis, l’étendue des recherches envisagées par la personne versée dans l’art et effectivement requises dans ce contexte ne correspondait pas à des travaux d’analyse courants, mais était plutôt de la nature d’un programme de recherche. Je tiens à préciser que l’une des questions soulevées dans la présente instance est celle de savoir si l’expérimentation en cause était courante et, si tel est le cas, quelles sont les conséquences légales de cette conclusion. Cela est soulevé parce que le travail effectué par Wyeth comprenait le criblage de sels. Le travail effectué par SSCI comprenait un test différent, connu comme étant le criblage des polymorphes ou cristallins. Pfizer et Apotex s’entendent pour dire que, de façon générale, les criblages du sel et les criblages des polymorphes étaient généralement connus d’une personne versée dans l’art à ce moment-là (la personne versée dans l’art).
[38]
Wyeth n’a pas seulement créé le sel de succinate d’ODV de forme I, elle est allée plus loin et a découvert et créé le nouveau succinate cristallin d’ODV de forme I revendiqué dans les revendications 8 et 9 du brevet 668. Wyeth ne savait pas toutefois que le cristallin qu’il a créé |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| SSCI a trouvé trois autres formes cristallines de succinate d’ODV et une forme amorphe ou non cristalline de succinate d’ODV, en plus de la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I sur laquelle Pfizer appuie ses revendications 8 et 9 du brevet 668.
[39]
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cette découverte a permis à Wyeth de développer des formulations orales à libération continue capables de fournir des concentrations thérapeutiques d’ODV sur une période prolongée, de réduire l’incidence générale de certains effets secondaires associés à des concentrations sanguines maximales supérieures de la drogue et de donner aux patients une seule dose quotidienne de la pilule pour leur éviter de prendre plusieurs pilules tout au long de la journée.
4.
Détails de l’historique de l’invention : le témoignage de M. Shah, de Pfizer
[40]
M. Shah, de Pfizer, un ingénieur pharmaceutique, était l’enquêteur principal qui a participé à l’élaboration par Wyeth de l’ODV aux fins de recherche clinique et de commercialisation entre 1999 et 2004. Selon le témoignage de M. Shah, au début des travaux d’expérimentation de Wyeth, le groupe des découvertes de Wyeth considérait que l’ODV pourrait être une drogue candidate efficace pour plusieurs raisons. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Par exemple, on pensait que l’administration directe du métabolite ODV produirait un effet plus rapide et puissant.
[41]
De plus, on savait que la venlafaxine n’était pas toujours métabolisée en ODV de la même façon dans le foie, ce qui aurait une incidence sur l’efficacité de la venlafaxine. En éliminant la voie métabolique (au cours de laquelle la venlafaxine est transformée par le corps en ODV), on pensait pouvoir s’attaquer à cette variabilité. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[42]
Wyeth voulait également améliorer la conformité du patient au traitement, à vrai dire pour améliorer les chances que les patients prennent réellement le médicament comme il leur serait prescrit, et voulait potentiellement réduire les effets secondaires. Une façon d’y arriver serait de développer un médicament à posologie uniquotidienne, ce qui signifiait qu’une formulation à libération continue de l’ODV devait être mise au point.
[43]
L’historique de l’invention de Wyeth comportait plusieurs éléments, en plus de ces connaissances de base.
[44]
Au départ, Wyeth a utilisé sans succès le fumarate d’ODV, une forme de sel connue de l’ODV.
[45]
Wyeth a aussi tenté de créer un promédicament d’ODV, encore une fois sans succès.
[46]
De plus, et précédemment, Wyeth avait aussi utilisé un certain nombre de formes salines d’ODV, mais en vain.
[47]
Wyeth a ensuite exploré la possibilité de trouver une forme de sel plus approprié, un parcours qui suscitait un certain scepticisme à l’interne et fondé sur la science. Finalement, Wyeth a trouvé la forme saline du succinate d’ODV qu’elle a, après d’autres recherches et expérimentations, transformée en une forme cristalline alors connue comme étant la forme » A »
, appelée par la suite le succinate d’ODV de forme I. Ayant déterminé les propriétés positives de la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I pour ce qui est de la solubilité et de la stabilité, elle a eu recours à SSCI pour mettre à l’essai la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I et définir et mettre à l’essai d’autres formes cristallines; SSCI a fait précisément cela et a trouvé trois autres formes cristallines du succinate d’ODV, plus une forme amorphe du succinate d’ODV.
[48]
Wyeth a mené des études in vivo (dans le corps) chez les souris et dans des cellules in vitro (à l’extérieur du corps), ainsi que des essais in vivo chez des rats, des chiens de race beagle et finalement chez des volontaires humains.
[49]
Wyeth a conclu que le succinate d’ODV de forme I cristalline possédait la stabilité requise alliée à la solubilité, en plus d’une perméabilité et d’une biodisponibilité qui convenaient. Wyeth a ensuite mené des études complémentaires pour mettre au point des formulations à libération continue du succinate d’ODV de forme I. Ces étapes sont décrites plus en détail dans ce qui suit.
5.
Expérimentation avec le fumarate d’ODV
[50]
Les travaux précliniques relatifs à l’ODV du groupe de découvertes de Wyeth portaient sur une forme saline du fumarate, appelée fumarate d’ODV. Le fumarate d’ODV se forme par la réaction d’ODV, qui est une base, avec de l’acide fumarique pour produire un sel connu sous le nom de fumarate d’ODV. Le fumarate d’ODV est une forme saline de l’ODV. Le fumarate d’ODV était une forme saline connue de l’ODV, ce qui justifiait les motifs de Wyeth pour l’examiner; comme le note Teva, le fumarate d’ODV a été divulgué comme l’exemple 26 dans le brevet US 186 en tant que sel cristallin.
[51]
Le fumarate d’ODV présentait toutefois des problèmes de biodisponibilité. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[52]
Teva conteste l’affirmation de Pfizer selon laquelle le fumarate d’ODV n’est pas adéquat parce que |||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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[53]
Ces éléments de preuve indiquent, ce que je retiens, que la biodisponibilité orale du fumarate d’ODV était relativement faible comparativement au fumarate d’ODV |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Le problème en ce qui concerne la biodisponibilité du fumarate d’ODV était considéré comme [traduction] « probable en raison de la faible solubilité ou perméabilité »
du fumarate d’ODV. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[54]
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Affidavit de M. Shah, au paragraphe 22.
[55]
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
6.
Tentative de créer un promédicament d’ODV
[56]
Wyeth a tenté de mettre au point un promédicament d’ODV en 1999 et en 2000. Un promédicament est un composé qui est modifié chimiquement dans le corps pour devenir sa forme chimique bioactive. Les promédicaments sont aussi décrits comme étant créés par la modification chimique du composé actif de façon à produire une molécule pharmacologiquement inactive qui sera métabolisée dans le corps après son absorption. Selon les modifications effectuées, le promédicament peut avoir une meilleure solubilité, dissolution ou absorption comparativement à la molécule active.
[57]
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[58]
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7.
Tentative de créer un sel acceptable d’ODV
[59]
La troisième possibilité envisagée par Wyeth (après le fumarate et les promédicaments) pour améliorer l’absorption ou la perméabilité de l’ODV était de tenter de définir une nouvelle forme saline d’ODV. L’existence de l’ODV en tant que forme saline du fumarate d’ODV était connue, comme il a déjà été mentionné, mais le fumarate d’ODV n’a pas été exploré à ce titre. L’existence de l’ODV en tant que base libre était aussi connue, mais l’ODV de forme libre est insoluble dans l’eau, et je retiens que cette insolubilité entraîne des problèmes d’absorption; par conséquent, la base libre de l’ODV n’a pas été explorée.
[60]
Je retiens aussi qu’il était connu, comme M. Shah l’a en effet affirmé, que la formation d’un sel est un moyen de modifier les propriétés physicochimiques d’une drogue – comme la solubilité et la stabilité – sans en modifier la structure chimique. Il est aussi admis que les sels sont formés en faisant interagir un acide et une base pour former un sel.
[61]
L’ODV est une base. Pour tenter de faire un sel à partir de l’ODV, il fallait donc faire interagir l’ODV avec un acide acceptable.
[62]
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| En conséquence, la plupart des travaux précliniques du groupe de découverte concernant l’ODV ont été menés sur le fumarate d’ODV, mais, comme il a déjà été mentionné, le fumarate d’ODV présentait une faible biodisponibilité orale.
[63]
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[64]
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, M. Shah a procédé à l’exploration d’autres formes salines de l’ODV. Ces travaux ont débuté par sa consultation de M. Hadfield du comité de sélection des sels de Wyeth pour demander son aide dans la préparation et le criblage de nouveaux sels. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[65]
M. Shah et M. Hadfield ont commencé le criblage de sels en préparant le |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| sel de l’ODV. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[66]
Le sel de l’ODV présentait toutefois des propriétés défavorables à la poursuite des travaux de développement de drogues. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[67]
Après avoir renoncé au |||||||||||||||||||||||||||||||| de sel comme candidat, Wyeth a continué à préparer d’autres formes de sels d’ODV. Son objectif était de définir des formes salines de l’ODV qui présenteraient un niveau d’hygroscopicité suffisamment faible, et qui posséderaient d’autres propriétés nécessaires au développement (telles que la cristallinité, la solubilité aqueuse et la stabilité). M. Shah a affirmé qu’il fallait franchir toutes ces étapes avant que Wyeth puisse même atteindre l’étape des tests de perméabilité ou de biodisponibilité.
[68]
Le carnet de laboratoire de M. Hadfield confirme que Wyeth a tenté de préparer différents sels de l’ODV pendant l’été de 2000, notamment :
(a) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(b) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(c) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »
(d) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(e) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »
(f) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »
(g) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[69]
En plus de ces contre-ions, Wyeth a mis à l’essai des sels additionnels aux mois de juin et de juillet 2001. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(a) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(b) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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[70]
De plus, Wyeth a aussi procédé au criblage d’autres types de sels après le mois d’août 2000, |||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[71]
Teva mentionne que le succinate d’ODV a été l’un des premiers sels trouvés après le début des travaux de criblage de sels; ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, comme il a été rapporté à l’alinéa 68e) ci-dessus.
8.
Criblage des polymorphes et des cristaux
[72]
Après avoir trouvé ces sels, l’étape suivante selon le témoignage de M. Shah, qui était présent tout au long de ces essais à titre de gestionnaire de la commercialisation de l’ODV, consistait à établir si une forme solide cristalline de l’un des sels trouvés de l’ODV pouvait être produite. Les solides cristallins étaient préférables aux fins du développement, parce qu’ils étaient souvent plus stables et moins hygroscopiques que les solides non cristallins (amorphes).
[73]
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[74]
Bien que la cristallinité ait été hautement recherchée dans un médicament candidat, le témoignage de M. Shah, que je retiens, voulait que les sels cristallins n’aient pas tous des propriétés qui conviendraient à la mise au point d’un médicament. Les sels éventuels devaient donc être évalués aussi pour leur solubilité, leur stabilité physique et chimique et leur biodisponibilité. Toutes ces propriétés ne sont pas toujours réunies en un seul sel; par exemple, un sel qui présente une bonne cristallinité et une bonne solubilité peut ne pas avoir une bonne stabilité physique (et vice versa).
[75]
Je retiens donc le témoignage de M. Shah selon lequel Wyeth cherchait à développer le sel ayant la meilleure combinaison de propriétés qu’elle pouvait trouver. Étant donné qu’il n’y avait aucune façon de prédire les caractéristiques d’un sel dès le début, l’équipe de M. Shah continuait d’explorer plusieurs candidats et de cribler d’autres sels pendant que d’autres candidats franchissaient les étapes des tests de solubilité, de stabilité et de biodisponibilité. Cela donnait à l’équipe d’autres formes salines possibles dans l’éventualité où les principales formes salines présenteraient des propriétés défavorables dans le cadre d’essais supplémentaires.
9.
Solubilité
[76]
Après avoir défini ces sels cristallins, Wyeth a évalué la solubilité des médicaments candidats éventuels. La solubilité d’un médicament candidat était importante. Pour que la dose orale d’un médicament soit absorbée dans la voie GI, elle devait avoir une solubilité acceptable pour être en solution aux trois sites d’absorption (l’estomac, l’intestin grêle et le gros intestin), chacun d’eux ayant un taux de pH distinct. Habituellement, le taux de pH de l’estomac correspond à 1,0, celui de l’intestin grêle correspond environ à 5,5 et celui du gros intestin correspond à environ 7,0. Ainsi, la solubilité du sel devait être acceptable selon chacun de ces trois taux de pH.
[77]
Cependant, Wyeth recherchait également un médicament candidat qui pourrait être administré une fois par jour. Je retiens donc qu’elle ne voulait pas que la solubilité soit trop élevée, puisque cela pourrait entraîner la dissolution intégrale du médicament et donc son absorption trop rapide dans l’estomac. Une absorption aussi rapide ne serait pas idéale pour une formulation uniquotidienne, puisqu’elle pourrait causer la nausée et des vomissements, effets que la venlafaxine avait présentés. M. Shah a déclaré que Wyeth recherchait un sel dont la solubilité était meilleure que celle observée dans le cas du fumarate d’ODV.
[78]
À cet égard, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Le sel de succinate était plus soluble à mon humble avis, ce qui en faisait un candidat probable pour continuer la mise au point d’une drogue.
10.
La préparation du succinate d’ODV
[79]
Compte tenu de ces faits, il n’est pas étonnant, comme en témoignent les éléments de preuve que je retiens, que la forme saline cristalline choisie par Wyeth aux fins d’évaluation plus poussée était le succinate d’ODV. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Une fois qu’il a été établi qu’il pouvait former un solide, M. Hadfield a tenté d’en provoquer une forme cristalline, à l’aide de divers solvants. |||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[80]
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[82]
Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens, le monohydrate du succinate d’ODV [traduction] « semblait avoir des propriétés souhaitables d’un médicament candidat ».
En conséquence, il a été promu (de même que certains autres sels d’ODV qui avaient été préparés) aux tests de perméabilité et de biodisponibilité pour voir s’il donnerait de meilleurs résultats que la forme saline du fumarate.
11.
Tests de perméabilité et de biodisponibilité
[83]
Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens à cet égard aussi, les formes salines d’ODV les plus prometteuses ont été mises à l’essai selon plusieurs modèles de biodisponibilité, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et in vivo (dans le corps). En effectuant ces tests de biodisponibilité, son équipe visait à définir une forme d’ODV qui serait suffisamment perméable dans toute la voie GI pour mieux permettre le dosage uniquotidien.
[84]
|||||||||| Les tests de perméabilité, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et le test de perfusion in vivo chez le rat, ont été initialement déterminants pour établir le sel, le cas échéant, qui permettrait le dosage uniquotidien.
12.
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[85]
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13.
Test de perfusion chez le rat
[87]
Un test de perfusion chez le rat est un test in vivo (dans le corps) qui mesure directement les propriétés d’absorption d’un composé dans trois régions de la voie GI : le duodénum-jéjunum, l’iléon et le colon. Je retiens que Wyeth a eu recours à ce test parce qu’il était établi dans les ouvrages que les tests de perfusion chez le rat prédisaient avec fiabilité l’absorption d’un composé dans les différentes régions de la voie GI chez l’humain.
[88]
Selon le témoignage de M. Shah, même s’il était plus difficile d’atteindre la perméabilité à travers la paroi du colon, l’absorption dans le colon était souhaitée pour permettre le dosage uniquotidien.
[89]
Les tests de perfusion chez le rat consistaient à injecter une solution de succinate d’ODV directement dans des sections pincées de la voie GI de rats mâles (le duodénum, le jéjunum, l’iléon et le colon). De petits segments de la voie GI des rats anesthésiés étaient isolés par voie chirurgicale pour ces tests de perméabilité. La concentration du succinate d’ODV a été mesurée à chaque point temporel au moyen d’une technique analytique connue. La différence dans la concentration entre l’entrée et la sortie correspondait à la quantité de drogue absorbée par ce segment de la voie GI pendant cette période.
[90]
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[91]
Les résultats de ces essais de perfusion chez le rat sont déclarés sous la forme de valeurs « Peff »
. La valeur Peff est le taux de perfusion (en cm/sec) de la drogue à travers la paroi intestinale.
[92]
Selon les éléments de preuve, on peut calculer à partir de la valeur Peff, au moyen d’une équation connue, la quantité prévue de la drogue qui sera absorbée à travers la voie GI de l’humain. Le résultat de ce calcul est une valeur « Fa »
(la « fraction absorbée »
), qui est le pourcentage de la drogue présente dont l’absorption dans la voie GI de l’humain est prévue avec fiabilité.
[93]
Les résultats du |||||||||||||||||||| test de perfusion chez le rat étaient étonnants en ce qui concerne la perméabilité du succinate d’ODV. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||, Le succinate d’ODV était plus perméable que le fumarate d’ODV; le fumarate d’ODV était beaucoup moins perméable que le succinate d’ODV dans tous les segments de la voie GI visés par le test. De plus, le fumarate d’ODV présentait une valeur Peff et une valeur Fa moins élevées que le succinate d’ODV dans les trois régions.
[94]
Fait important, étant donné le témoignage de M. Shah concernant l’absorption dans le colon, même si le fumarate d’ODV ne présentait aucune absorption dans le colon, le succinate d’ODV était perméable dans l’ensemble de la voie GI, y compris dans le colon. En effet, il avait une valeur Fa de 16 % dans le colon (comparativement à 0 % pour le fumarate d’ODV).
[95]
Ce résultat était étonnant parce que, comme M. Shah l’avait expliqué précédemment, on ne s’attendait pas à ce que toute différence dans la solubilité entre les deux sels soit un facteur dans leur degré de perméabilité. Étant donné que les deux formes salines étaient complètement solubles à la concentration utilisée pour chaque expérience, on se serait attendu à ce que l’ion positif de l’ODV (l’ion ayant une charge positive nette en solution) soit dissocié de son anion du fumarate ou du succinate (l’ion ayant une charge négative en solution). Dans les deux expériences, le cation de l’ODV aurait dû pouvoir se libérer au travers de la paroi du segment de la voie GI sans incidence importante de l’anion (parce que les contre-ions sont maintenus séparément en solution par des molécules d’eau).
[96]
À la connaissance de M. Shah, que je retiens, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il a aussi témoigné que, même si le succinate d’ODV présentait certainement une solubilité accrue (qui peut être l’un des facteurs contribuant à la perfusion de la voie GI), on se serait attendu à ce que le fumarate d’ODV se comporte comme le succinate d’ODV. Il a déclaré que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[97]
L’expert de Teva, M. Fiese, a laissé entendre que, parce que le sel de fumarate a fait l’objet d’études de perfusion sur des rats, il ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Toutefois, M. Shah ne pouvait se souvenir si tel était le cas; M. Shah a témoigné dans son affidavit en réplique qu’à sa connaissance, les dossiers ne sont pas disponibles. M. Shah a de plus témoigné dans sa réponse à la conclusion de M. Fiese, que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Je retiens le témoignage de M. Shah que le fumarate d’ODV était un sel naturel de référence pour les tests de perméabilité de nouvelles formes de sels, dont |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| les tests in vivo de perfusion sur des rats.
[98]
En outre, comme l’a témoigné M. Shah, l’objectif des tests de perméabilité de Wyeth était de tester les questions observées avec le fumarate d’ODV et d’essayer de les améliorer. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[99]
Je ne suis pas persuadé par la conclusion de M. Fiese à cet égard. En toute déférence, j’accepte l’explication de M. Shah pour deux motifs : il était présent à l’époque et son explication a du sens. J’accepte le témoignage de M. Shah plutôt que les suppositions de M. Fiese.
14.
Tests chez le chien beagle
[100]
Ayant observé et documenté la solubilité supérieure du succinate d’ODV, alliée à sa perméabilité améliorée, comparativement au fumarate d’ODV dans les tests de perfusion chez le rat, ainsi que la biodisponibilité relativement faible du fumarate d’ODV observée chez la souris, Wyeth a procédé à établir si le succinate d’ODV pouvait avoir une biodisponibilité qui convenait dans un autre système in vivo fiable utilisé pour mettre à l’essai le développement d’un médicament, soit le chien beagle. Je retiens les déclarations suivantes de M. Shah : [traduction] « [C]ompte tenu de ses caractéristiques supérieures de solubilité et de perméabilité, nous nous attendions à ce que le succinate d’ODV présente une biodisponibilité améliorée comparativement au fumarate d’ODV et qu’il convienne à une formulation uniquotidienne à libération prolongée. Il a donc été sélectionné pour être développé davantage ».
[101]
Le succinate d’ODV est donc passé à l’étape des tests in vivo chez le chien beagle. Toutefois, le sel fumarate n’a pas fait l’objet de tests chez le chien beagle. Teva critique le fait que Wyeth n’a pas testé le fumarate d’ODV sur le chien beagle, mais dans les circonstances, cette décision n’est pas inadmissible parce que Wyeth avait déjà établi que le fumarate d’ODV présentait une faible biodisponibilité.
[102]
Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens, Wyeth recherchait, en effectuant des tests chez le chien beagle, des formes pharmaceutiques orales du succinate d’ODV à administrer aux chiens pour évaluer la biodisponibilité orale. Dans le cadre des travaux de développement, Wyeth avait commencé à expérimenter avec diverses formulations du succinate d’ODV (c’est-à-dire, diverses combinaisons d’ingrédients mêlées au succinate d’ODV pour produire des formes pharmaceutiques solides, telles que des comprimés). Plus précisément, conformément à son objectif d’obtenir une dose uniquotidienne, Wyeth tentait déjà de développer une formulation orale à libération continue du succinate d’ODV.
[103]
Le test chez le chien beagle a été mené au moyen de plusieurs formulations distinctes du succinate d’ODV, y compris une forme intraveineuse, une solution orale et deux autres formes orales : une capsule conçue pour une libération immédiate et un comprimé conçu pour une libération continue. Les tests se sont déroulés en quatre étapes. À chaque étape, les chiens beagle ont reçu l’une des quatre formulations différentes du succinate d’ODV. Du sang était prélevé des chiens, à intervalles déterminés, à chaque étape et était séparé, gelé et expédié encore une fois à l’installation de Wyeth à Gosport, au Royaume-Uni, aux fins d’analyse. On a établi les concentrations d’ODV présentes dans le sang au moyen de méthodes acceptées et on a calculé un certain nombre de paramètres pharmacocinétiques.
[104]
On trouve un résumé des résultats des tests de biodisponibilité chez le chien beagle dans |||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| un tableau résumant les données moyennes concernant les six chiens en tant que fonction de la concentration d’ODV libre dans le sang. Le tableau indique notamment les paramètres pharmacocinétiques suivants :
a) la SSC (
« surface sous la courbe »
) – qui mesure la quantité totale d’ODV présente dans le sang durant l’expérience;b) la Cmax – qui mesure la concentration plasmatique maximale d’ODV;
c) la Tmax – qui mesure le moment auquel la concentration maximale se produit;
d) la biodisponibilité absolue – qui mesure la quantité d’ODV (en pourcentage de la dose administrée) qui se trouve dans le plasma.
[105]
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[106]
Selon la conclusion de ces tests chez le chien beagle, que je retiens, la biodisponibilité orale du succinate d’ODV chez les chiens beagle, pour toutes les formulations mises à l’essai, se trouvait dans une échelle acceptable.
15.
Tests chez l’être humain
[107]
Les tests |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| in vivo chez les rats et les chiens beagle ayant démontré des résultats positifs, Wyeth a procédé à des tests sur 18 volontaires humains. Teva conteste le fait que ces volontaires n’étaient pas des patients qui souffraient de dépression. Toutefois, je ne suis pas convaincu du bien-fondé de cette objection parce que les tests chez l’être humain n’étaient pas conçus pour tester l’efficacité du médicament de succinate d’ODV chez l’humain, mais plutôt pour évaluer la biodisponibilité et les effets secondaires. Il était également déjà connu que l’ODV comme métabolite de la venlafaxine, précédemment mise en marché et vendue comme EFFEXOR et EFFEXOR XR, était utile pour traiter la dépression.
[108]
Les études in vivo de la biodisponibilité orale du succinate d’ODV ont été menées par Wyeth en comparant des formulations à libération immédiate et à libération continue du succinate d’ODV à la venlafaxine à libération continue EFFEXOR XR déjà commercialisée par Wyeth.
[109]
Comme les études in vivo de Wyeth sur des chiens beagle, son étude sur des sujets humains comportait trois étapes. À chaque étape, chacun des 18 participants humains a reçu 75 mg d’EFFEXOR XR à titre de comparaison à la formulation à libération immédiate (LI) et à la formulation à libération continue (LC) d’ODV. On a prélevé des échantillons sanguins à des moments précis de chaque étape et mesuré les concentrations de venlafaxine et d’ODV dans le sang. On a procédé au calcul de certains des mêmes paramètres pharmacocinétiques (la SSC, la Cmax et la Tmax), ainsi que le t 1/2 (qui mesure le temps requis pour que la moitié de la drogue soit éliminée du plasma). | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[110]
On trouve un résumé des études chez l’être humain dans |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Là encore, Wyeth a constaté que la biodisponibilité orale était bonne pour les formulations à libération immédiate et à libération continue du succinate d’ODV. La formulation à libération continue du succinate d’ODV donnait toutefois des concentrations plasmatiques maximales inférieures, et le temps pour parvenir à la concentration maximale était plus long, que les résultats observés pour la formulation à libération immédiate.
[111]
L’étude sur des humains a aussi été conçue pour observer les effets secondaires de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| et du succinate d’ODV. M. Shah a déclaré que pendant les études sur des humains, Wyeth a noté les signalements d’incidents thérapeutiques ou d’effets secondaires éprouvés avec les diverses formulations. Wyeth voulait surveiller plusieurs incidents thérapeutiques courants (notamment la nausée et les vomissements) parce qu’ils étaient souvent signalés avec l’utilisation d’EFFEXOR. Wyeth a constaté que le nombre d’incidents thérapeutiques signalés était moins élevé avec la formulation à libération continue du succinate d’ODV qu’avec la formulation à libération immédiate – un fait que je retiens. Wyeth a jugé que c’était probablement en raison de la concentration plasmatique maximale réduite (Cmax) et du temps pour parvenir à la concentration maximale de plasma (Tmax) avec la formulation à libération continue.
[112]
Selon ces données, Wyeth a conclu que la formulation à libération continue du succinate d’ODV, qui donnait des concentrations plasmatiques maximales inférieures à 225 ng/mL (l’extrémité inférieure de l’échelle observée dans le cas de la formulation à libération immédiate), réduirait ces effets secondaires. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[113]
M. Shah a déclaré, ce que je retiens, qu’à partir de ces tests in vivo chez l’être humain, alors qu’on a obtenu une courbe aplatie de concentration du plasma dans le sang en fonction du temps, les incidents thérapeutiques ont été réduits ou éliminés. Ainsi, on avait réussi à obtenir une composition pharmaceutique comportant une formulation à libération continue de succinate d’ODV dont la concentration maximale du plasma sanguin était inférieure à environ 225 ng/mL et dont les effets secondaires tels que la nausée et les vomissements étaient réduits.
[114]
Selon les éléments de preuve, et c’est ce que je conclus, l’extrémité inférieure de l’échelle observée dans le cas de la formulation à libération immédiate, comme M. Shah l’a déclaré, à savoir 225 ng/mL, est le résultat des tests réalisés chez des sujets humains, résultats qui ont démontré que la Cmax de la forme à LI du succinate d’ODV correspondait à 287, plus ou moins 52, de sorte que l’extrémité inférieure de l’échelle correspondait à 225 ng/mL; il s’agit du résultat divulgué à la page 53 du brevet 668. Je ne suis pas en mesure d’accepter l’argument de Teva selon lequel cette concentration est arbitraire.
[115]
Je conclus aussi que la version à libération continue de succinate d’ODV présentait beaucoup moins d’effets secondaires indésirables que la version à libération immédiate de succinate d’ODV. Des 18 sujets ayant reçu la dose unique de succinate d’ODV à libération immédiate, 10 et 6 ont signalé des nausées; 2, des vomissements; 1, la diarrhée; 1, des douleurs abdominales; 2, des maux de tête; 2, des malaises vaso-vagaux; et 1, le trismus. Il n’y a eu que deux cas de nausées signalés à l’égard de la version à libération continue de succinate d’ODV et un cas de douleur abdominale; aucun des sujets humains ayant participé aux tests n’a signalé un autre effet secondaire indésirable observé avec la posologie à libération immédiate. M. Shah a à juste titre précisé dans son affidavit que dans le rapport qui se retrouve à la page 54 du brevet 668, en raison d’une erreur typographique, il est rapporté qu’il n’y avait aucune plainte de douleur abdominale pour la version à libération immédiate ou la version à libération continue, mais qu’en fait, il y a eu une plainte pour chacune des versions : cette erreur n’est pas importante en ce qui a trait à l’amélioration des effets secondaires de la version à libération continue par rapport à l’autre version.
16.
Formes à l’état solide : cristallinité, solides amorphes et polymorphes
[116]
Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens aussi, l’un des critères souhaités d’une forme viable d’un médicament était sa capacité d’exister en tant que cristal ou de [traduction] « présenter une cristallinité »
. La cristallinité désigne l’organisation des molécules dans un composé médicamenteux (ou un sel) dans un espace tridimensionnel. Dans un solide cristallin, les molécules qui forment la substance sont disposées en motifs répétitifs. En revanche, les solides non cristallins (souvent appelés solides « amorphes »
) sont dotés de molécules qui sont disposées de façon aléatoire. Les solides cristallins étaient préférables à des fins de développement de produits pharmaceutiques parce qu’ils étaient habituellement plus stables que les solides amorphes.
[117]
De plus, M. Shah a déclaré, ce que je retiens, que certains composés peuvent exister sous plusieurs formes à l’état solide, qui peuvent comprendre des formes amorphes ou une ou plusieurs formes cristallines. Les différentes formes cristallines du même composé sont normalement appelées « polymorphes »
. M. Shah et son groupe comprenaient que différents polymorphes du même composé pouvaient avoir des propriétés physiques très différentes (comme la solubilité, le point de fusion et la stabilité), et que ces propriétés pouvaient être pertinentes quant au développement d’une forme médicamenteuse.
17.
Criblage des polymorphes et sous-traitance du criblage des polymorphes à SSCI
[118]
Comme il a été mentionné précédemment, M. Shah et M. Hadfield, de Wyeth, ont créé une forme monohydratée cristalline qui était stable et soluble, en menant des travaux préliminaires de criblage du succinate d’ODV pour en établir la cristallinité. Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens, il importait toutefois, pour finir par développer le composé en tant que médicament, d’avoir une forme solide stable et reproductible qui ne serait pas susceptible de se dégrader ou de se transformer pendant l’entreposage, dans différentes conditions d’humidité, à la température de la pièce et pendant la fabrication et la distribution. Par conséquent, pour avoir une meilleure idée de l’étendue des formes possibles à l’état solide pour un sel donné et pour établir leurs propriétés individuelles, Wyeth a jugé nécessaire de procéder à un criblage complet des polymorphes du succinate d’ODV.
[119]
Je retiens le témoignage de M. Shah selon lequel le criblage des polymorphes est un procédé qui consiste à découvrir d’autres formes cristallines inconnues d’une substance en l’exposant à différents solvants et à différentes conditions, et à caractériser par la suite les formes obtenues (cristallines ou amorphes). Ce procédé donne aux sociétés qui mettent au point des médicaments en vue de leur commercialisation une idée des diverses formes cristallines éventuelles d’un composé et des conditions dans lesquelles on peut s’attendre qu’elles se forment. M. Shah a ajouté qu’il s’agit d’un procédé laborieux qui nécessite souvent la réalisation de nombreuses expériences individuelles, et que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||
[120]
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[121]
En conséquence, Wyeth a retenu les services d’un groupe externe de consultants scientifiques, SSCI, pour la réalisation d’un criblage détaillé des polymorphes du succinate d’ODV. Wyeth a demandé à SSCI de faire ce qui suit :
(a) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(b) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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[123]
En conséquence de ces travaux, SSCI a trouvé et caractérisé quatre formes cristallines du succinate d’ODV, ainsi qu’une forme amorphe; trois des formes cristallines trouvées par SSCI l’étaient pour la première fois et la quatrième était la forme cristalline conçue par Wyeth que Wyeth a donnée à SSCI pour la réalisation de ces travaux.
[124]
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| M. Shah a conclu |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| qu’une forme cristalline particulière de monohydrate du succinate d’ODV ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, mais qui est maintenant connue et décrite dans le brevet 668 comme étant le succinate d’ODV de forme I) |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| dont on pouvait s’attendre qu’elle soit stable aux conditions de fabrication et d’entreposage requises. Cette caractéristique, conjuguée aux autres propriétés favorables du succinate d’ODV, faisait du succinate d’ODV de forme I un candidat très intéressant pour le développement d’une drogue. Je me penche maintenant sur la participation de SSCI.
18.
Mme Aeri Park à SSCI
[125]
Mme Aeri Park était gestionnaire de l’équipe de scientifiques qui menait les travaux de SSCI concernant le succinate d’ODV. Mme Park a étudié et travaillé dans le domaine de la chimie pendant 30 ans et a travaillé dans le domaine précis du développement et de la caractérisation des médicaments pendant 20 ans. Elle a commencé à travailler à SSCI en 1998 à titre de technicienne et a été promue au rôle de scientifique la même année. Elle a été promue à titre de scientifique principale en 1999, de chercheure principale en 2000 et de directrice en 2001. En tant que directrice, elle était chargée de gérer plusieurs équipes de scientifiques qui réalisent des projets de chimie concernant des solides, d’interagir avec les clients et de définir de nouvelles approches et des pistes d’analyse possibles pour les projets de SSCI. Elle était aussi chargée de fournir une formation aux nouveaux scientifiques sur les méthodes d’utilisation d’une vaste gamme d’instruments et d’outils de laboratoire en usage au laboratoire de SSCI. Elle a commencé à participer au projet du succinate d’ODV en 2001, lorsque Wyeth a retenu les services de SSCI pour réaliser un criblage complet des polymorphes du succinate d’ODV.
[126]
Je retiens le témoignage de Mme Park concernant les démarches de SSCI en raison de son expérience et de sa participation personnelle aux travaux qui portaient précisément sur ce composé, et de ses connaissances pertinentes quant aux travaux réalisés dans ce domaine. Elle a supervisé les travaux menés par des scientifiques spécialisés qui étaient principalement chargés des expériences courantes réalisées dans le cadre du projet du succinate d’ODV. Ces scientifiques relevaient directement d’elle. Mme Park compte parmi les inventeurs désignés du brevet 668, mais je ne suis pas convaincu que cela ait changé de quelque façon son témoignage.
[127]
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[129]
Selon le témoignage de Mme Park fondé sur son expérience, la création et l’analyse de nouvelles formes à l’état solide ne sont pas des procédés de par cœur. Je retiens la preuve d’expert de Mme Park sur le criblage des polymorphes de façon générale, puisqu’elle a réalisé ou supervisé quelque 10 à 20 criblages de polymorphes durant chaque année qu’elle a passée à SSCI. Aux dates en cause, elle aurait préalablement réalisé ou supervisé de 10 à 20 criblages de polymorphes ou plus. Voici son témoignage :
[traduction] Criblages des polymorphes
20. J’ai réalisé ou supervisé de 10 à 20 criblages des polymorphes environ durant chaque année que j’ai passée à SSCI. Les criblages duraient habituellement de trois à quatre mois selon le projet, l’échantillon et les objectifs du client.
21. Les criblages consistaient généralement à répondre aux questions posées dans l’ICH Q6A, des lignes directrices élaborées par l’International Council for Harmonisation of Technical Requirements for Registration of Pharmaceuticals for Human Use. Même si chaque criblage de polymorphes se déroulait généralement de cette façon – notamment en commençant par définir les formes à l’état solide de l’échantillon fourni et en réalisant ensuite une gamme d’expériences pour tenter de produire des échantillons solides additionnels –, chaque projet de criblage était différent. Par exemple, on pourrait découvrir une seule forme cristalline lors d’un criblage, alors qu’on pourrait en trouver plusieurs lors d’un autre criblage. Dans un autre cas encore, nous pourrions être incapables de produire quelque substance cristalline que ce soit. La durée, l’orientation, les résultats et les étapes à suivre lors de chaque projet dépendaient des caractéristiques du composé à l’étude et des objectifs de notre client.
22. À des intervalles réguliers tout au long du projet de criblage, je discutais avec les membres de mon équipe des résultats des expériences obtenus jusqu’alors, et nous décidions des expériences et des analyses additionnelles à mener, à la lumière des résultats obtenus jusqu’alors. Dans la plupart, mais pas dans la totalité, des cas, il s’agissait ultimement de définir la forme cristalline à l’état solide la plus stable possible de l’échantillon fourni, mais ce n’était pas toujours possible.
[Non souligné dans l’original.]
[130]
Mme Park a déclaré ceci :
[traduction] La production d’échantillons solides
31. Notre objectif en produisant des échantillons solides était d’essayer le plus grand nombre possible de conditions différentes parce que des conditions différentes pourraient produire différents polymorphes et pseudo-polymorphes du composé. Les conditions comme le ou les solvants utilisés, la température, le taux de refroidissement, la durée de l’expérience et la présence de réactifs sont tous des exemples de matières susceptibles d’avoir une incidence sur la forme à l’état solide du composé, le cas échéant, qui est produit. Par conséquent, nous avions l’habitude de réaliser un grand nombre d’expériences dans des conditions très variées afin d’essayer de définir le plus grand nombre possible de formes distinctes à l’état solide.
32. Nous pouvions utiliser plusieurs méthodes différentes pour essayer de produire différentes formes à l’état solide à partir d’une solution. De façon générale, il s’agissait de méthodes faisant intervenir des conditions thermodynamiques et des méthodes faisant intervenir des conditions cinétiques. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||
33. La création et l’analyse de nouvelles formes à l’état solide n’étaient pas des procédés de par cœur. Nous ne pouvions pas prédire au départ le nombre de formes solides que nous pourrions définir, ni en quoi elles consisteraient, ni les formes solides qui seraient produites par le recours à une méthode ou un ensemble donnés de conditions. Par conséquent, ce procédé nécessite souvent la réalisation de nombreuses analyses et expériences et le recours à la stratégie et au jugement afin de prendre des décisions sur la façon de procéder selon les résultats obtenus.
[Non souligné dans l’original.]
[131]
Mme Park explique en détail dans son affidavit le processus qu’a suivi SSCI pour déterminer et créer les nouvelles formes cristallines et amorphes, que j’accepte pour les motifs exposés ci-dessous :
[traduction] Caractérisation des échantillons solides initiaux
39. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
40. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Autres techniques d’analyse et de caractérisation
49. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
50. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[Non souligné dans l’original.]
[132]
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19.
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[133]
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20.
Points de fusion et analyse calorimétrique différentielle (ACD)
[134]
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, SSCI a aussi effectué des analyses calorimétriques différentielles des formes cristallines afin d’établir les températures auxquelles les transitions de phase (comme la fusion) se produisaient. L’ACD est une technique de mesure d’un événement de fusion. Selon ces analyses, le point de fusion de la forme « A »
a été établi à environ 131 °C (maximum endothermique) et le point de fusion de la forme « B »
a été établi à environ 127 °C (maximum endothermique). Les données de l’ACD ne révélaient aucun événement de déshydratation, mais révélaient un point de fusion unique qui démontrait que les molécules d’eau étaient très solidement liées dans les mailles cristallines de la forme « A »
et de la forme « B »
. Ces données étaient conformes aux données thermogravimétriques (TGA), selon lesquelles la perte d’eau ne se produisait pas à des températures supérieures à 100 °C. Les hydrates ont tendance à perdre l’eau de cristallisation assez rapidement à des températures élevées en raison de la déshydratation, et se transformeraient en formes cristallines anhydres ou en substances non cristallines.
[135]
Par conséquent, les données de l’ACD |||||||||||||||||||| indiquaient que les formes « A »
et « B »
sont des hydrates très stables. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
21.
Études additionnelles portant sur les températures et forme amorphe
[136]
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| L’un des tests additionnels qui ont été réalisés au cours de cette période était la diffraction des rayons X sur poudres à température variable, qui consistait à effectuer des analyses par diffraction des rayons X sur poudres à diverses températures pour vérifier les modifications obtenues dans les diffractogrammes. À l’aide de ce test, ils pouvaient observer si la forme cristalline était stable ou non sous l’effet de changements de température ou si elle pouvait se modifier ou se transformer en une autre forme. |||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||
[137]
Pendant ces études, ils ont également défini une forme amorphe (non cristalline) de succinate d’ODV |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
22.
Test d’hygroscopicité (test relatif à la stabilité de la drogue)
[138]
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23.
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[139]
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24.
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||| (forme cristalline « C »
)
[140]
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[141]
SSCI a ainsi trouvé les formes cristallines « A »
, « B »
et « C »
, et a ensuite trouvé la forme cristalline « D »
au moyen de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
25.
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| (forme cristalline « D »
)
[142]
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[143]
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[144]
SSCI a fini par trouver quatre formes polymorphes du succinate d’ODV, soit les formes » A »
, « B »
, « C »
et « D »
. De ces formes, la forme « A »
avait été découverte par Wyeth; Wyeth a fourni la forme « A »
à SSCI. Par conséquent, SSCI a réussi à définir trois nouvelles formes cristallines du succinate d’ODV, plus une nouvelle forme amorphe. Au total, SSCI a trouvé cinq formes du succinate d’ODV, dont quatre pour la première fois.
[145]
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[146]
Essentiellement, même si M. Hadfield, de Wyeth, a trouvé le succinate d’ODV tant sous une forme saline que sous une forme cristalline, les spécialistes de SSCI, après une exploration approfondie du domaine, avaient établi qu’il existait trois autres formes cristallines du succinate d’ODV, en plus d’une forme amorphe. |||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||
26.
Travaux concernant d’autres candidats salins et criblages
[147]
En dépit du fait que Wyeth et SSCI avaient créé une nouvelle composition de matières notamment le succinate d’ODV de forme I sous une forme cristalline, selon le témoignage de M. Shah, que je retiens, |||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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[148]
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[149]
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V.
Questions en litige
[150]
Comme il est mentionné précédemment, tandis que Teva allègue l’absence de contrefaçon et l’antériorité dans son AA, elle a subséquemment retiré ces questions. Au milieu de l’audience, Teva a également retiré son allégation « importante «
selon laquelle le brevet 668 avait été obtenu de manière à contrevenir à l’article 53 de la Loi sur les brevets en n’étant pas « conforme à la vérité »
[dorénavant, déclaration trompeuse].
[151]
Par conséquent, les seules questions litigieuses qui demeurent sont l’évidence et l’utilité :
Pfizer s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’évidence formulée par Teva n’est pas justifiée?
Pfizer s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’absence d’utilité formulée par Teva n’est pas justifiée?
VI.
Dispositions législatives et fardeau de la preuve
[152]
Conformément à l’article 2 de la Loi sur les brevets, pour être brevetée, une invention doit présenter le caractère de « l’utilité »
. De plus, une « composition de matières »
qui présente le caractère de la nouveauté et de l’utilité, telle celle revendiquée par Pfizer en l’espèce, peut être brevetée :
|
|
|
|
[153]
Dans la décision Novartis Pharmaceuticals Canada Inc c Cobalt Pharmaceuticals Company, 2013 CF 985 [décision Novartis], le juge Hughes a déclaré ce qui suit au sujet du fardeau de la preuve applicable lorsque la validité d’un brevet est contestée dans une instance relative à un AC :
[23] La question de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve lorsque la validité d’un brevet est contestée dans une instance relative à l’AC a été traitée à de nombreuses reprises devant la Cour. En bref, un brevet est présumé valide sauf preuve contraire (Loi sur les brevets, p. 43(2)). La partie qui allègue une invalidité (en l’espèce Cobalt) a le fardeau de produire une preuve étayant ses allégations. Une fois la preuve produite, la question est jugée par la Cour selon le fardeau de la preuve civile, c’est-à-dire selon la prépondérance des probabilités. Si la Cour juge qu’il n’y a aucune prépondérance, elle devrait se prononcer en faveur de la personne alléguant l’invalidité, car, selon le Règlement AC, paragraphe 6(2), la première personne (ici Novartis) a le fardeau de démontrer que les allégations d’invalidité ne sont pas fondées.
VII.
Discussion
1.
Dates pertinentes
[154]
Les parties sont d’accord sur la plupart des dates pertinentes :
date d’inscription au Canada : le 11 février 2002, revendication de priorité sur les deux demandes précédentes, en date du 12 février 2001 et du 13 juin 2001;
date de publication : le 22 août 2002;
date de délivrance : le 26 mai 2009.
[155]
La date pertinente pour examiner l’évidence est le 12 février 2001.
[156]
Les parties sont d’accord pour dire que la date pertinente de l’examen de l’utilité (qu’elle ait été démontrée ou valablement prédite) est la date d’inscription au Canada : le 11 février 2002. Toutefois, Pfizer nie que l’information avant cette date soit pertinente aux allégations de Teva selon lesquelles les exigences liées à l’utilité n’avaient pas été respectées conformément à la Loi sur les brevets. Au contraire, Teva n’est pas d’accord pour dire que l’information avant la date d’inscription au Canada n’est pas pertinente, adoptant la thèse que, si une prédiction valable a été ensuite démontrée comme étant incorrecte, le brevet serait invalide pour absence d’utilité. Une telle inutilité, selon Teva, peut être prouvée ultérieurement. Ces arguments ont été déposés avant que la Cour suprême ne décide que la doctrine de la promesse ne devait pas être suivie. Teva a également déclaré que la sélection d’un brevet est invalide si une recherche additionnelle révèle qu’un plus grand nombre de composés non sélectionnés possèdent les mêmes avantages que ceux revendiqués pour les composés sélectionnés; je n’ai pas à tenir compte de ce différend, étant donné que le brevet 668 dont je dispose n’est pas un brevet de sélection.
[157]
Il faut interpréter le brevet 668 de la façon dont une personne douée d’habiletés moyennes dans l’art l’interpréterait à la date de publication : le 22 août 2002.
[158]
Cette demande a commencé le 24 août 2015; par conséquent, le sursis de 24 mois imposé par le Règlement prendra fin le 24 août 2017.
2.
Interprétation des revendications
[159]
L’interprétation des revendications est une question de droit que la Cour doit trancher. Lorsque la signification des termes ou des éléments des revendications n’est pas évidente à la lecture de la revendication elle-même ou d’une référence relative aux spécifications, les experts peuvent fournir des indications à ce sujet. Les revendications doivent être interprétées de la façon dont une personne versée dans l’art, à la date pertinente, interpréterait le brevet. La juge Kane, dans la décision Alcon Canada inc. c Apotex inc., 2014 CF 699, a cité le juge Hughes au sujet des principes applicables à l’interprétation des revendications :
[121] Le juge Hughes a présenté un résumé utile des principes applicables après avoir examiné la totalité de la jurisprudence dans la décision Pfizer Canada Inc c Pharmascience Inc, 2013 CF 120, [2013] ACF no 111 :
[64] Les cours de justice ont formulé de nombreuses directives sur l’interprétation d’une revendication. Pour résumer :
• il faut d’abord interpréter la revendication avant d’envisager les questions de validité et de contrefaçon;
• sur le plan du droit, seule la Cour peut se charger de l’interprétation;
• la Cour doit interpréter la revendication du point de vue de la personne versée dans l’art à qui le brevet est destiné;
• la Cour peut se faire aider par des experts pour élucider le sens de phrases ou de mots particuliers, ou s’informer de l’état de la technique à la date à laquelle la revendication a été publiée;
• la Cour doit lire la revendication dans le contexte général du brevet, ce qui inclut la description et les autres revendications;
• la Cour doit éviter de faire siennes les prétentions trop avantageuses de la description;
• la Cour ne doit pas limiter la revendication aux exemples spécifiques cités dans le brevet;
• la Cour doit s’efforcer d’interpréter la revendication d’une manière qui donne corps à l’intention de l’inventeur;
• la Cour doit s’efforcer d’appuyer une invention méritoire.
[160]
Cela dit, il n’y a aucun différend important entre les parties concernant ce qui est traité dans les revendications pertinentes. Par souci d’exhaustivité, je présenterai les revendications en question et leur interprétation telles qu’elle a été avancée par les parties, de la manière indiquée dans le tableau des revendications convenu ci-après. Veuillez tenir compte du fait que, bien qu’il y en ait davantage qui ont été exposées ci-dessous, seules les revendications 1, 8, 9, 33, 43 et 44 sont défendues par Pfizer; les autres sont incluses à titre contextuel :
No de la revendication
|
Dépend de
|
Formulation de la revendication
|
Thèse de Pfizer quant à l’interprétation
|
Thèse de Teva quant à l’interprétation
|
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1.
|
Aucune
|
Un composé qui est le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou un sel mixte correspondant.
|
N’est pas en litige.
Vise le succinate d’ODV ou, de façon subsidiaire, un succinate mixte d’ODV, sous toute forme.
|
(VIDE)
|
2.
|
Revendication 1
|
Un composé selon la revendication 1 dont le rapport entre l’O-desméthyl-venlafaxine et l’acide succinique est de 1:1.
|
N’est pas en litige.
Vise le monosuccinate d’ODV sous toutes les formes.
|
(VIDE)
|
4.
|
Revendication 1
|
Un composé selon la revendication étant un hydrate du succinate d’O-desméthyl-venlafaxine.
|
N’est pas en litige.
Vise toute forme hydratée (c.-à-d., une forme dans laquelle la maille cristalline contient de l’eau) du succinate d’ODV.
|
(VIDE)
|
5.
|
Revendication 1
|
Un composé selon la revendication 1 qui est le monohydrate du succinate d’O-desméthyl-venlafaxine.
|
N’est pas en litige.
Vise toute forme monohydratée du succinate d’ODV (c.-à-d., dans laquelle la maille cristalline contient une molécule d’eau par molécule de succinate d’ODV).
|
(VIDE)
|
6.
|
Les revendications 1, 2, 4 ou 5.
|
Un composé selon l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 4 ou 5 dans lequel le sel est cristallin.
|
N’est pas en litige.
Vise toute forme cristalline du succinate d’ODV (ou un sel mixte correspondant). Dans la mesure où la revendication dépend de la revendication 5, elle vise toute forme cristalline du monohydrate du succinate d’ODV.
|
(VIDE)
|
8.
|
Le revendication 6, qui dépend à son tour des revendications 1, 2, 4 ou 5.
|
Un composé selon la revendication 6 qui présente un diagramme de diffraction de rayons X sur poudres ayant des pics caractéristiques exprimés en degrés 2θ (+ 0.2° 2θ) à 10,20; 14,91; 20,56; 22,136; 23, 71; 24,60 et 25,79.
|
Vise le monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I (c.-à-d., la forme cristalline du succinate d’ODV, qui présente les pics caractéristiques lors de la diffraction des rayons X sur poudres de la figure 1).
|
(VIDE)
|
9.
|
Le revendication 6, qui dépend à son tour des revendications 1, 2, 4 ou 5.
|
Un composé selon la revendication 6 ayant un endotherme détecté à environ 131 °C.
|
Vise le monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I (c.-à-d., la forme cristalline du succinate d’ODV, qui présente un endotherme caractéristique établi à environ 131 °C.
|
(VIDE)
|
33.
|
L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.
|
Utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement de la dépression.
|
Dans la mesure où elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement de la dépression.
|
(VIDE)
|
43.
|
L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.
|
Utilisation d’une quantité thérapeutiquement efficace d’une forme pharmaceutique orale à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20, préparée en une dose visant à produire un niveau de concentration de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence de la nausée, des vomissements, de la diarrhée, des douleurs abdominales, des maux de tête, des malaises vaso-vagaux ou du trismus provenant de l’administration par voie orale du succinate d’O-desméthyl-venlafaxine.
|
Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation d’une forme pharmaceutique orale à libération continue contenant le succinate d’ODV de forme I visant à produire un niveau de concentration de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence générale des effets secondaires indiqués comparativement à l’administration par voie orale du succinate d’ODV qui n’est pas formulé à cette fin.
|
Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation d’une dose thérapeutique efficace d’une forme pharmaceutique orale à libération continue contenant le succinate d’ODV de forme I visant à produire un niveau de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence des effets secondaires indiqués comparativement à l’administration par voie orale du succinate d’ODV qui n’est pas formulé à cette fin.
|
44.
|
Aucune.
|
Une formulation à libération continue qui contient le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine et un véhicule ou excipient pharmaceutiquement acceptable et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.
|
Une formulation à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine (sous toutes les formes, y compris le succinate d’ODV de forme I) et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.
|
Une formulation à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine (sous toutes les formes, y compris le succinate d’ODV de forme I) et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.
|
3.
L’évidence
A.
Observations préliminaires et sommaire
[161]
Conformément à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, une invention ne doit pas être évidente pour une personne versée dans l’art :
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[162]
L’une des questions au cœur de la présente affaire est l’évidence et le principe accessoire de l’essai allant de soi. À mon humble avis, et les parties sont d’accord, une fois résolue la question des critères juridiques applicables, pour statuer sur l’évidence et sur l’essai allant de soi, il faut tirer des conclusions factuelles en fonction des éléments de preuve et du brevet dont est saisi la Cour. J’ai conclu quant à cet aspect de l’affaire que l’invention revendiquée dans le brevet 668, y compris les concepts inventifs des revendications 8, 9, 33, 43 et 44 n’étaient pas évidents et n’allaient pas de soi aux yeux de la personne versée dans l’art et selon la prépondérance des probabilités.
[163]
À mon avis, la nouvelle composition de matières que constitue le succinate d’ODV de forme I cristalline « valait d’être tenté »
. De plus, il y avait des « possibilités »
que la personne versée dans l’art découvre l’invention revendiquée dans le brevet 668 en effectuant des expériences difficiles, surtout en ce qui concerne le criblage des cristaux et des polymorphes. De simples possibilités ne sont toutefois pas suffisantes, et il est établi que le critère « valant d’être tentée »
n’est pas le critère à appliquer à l’essai allant de soi.
[164]
Sur la foi des éléments de preuve, j’ai conclu que Teva a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’évidence, y compris de l’essai allant de soi, d’Apotex est non fondée.
B.
L’examen relatif à l’évidence
[165]
Le jugement clé dans la règle de l’évidence est celui de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 (arrêt Sanofi ou Plavix).
[166]
Pour faciliter la référence et parce qu’il est central à cette question, j’expose intégralement les passages pertinents de l’arrêt Sanofi, en ce qui concerne tant le critère juridique que son application aux faits, le juge Rothstein exprimant l’opinion unanime de la Cour :
d) La notion d’évidence au Canada
[…]
[64] À mon avis, les facteurs énoncés par le juge Kitchin, puis repris par lord Hoffmann dans l’arrêt Lundbeck (par. 59), ne sont pas exhaustifs, mais offrent des repères pour déterminer si une étape donnée « allait de soi ». Cependant, la notion d’« essai allant de soi » commande la prudence. Ce n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence. Elle ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon. Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement, ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie.
[65] Dans l’arrêt Saint-Gobain PAM SA c. Fusion Provida Ltd., [2005] EWCA Civ 177 (BAILII), le lord juge Jacob a dit ce qui suit au par. 35 :
[traduction] La seule inclusion possible de quelque chose dans un programme de recherche dans l’optique d’en apprendre davantage et de faire une découverte ne suffit pas. S’il en allait autrement, peu d’inventions seraient brevetables. L’éventualité d’une protection ne justifierait la recherche que dans des domaines n’offrant aucune chance de découverte. La notion d’« essai allant de soi » ne s’applique vraiment que lorsqu’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux.
Dans l’arrêt General Tire, le lord juge Sachs dit à la p. 497 :
[traduction] Après tout, la locution « aller de soi » est très usitée et il ne nous paraît pas nécessaire d’étoffer la principale définition du dictionnaire, à savoir quelque chose de « très clair ».
Dans Intellectual Property Law, le professeur Vaver convient de ce sens (p. 136). J’estime que la notion d’« essai allant de soi » n’est applicable que lorsqu’il est très clair ou, pour reprendre les termes employés par le lord juge Jacob, qu’il est plus ou moins évident, que l’essai sera fructueux.
[66] Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas.
[67] Lors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets d’abord énoncée par le lord juge Oliver dans l’arrêt Windsurfing International Inc. c. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.). La démarche devrait assurer davantage de rationalité, d’objectivité et de clarté. Le lord juge Jacob l’a récemment reformulée dans l’arrêt Pozzoli SPA c. BDMO SA, [2007] F.S.R. 37 (p. 872), [2007] EWCA Civ 588, par. 23 :
[traduction] Par conséquent, je reformulerais comme suit la démarche préconisée dans l’arrêt Windsurfing :
[traduction]
(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art »
b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne
(2) Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;
(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation
(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelconque inventivité? [Je souligne.]
La question de l’« essai allant de soi » se pose à la quatrième étape de la démarche établie dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli pour statuer sur l’évidence.
i. Dans quels cas la notion d’« essai allant de soi » est‑elle pertinente?
[68] Dans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, le recours à la notion d’« essai allant de soi » pourrait être indiqué. Dans ces domaines, de nombreuses variables interdépendantes peuvent se prêter à l’expérimentation. Par exemple, certaines inventions du secteur pharmaceutique pourraient justifier son application étant donné l’existence possible de nombreuses compositions chimiques semblables pouvant donner lieu à des réponses biologiques différentes et être porteuses de progrès thérapeutiques notables.
ii. « Essai allant de soi » : éléments à considérer
[69] [69] Lorsque l’application du critère de l’« essai allant de soi » est justifiée, les éléments énumérés ci-après doivent être pris en compte à la quatrième étape de l’examen de l’évidence. Tout comme ceux pertinents pour l’antériorité, ils ne sont pas exhaustifs et s’appliquent selon la preuve offerte dans le cas considéré. Les facteurs s’appliqueront conformément à la preuve dans chaque cas.
1. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?
2. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?
3. L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?
[70] Les mesures concrètes ayant mené à l’invention peuvent constituer un autre facteur important. Il est vrai que l’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme de métier aurait agi à la lumière de l’art antérieur. Mais on ne saurait pour autant écarter l’historique de l’invention, spécialement lorsque les connaissances des personnes qui sont à l’origine de la découverte sont au moins égales à celles de la personne versée dans l’art.
[71] Par exemple, le fait pour l’inventeur et les membres de son équipe de parvenir à l’invention rapidement, facilement, directement et à relativement peu de frais, compte tenu de l’art antérieur***** et des connaissances générales courantes, pourrait étayer une conclusion d’évidence, sauf lorsque leurs efforts et leurs connaissances se sont révélés plus grands que ceux attribués à la personne versée dans l’art. Leur démarche tendrait à indiquer qu’une personne versée dans l’art, grâce à ses connaissances générales courantes et à l’art antérieur******, aurait agi de même et serait arrivée au même résultat. Par contre, lorsque temps, fonds et efforts ont été consacrés à la recherche ayant finalement mené à l’invention, et ce, avant que l’inventeur ne se mette à la recherche de l’invention ou qu’on ne lui enjoigne de le faire, y compris les démarches qui se sont révélées vaines et inutiles, une conclusion de non-évidence pourrait être fondée. On pourrait en déduire que la personne versée dans l’art n’aurait pas fait mieux en s’appuyant sur ses connaissances générales courantes et sur l’art antérieur*******. En fait, lorsque les intéressés, y compris l’inventeur et les membres de son équipe, avaient de grandes compétences dans le domaine technique en cause, la preuve pourrait indiquer que la personne versée dans l’art aurait obtenu des résultats bien pires et ne serait vraisemblablement pas parvenue à l’invention. Il ne lui aurait pas paru évident d’emprunter le parcours ayant mené à l’invention.
e) Application aux faits de l’espèce
[72] Au vu des quatre étapes établies dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli, je fais miennes les conclusions factuelles du juge de première instance dans la mesure où elles ne sont pas touchées par son rejet du critère de l’essai allant de soi. Lorsque l’application de ce critère commande un examen plus poussé de la preuve, notre Cour doit tirer certaines conclusions de fait. En l’espèce, j’estime cela préférable au renvoi du dossier au juge de première instance pour qu’il rende une nouvelle décision qui pourrait à nouveau donner lieu à des appels.
[73] Apotex a déposé son avis d’allégation en 2002. Six ans se sont écoulés depuis. Si le brevet 777 est invalide et que toutes les autres conditions sont remplies, le ministre devrait lui délivrer un avis de conformité sans délai. La procédure que prévoit le Règlement AC se veut en effet sommaire, et je crois qu’il est temps que l’affaire connaisse enfin un dénouement. Je passe maintenant à l’analyse :
i. Identifier la personne versée dans l’art
[74] Les deux parties conviennent que la personne versée dans l’art est le chimiste pharmaceutique de formation.
ii. Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne fictive
[75] Apotex présente les mêmes observations que pour l’antériorité en insistant sur le fait que, les méthodes de séparation étant bien connues, l’invention revendiquée et ses avantages auraient été évidents pour la personne versée dans l’art. Au vu du dossier, le juge Shore a conclu que cinq méthodes bien connues permettaient d’isoler les isomères du racémate. Il n’a toutefois pas estimé que la personne versée dans l’art aurait connu l’avantage relatif de l’isomère dextrogyre.
iii. Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;
[76] L’interprétation des revendications du brevet 777 n’est pas en cause. Il est entendu que celles‑ci visent l’isomère dextrogyre du racémate, ses sels pharmaceutiquement acceptables et leurs procédés d’obtention.
[77] Il n’est pas facile de saisir l’idée originale à partir de ses seules revendications. La seule présence d’une formule chimique ne permet pas de déterminer l’inventivité de la revendication. J’estime donc que l’on doit pouvoir se fonder sur le mémoire descriptif pour définir l’idée originale qui sous‑tend les revendications. On ne saurait cependant s’appuyer sur le mémoire descriptif pour interpréter le texte des revendications de façon plus restrictive ou plus extensive.
[78] En l’espèce, il est clair que l’idée originale à la base des revendications du brevet 777 est un antiplaquettaire à l’effet thérapeutique supérieur et à la toxicité moindre comparativement aux autres composés couverts par le brevet 875, et les méthodes permettant de l’obtenir.
iv. Recenser les différences, s’il en est, entre les brevets 875 et 777
[79] Le brevet 875 divulgue plus de 250 000 composés possibles dont il prédit l’effet antiplaquettaire. Vingt et un ont été synthétisés et analysés. Rien ne distingue le racémate visé en l’espèce des autres composés divulgués ou analysés quant à leur effet thérapeutique ou à leur toxicité. Je rappelle que le brevet 875 ne divulgue aucun avantage particulier associé à l’isomère dextrogyre de ce racémate, une fois isolé, ni aucun avantage découlant de l’utilisation du bisulfate de l’isomère dextrogyre. Il n’établit aucune différence entre les propriétés du racémate, celles de l’isomère dextrogyre et celles de l’isomère lévogyre, non plus qu’entre les avantages des autres composés synthétisés, analysés ou dont il prédit l’efficacité.
[80] En revanche, le brevet 777 revendique l’invention de l’isomère dextrogyre du racémate, le clopidogrel et de son bisulfate, divulgue leurs avantages par rapport à l’isomère lévogyre et au racémate, et énonce expressément le procédé de séparation des isomères du racémate.
v. Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée dans le brevet 777, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles une quelconque inventivité?
[81] La question est maintenant de savoir si la nature de l’invention en cause justifie l’application du critère de l’« essai allant de soi ». La découverte de l’isomère dextrogyre et de son bisulfate est issue de l’expérimentation. Il y avait des variables interdépendantes avec lesquelles M. Badorc devait faire des expériences. L’application du critère de l’« essai allant de soi » en l’espèce rendrait recevable le témoignage des témoins experts sur la découverte des avantages de l’isomère dextrogyre et de son bisulfate ainsi que sur leurs procédés d’obtention.
[82] On ne peut reprocher quoi que ce soit à l’analyse que le juge de première instance a cru bon d’effectuer. Cependant, il aurait dû en outre permettre l’application — justifiée en l’espèce — du critère de l’« essai allant de soi ».
[83] Les considérations suivantes sont donc pertinentes à cette quatrième étape de l’examen portant sur l’évidence.
(1) Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux?
[84] Comme je le fais remarquer précédemment, le juge Shore conclut que la personne versée dans l’art n’aurait pu savoir que l’isomère dextrogyre présentait des avantages différents de ceux du racémate et de l’isomère lévogyre avant d’isoler les isomères du racémate et d’analyser chacun d’eux (par. 81). Il ajoute que la personne versée dans l’art n’aurait pu connaître les avantages du bisulfate avant de combiner les différents sels avec l’isomère dextrogyre (par. 82).
[85] La seule existence de procédés connus permettant d’isoler les isomères d’un racémate ne signifie pas qu’une personne versée dans l’art y recourerait [sic] nécessairement. Il n’est d’ailleurs pas tenu compte de l’existence de tels procédés lorsque aucun élément n’établit qu’il allait plus ou moins de soi d’y recourir. Il est vrai que, selon la preuve, à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait su que les avantages d’un racémate pouvaient différer de ceux de ses isomères. Toutefois, la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’art antérieur******** et des connaissances générales courantes, ce que la preuve n’établit pas en l’espèce.
(2) Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention?
[86] Je le rappelle, le juge de première instance a conclu que cinq techniques connues permettaient d’isoler les isomères du racémate. Il a aussi estimé que rien n’établissait qu’à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait su laquelle aurait fonctionné pour le racémate en cause. Suivant la preuve, une personne versée dans l’art aurait fini par trouver la bonne.
[87] Comme je l’ai déjà signalé, le juge Shore a par ailleurs conclu qu’aucun élément n’établissait qu’à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait connu les avantages des isomères avant de les séparer du racémate et de les analyser, même si ces avantages pouvaient être découverts. Suivant la preuve, en recourant à des techniques connues, il était possible de découvrir les avantages de différents sels pharmaceutiquement acceptables combinés avec l’isomère dextrogyre.
[88] Cependant, pour ce qui est de savoir s’il « allait de soi » de tenter de découvrir l’invention, une fois prise la décision d’isoler l’isomère dextrogyre, les méthodes pour y parvenir étaient connues, celles permettant d’analyser les avantages des isomères étaient également connues et le procédé pour déterminer les avantages des sels combinés avec l’isomère l’était lui aussi.
[89] Selon l’affidavit du Dr Badorc, les travaux entrepris en novembre 1985 pour découvrir l’invention visée par le brevet 777 se sont poursuivis jusqu’en avril 1986, et le témoin connaissait déjà l’invention protégée par le brevet 875. Il aurait pu être nécessaire de recourir à cinq méthodes de séparation du racémate avant de déterminer les avantages de l’isomère dextrogyre. Comme pour l’antériorité, on pourrait déduire que s’il avait été appelé à trancher cette question, le juge aurait conclu qu’il ne s’agissait pas d’essais courants, mais bien d’une expérimentation longue et ardue. Quoi qu’il en soit, dans la présente affaire, il s’agit d’un élément négligeable étant donné la conclusion que je tire concernant l’ensemble de la démarche analysée ci-après au par. 91.
(3) L’art antérieur********* fournit-elle un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet 777?
[90] Le secteur pharmaceutique est sans conteste extrêmement concurrentiel. Les entreprises sont toujours à l’affût de médicaments nouveaux et améliorés qu’elles veulent commercialiser dès que possible. La demande d’un antiplaquettaire efficace et non toxique peut donc être présumée. Toutefois, ni le brevet 875 ni ses connaissances générales courantes ne donnaient à la personne versée dans l’art un motif de rechercher l’objet du brevet 777. Le brevet antérieur était un brevet de genre, de sorte qu’une sélection était prévisible. Il n’établissait cependant pas de distinction entre les composés quant à leur efficacité et à leur toxicité, ce qui donne à penser que ce qu’il y avait lieu de retenir ou d’omettre n’était alors pas évident pour la personne versée dans l’art.
(4) Quelle démarche a mené à l’invention?
[91] L’affidavit du Dr Badorc révèle que plusieurs années avant novembre 1985, Sanofi était à mettre au point la forme salifiée du racémate. En novembre 1985, le racémate a fait l’objet d’essais cliniques préliminaires chez l’humain. C’est alors qu’on a demandé au Dr Badorc d’isoler les isomères du racémate. Après la découverte de l’activité et de la non-toxicité de l’isomère dextrogyre et de la non-activité et de la toxicité de l’isomère lévogyre, les travaux de Sanofi ont porté non plus sur le racémate, mais sur l’isomère dextrogyre. Cette décision a toutefois été prise après que Sanofi eut « consacré des millions de dollars et des années de travaux à la mise au point [du racémate] et à la tenue d’essais cliniques préliminaires chez l’humain » sans au moins tenter de déterminer si l’isomère dextrogyre avait des avantages par rapport au racémate (affidavit du Dr Badorc, par. 25). Ce témoignage n’a pas été contredit.
(5) L’invention visée par le brevet 777 « allait-elle de soi »?
[92] Les moyens de parvenir à l’objet du brevet 777 faisaient partie des connaissances générales courantes. On peut supposer qu’il existait un motif de chercher un produit efficace et non toxique inhibant l’agrégation des plaquettes dans le sang. Cependant, ni le brevet 875 ni les connaissances générales courantes ne rendaient évidents les propriétés de l’isomère dextrogyre du racémate ou les avantages du bisulfate, de sorte qu’il n’était pas évident que l’essai serait fructueux. Les efforts et le temps consacrés démontrent qu’il n’était pas possible de prédire rapidement ou aisément l’avantage que présentait l’isomère dextrogyre. S’il était allé de soi d’isoler l’isomère dextrogyre, il est difficile de croire que Sanofi ne l’aurait pas fait au lieu de consacrer en vain temps et argent au racémate. Je conclus que l’art antérieur********** et les connaissances générales courantes des personnes versées dans l’art à l’époque considérée n’étaient pas suffisantes pour qu’il aille plus ou moins de soi de tenter d’isoler l’isomère dextrogyre.
f) Conclusion sur le caractère évident
[93] Je le répète, le brevet de genre 875 se distinguait sensiblement du brevet de sélection 777. La différence n’était pas évidente. Eu égard à l’analyse qui précède, je conclus que l’allégation d’évidence n’est pas fondée.
[Soulignement ajouté, sauf pour les mots soulignés dans l’original.]
[167]
Dans l’arrêt Sanofi, la Cour suprême a établi de nouveaux principes juridiques en matière de droit des brevets pour le Canada. La Cour suprême a conclu qu’il peut y avoir des circonstances dans lesquelles une analyse de l’essai allant de soi pourrait être effectuée – l’essai allant de soi n’était pas un élément accepté du critère de l’évidence auparavant.
[168]
J’observe que la Cour suprême a fourni une orientation quant à l’essai allant de soi dans l’arrêt Sanofi au début de son analyse :
[64] Cependant, la notion d’« essai allant de soi » commande la prudence. Ce n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence. Elle ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon. Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement, ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie.
[65] [traduction] La seule inclusion possible de quelque chose dans un programme de recherche dans l’optique d’en apprendre davantage et de faire une découverte ne suffit pas. S’il en allait autrement, peu d’inventions seraient brevetables. L’éventualité d’une protection ne justifierait la recherche que dans des domaines n’offrant aucune chance de découverte. La notion d’« essai allant de soi » ne s’applique vraiment que lorsqu’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux.
[…]
J’estime que la notion d’« essai allant de soi » n’est applicable que lorsqu’il est très clair ou, pour reprendre les termes employés par le lord juge Jacob, qu’il est plus ou moins évident, que l’essai sera fructueux.
[66] Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas.
[169]
Selon cette orientation, la notion d’essai allant de soi « commande la prudence ».
La notion d’essai allant de soi « […] n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence ».
La Cour suprême a ajouté que la notion d’essai allant de soi « […] ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon ».
Elle a fourni aussi un contexte pertinent quant à ces principes, au paragraphe 64 : « Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement
, ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie. »
[170]
Au paragraphe suivant, le paragraphe 65, la Cour suprême a confirmé ce qui suit : [traduction] « La seule inclusion possible de quelque chose dans un programme de recherche dans l’optique d’en apprendre davantage et de faire une découverte ne suffit pas. S’il en allait autrement, peu d’inventions seraient brevetables. L’éventualité d’une protection ne justifierait la recherche que dans des domaines n’offrant aucune chance de découverte. La notion d’« essai allant de soi » ne s’applique vraiment que lorsqu’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux. »
[171]
Elle récapitule ces critères au paragraphe 66 déclarant :
[66] Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas.
C.
Jurisprudence de la Cour d’appel fédérale
[172]
La Cour d’appel fédérale a traité de l’analyse de l’essai allant de soi dans plusieurs jugements rendus postérieurement à l’arrêt Sanofi.
[173]
Dans l’arrêt Pfizer c Apotex, 2009 CAF 8, le juge Noël, au nom de la Cour d’appel fédérale, a rejeté la thèse, avancée sur le fondement du droit anglais, selon laquelle le critère est rempli si l’état de la technique indique que « quelque chose peut fonctionner »
et s’il existe une motivation telle qu’elle puisse faire que cette voie « valait la peine »
d’être explorée :
[45] Au contraire, le critère qu’applique le juge Laddie apparaît rempli si l’état de la technique indique que quelque chose peut fonctionner et s’il existe une motivation telle qu’elle puisse faire que cette voie « valait la peine » d’être explorée (décision Pfizer Ltd., au paragraphe 107, citée au paragraphe 42 ci-dessus). À cet égard, on peut dire d’une solution qu’elle « valait la peine » d’être explorée même si elle n’est pas un « essai allant de soi » ou, pour reprendre les mots du juge Rothstein, même si elle n’« allait [pas] plus ou moins de soi » (Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 66). À mon avis, cette approche fondée sur la chance que quelque chose puisse fonctionner a été expressément rejetée par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 66.
[Non souligné dans l’original.]
[174]
Dans la décision Novartis, ayant cité l’arrêt Sanofi, le juge Hughes a commenté la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sanofi-Aventis c Apotex Inc, 2013 CAF 186 (Plavix 2) :
[64] La Cour d’appel fédérale a récemment appliqué ces principes dans l’arrêt Sanofi-Aventis c Apotex Inc, 2013 CAF 186, dans lequel elle conclut que le juge de première instance a erré en concluant que, si les techniques nécessaires pour en arriver à la prétendue invention existaient, l’invention elle-même était évidente. Le juge Pelletier (avec qui le juge Noël était d’accord) a écrit aux paragraphes 73 et 74 :
73 La Cour suprême a expliqué, en tenant compte de ces faits, en quoi la séparation du racémate ne constituait pas un essai allant de soi. Estimant que le fait que les méthodes de séparation soient connues ne signifiait pas nécessairement qu’une personne versée dans l’art les appliquerait. La Cour suprême a donné les explications suivantes :
Il est vrai que, selon la preuve, à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait su que les avantages d’un racémate pouvaient différer de ceux de ses isomères. Toutefois, la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’art antérieur******** et des connaissances générales courantes, ce que la preuve n’établit pas en l’espèce.
Plavix, précité, au paragraphe 85
Il n’établissait cependant pas de distinction entre les composés quant à leur efficacité et à leur toxicité, ce qui donne à penser que ce qu’il y avait lieu de retenir ou d’omettre n’était alors pas évident pour la personne versée dans l’art.
Plavix, précité, au paragraphe 90
74 Il appert de cet examen de l’arrêt Plavix, précité, de la Cour suprême que l’élément essentiel de l’analyse relative à l’« essai allant de soi » est l’ignorance des propriétés associées aux énantiomères des composés du brevet 875, y compris le racémate dont le clopidogrel est issu. À défaut de les connaître, il n’allait pas de soi de tenter de résoudre le racémate, ou tout autre composé, afin d’obtenir l’énantiomère possédant ces attributs avantageux.
et au paragraphe 81 :
81 Comme le juge de première instance a adopté le critère de l’évidence énoncé dans Plavix, et qu’il l’a appliqué aux mêmes faits importants présentés devant la Cour suprême, il aurait dû parvenir à la même conclusion. Son erreur vient de ce qu’il n’a pas reconnu que les propriétés inconnues des énantiomères du PCR 4099, ou des autres composés du brevet 875, faisaient échouer l’analyse de l’« essai allant de soi ». En d’autres termes, l’écart entre les connaissances générales courantes et l’idée originale du brevet 777 ne pouvait être comblé par des expériences de routine puisque les résultats à venir étaient incertains. Le fait que les inventeurs, dont les connaissances étaient supérieures à celles de la personne moyennement versée dans l’art, aient tenté de résoudre un certain nombre d’autres composés avant de s’attaquer au PCR 4099, le confirme d’ailleurs : voir les motifs, aux paragraphes 752 à 759.
[65] La juge Gauthier a rédigé des motifs concordants. Elle écrit au paragraphe 137 :
137 Le juge de première instance a estimé que la preuve dont il disposait au sujet de la séparation des énantiomères était très différente de celle qui avait été présentée à la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Plavix, car :(i) d’après lui, une limite avait été tracée au moment du dépôt de la demande, et les commanditaires de médicaments racémiques auraient été motivés, dans le cadre du processus de mise au point, à séparer les énantiomères pour en tirer des données et déjouer de nouvelles exigences réglementaires (voir les motifs, aux paragraphes 748 et 749); (ii) à son avis, la séparation en elle-même ne soulevait pas de difficultés importantes et relevait de la routine. Cependant, le juge Rothstein a bien indiqué dans l’arrêt Plavix que la question de savoir si la séparation ou la résolution des énantiomères était un exercice de routine ou un travail difficile n’aurait que peu de poids en l’occurrence si l’on considère tout l’arrière-plan de la décision de séparer ces énantiomères (voir l’arrêt Plavix, au par. 89).
[175]
Dans l’arrêt Eli Lilly c Mylan, 2015 CAF 286, la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 4 des motifs du juge Dawson, a refusé d’accepter l’application du critère de l’évidence qui consiste « à savoir si la personne versée dans l’art avait de bonnes raisons de chercher des solutions prévisibles ou des solutions offrant des [traduction] “chances raisonnables de succès” »
. La Cour d’appel fédérale a plutôt affirmé, au paragraphe 4, que « […] le critère approprié, et le critère qui devrait être appliqué par la Cour fédérale, est celui établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanof-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265, au paragraphe 66 : “Pour conclure qu’une invention résulte d’un ‘essai allant de soi’, le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas. »
[176]
Peu après l’audience tenue en l’espèce, la Cour d’appel fédérale a rendu le jugement Bristol-Myers Squibb Canada Co c Teva Canada Ltée, 2017 CAF 76 [arrêt Atazanavir]. J’ai donc invité les deux parties à faire leurs présentations selon l’arrêt Atazanavir.
[177]
Dans l’arrêt Atazanavir, le juge Pelletier, pour la Cour d’appel fédérale, s’est penché sur l’examen de l’évidence et sur la doctrine de l’essai allant de soi. La Cour d’appel a confirmé que la caractéristique novatrice de la décision rendue par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi en ce qui concerne l’évidence réside dans son adoption du critère de l’« essai allant de soi »
[au paragraphe 34].
[178]
Au paragraphe 38, la Cour a affirmé que « […] la Cour suprême s’est empressée d’ajouter que “la notion d’essai allant de soi commande la prudence” parce que ce “n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence” : Plavix 1, au paragraphe 64 ».
[179]
La Cour d’appel fédérale a confirmé ce qui suit :
[60] Il est raisonnable de conclure, à la lumière de ces mises en garde, que le critère de l’« essai allant de soi » n’a pas supplanté tout autre examen de l’évidence. En fait, c’est ce que notre Cour a conclu dans l’arrêt Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National-Oilwell Canada Ltd., [2014] 2 R.C.F. 459, 2012 CAF 333, au paragraphe 105.
[180]
Dans ce contexte, la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Atazanavir a aussi mentionné l’examen relatif à l’évidence, antérieur à l’arrêt Sanofi, qu’elle a formulé dans l’affaire Beloit Canada Ltée. c Valmet-Dominion Inc. (1986), 64 NR 287, 8 CPR (3d) 289, à la page 294 (CAF) [Beloit] :
[61] Même si la Cour suprême a accepté le critère de l’« essai allant de soi » à titre d’approche à l’égard de l’examen de l’évidence, il demeure possible d’appliquer d’autres critères, y compris le critère de l’arrêt Beloit, sous réserve des mises en garde de la Cour suprême contre une application « sans égard au contexte » de ce critère, ou d’ailleurs de tout autre critère.
[181]
Le critère Beloit, mentionné dans l’arrêt Atazanavir, exposait l’examen de l’évidence établi précédemment :
La pierre de touche classique de l’évidence de l’invention est le technicien versé dans son art, mais qui ne possède aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d’intuition; un triomphe de l’hémisphère gauche sur le droit. Il s’agit de se demander si, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur Tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet.
[182]
La Cour d’appel fédérale a conclu que l’arrêt Sanofi n’avait pas modifié la définition de l’évidence :
[65] Il pourrait être utile de garder à l’esprit que l’analyse de l’évidence vise à vérifier si la personne versée dans l’art peut rapprocher deux points dans le perfectionnement de la technique en se fondant uniquement sur ses connaissances générales courantes. Si tel est le cas, il y a évidence. Le premier de ces points concerne l’état de la technique à la date pertinente. Dans la jurisprudence, les mentions de l’« idée originale », du « concept inventif », de la « solution enseignée par le brevet », de « ce qui est revendiqué » ou simplement de « l’invention » tentent de définir le second point.
[66] Avant l’arrêt Plavix no 1, la jurisprudence suivait l’arrêt Beloit et appelait le second point la « solution enseignée par le brevet », ce qui était souvent considéré comme le synonyme de « ce qui est revendiqué dans le brevet » ou « l’invention » : Cie pharmaceutique Proctor & Gamble Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2005] R.C.F. 269, 2004 CAF 393, au paragraphe 47; Pfizer Canada Inc. c. Ministre de la Santé, 2007 CAF 209, au paragraphe 133; Novopharm Limited c. Janssen‑Ortho Inc., 2007 CAF 217, au paragraphe 25. La question est celle de savoir si le « concept inventif » visait à redéfinir le second point tel qu’il était interprété avant l’arrêt Plavix no 1. Je souligne que, dans le passage de l’arrêt Pozzoli précité, la Cour d’appel d’Angleterre n’a pas estimé que le « concept inventif » avait changé quelque chose d’essentiel. Si les parties ne peuvent pas s’entendre, on peut l’oublier. Elle s’est ensuite exprimée ainsi, au paragraphe 19 de ses motifs : [traduction] « En fin de compte, ce sont les différences entre ce qui est revendiqué et l’art antérieur qui comptent. » Il s’agit essentiellement de l’état du droit canadien avant l’arrêt Plavix no 1.
[67] Est‑il vrai que la modification de l’un des deux points auxquels j’ai fait référence plus tôt équivaut à modifier la définition de l’évidence? Étant donné que l’évidence porte sur la question de savoir si le passage de l’art antérieur au second point exige l’inventivité, la modification du second point aura une incidence sur la difficulté du passage, ce qui rend l’inventivité plus ou moins probable. Dans ce cas, peut‑on raisonnablement conclure que la Cour suprême entendait modifier la définition de l’analyse de l’évidence lorsqu’elle a adopté, sans aucun commentaire, le cadre Windsurfing/Pozzoli? Est‑il probable que la Cour suprême, après avoir pris grand soin lors de la modification du critère de l’évidence, modifierait la définition de l’évidence sans le dire?
[68] Je suis porté à croire que la Cour suprême ne modifie pas implicitement le droit de fond, surtout qu’elle a adopté une approche prudente à l’égard du changement dans le même contexte : voir Apotex Inc. c. Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 267, 142 C.P.R., (4th) 171, au paragraphe 37.
[Non souligné dans l’original.]
[183]
Dans l’arrêt Atazanavir, la Cour d’appel fédérale a précisé la définition de « concept inventif »
[et voir, à cet égard, le paragraphe 65 qui vient d’être cité plus haut] :
[75] Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclus que le « concept inventif » ne diffère pas sensiblement de « la solution enseignée par le brevet ». Si la Cour fédérale avait appliqué cette définition aux faits, elle aurait conclu que le concept inventif dans la présente affaire est le bisulfate d’atazanavir, un sel pharmaceutiquement acceptable de l’atazanavir, parce que sa biodisponibilité est égale ou supérieure à celle de la base libre d’atazanavir. La biodisponibilité limitée de l’atazanavir était la source de la motivation pour trouver la solution. Le fait que la revendication no 2 du brevet 736 revendique une forme posologique pharmaceutique du bisulfate d’atazanavir de type I confirme qu’il convient à des fins pharmaceutiques.
D.
Analyse de l’évidence
[184]
Ayant ces principes à l’esprit, je procède à l’analyse de l’évidence établie par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi.
E.
Identifier la « personne théorique versée dans l’art »
[185]
Un brevet est traité selon cette notion de la personne versée dans l’art, qui est définie dans la jurisprudence comme étant « dépourvue d’imagination et d’esprit inventif, posséder néanmoins un degré moyen de compétence et de connaissances accessoires au domaine dont relève le brevet […] et faire preuve d’une diligence raisonnable pour se tenir au courant des progrès dans ce domaine »
AstraZeneca Canada Inc. c Apotex inc., 2014 CF 638, au paragraphe 51 (citant Merck & Co., Inc. c Pharmascience Inc., 2010 CF 510, aux paragraphes 34 à 40), conf. par 2015 CAF 158. Dans l’arrêt Beloit, la Cour d’appel fédérale décrit la personne versée dans l’art comme étant un « technicien qualifié mais peu imaginatif »
; voir à ce sujet : AstraZeneca Canada Inc. c Apotex inc., 2014 CF 638 au paragraphe 51 (le juge Rennie, tel était alors son titre) (citant Merck & Co., Inc. c Pharmascience Inc., 2010 CF 510, aux paragraphes 34 à 40 (le juge Hughes)), conf. par 2015 CAF 158 (la juge Dawson).
[186]
En l’espèce, les parties s’entendent pour dire que la personne versée dans l’art pourrait être une équipe de personnes ou une personne qui détient au moins un baccalauréat, soit un diplôme universitaire en chimie, en pharmacologie ou dans tout autre domaine pertinent, et une expérience pratique pertinente dans les secteurs de la chimie pharmaceutique ou le développement préclinique de médicaments et de drogues pharmacocinétiques.
[187]
Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la personne versée dans l’art doit avoir une expertise clinique ou médicale : Teva affirme que la personne versée dans l’art doit avoir une expertise clinique ou médicale, ce que Pfizer conteste. Lors du contre-interrogatoire, le Dr Lieberman (un psychiatre et expert clinique engagé par Teva) reconnaît que l’expérience clinique n’est pas nécessaire pour lire et comprendre le brevet 668, y compris l’information sur les essais cliniques et les effets secondaires. L’expert de Teva est également d’accord pour dire que la personne versée dans l’art pourrait voir qu’une modification à la formule corrigerait les effets secondaires liés à la tolérance ou à ceux qui s’y rapprochent. Le Dr Lieberman est également d’accord pour dire qu’une personne qui sait formuler des médicaments ou un pharmacologue, par exemple, pourrait comprendre qu’en préparant une formule à libération continue, cela réduirait les symptômes gastro-intestinaux et autres effets secondaires. Je note à cet égard que le brevet 668 ne précise aucun dosage particulier dans la revendication 43 qui parle plutôt d’« une dose thérapeutique acceptable »
; le brevet 668 ne revendique pas 75 mg ou 50 mg ou 100 mg ni même toute autre dose du médicament. À mon avis, cela indique que la dose ou « une dose thérapeutique acceptable »
du médicament revendiqué est déterminée par une personne ayant une expertise médicale par rapport à ses patients. Dans ces circonstances, et à mon humble avis, la personne versée dans l’art n’a donc pas besoin d’une expertise clinique ou médicale.
F.
Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l’art
[188]
Les parties ne s’entendent pas sur ce que sont les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l’art.
[189]
Les parties s’accordent sur quelques-unes des connaissances générales courantes et l’état de la technique au 12 février 2001. Les parties sont généralement d’accord sur les méthodes et les techniques de la formation du sel et des cristaux et que la préparation de formules à libération continue était déjà connue dans l’état de la technique. De plus, la personne moyennement versée dans l’art saurait que l’ODV avait été divulgué et revendiqué comme métabolite actif de la venlafaxine et fait partie de la catégorie des composés de plusieurs brevets : l’ODV a été divulgué dans les brevets US186, CA 540 et WO 851.
[190]
Les parties sont également d’accord pour dire que l’antériorité a divulgué l’ODV tant sous forme libre que sous la forme saline d’un fumarate, et que d’autres sels pharmaceutiquement acceptables (y compris le succinate, parmi au moins onze (11) autres sels indiqués dans le brevet US 186, à la colonne 2, ll. 35 et suivantes; les onze mêmes sels ont été indiqués dans le brevet CA 540; le brevet international 851 énumérait vingt-six autres sels non toxiques pharmaceutiquement acceptables susceptibles d’être amenés à réagir pour former des sels d’ODV.
[191]
Pfizer a toutefois raison de dire que, bien que l’antériorité ait divulgué explicitement l’ODV sous forme libre et sous la forme saline d’un fumarate, et le succinate d’ODV en tant que sel éventuel, aucune forme cristalline de ce sel, et encore moins le succinate d’ODV de forme I cristalline, n’avait été divulguée, produite ou caractérisée explicitement. De plus, aucune antériorité n’a démontré la préparation fructueuse d’un sel sous la forme du succinate d’ODV, ni, ce qui est plus important en l’espèce, la préparation fructueuse du succinate d’ODV de forme I, et aucune antériorité n’a divulgué l’une des propriétés ni le succinate d’ODV ou le succinate d’ODV de forme I.
[192]
À mon avis, les expériences requises pour passer de sels pharmaceutiquement acceptables au succinate d’ODV de forme I étaient très nombreuses, comme l’indique M. Myerson au paragraphe 81 de son affidavit, et de la nature d’un programme de recherche plutôt que de travaux d’expérimentation courants. Même si une personne versée dans l’art peut avoir eu certaines attentes générales concernant les sels qui peuvent se former, ces attentes étaient théoriques et les éléments de preuve démontrent que des essais empiriques étaient requis pour établir si un sel pouvait être produit, et que ce n’est qu’alors que ses propriétés pouvaient être évaluées. Il était impossible de prédire lesquels de nombreux sels possibles, le cas échéant, auraient les propriétés les mieux indiquées pour être formulés en tant que drogue en ce qui concerne la stabilité, la solubilité, la perméabilité et la biodisponibilité. La connaissance de l’antériorité des cristaux était sensiblement la même : la personne versée dans l’art saurait et ne pourrait pas prédire quel sel se cristalliserait ni les propriétés que la forme cristalline éventuelle présenterait. On n’aurait pas su à l’avance que le succinate, ou que le succinate d’ODV de forme I cristalline, selon la formulation du critère Sanofi, « fonctionnerait ».
[193]
La personne versée dans l’art savait aussi que même le fait de réussir à produire un sel n’était qu’une partie de l’énigme; elle savait qu’on tentait normalement d’obtenir un solide cristallin stable pour la préparation de sels pharmaceutiques afin de les formuler en médicaments pharmaceutiques. Il n’était toutefois ni connu ni prévisible si une tentative de formation de sels en particulier produirait ou non des cristaux – pour ne pas dire des cristaux stables. Les personnes versées dans l’art ne sauraient pas à l’avance la façon dont un solide cristallin (éventuel) d’un composé donné pourrait être produit, le nombre de formes cristallines de ce composé qui pourrait exister (y compris les formes hydratées et solvatées), ce que seraient ces formes ou les propriétés qu’elles posséderaient. Elles sauraient que certains sels pourraient se cristalliser et que certains pourraient donner des formes amorphes, mais elles sauraient aussi que d’autres sels ne formeraient pas de cristaux.
[194]
La personne versée dans l’art saurait en général qu’il existe un criblage de forme cristalline et polymorphe. Comme Mme Park l’a déclaré (voir au paragraphe 129 et ce qui suit ci-dessus), le criblage des polymorphes ne constituait pas un travail courant, était difficile et, selon son expérience, qui est considérable, exigeait de la compétence et du jugement. On ne pouvait pas prédire au début d’un criblage de formes polymorphes le nombre de formes solides qui seraient détectées, ce qu’elles seraient, ni quelles formes solides résulteraient d’une méthode ou de conditions données. Par conséquent, comme Mme Park l’a déclaré sur la foi de son expérience, et comme M. Myerson l’a déclaré en tant que témoin expert en la matière, ce procédé nécessite souvent la réalisation de nombreuses expériences et analyses, et le recours à la stratégie et au jugement pour prendre des décisions sur la façon de procéder en fonction des résultats obtenus de sorte que le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé.
[195]
Je retiens le témoignage rendu de M. Myerson à l’égard des criblages de sels et du criblage de formes cristallines et polymorphes. M. Myerson était professeur en pharmacie industrielle et en pharmaceutiques au MIT. À mon avis, son témoignage était complet et crédible. Il possède ce que j’estime être une très vaste expérience de l’enseignement universitaire et de la recherche en cristallisation industrielle et en cristallisation des solides pharmaceutiques – les questions en cause à l’égard du succinate d’ODV de forme I. Son témoignage à l’égard du procédé de criblage des cristaux et des polymorphes est corroboré par le témoignage rendu par Mme Park de son expérience, que j’ai retenu et qui est exposé aux paragraphes 129 et suivants des présents motifs. Je suis conscient que Mme Park compte parmi les inventeurs désignés du brevet 668, mais cela n’enlève rien à son témoignage.
[196]
M. Myerson a déclaré ce qui suit :
[traduction] Choix d’un sel indiqué
54. Afin d’établir si un composé peut former des sels et, le cas échéant, de détecter les sels les mieux indiqués d’un composé actif donné pour le développement, les scientifiques tenteront de produire et de mettre à l’essai un certain nombre de sels différents et en examineront les propriétés dans le cadre d’un procédé appelé « criblage des sels ». Si le composé actif est une base, un criblage des sels visera à découvrir un acide qui pourrait former un sel avec cette base libre. En revanche, si le composé actif est acide, le criblage des sels consiste à découvrir une base qui peut former un sel avec l’acide libre.
55. Au cours d’une expérience de criblage des sels pour une base libre, les scientifiques dissoudront la base libre et un catalyseur de sel acide éventuel et tenteront de précipiter un sel à partir du mélange en modifiant les conditions du système. Ces expériences nécessitent le recours à différentes conditions de concentration et de température et à différents solvants et mélanges de solvants. Les expériences étaient répétées pour chaque contre-ion possible (c.-à-d., l’acide).
56. Le criblage des sels a pour objet principal d’établir si les sels du composé peuvent être préparés avec les différents contre-ions à l’étude, si le sel formé est cristallin et si la forme est stable. Le choix d’acides (ou de bases) possibles pour la formation de sels pharmaceutiques peut être vaste. Il ne se limite aux contre-ions déjà utilisés dans des produits pharmaceutiques approuvés, mais comprendrait tout acide présent dans la nourriture ou les boissons qui sont généralement considérées comme sans danger.
57. Le choix des sels et le procédé de formation sont hautement imprévisibles. En effet, on ne peut pas prédire avant de tenter effectivement de former un sel si un composé médicamenteux actif donné produira un sel en réagissant avec un acide donné ou une base donnée ni ce que seront les propriétés de ce sel.
58. Une fois un sel détecté avec un contre-ion donné, ce sel est alors habituellement soumis au criblage d’une forme solide (polymorphe), qui consiste en une autre gamme d’expériences menées dans un éventail de conditions pour établir les formes cristallines qui existent, le cas échéant, pour ce sel donné.
59. La forme solide d’une forme saline donnée peut avoir une incidence importante sur un certain nombre de propriétés physiques et chimiques de l’IPA, y compris la solubilité, le taux de dissolution, la stabilité chimique, l’hygroscopicité, la forme des cristaux et les caractéristiques de fabrication et de traitement. Les scientifiques ne peuvent pas prédire l’incidence que la formation d’une forme solide donnée d’un sel aura sur ces propriétés avant la formation réussie et l’analyse du sel et de ses formes solides. Il n’est donc pas possible de prédire avant de produire effectivement le sel si sa formation donnera une forme solide (cristalline ou amorphe), encore moins une forme solide dont les propriétés sont plus souhaitables que celles de la forme libre ou d’autres formes salines de la drogue.
Solides cristallins ou amorphes
60. Les cristaux sont des solides ayant une structure régulière et périodique composée d’atomes ou de molécules formant un motif répété qui s’étend dans trois dimensions. Lorsque les cristaux sont formés lentement et soigneusement, ils ont normalement des faces planes (surfaces plates qui s’étendent dans différentes directions) qui se voient à l’œil nu Ces faces planes peuvent être observées en examinant à la loupe une matière courante comme le sel blanc. Elles peuvent être observées aussi dans les beaux échantillons de minéraux qui sont souvent exposés dans les musées.
61. Les matières cristallines ne présentent pas toutes ces faces planes évidentes. Les matières telles que l’acier, le béton, les os et les dents sont composées de petits cristaux qui sont perceptibles à la lumière ou sous un microscope électronique. D’autres matières encore, telles que le bois, la soie, les cheveux et de nombreux polymères solides (les plastiques), ne sont que partiellement cristallines ou ont des régions cristallines.
62. Les solides qui ne sont pas cristallins et qui ne respectent aucun ordre à grande distance – par exemple, le verre – sont dits amorphes. Les solides amorphes sont souvent (mais pas toujours) moins stables d’un point de vue chimique que les solides cristallins (une propriété qui n’est pas souhaitable dans un produit pharmaceutique). Ils sont habituellement plus solubles que les matières cristallines (une propriété souhaitable dans un produit pharmaceutique). Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles un composé pourrait former un solide amorphe, plutôt qu’un solide cristallin. Une raison courante est la présence d’impuretés qui bloquent la formation du réseau cristallin (voir l’explication ci-dessous). Les matières peuvent aussi être des mélanges de solides cristallins et amorphes. Par exemple, un échantillon peut être en grande partie amorphe et contenir certains cristaux, et vice versa.
63. Les cristaux sont constitués de molécules qui interagissent entre elles pour former différents types de liaisons chimiques. Elles sont habituellement classées comme liaisons ioniques, covalentes, métalliques, de Van der Waals ou hydrogènes, les trois premières liaisons étant plus solides que les deux dernières. Les molécules organiques (des molécules contenant du carbone) forment des cristaux communément appelés cristaux moléculaires, dans lesquels les molécules sont tenues ensemble sous forme cristalline par des forces d’attraction de Van der Waals faibles.
64. La structure interne d’un cristal moléculaire, appelée structure cristalline ou réseau cristallin, dépend de la position des molécules par rapport aux autres dans un espace tridimensionnel. Différents sels du même composé d’origine présenteront différentes structures cristallines, parce qu’ils seront constitués de différentes molécules.
65. Le procédé de formation des cristaux est appelé cristallisation. La cristallisation à partir d’une solution est la méthode de cristallisation la plus courante. Selon cette méthode, la cristallisation est provoquée en modifiant l’état du système pour réduire la solubilité de la substance d’intérêt. L’état peut être modifié par le refroidissement, l’évaporation du solvant, la modification de la composition du solvant, une réaction chimique ou la modification du pH. La modification de l’état donne lieu à la formation d’un solide cristallin au moyen de procédés appelés communément nucléation (la naissance de nouveaux cristaux) et croissance cristalline (l’obtention de noyaux de dimensions accrues).
66. La nucléation du cristal initial est imprévisible, et il est souvent difficile de cristalliser un nouveau composé synthétisé pour la première fois. Après l’obtention du cristal initial, il peut servir à faire « germer » des solutions visant à faciliter une plus ample cristallisation du composé. Dans certaines circonstances, l’étape de la nucléation peut être retardée presque indéfiniment. Par exemple, une solution de salicylate de phényle peut être conservée à l’état liquide pendant plusieurs années sans qu’aucune forme solide n’émerge de cette solution.
Polymorphisme
67. Certaines espèces chimiques peuvent se cristalliser en plus d’une seule structure cristalline tridimensionnelle. Ce phénomène s’appelle polymorphisme (ou allotropisme dans le cas d’une espèce qui est un élément, tel le carbone). Bien que le polymorphisme soit relativement courant parmi les molécules organiques, le fait qu’un composé particulier soit capable ou non de polymorphisme – et, s’il l’est, le nombre de polymorphes qui peuvent exister – ne peut pas être prédit et doit être établi de façon empirique (dans la mesure du possible).
68. Différents polymorphes de la même matière peuvent posséder des propriétés très différentes. Un exemple flagrant est celui du carbone, qui peut se cristalliser comme graphite ou comme diamant. Les propriétés de ces deux solides telles que la dureté, la densité, la conductivité électrique et la forme sont très différentes, même s’ils sont tous deux cristallins. Ces différences importantes dans les propriétés, entraînées par des différences dans la structure cristalline, ne sont pas propres au carbone; elles peuvent se produire dans toutes les matières qui présentent le polymorphisme. On compte parmi les propriétés qui varient normalement parmi les polymorphes la solubilité, le taux de dissolution et la pression de vapeur.
69. À une température donnée, un polymorphe sera la forme stable sur le plan thermodynamique (des polymorphes qui sont actuellement connus d’un composé donné). Cela ne signifie pas qu’aucun autre polymorphe ne peut exister dans ces conditions; cela signifie qu’un polymorphe est stable et que tout autre polymorphe qui est présent peut prendre la forme polymorphique stable avec le temps. Le rythme de cette transition, ou même si elle se produit, dépend de diverses conditions, telles que la température, la pression, la présence d’un solvant, la stabilité relative des formes cristallines et la solubilité des polymorphes.
[…]
Pseudo-polymorphisme
71. Les observations ci-dessus concernant la stabilité thermodynamique des polymorphes ne s’appliquent qu’aux formes solides à composant unique (polymorphes véritables). Les formes solides d’une autre catégorie associée sont appelées couramment pseudo-polymorphes.
72. Le pseudo-polymorphisme désigne la capacité de certains composés de se cristalliser pour former une structure dont le réseau cristallin contient un solvant. Ces cristaux sont appelés couramment solvates. Un solvate dans lequel le solvant est l’eau est habituellement appelé hydrate. Pour un pseudo-polymorphe donné, le rapport entre le nombre de molécules de solvant et le nombre de molécules de l’espèce chimique elle-même est habituellement fixe. On appelle ce rapport la stœchiométrie. Ces formes sont appelées pseudo-polymorphes parce que, bien qu’elles concernent les mêmes composés, leur structure contient aussi des molécules de solvant.
73. Chaque pseudo-polymorphe d’une stœchiométrie donnée peut lui-même comporter des polymorphes, de sorte qu’un composé peut comporter des polymorphes du composé lui-même (composant unique). De plus, si le composé présente, par exemple, une forme monohydratée et une forme dihydratée, chacune de ces formes peut aussi comporter des polymorphes.
74. Différentes formes cristallines d’un IPA possèderont différentes propriétés et se distingueront aussi de la forme amorphe. De plus, les solvates et les hydrates possèderont aussi des propriétés qui se distinguent de celles des autres formes cristallines et qui se distinguent entre elles. Ces différences dans les propriétés des formes solides peuvent avoir une incidence importante sur la fabricabilité et sur le rendement du médicament.
75. La stabilité thermodynamique d’un composé se complique donc dans le cas de systèmes qui comportent plusieurs polymorphes et pseudo-polymorphes (et des polymorphes de pseudo-polymorphes). Les énoncés de stabilité doivent inclure à la fois la température et la présence d’un solvant. Par exemple, il faut préciser à la fois la température et la présence d’eau en parlant de la stabilité relative d’hydrates par rapport à une forme non hydratée (ou d’hydrates entre eux).
76. Comme dans le cas des différents polymorphes d’un composé donné, on ne saurait non plus prédire si un composé peut présenter ou non un ou plusieurs pseudo-polymorphes et, le cas échéant, en quoi ces pseudo-polymorphes peuvent consister. Le fait de connaître l’existence de polymorphes ou pseudo-polymorphes dans un composé ne renseigne pas utilement sur l’existence de polymorphes ou de pseudo-polymorphes dans un autre composé (même si les composés ont une structure semblable ou sont des sels différents de la même molécule).
[…]
Importance des polymorphes dans l’industrie pharmaceutique
77. Les modifications de l’état solide d’un composé peuvent se traduire par d’importantes différences dans ses caractéristiques chimiques et physiques. Ces différences peuvent avoir une incidence sur la fabricabilité, sur le rendement ou sur la qualité du médicament. Étant donné que de nombreux composés pharmaceutiques importants présentent le polymorphisme et le pseudo-polymorphisme (et peuvent donc exister sous différentes formes), l’étude de la forme cristalline d’un composé revêt une grande importance dans l’industrie pharmaceutique.
78. L’une des illustrations les mieux connues de l’importance du polymorphisme dans les produits pharmaceutiques concerne le médicament antirétroviral ritonavir (Norvir). En 1998, après l’approbation et la mise sur le marché du médicament, une forme plus stable et moins soluble est apparue dans la formulation qui a entraîné des défauts de dissolution des capsules à enveloppe molle. Le nouveau polymorphe étant moins soluble, une quantité inférieure du médicament était absorbée dans le sang, et la forme pharmaceutique contenue dans les capsules à enveloppe molle ne fonctionnait plus. Le produit a été retiré du marché parce que le procédé de fabrication ne parvenait plus à produire la fiabilité polymorphe souhaitée. Le fabricant a appris par la suite que la présence d’une faible impureté dans le procédé avait entravé la production d’une forme plus stable. Une fois cette impureté disparue, la forme plus stable – et moins soluble – a émergé. Le produit a fini par être reformulé au moyen du polymorphe plus stable et a été relancé de nouveau. Cet exemple démontre que, lors de l’évaluation de la stabilité d’un polymorphe, on ne peut indiquer qu’une forme donnée est la plus stable des formes découvertes à ce jour, puisque la découverte d’une nouvelle forme plus stable demeure possible.
79. De plus, la forme la plus stable d’un composé connu n’est pas nécessairement la forme qui possède les propriétés souhaitées. L’historique du paracétamol (connu aussi sous le nom d’acétaminophène) illustre les problèmes observés dans la définition du polymorphe qui convient aux formulations pharmaceutiques. Dans le milieu des années 1990, Wyeth a tenté pour la première fois d’utiliser la forme I, une forme stable sur le plan thermodynamique, dans les formulations pharmaceutiques. Sa structure cristalline présentait toutefois certaines propriétés qui rendaient sa formulation orale très dispendieuse et problématique à produire. D’autres polymorphes étaient difficiles à isoler et à produire sous une forme stable. Un polymorphe a été observé seulement lors d’expériences de fusion et a été déclaré instable à un point tel qu’aucun cristal n’avait pu être isolé à ce jour. Le troisième polymorphe, la forme II, avait été presque impossible à reproduire de façon stable pendant plus de 20 ans. Wyeth a consacré d’énormes ressources à cristalliser de façon fiable la forme II avant de constater que la forme II se transformait en la forme I s’il était permis qu’elle demeure en solution ou si elle était conservée sans être séchée, mais ne se transformait pas en la forme I si elle était moulue ou comprimée. Il s’agit d’un autre exemple de la façon dont les variations dans les conditions d’expérimentation ou de fabrication peuvent dissimuler l’existence d’autres polymorphes, y compris de ceux peuvent convenir mieux aux formulations pharmaceutiques que le polymorphe le plus stable du composé qui est connu.
80. De nos jours, la recherche de formes cristallines, dont les polymorphes, les solvates et les hydrates, est devenue un élément important du développement de nouveaux produits pharmaceutiques. Le criblage des polymorphes est un long processus qui ne permet pas de prédire la définition réussie d’une forme à l’état solide propre au développement. Le criblage de formes solides pour un composé donné peut nécessiter la réalisation de milliers d’expériences échelonnées sur de nombreux mois ou même sur une plus longue période. Il n’y a pas de méthode « normale » pour effectuer le criblage d’une forme solide et le nombre d’expériences, et les conditions essayées dépendent des choix de l’enquêteur et du temps prévu pour le criblage.
81. Bien que les méthodes générales de cristallisation sous différentes conditions et avec différents solvants étaient connues dans l’art à partir du début des années 2000, il existe un large éventail de combinaisons de variables, telles que les solvants, les mélanges de solvants, les températures, les taux de refroidissement, les taux d’évaporation, qui pouvaient servir à tenter de produire de nouvelles formes à l’état solide. Ainsi, le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé.
82. Dans l’ensemble, à l’égard d’un composé donné, une personne versée dans l’art au début des années 2000 n’aurait pas pu prédire ce qui suit :
a) si elle pouvait produire une forme cristalline de ce composé;
b) dans l’affirmative, les efforts requis pour la réaliser;
c) en quoi consisteraient les propriétés du composé, y compris l’existence d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates de cette forme cristalline;
d) en cas d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates, dans quelles conditions ces polymorphes, solvates et hydrates pouvaient être préparés;
e) en quoi consisteraient les propriétés de n’importe lequel des polymorphes, solvates et hydrates.
83. Par conséquent, même si d’éventuelles formes solides sont découvertes, ces formes pourraient ne pas convenir à la formulation ou à la fabrication d’un médicament, et donc au développement d’un médicament. Les propriétés telles que l’hygroscopicité, la solubilité, la stabilité à l’état solide, la stabilité chimique et la forme des cristaux (entre autres) peuvent avoir une incidence sur la pertinence d’une forme solide.
84. Selon le résumé fourni dans une publication contemporaine à la date du brevet 668, [traduction] « la pertinence du polymorphisme est évidente, mais demeure un sujet qui n’est pas complètement ou largement compris à un niveau fondamental ». L’imprévisibilité inhérente de la forme solide cristalline a été reconnue dans une publication scientifique :
[traduction] Il n’est pas possible de prédire avec suffisamment de confiance la structure cristalline d’une matière organique […] L’éventail et la combinaison des conditions de croissance des cristaux sont presque infinis, et il n’y a aucune façon de garantir que des polymorphes additionnels seront préparés, et encore moins qu’ils seront « tous » produits.
Cette déclaration faite en 1993 est encore vraie, même de nos jours. D’autres sources contemporaines au brevet 668 soulignent de façon semblable le caractère imprévisible du développement de polymorphes.
[Non souligné dans l’original. Renvois omis.]
[197]
Teva argumente que les connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art comprennent des éléments additionnels. Une forme de sel est souvent préférable à une base pure à cause de la cristallinité, de la solubilité, de l’hygroscopicité, de la stabilité et du profil du processus. J’accepte ces arguments, mais j’accepte également les mots de la conclusion du paragraphe du brevet 668 sur lequel Teva s’appuie et où il est écrit : [traduction] « [L]a détermination d’une forme de sel qui présente une combinaison appropriée de caractéristiques, peut être difficile »
. Dans le cadre des connaissances générales courantes, Teva confirme un point que Pfizer a aussi affirmé, notamment que le sel d’un composé est normalement plus soluble que la base pure du même composé.
[198]
Teva affirme encore qu’il était connu qu’une telle augmentation de la solubilité [traduction] « améliore également la biodisponibilité »
dans les circonstances où la solubilité est faible ou à un taux limitatif [je souligne]. Toutefois, je préfère retenir la preuve que Teva a obtenue pendant le contre-interrogatoire de M. Polli de Pfizer selon laquelle ce que l’on savait était simplement que dans [traduction] « certaines circonstances, améliorer la solubilité pourrait augmenter la biodisponibilité »
[je souligne], quand le taux de dissolution est limitatif.
[199]
Teva affirme que les stratégies et les procédures relatives à la sélection de sels sont bien connues, que les instances réglementaires exigent des tests pour la stabilité et le polymorphisme, et qu’une simple étude préliminaire peut normalement indiquer la présence d’un hydrate stable. Je préfère le témoignage de M. Jamali qui indique que seules les caractéristiques comme le point de fusion, la stabilité et le polymorphisme devaient être testées pour arriver à les déterminer. Teva ne tient pas compte du fait qu’il était aussi connu que la recherche et les études empiriques devaient se faire comme je le conclus ci-dessus; à mon avis, la personne versée dans l’art saurait qu’un programme de recherche se penchant sur des données empiriques non encore découvertes serait nécessaire si, en effet, quoi que ce soit de valable devait être découvert à cet égard.
[200]
Je suis d’accord pour dire que la sélection de sels est une procédure qui était en général connue à l’époque.
[201]
En ce qui a trait aux instances réglementaires, et les exigences en matière de test, cela est plus compliqué que ne l’affirme Teva. Cela a été détaillé dans le contre-interrogatoire de M. Myerson de Pfizer et sur lequel s’appuie Teva, et fait partie de la preuve de Teva, que je retiens à cet égard. M. Myerson témoigne que les documents d’orientation de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis [traduction] « exige actuellement que des études poussées en matière de polymorphisme soient effectuées dans les conditions liées à la dernière étape d’isolement de l’IPA. Il n’y a pas d’exigence de la FDA qu’un test exhaustif de polymorphes soit fait pour essayer de trouver toutes les formes possibles. Ce qui l’intéresse vraiment est de savoir quelles formes peuvent exister dans les conditions que vous utilisez à la dernière étape d’isolement, si vous en êtes conscient et si vous savez contrôler le processus. Et ensuite, pour toutes les formes que vous avez déterminées, si elles étaient stables, et, dans bien des cas, les instances réglementaires exigent que soit effectué le test de stabilité et de polymorphisme avant de mettre un médicament sur le marché. »
[Non souligné dans l’original.]
[202]
Teva ajoute encore que la personne versée dans l’art tenterait de déterminer la forme la plus stable d’un composé; je suis d’accord, mais j’accepte ce que M. Jamali a ajouté lors du contre-interrogatoire, notamment que, pour diverses raisons, les développeurs de médicaments éliminent les formes hydratées ou les formes solvatées. Ils choisiraient alors les formes non solvatées les plus stables.
[203]
Teva a ensuite affirmé que les tests de stabilité, ce que j’appellerais des études et de la recherche, consistent à tester la stabilité et l’hygroscopicité (absorption d’eau). Je suis d’accord, notant qu’il y a différentes manières d’étudier l’hygroscopicité comme M. Chyall a témoigné lors du contre-interrogatoire.
[204]
Teva affirme encore que les formes hydratées sont souvent préférées, parce qu’elles ont généralement moins tendance à être hygroscopiques et, par conséquent, peuvent être plus stables, ce que j’accepte. J’accepte que les hydrates doivent être déterminés tôt pour éviter la répétition des tests.
[205]
Mais ces facteurs confirment simplement les possibilités de recherche.
[206]
Étant donné que ni le succinate d’ODV ni aucune autre de ses formes ou de ses propriétés, y compris le succinate d’ODV de forme I, n’étaient connus à partir de 2001, j’estime en toute déférence qu’une personne versée dans l’art n’aurait pas pu savoir, anticiper ni prédire les propriétés du succinate d’ODV de façon générale, ou du succinate d’ODV de forme I, ou, plus précisément, si ces propriétés étaient propices à la formulation d’une forme pharmaceutique à libération continue, et encore moins d’une forme présentant un profil pharmacocinétique précis.
[207]
Les faits à cet égard sont présentés dans la conclusion de M. Myerson qui mérite d’être répétée ici :
82. Dans l’ensemble, à l’égard d’un composé donné, une personne versée dans l’art au début des années 2000 n’aurait pas pu prédire ce qui suit :
a) si elle pouvait produire une forme cristalline de ce composé;
b) dans l’affirmative, les efforts requis pour la réaliser;
c) en quoi consisteraient les propriétés du composé, y compris l’existence d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates de cette forme cristalline;
d) en cas d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates, dans quelles conditions ces polymorphes, solvates et hydrates pouvaient être préparés;
e) en quoi consisteraient les propriétés de n’importe lequel des polymorphes, solvates et hydrates.
83. Par conséquent, même si d’éventuelles formes solides sont découvertes, ces formes pourraient ne pas convenir à la formulation ou à la fabrication d’un médicament, et donc au développement d’un médicament. Les propriétés telles que l’hygroscopicité, la solubilité, la stabilité à l’état solide, la stabilité chimique et la forme des cristaux (entre autres) peuvent avoir une incidence sur le caractère convenable d’une forme solide.
84. Selon le résumé fourni dans une publication contemporaine à la date du brevet 668, [traduction] « la pertinence du polymorphisme est évidente, mais demeure un sujet qui n’est pas complètement ou largement compris à un niveau fondamental ». L’imprévisibilité inhérente de la forme solide cristalline a été reconnue dans une publication scientifique :
[traduction] Il n’est pas possible de prédire avec suffisamment de confiance la structure cristalline d’une matière organique […] L’éventail et la combinaison des conditions de croissance des cristaux sont presque infinis, et il n’y a aucune façon de garantir que des polymorphes additionnels seront préparés, et encore moins qu’ils seront « tous » produits.
Cette déclaration faite en 1993 est encore vraie, même de nos jours. D’autres sources contemporaines au brevet 668 soulignent de façon semblable le caractère imprévisible du développement de polymorphes.
G.
Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation
[208]
La prochaine étape de l’analyse de l’évidence suivant l’arrêt Sanofi consiste à définir le concept inventif. Dans l’arrêt Atazanavir, la Cour d’appel fédérale a établi que l’« étape inventive »
correspond à « la solution enseignée par le brevet »
. Dans ce contexte, compte tenu des observations de la Cour d’appel fédérale concernant l’arrêt Beloit, et de la décision de la Cour suprême dans Sanofi, à mon humble avis « ce qui est revendiqué dans le brevet »
et « l’invention »
sont synonymes de l’« étape inventive »
et de « la solution enseignée par le brevet »
.
[209]
Ce deuxième élément, la solution enseignée par le brevet, appelée aussi le concept inventif, doit être évalué au regard de chaque revendication en cause : arrêt Sanofi, au paragraphe 67. J’accepte que différentes revendications puissent avoir différents concepts inventifs, et comme l’a témoigné l’expert de Teva, M. Fiese, une forme cristalline revendiquée peut être un concept inventif différent qu’une revendication pour une forme de sel. M. Fiese était d’accord lors du contre-interrogatoire pour dire que : [traduction] « les formes cristallines sont des concepts inventifs qui sont séparés de l’idée originale d’un sel ».
Voir également : Pozzoli Spa c BDMO, [2007] FSR 37 (2007), au paragraphe 17 :
[traduction] Ce qui est maintenant devenu la deuxième étape, soit la définition du concept inventif, a aussi besoin d’être précisé. Qu’on me permette de reproduire ici les observations que j’ai formulées à ce sujet dans Unilever Pie c Chefaro Proprietaries Ltd [1994] RPC 567, à la page 580 :
[traduction] « C’est le concept inventif de la revendication en question qu’il faut prendre en considération, et non une généralisation opérée à partir de l’ensemble du mémoire descriptif. À chaque revendication peut correspondre, et correspond en général, un concept inventif distinct. »
i.
Revendications 8 et 9
[210]
Les revendications 8 et 9 visent le monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I, c’est-à-dire le succinate d’ODV de forme cristalline. Les revendications 8 et 9 revendiquent une composition de matière nouvelle et distincte. La revendication 8 indique que la forme cristalline présente une empreinte, notamment une diffraction de rayons X caractéristique comme l’indique la figure 1, tandis que la revendication 9 désigne une autre empreinte, notamment que le polymorphe cristallin présente une caractéristique endothermique (point de fusion) à environ 131 ⁰C. À mon avis, ces données d’identification ou de caractéristiques, qui sont intrinsèques à la nouvelle forme cristalline, ne sont pas l’invention; ces caractéristiques ne sont pas le concept inventif ni ne représentent une solution préconisée par le brevet 668.
[211]
En toute déférence, la solution enseignée par ces deux revendications, leur concept inventif, est la forme cristalline nouvelle du succinate d’ODV appelée « forme I »
. En bref, le concept inventif ou la solution enseignée par le brevet 668 est la nouvelle forme cristalline, dite forme I, du succinate d’ODV.
[212]
Dans ses affidavits, Teva présente une idée générale globale qui s’applique à toutes les revendications pertinentes du brevet 668. M. Fiese de Teva a déclaré ceci : [traduction] « la personne versée dans l’art pourrait interpréter le concept inventif du brevet 668 (y compris les revendications 1, 2, 4 à 9, 20, 21, 23 à 33, 43 et 44), en tant que succinate d’O-desméthyl-venlafaxine (“ODV”) et ses caractéristiques physicochimiques et pharmacocinétiques améliorées, par rapport à d’autres formes d’ODV ».
M. Jamali a témoigné pour Teva que les revendications 1, 43 et 44 avaient le même concept inventif. Le Dr Lieberman a déclaré que le concept inventif était le même pour toutes les revendications, notamment : [traduction] « [...] Le succinate d’ODV a des caractéristiques chimiques et pharmacocinétiques supérieures par rapport aux autres sels et bases pures d’ODV ».
[213]
Toutefois, en contre-interrogatoire, M. Fiese était d’accord pour dire que, non seulement les [traduction] « formes cristallines peuvent être des concepts inventifs qui sont séparés de l’idée originale d’un sel »
, mais plus loin dans l’affidavit qu’il a présenté, il indique [traduction] « la revendication 33 revendique l’utilisation de succinate d’ODV pour le traitement de la dépression »
, et que [traduction] « les revendications 43 et 44 visent l’utilisation d’une dose ou d’une formule de succinate d’ODV à libération continue pour atteindre un taux précis de sérum ou de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL. »
Concernant les revendications maintenant en litige, les revendications 8 et 9, M. Fiese était d’accord en contre-interrogatoire avec l’avocat de Pfizer pour dire que [traduction] « dans la mesure où les revendications 4 à 9 concernent diverses formes à l’état solide de succinate d’ODV, vous reconnaissez qu’elles pourraient être associées à d’autres concepts inventifs? »
[214]
Il n’y a aucun doute que les cinq revendications en litige sont associées à la revendication 1, qui n’est pas invoquée; la revendication 1 porte sur la forme saline du succinate d’ODV ([traduction] « [U]n composé qui est le succinate O-desméthyl-venlafaxine ou un mélange de sel correspondant ».
[215]
Toutefois, étant donné cet élément de preuve, plus précisément le témoignage de M. Fiese pour Teva pendant le contre-interrogatoire, je ne suis pas d’accord pour dire qu’il y a un concept inventif global ou une solution préconisée par le brevet qui s’applique aux cinq revendications en litige.
ii.
Revendication 33.
[216]
La revendication 33 dépend des revendications 8 et 9. La revendication 33 affirme ce qui suit : [traduction] « [U]tilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement de la dépression. »
Il s’agit d’une revendication relative à l’utilisation et, dans le contexte du présent litige, de la revendication de l’utilisation d’une quantité efficace de monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I, c’est-à-dire de l’utilisation d’une quantité efficace de succinate d’ODV de forme cristalline pour le traitement de la dépression.
[217]
Je ne peux pas accepter qu’une revendication « globale »
, comme les témoins de Teva le prétendent, s’applique à la revendication 33, pas plus qu’une telle revendication globale s’applique aux revendications 8 et 9. Une telle interprétation n’est pas conforme à la preuve ni à l’interprétation de la revendication 33 qui est clairement rédigée. Je ne vois aucun motif pour m’éloigner de sa définition simple, modifiée seulement par la reconnaissance que son concept inventif, ou ce que le brevet 668 préconise à cet égard, doit être examiné en tenant compte du contexte de mes conclusions au regard des revendications 8 et 9 sur lesquelles elle dépend.
[218]
Par conséquent, le concept inventif ou la solution enseignée par la revendication 33 est l’utilisation d’une quantité efficace de monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I cristalline pour le traitement de la dépression.
iii.
Revendication 43
[219]
La revendication 43 se lit ainsi : [traduction] « Utilisation d’une quantité thérapeutiquement efficace d’une forme pharmaceutique orale à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20, préparée en une dose visant à produire un niveau de concentration de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence de la nausée, des vomissements, de la diarrhée, des douleurs abdominales, des maux de tête, des malaises vaso-vagaux ou du trismus provenant de l’administration par voie orale du succinate d’O-desméthyl-venlafaxine. »
[220]
Comme il est indiqué, il n’y a aucun désaccord important sur l’interprétation de la revendication 43. De plus, j’ai conclu qu’il n’y a pas de revendication globale, soit une seule conclusion qui s’applique aux revendications 43 et 44.
[221]
Le concept inventif des revendications 43 et 44 est une forme pharmaceutique à libération continue contenant le nouveau sel, le succinate d’ODV (ou le succinate d’ODV de forme I, étant donné que ces revendications dépendent des revendications 8 ou 9) qui présente des caractéristiques pharmacocinétiques précises (un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL) et qui réduit ainsi l’incidence de certains effets secondaires qui proviendraient par ailleurs de l’administration par voie orale du succinate d’ODV.
iv.
Revendication 44
[222]
La revendication 44 est invoquée ainsi : [traduction] « [U]ne formulation à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine et un véhicule ou excipient pharmaceutiquement acceptable et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL. »
[223]
Les parties s’accordent sur l’interprétation de la revendication 44 comme suit :
|
|
|
|
[224]
En toute déférence, le concept inventif et la solution enseignée par l’invention visée à la revendication 44 sont une formulation à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine (sous n’importe quelle forme, y compris le succinate d’ODV de forme I) et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.
[225]
Selon le témoignage de M. Polli de Pfizer, que je retiens, le concept inventif des revendications 43 et 44, interprétées ensemble, est une forme pharmaceutique continue contenant le nouveau sel, le succinate d’ODV (ou le succinate d’ODV de forme I, étant donné que ces revendications dépendent des revendications 8 ou 9) qui présente des caractéristiques pharmacocinétiques précises (un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL) et qui réduit ainsi l’incidence de certains effets secondaires qui proviendraient par ailleurs de l’administration par voie orale du succinate d’ODV. Ce qui distingue les deux revendications est que la revendication 43 mentionne la réduction de l’incidence d’effets secondaires indésirables, alors que la revendication 44 n’en fait pas mention. Les deux mentionnent un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL.
H.
Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique »
et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;
[226]
Je procéderai à cette étape de l’analyse une revendication à la fois.
i.
Revendications 8 et 9
[227]
En toute déférence, et les experts sont d’accord, il n’aurait pas été possible à l’époque pertinente pour une personne versée dans l’art de prévoir si le sel de succinate d’ODV formerait un solide, si ce solide se cristalliserait, ou quelles seraient les caractéristiques de toute forme cristalline hypothétique. Il en est ainsi peu importe le fait que les criblages des sels étaient généralement connus, comme l’étaient, de façon générale, la cristallisation et les criblages de polymorphes. En fait, ni le succinate d’ODV ni aucune de ses formes cristallines, encore moins la forme I, avaient déjà fait l’objet d’une divulgation précise dans l’état de la technique.
[228]
Les solutions enseignées par les revendications 8 et 9, leur concept inventif, sont la nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV appelée forme I. En bref, le concept inventif ou la solution enseignée par le brevet 668 est le nouveau succinate d’ODV de forme I cristallin.
[229]
L’écart entre l’état de la technique et le concept inventif des revendications 8 et 9 du brevet 668 est donc l’invention d’une nouvelle composition de matières, soit le succinate d’ODV de forme I.
ii.
Revendication 33.
[230]
Rappelons que le concept inventif ou la solution enseignée par la revendication 33 est l’utilisation d’une quantité efficace de la forme de monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I cristalline pour le traitement de la dépression. La revendication 33 dépend des revendications 8 et 9.
[231]
Teva dit que la revendication 33 ne divulgue aucune démarche inventive additionnelle par rapport aux revendications 8 et 9. Je suis d’accord avec Pfizer pour dire qu’une personne versée dans l’art connaîtrait l’utilité de l’ODV comme métabolite de la venlafaxine pour le traitement de la dépression. Cependant, l’antériorité a aussi enseigné que tout nouveau solide possédait ses propres propriétés inconnues, imprévues et imprévisibles.
[232]
Pfizer affirme que, parce que l’antériorité ne divulguait pas le succinate d’ODV de forme I ni, d’ailleurs, aucune de ses propriétés, l’écart entre l’antériorité et l’invention de la revendication 33, l’utilisation de cette nouvelle forme cristalline pour le traitement de la dépression, n’était pas évident. Je suis du même avis.
[233]
De plus, à mon avis et pour les mêmes raisons pour lesquelles la forme I n’était pas plus ou moins évidente, tel était le cas aussi de son utilisation pour traiter la dépression.
[234]
L’écart entre l’état de la technique et le concept inventif de la revendication 33 du brevet 668 est donc l’invention d’une nouvelle composition de matières, soit le succinate d’ODV de forme I, pour le traitement de la dépression.
iii.
Revendications 43 et 44
[235]
Les revendications 43 et 44 dépendent toutes deux des revendications 8 et 9, c.‑à‑d. le succinate d’ODV de forme I cristalline. Rappelons que le concept inventif des revendications 43 et 44 est une forme pharmaceutique à libération continue contenant le nouveau sel, le succinate d’ODV (ou le succinate d’ODV de forme I, dans la mesure où ces revendications dépendent des revendications 8 ou 9), qui possède des caractéristiques pharmacocinétiques précises (un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL).
[236]
En plus de ce qui précède, la revendication 43 vise une réduction des effets secondaires comparativement à l’administration par voie orale du succinate d’ODV de forme I dans une formulation à libération immédiate. Les revendications mentionnent toutes deux un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL, mais la revendication 44 ne fait aucunement référence aux effets indésirables.
[237]
Pfizer affirme que l’écart entre l’antériorité et les revendications 43 et 44 est l’invention d’une nouvelle forme pharmaceutique à libération continue du nouveau sel ou de la nouvelle forme cristalline qui réduit les niveaux de plasma sanguin de l’ODV et qui réduit l’incidence des incidents thérapeutiques provenant de l’administration de la formulation à libération non continue. Avec respect, je suis d’accord.
[238]
J’ai conclu que ni le succinate d’ODV ni aucune de ses formes ou propriétés n’étaient connus, prédits ou prévisibles. Par conséquent, la personne versée dans l’art ne pouvait pas prévoir les propriétés que le succinate d’ODV ou le succinate d’ODV de forme I posséderait, de sorte que la personne versée dans l’art ne pouvait pas prévoir si ces propriétés permettraient la formulation d’un dosage à libération continue. Comme dans le cas de la revendication 33, l’antériorité a enseigné et la personne versée dans l’art savait que tout nouveau solide possédait ses propres propriétés inconnues, imprévues et imprévisibles.
[239]
De plus, pour les mêmes raisons pour lesquelles la forme I n’était pas plus ou moins évidente, tel était le cas aussi de son utilisation dans une formulation à libération continue. De même, on ne peut pas dire que l’utilisation du succinate d’ODV de forme I dans une formulation à libération continue était plus ou moins évidente pour réduire les effets indésirables.
[240]
Teva a noté que l’antériorité a divulgué que la formule à libération continue d’autres médicaments, dont l’EFFEXOR XR, avait à la fois déjà été fabriquée et utilisée pour améliorer les taux de concentration dans le plasma sanguin occasionnés par l’administration à libération immédiate, et je suis d’accord. Mais l’antériorité ne contient aucune application de ce principe général à l’ODV ni au succinate d’ODV ou au succinate d’ODV de forme I. Les éléments de preuve établissent qu’il n’aurait pas été évident pour la personne versée dans l’art que le succinate d’ODV n’avait aucune forme cristalline solide qui soit stable, et encore moins qui puisse être formulée en une formulation à LC. Il n’était pas plus évident, prévu ou prévisible que le succinate d’ODV de forme I posséderait les caractéristiques de stabilité, de solubilité, de perméabilité et de biodisponibilité nécessaires au développement d’une formulation orale qui ont été établies par l’expérimentation ayant conduit à son développement. Il n’était pas connu, prévu, ou prévisible qu’une formulation quelconque à LC du succinate d’ODV dénote des niveaux de plasma sanguin inférieurs à 225 ng/mL, laquelle maintient des concentrations thérapeutiques selon les revendications 43 et 44.
[241]
Teva a également déclaré que la proportion du 225 ng/mL est arbitraire, un argument que j’ai rejeté au paragraphe 114 ci-dessus. La preuve est que les seuils précis de Cmax ont été déterminés |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
I.
Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelconque inventivité?
i.
Appliquer la définition de l’évidence antérieure à l’arrêt Sanofi
[242]
À ce stade-ci de l’analyse, compte tenu de l’arrêt Atazanavir et au lieu de procéder ensuite à une analyse de l’essai allant de soi, j’appliquerai le critère de l’évidence établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Beloit.
[243]
Ainsi, la question devient la suivante : la personne versée dans l’art, sur la foi de l’état de la technique et des connaissances générales courantes, serait-elle directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet ou, plus précisément, serait-elle directement et facilement arrivée à la nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV appelée forme I? À mon humble avis, les éléments de preuve ne justifient pas une telle conclusion.
[244]
Je comprends l’argumentation de Teva selon laquelle ses témoins ont fait l’objet d’un aveuglement, mais il s’agit là d’une question de pertinence, de fiabilité et de poids : voir Gilead Sciences, Inc c Canada (Santé), 2016 CF 857, au paragraphe 59, et les affaires qui y sont analysées. En fin de compte, je préfère le témoignage de M. Myerson sur les connaissances générales courantes concernant les revendications 8 et 9. M. Myerson était professeur en pharmacie industrielle et pharmacologie, et son témoignage était crédible et complet à cet égard. J’ai aussi retenu le témoignage que Mme Park a rendu selon son expérience à cet égard, dont il est question aux paragraphes 129 et suivants des présents motifs et qui corrobore celui de M. Myerson. M. Myerson a déclaré ce qui suit :
[traduction]
57. Le choix des sels et le procédé de formation sont hautement imprévisibles. En effet, on ne peut pas prédire avant de tenter effectivement de former un sel si un composé médicamenteux actif donné produira un sel en réagissant avec un acide donné ou une base donnée ni ce que seront les propriétés de ce sel.
58. Une fois un sel détecté avec un contre-ion donné, ce sel consiste en une autre gamme d’expériences menées dans un éventail de conditions pour établir les formes cristallines qui existent, le cas échéant, pour ce sel donné.
59. La forme solide d’une forme saline donnée peut avoir une incidence importante sur un certain nombre de propriétés physiques et chimiques de l’IPA, y compris la solubilité, le taux de dissolution, la stabilité chimique, l’hygroscopicité, la forme des cristaux et les caractéristiques de fabrication et de traitement. Les scientifiques ne peuvent pas prédire l’incidence que la formation d’une forme solide donnée d’un sel aura sur ces propriétés avant la formation réussie et l’analyse du sel et de ses formes solides. Il n’est donc pas possible de prédire avant de produire effectivement le sel si sa formation donnera une forme solide (cristalline ou amorphe), encore moins une forme solide dont les propriétés sont plus souhaitables que celles de la forme libre ou d’autres formes salines de la drogue.
[…]
67. Certaines espèces chimiques peuvent se cristalliser en plus d’une seule structure cristalline tridimensionnelle. Ce phénomène s’appelle polymorphisme (ou allotropisme dans le cas d’une espèce qui est un élément, tel le carbone). Bien que le polymorphisme soit relativement courant parmi les molécules organiques, le fait qu’un composé particulier soit capable ou non de polymorphisme – et, s’il l’est, le nombre de polymorphes qui peuvent exister – ne peut pas être prédit et doit être établi de façon empirique (dans la mesure du possible).
[…]
72. Le pseudo-polymorphisme désigne la capacité de certains composés de se cristalliser pour former une structure dont le réseau cristallin contient un solvant. Ces cristaux sont appelés couramment solvates. Un solvate dans lequel le solvant est l’eau est habituellement appelé hydrate. Pour un pseudo-polymorphe donné, le rapport entre le nombre de molécules de solvant et le nombre de molécules de l’espèce chimique elle-même est habituellement fixe. On appelle ce rapport la stœchiométrie. Ces formes sont appelées pseudo-polymorphes parce que, bien qu’elles concernent les mêmes composés, leur structure contient aussi des molécules de solvant.
[…]
76. Comme dans le cas des différents polymorphes d’un composé donné, on ne saurait non plus prédire si un composé peut présenter ou non un ou plusieurs pseudo-polymorphes et, le cas échéant, en quoi ces pseudo-polymorphes peuvent consister. Le fait de connaître l’existence de polymorphes ou pseudo-polymorphes dans un composé ne renseigne pas utilement sur l’existence de polymorphes ou de pseudo-polymorphes dans un autre composé (même si les composés ont une structure semblable ou sont des sels différents de la même molécule).
[…]
80. De nos jours, la recherche de formes cristallines, dont les polymorphes, les solvates et les hydrates, est devenue un élément important du développement de nouveaux produits pharmaceutiques. Le criblage des polymorphes est un long processus qui ne permet pas de prédire la définition réussie d’une forme à l’état solide propre au développement. Le criblage de formes solides pour un composé donné peut nécessiter la réalisation de milliers d’expériences échelonnées sur de nombreux mois ou même sur une plus longue période. Il n’y a pas de méthode « normalisée » pour effectuer des tests des formes solides et le nombre d’expérimentations et des conditions qui sont essayées dépendent des choix que font les chercheurs et le temps accordé à chaque test.
[245]
M. Myerson a tiré la conclusion suivante :
81. Bien que les méthodes générales de cristallisation sous différentes conditions et avec différents solvants étaient connues dans l’art à partir du début des années 2000, il existe un large éventail de combinaisons de variables, telles que les solvants, les mélanges de solvants, les températures, les taux de refroidissement, les taux d’évaporation, qui pouvaient servir à tenter de produire de nouvelles formes à l’état solide. Ainsi, le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé.
82. Dans l’ensemble, à l’égard d’un composé donné, une personne versée dans l’art au début des années 2000 n’aurait pas pu prédire ce qui suit :
a) si elle pouvait produire une forme cristalline de ce composé;
b) dans l’affirmative, les efforts requis pour la réaliser;
c) quelles seraient ses caractéristiques, y compris s’il y aurait potentiellement des polymorphes, des solvatés et des hydrates de cette forme cristalline;
d) en cas d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates, dans quelles conditions ces polymorphes, solvates et hydrates pouvaient être préparés;
e) en quoi consisteraient les propriétés de n’importe lequel des polymorphes, solvates et hydrates.
83. Par conséquent, même si d’éventuelles formes solides sont découvertes, ces formes pourraient ne pas convenir à la formulation ou à la fabrication d’un médicament, et donc au développement d’un médicament. Les caractéristiques comme l’hygroscopicité, la solubilité, la stabilité de l’état solide, la stabilité chimique et la forme cristalline (entre autres) peuvent toutes influencer la qualité appropriée des formes d’un solide.
84. Selon le résumé fourni dans une publication contemporaine à la date du brevet 668, [traduction] « la pertinence du polymorphisme est évidente, mais demeure un sujet qui n’est pas complètement ou largement compris à un niveau fondamental ». L’imprévisibilité inhérente de la forme solide cristalline a été reconnue dans une publication scientifique :
Il n’est pas possible de prédire avec suffisamment de confiance la structure cristalline d’une matière organique […] L’éventail et la combinaison des conditions de croissance des cristaux sont presque infinis, et il n’y a aucune façon de garantir que des polymorphes additionnels seront préparés, et encore moins qu’ils seront « tous » produits.
Cette déclaration faite en 1993 est encore vraie, même de nos jours. D’autres sources contemporaines au brevet 668 soulignent de façon semblable le caractère imprévisible du développement de polymorphes.
[246]
En toute déférence, la personne versée dans l’art, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales techniques qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, comme nous venons de le résumer, ne serait pas directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet, soit la nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV appelée Forme I.
[247]
À cet égard, les experts s’accordent pour dire qu’il aurait été impossible à l’époque pertinente pour une personne versée dans l’art de prévoir si le sel de succinate d’ODV formerait un solide, si ce solide se cristalliserait, ou quelles seraient les caractéristiques de toute forme cristalline hypothétique.
[248]
Rappelons que le critère dans l’arrêt Beloit est de se demander si la personne versée dans l’art, « compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet »
. Les faits de l’espèce ne permettent pas de satisfaire aux exigences du critère. À mon humble avis, le chemin parcouru par la personne versée dans l’art en se fiant à l’antériorité serait difficile et ne serait pas direct. La personne versée dans l’art prévoirait de très nombreux tests et études sans résultat défini ou prévisible.
[249]
La personne versée dans l’art verrait essentiellement un programme de recherche. Cette conclusion s’applique aux revendications 8 et 9. Comme elles dépendent des revendications 8 et 9, ces conclusions s’appliquent également aux revendications 33, 43 et 44 comme il est résumé ci-dessus.
[250]
L’examen relatif à l’évidence ne s’arrête pas ici. À ce stade-ci, ayant analysé l’évidence en appliquant le critère tel qu’établi dans les arrêts Atazanavir et Beloit, la Cour doit suivre les autres étapes proposées dans l’arrêt Sanofi. La Cour doit maintenant examiner la pertinence du critère de l’« essai allant de soi »
et l’appliquer au besoin.
ii.
Examiner la notion de l’essai allant de soi
[251]
Comme l’a affirmé la Cour suprême au paragraphe 67 de l’arrêt Sanofi, « [I]a question de l’”essai allant de soi” se pose à la quatrième étape de la démarche établie dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli pour statuer sur l’évidence ».
La Cour suprême a ensuite posé la question suivante : « Dans quels cas la notion d’”essai allant de soi” est-elle pertinente? »
Elle a répondu au même paragraphe : « [d]ans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, le recours à la notion d’”essai allant de soi” pourrait être indiqué. Dans ces domaines, de nombreuses variables interdépendantes peuvent se prêter à l’expérimentation. Par exemple, certaines inventions du secteur pharmaceutique pourraient justifier son application étant donné l’existence possible de nombreuses compositions chimiques semblables pouvant donner lieu à des réponses biologiques différentes et être porteuses de progrès thérapeutiques notables. »
[252]
La présente affaire appartient à la catégorie du « secteur pharmaceutique »
; par conséquent, la prochaine étape consiste à examiner les facteurs analysés par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi, en tenant compte de leur caractère non exhaustif.
[253]
En faisant cela, il faut porter attention aux observations préliminaires de la Cour suprême : « [C]ependant, la notion d’”essai allant de soi” commande la prudence ». Ce n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence. Elle ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon. Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement, ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie. »
La Cour d’appel fédérale a qualifié ces remarques d’« orientation utile »
au paragraphe 26 de l’arrêt Apotex Inc c Pfizer Canada Inc, 2009 CAF 8.
[254]
Dans les présents motifs, j’aborde la notion de l’essai allant de soi d’abord sans égard à cette orientation, pour y revenir ensuite afin d’établir en quoi elle peut modifier l’analyse. En procédant de la façon proposée, l’incidence de cette orientation sur les conclusions de la Cour sera plus facile à établir.
[255]
Après avoir fourni cette orientation dans l’arrêt Sanofi, la Cour suprême a énoncé les facteurs à prendre en considération :
[69] Lorsque l’application du critère de l’« essai allant de soi » est justifiée, les éléments énumérés ci-après doivent être pris en compte à la quatrième étape de l’examen de l’évidence. Tout comme ceux pertinents pour l’antériorité, ils ne sont pas exhaustifs et s’appliquent selon la preuve offerte dans le cas considéré. Les facteurs s’appliqueront conformément à la preuve dans chaque cas.
1. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?
2. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?
3. L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?
[70] Les mesures concrètes ayant mené à l’invention peuvent constituer un autre facteur important. Il est vrai que l’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme de métier aurait agi à la lumière de l’art antérieur. Mais on ne saurait pour autant écarter l’historique de l’invention, spécialement lorsque les connaissances des personnes qui sont à l’origine de la découverte sont au moins égales à celles de la personne versée dans l’art.
[256]
Je traite de chacune de ces considérations.
J.
Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?
[257]
Les parties sont en désaccord. Les deux parties ont mentionné des décisions dans lesquelles, sur la foi des éléments de preuve admis dans une affaire donnée, divers tribunaux ont tiré des conclusions d’une manière ou d’une autre sur la notion d’essai allant de soi. Bien que ces décisions soient pertinentes, chacune d’elles est fondée sur des faits particuliers qui s’y appliquaient, compte tenu des observations des experts et des avocats. Aucune de ces affaires n’affirme que tous les criblages de sel vont de soi, ou font machinalement partie des expériences courantes. Aucune de ces décisions n’affirme non plus que toute recherche portant sur le criblage des polymorphes ou des cristaux va de soi ou qu’elle ne nécessite qu’une expérimentation courante. Aucune ne l’affirme et, bien entendu, aucune ne pourrait le faire. Enfin, cette question relève de l’application du droit de l’essai allant de soi à la preuve établie devant la Cour.
[258]
Pfizer affirme que les experts s’entendent tous pour dire que l’existence de formes cristallines et leurs propriétés ne peuvent pas être prédites avant d’être produites avec succès et mises à l’essai. Une personne versée dans l’art ne saurait pas ni ne pourrait prédire que le succinate d’ODV de forme I existe, pas plus qu’elle ne pourrait définir ou prédire les propriétés qu’il posséderait ni, le cas échéant, son mode de préparation. À mon humble avis, il s’agit d’un résumé fidèle.
[259]
Ce résumé a été tiré de l’affidavit de M. Myerson aux paragraphes 196, 244 et 245. Cette preuve en ce qui concerne le criblage des solides polymorphes et cristallins a été confirmée par l’expérience de Mme Park, de la manière exposée au paragraphe 129 et ce qui suit dans les présents motifs. M. Myerson a conclu ceci concernant la cristallisation et les tests polymorphes :
[traduction]
82. Dans l’ensemble, à l’égard d’un composé donné, une personne versée dans l’art au début des années 2000 n’aurait pas pu prédire ce qui suit :
a) si elle pouvait produire une forme cristalline de ce composé;
b) dans l’affirmative, les efforts requis pour la réaliser;
c) en quoi consisteraient les propriétés du composé, y compris l’existence d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates de cette forme cristalline;
d) en cas d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates, dans quelles conditions ces polymorphes, solvates et hydrates pouvaient être préparés;
e) en quoi consisteraient les propriétés de n’importe lequel des polymorphes, solvates et hydrates.
83. Par conséquent, même si d’éventuelles formes solides sont découvertes, ces formes pourraient ne pas convenir à la formulation ou à la fabrication d’un médicament, et donc au développement d’un médicament. Les propriétés telles que l’hygroscopicité, la solubilité, la stabilité à l’état solide, la stabilité chimique et la forme des cristaux (entre autres) peuvent avoir une incidence sur le caractère convenable d’une forme solide.
84. Selon le résumé fourni dans une publication contemporaine à la date du brevet 668, [traduction] « la pertinence du polymorphisme est évidente, mais demeure un sujet qui n’est pas complètement ou largement compris à un niveau fondamental ». L’imprévisibilité inhérente de la forme solide cristalline a été reconnue dans une publication scientifique :
[traduction] Il n’est pas possible de prédire avec suffisamment de confiance la structure cristalline d’une matière organique […] L’éventail et la combinaison des conditions de croissance des cristaux sont presque infinis, et il n’y a aucune façon de garantir que des polymorphes additionnels seront préparés, et encore moins qu’ils seront « tous » produits.
[260]
Le résumé de Pfizer sur ce qu’une personne versée dans l’art aurait pu savoir est à mon avis confirmé dans le contre-interrogatoire de l’expert de Teva, M. Fiese. En voici les extraits pertinents :
420 Q. D’accord. Nous reviendrons là-dessus. Vous seriez d’accord avec moi, M. Fiese, que vous ne pouvez pas prédire si un sel particulier d’un composé formerait un sel cristallin?
R. C’est exact.
421 Q. Vous ne pouvez non plus prédire quelles autres caractéristiques ce sel pourrait avoir?
R. C’est exact.
660 Q. Vous ne savez pas si le tartrate d’ODV a une forme cristalline de monohydrate, n’est-ce pas?
R. Non.
661 Q. Et vous ne savez pas si le maléate d’ODV a une forme cristalline de monohydrate?
R. Non.
689 Q. D’après vous, une personne versée dans l’art peut s’attendre à trouver un sel avec la solubilité appropriée si elle effectue un criblage de sel?
R. Oui.
690 Q. Mais une personne versée dans l’art ne pourrait pas savoir à l’avance avec quel sel il le trouverait?
R. Non, pas à l’avance.
691 Q. Et elle ne saurait pas combien sels devront être testés avant de le trouver?
R. C’est exact.
847 Q. Si on se réfère à votre affidavit, j’aimerais me pencher sur le paragraphe 113. Au paragraphe 113, vous indiquez qu’une personne versée dans l’art pourrait s’attendre qu’un sel d’ODV ou plusieurs sels qui ont été définis dans le brevet US 186 et le brevet WO 851 serait approprié aux fins d’utilisation sous une forme posologique orale solide.
R. C’est bien ça.
848. Q. Ce qu’une personne versée dans l’art ne pourrait pas savoir c’est de quel sel il s’agirait?
R. C’est exact.
850 Q. Alors nous savons aujourd’hui que le succinate d’ODV est un sel d’ODV approprié?
R. C’est bien ça.
851 Q. Mais une personne versée dans l’art au mois de février 2001 ne l’aurait pas su?
R. Elle aurait su que le fumarate était approprié. Elle aurait été encouragée à rester avec cette famille, mais n’aurait pas su précisément si le succinate était approprié.
861 Q. Alors cette déclaration que la personne versée dans l’art pourrait facilement déterminer que le succinate d’ODV serait un tel sel approprié, là encore, c’est la déclaration que vous faites avec le bénéfice du recul?
R. Vous saviez également que le fumarique serait approprié, alors l’antériorité vous indiquerait que voulez prendre cette voie.
862 Q. D’accord.
R. Alors, ce n’est pas quelque chose qui se produit après coup; c’est plus quelque chose d’antérieur.
863 Q. C’est exact, mais la connaissance que l’ODV est un sel approprié est une connaissance que nous avons maintenant?
R. C’est bien ça.
864 Q. Ce n’est pas une connaissance qu’une personne versée dans l’art aurait en 2001?
R. Pas avant de le créer, non.
872 Q. En 2001, il n’aurait pas été possible de prédire combien de formes cristallines un composé aurait?
R. C’est exact.
873 Q. Ou ce qu’elles seraient?
R. C’est exact.
877 Q. Quand vous dites qu’il irait de soi de créer et de caractériser cette forme, vous êtes d’accord qu’une personne versée dans l’art en 2001 ne sait pas que la forme I existe, c’est exact?
R. Je pense que c’est exact.
878 Q. Alors, ce que je pense que vous voulez dire en ce moment est que la personne versée dans l’art serait motivée à essayer de produire des solides cristallins de succinate d’ODV?
R. C’est bien ça.
879 Q. Et elle serait motivée à définir un solide cristallin qui serait stable dans des conditions ambiantes?
R. En effet.
880 Q. Alors ce que vous me dites c’est qu’en faisant cela elle pourrait trouver la forme I?
R. En effet.
881 Q. Mais elle ne pourrait pas prévoir que la forme I existe?
R. Non.
882 Q. Ou quelles caractéristiques elle aurait?
R. Non, elle ne le pourrait pas.
883 Q. Ou quelles seraient ses caractéristiques, comme son diagramme de diffraction de rayons X?
R. C’est exact.
884 Q. En 2001, si vous aviez demandé à une personne versée dans l’art de décrire une forme cristalline stable de succinate d’ODV elle n’aurait pas pu le faire?
R. Vous connaissez les caractéristiques que vous désiriez, mais est-ce que le succinate les avait? Aucune idée.
885 Q. D’accord. Et vous ne savez pas s’il y aura une forme cristalline particulière qui apparaîtrait dans la diffraction de rayons X exposée dans la revendication 8 qui répond à cette exigence?
R. Non.
886 Q. Et je pense que nous avons parlé de la production de sels différents en utilisant différentes conditions, mais j’ai raison de dire que différentes conditions peuvent également occasionner des formes différentes à l’état solide?
R. Oui, en effet.
887 Q. Alors, si je modifie les conditions de mon expérience de cristallisation, je peux obtenir une forme à l’état solide contrairement à une autre forme à l’état solide du même composé?
R. Alors, si je modifie les conditions de mon expérience de cristallisation, je peux obtenir une forme à l’état solide contrairement à une autre forme à l’état solide du même composé?
888 Q. Et si ces conditions que je changerais comprennent des choses comme un solvant?
R. C’est bien ça.
889 Q. La température?
R. C’est bien ça.
890 Q. Le mode de prescription?
R. C’est bien ça.
891 Q. Le temps?
R. Le temps, oui.
892 Q. L’humidité?
R. Probablement pas.
893 Q. Ou la présence d’eau?
R. La présence d’eau.
894 Q. Le degré de mélange?
R. C’est bien ça.
895 Q. Et la forme qui résultera de l’expérience de cristallisation quelle qu’elle soit dépendra de ces conditions que j’aurais sélectionnées?
R. Exact.
896 Q. Et ce n’est pas quelque chose que je peux prévoir?
R. Non.
897 Q. Empirique?
R. C’est bien ça.
[261]
À mon humble avis, cette preuve de M. Fiese contredit ce qu’il a présenté dans son affidavit. Selon moi, ce témoignage contradictoire affaiblit considérablement sa preuve. Dans son affidavit, M. Fiese a déclaré ce qui suit :
[traduction]
114. Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation de M. Chyall (au paragraphe 44) selon laquelle :
une personne versée dans l’art n’aurait eu aucun moyen de prévoir le niveau d’effort, le nombre de conditions ou d’expériences qui seraient requis pour découvrir une forme de sel d’ODV, quelle qu’elle soit, ou qu’un sel en particulier pourrait être formé avec succès ou aurait des caractéristiques qui seraient appropriées à une formule.
115. De même, M. Myerson déclare (au paragraphe 42) que : « Il n’aurait pas pu être plus ou moins évident pour une personne versée dans l’art qu’un sel d’ODV en particulier (y compris le succinate) pourrait être créé […] et qu’”une personne versée dans l’art n’aurait pas pu prédire qu’un sel d’ODV en particulier (y compris le succinate) aurait des caractéristiques qui en ferait un candidat approprié à une formule avant même de le créer et de le tester” ».
116. Cela exagère considérablement l’incertitude implicite du processus en présupposant que la personne versée dans l’art doit choisir un sel approprié avant de tester quelque sel que ce soit. En pharmacologie, il n’y a jamais une garantie de réussite ni de garantie que tout sera simple. Toutefois, dans le cas de l’ODV, la personne versée dans l’art aurait selon moi confiance de trouver une forme de sel approprié en effectuant un criblage de sel courant. Une personne versée dans l’air trouverait facilement que le succinate d’ODV serait un sel approprié. L’affidavit de M. Shah confirme ce fait.
[Souligné dans l’original.]
[262]
À cet égard, je note que les réponses de M. Fiese aux questions 863 et 864 soutiennent les affirmations de Pfizer selon lesquelles, dans ses affidavits, M. Fiese s’appuie sur la rétrospection qui n’est pas permise concernant le sel de succinate d’ODV. Dans ces circonstances, je retiens le témoignage de M. Fiese en contre-interrogatoire plutôt que ce qu’il a présenté dans son affidavit.
[263]
Selon cet élément de preuve, je conclus qu’il n’était pas plus ou moins évident pour une personne versée dans l’art que ce qui est essayé, notamment la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I, devrait fonctionner. Il s’agit du témoignage de M. Myerson et, selon moi, il est corroboré de manière importante par M. Fiese. En résumé, je conclus que la forme cristalline du succinate d’I ODV de forme I n’était pas plus ou moins évidente pour une personne versée dans l’art.
[264]
Le second volet de cette question consiste à rechercher s’il existe un nombre déterminé de « solutions prévisibles »
connues des personnes versées dans l’art. À mon avis, il n’en était rien parce que les expériences possibles étaient en fait très nombreuses. C’est ce que M. Myerson a affirmé, et je retiens ce témoignage : [traduction] « le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé »
:
80. De nos jours, la recherche de formes cristallines, dont les polymorphes, les solvates et les hydrates, est devenue un élément important du développement de nouveaux produits pharmaceutiques. Le criblage des polymorphes est un long processus qui ne permet pas de prédire la définition réussie d’une forme à l’état solide propre au développement. Le criblage de formes solides pour un composé donné peut nécessiter la réalisation de milliers d’expériences échelonnées sur de nombreux mois ou même sur une plus longue période. Il n’y a pas de méthode « normalisée » pour effectuer des tests des formes solides et le nombre d’expérimentations et des conditions qui sont essayées dépendent des choix que font les chercheurs et le temps accordé à chaque test.
81. Bien que les méthodes générales de cristallisation sous différentes conditions et avec différents solvants étaient connues dans l’art à partir du début des années 2000, il existe un large éventail de combinaisons de variables, telles que les solvants, les mélanges de solvants, les températures, les taux de refroidissement, les taux d’évaporation, qui pouvaient servir à tenter de produire de nouvelles formes à l’état solide. Ainsi, le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé.
[Non souligné dans l’original.]
[265]
Ce fait a été vérifié par l’expérience de Mme Park, qui a déclaré au paragraphe 31 de son affidavit que SSCI avait l’habitude de mener [traduction] « un grand nombre d’expériences différentes dans un grand éventail de conditions afin de tenter de définir le plus grand nombre possible de formes à l’état solide. »
[266]
J’observe aussi que la Cour suprême, dans l’arrêt Sanofi, a formulé une question qui vise les « solutions prévisibles »
. Malgré l’existence de possibilités de recherche, et la possibilité de réaliser des études et d’entreprendre un programme de recherche, aucune solution prévisible, à mon humble avis, n’avait été définie selon les faits de l’espèce.
[267]
Teva prétend que les criblages de sel et de polymorphes étant, entre autres, parmi les tests généralement connus dans l’antériorité, il serait plus ou moins évident pour une personne versée dans l’art que le succinate d’ODV de forme I, p. ex., ce qui était essayé, devrait fonctionner. Je ne suis pas d’accord. Une connaissance générale des criblages de sel et ce qui était connu des criblages de polymorphes fournissait simplement les possibilités d’effectuer des travaux de recherche, des études et des expériences additionnelles qui, en l’espèce, s’apparente à un programme de recherche. Ce n’est pas suffisant : tous les tribunaux qui ont examiné la question ont été d’accord pour dire que de simples possibilités ne satisfont pas au critère de l’essai allant de soi énoncé dans l’arrêt Sanofi.
[268]
À mon avis, le fait que certains tests et procédures étaient connus en l’espèce est très semblable aux faits que la Cour suprême a eu à examiner dans l’arrêt Sanofi, où la seconde personne a avancé des arguments semblables qui ont été rejetés. La Cour, en rejetant les arguments comme ceux de Teva dans la présente affaire, a déclaré :
[85] La seule existence de procédés connus permettant d’isoler les isomères d’un racémate ne signifie pas qu’une personne versée dans l’art y recourerait [sic] nécessairement. Il n’est d’ailleurs pas tenu compte de l’existence de tels procédés lorsque aucun élément n’établit qu’il allait plus ou moins de soi d’y recourir. Il est vrai que, selon la preuve, à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait su que les avantages d’un racémate pouvaient différer de ceux de ses isomères. Toutefois, la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’art antérieur******** et des connaissances générales courantes, ce que la preuve n’établit pas en l’espèce.
[Non souligné dans l’original.]
[269]
À mon humble avis, ce n’est pas le cas en l’espèce : les criblages de sels et la possibilité de réaliser des criblages cristallins et polymorphes étaient généralement connus en tant que méthodes susceptibles de permettre le criblage de sels, qui se solidifieraient ou non, tout sel en résultant ayant des propriétés inconnues et imprévisibles. Il était également connu qu’il pourrait être possible à la personne versée dans l’art de définir des cristaux et des polymorphes par l’entremise de criblages de cristallisation et de polymorphes, mais aussi que la personne versée dans l’art ne saurait pas que ces cristaux ou polymorphes existeraient possiblement, et que, même si certains de ces cristaux ou polymorphes étaient découverts, ils auraient des caractéristiques inconnues et imprévisibles. À mon avis, cela ne fait pas en sorte que le concept inventif des revendications 8 et 9, soit le succinate d’ODV de forme I, va de soi. Selon moi, il ne s’agissait que de simples possibilités de définir le succinate d’ODV, ou peut-être de ne définir aucun sel, au cours d’un criblage de sels en premier lieu, et la possibilité de trouver la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I, ou peut-être de ne trouver aucune forme cristalline, au cours d’un criblage cristallin et polymorphe en second lieu. Là encore, de simples possibilités ne suffisent pas.
[270]
L’expérimentation courante est admise dans le cadre de l’analyse de l’essai allant de soi. La pertinence de l’expérimentation courante a été reconnue par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 81 de l’arrêt Plavix 2 et est mentionnée dans l’arrêt Sanofi lui-même à l’égard de la deuxième question de l’analyse de l’essai allant de soi. Mais je ne suis pas d’accord avec la position présentée par Teva selon laquelle la présente invention va de soi; selon moi, beaucoup plus que des expérimentations de routine auraient pu être prévues par une personne versée dans l’art en l’espèce. Une connaissance générale des criblages de sels et des aspects connus des criblages cristallins et polymorphes n’aurait fourni à la personne versée dans l’art que de simples possibilités de recherche, d’études et d’expériences plus poussées qui, en l’espèce, étaient considérables et de la nature d’un programme de recherche, surtout en ce qui concerne le criblage des cristaux et des polymorphes. Ce n’est pas suffisant : tous les tribunaux qui ont examiné la question ont été d’accord pour dire que de simples possibilités ne satisfont pas au critère de l’essai allant de soi énoncé dans l’arrêt Sanofi.
[271]
Un autre problème fondamental avec ces arguments est qu’ils sont contraires à la preuve de l’expert le Dr Myerson et de l’expérience du Mme Park que j’ai retenues. Cela mis à part, même si tous ces arguments sont retenus comme faisant partie de l’antériorité, contrairement à mes conclusions, ils visent simplement le même cas exactement que celui qui a été rejeté par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi :
[85] La seule existence de procédés connus permettant d’isoler les isomères d’un racémate ne signifie pas qu’une personne versée dans l’art y recourerait [sic] nécessairement. Il n’est d’ailleurs pas tenu compte de l’existence de tels procédés lorsque aucun élément n’établit qu’il allait plus ou moins de soi d’y recourir. Comme il a été dit dans l’arrêt Sanofi, il n’est d’ailleurs pas tenu compte du fait que l’existence de tels procédés était connue parce que leur essai était plus ou moins évident : « la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’art antérieur et des connaissances générales courantes. Ce que la preuve n’établit pas en l’espèce.
[272]
Les éléments de preuve ne l’établissent pas non plus en l’espèce : l’invention n’était pas évidente selon l’antériorité et les connaissances générales courantes sur la foi des éléments de preuve en l’espèce. Je ne peux pas conclure que la personne versée dans l’art dépourvue d’imagination et d’esprit inventif considérerait que l’invention allait de soi selon l’antériorité et les connaissances générales courantes.
[273]
À mon humble avis, la situation exposée dans l’arrêt Sanofi est le cas en l’espèce : les criblages de sels et la possibilité de réaliser des criblages cristallins et polymorphes étaient généralement connus en tant que méthodes susceptibles de permettre le criblage de sels, qui se solidifieraient ou non, tout sel en résultant ayant des propriétés inconnues et imprévisibles. La personne versée dans l’art savait aussi que des cristaux et des polymorphes pourraient être définis dans le cadre de programmes de recherche portant sur le criblage cristallin et polymorphe.
[274]
Toutefois, la personne versée dans l’art saurait aussi qu’aucune forme cristalline ou polymorphe de la sorte n’était possible et que tout cristal ou polymorphe défini aurait des propriétés inconnues et imprévisibles. À mon avis, cela ne fait pas en sorte que le concept inventif des revendications 8 et 9, soit le succinate d’ODV de forme I, va de soi. La preuve dans la présente affaire établit ce qui ne sont que de simples possibilités, d’abord la possibilité d’identifier par l’entremise d’un test de sel le sel de succinate d’ODV, ou peut-être non plus aucun sel, et ensuite par l’entremise de tests de cristallisation et polymorphes la possibilité de découvrir le succinate d’ODV de forme I cristalline, ou peut-être non plus aucune forme cristalline. Mais de simples possibilités ne suffisent pas.
[275]
À mon avis, la présente rubrique laisse entendre qu’il ne convient pas de tirer une conclusion d’essai allant de soi en l’espèce.
K.
Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?
[276]
J’ai retenu le témoignage de M. Myerson concernant l’ampleur et la nature des efforts requis pour réaliser l’invention tels qu’ils étaient connus de la personne versée dans l’art – aux paragraphes 196, 244 et 245. J’ai aussi retenu le témoignage de Mme Park fondé sur son expérience concernant le criblage des cristaux et des polymorphes : aux paragraphes 129 et suivants. À mon humble avis, l’ampleur et la nature des efforts requis pour réaliser l’invention, à savoir pour obtenir le succinate d’ODV de forme I, étaient considérables; la personne versée dans l’art aurait perçu les efforts requis comme constituant un programme de recherche.
[277]
Toujours par renvoi à l’arrêt Sanofi, au paragraphe 86, rien ne démontre que la personne versée saurait au moment pertinent lequel des sels permettrait de réaliser l’invention, c.‑à‑d., le succinate d’ODV de forme I cristalline. En fait, les éléments de preuve contre l’essai allant de soi en l’espèce sont plus probants que ceux de l’arrêt Sanofi, parce qu’il y a en l’espèce des éléments de preuve que je retiens, selon la prépondérance des probabilités, selon lesquels le succinate d’ODV ne fonctionnerait pas. Ces éléments de preuve reposaient sur le fait que le fumarate d’ODV, un autre sel d’ODV, n’avait pas fonctionné. Étant donné que l’ODV en son état dissocié, c.-à-d., lorsqu’il est séparé du fumarate d’ODV après sa dissolution, n’avait pas fonctionné une fois introduit dans le corps, on pouvait logiquement s’attendre à ce qu’un autre sel, soit le succinate d’ODV, ne fonctionnerait pas non plus, parce que l’ODV qui est dissocié du succinate serait le même que l’ODV qui est dissocié du fumarate. Si l’un ne fonctionnait pas, il était logique que l’autre ne fonctionne pas. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||| Les travaux, considérés dans ce contexte, seraient ardus.
[278]
Toujours par analogie avec l’arrêt Sanofi, au paragraphe 87, rien ne démontrait que la personne versée dans l’art aurait connu au moment pertinent les propriétés du succinate d’ODV, pas plus que la personne versée dans l’art n’aurait connu ni prédit les propriétés de la nouvelle forme cristalline revendiquée dans le brevet 668.
[279]
Bien que je sois d’accord pour dire que la personne versée dans l’art n’aurait peut-être pas considéré l’expérimentation de criblage de sels « longue et ardue »
, tel n’est pas le cas des criblages cristallins et polymorphes réalisés par SSCI qui, selon ma conclusion, n’auraient pas été perçus comme étant difficiles et longs. De plus, la personne versée dans l’art jugerait long et ardu le programme de recherche dans son ensemble qui a été mené en l’espèce, ce qui à mon avis était justifié et raisonnable dans le contexte de développement de médicament, qui comportait une expérimentation concernant un promédicament, le criblage de sels et de polymorphes ainsi que des essais in vitro et in vivo, y compris chez les ||||||||||||||||||||||||, les rats, les chiens et les êtres humains. Bien que Teva soulève un document datant de 1994 dans lequel le personnel de Pfizer caractérise la formation de sel comme étant « un moyen simple, presque banal, de surmonter certaines caractéristiques indésirables p. ex., la solubilité, la stabilité et la forme de dose appropriée pour la fabrication d’une substance pharmaceutique mère »
, à mon humble avis, l’historique de l’invention considéré non seulement comme un élément isolé, mais dans l’ensemble, des expérimentations promédicament, du processus de sélection de sel, de l’exploration des caractéristiques du succinate d’ODV, des criblages polymorphes et de cristallisation de SSCI jusqu’à la découverte de nouvelles formes cristallines dont le succinate d’ODV de forme I, était loin d’être banal.
[280]
Ce facteur ne cadre pas avec une conclusion d’essai allant de soi.
L.
L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?
[281]
Pour établir une motivation, il faut déterminer s’il existe un motif dans l’antériorité pour rechercher « la solution au problème qui sous-tend le brevet »
. La solution au problème qui sous-tend le brevet 668, tel qu’il a été conclu, est la nouvelle composition de matières, soit la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I.
[282]
Il n’y a aucun élément de preuve d’un motif fourni par l’antériorité qui pointe dans la direction du succinate d’ODV, ni de quelque forme à l’état solide du succinate d’ODV, encore moins du monohydrate de forme I. On pouvait s’y attendre, étant donné que la personne versée dans l’art n’aurait eu aucune connaissance ni aucune façon de prévoir les formes en existence ni la façon de les former.
[283]
Selon la thèse de Pfizer, au-delà d’un énoncé général concernant la possibilité d’autres sels d’ODV pharmaceutiquement acceptables, il n’y avait aucun motif préexistant fourni par l’antériorité de rechercher la solution au problème qui sous-tendait le brevet 668. Elle affirme, et je suis d’accord, que bien qu’une personne versée dans l’art ait peut-être eu un motif général de rechercher une forme d’ODV qui pourrait être formulée, rien n’indiquait quels sels pourraient avoir une forme cristalline. À mon avis, de plus, il n’y avait aucun élément de preuve quant à une motivation dans la direction du succinate en tant que solution et manifestement aucun élément de preuve quant à une motivation pour préparer une forme donnée à l’état solide du succinate d’ODV, et encore moins du succinate d’ODV de forme I, soit la solution au problème qui sous-tendait le brevet 668.
[284]
Je renvoie encore une fois à l’arrêt Sanofi, au paragraphe 90 cette fois, et j’observe que la Cour suprême a examiné les faits pour des éléments de preuve qui « donnaient à la personne versée dans l’art un motif de rechercher l’objet »
de l’invention revendiquée. Dans cet arrêt comme en l’espèce, il n’y a pas de motif précis, et j’insiste sur les mots « motif précis »
fourni par l’antériorité pour rechercher la nouvelle forme cristalline d’ODV de forme I revendiquée par le brevet 668.
[285]
J’observe aussi que l’arrêt Sanofi concernait un brevet de genre, à l’égard duquel la Cour suprême a affirmé au paragraphe 90 qu’une « sélection était prévisible »
, sans pour autant que la Cour conclue à l’existence d’un motif fourni dans l’antériorité : j’estime aussi qu’il n’y en a pas. Dans la présente affaire, qui ne traite pas d’un brevet de genre [voir la discussion qui suit], l’art antérieur ne différencie pas les sels de qualité pharmaceutiques d’ODV entre eux ni les formes cristallines potentielles.
[286]
Selon moi, cet aspect de l’essai allant de soi est en faveur de Pfizer.
M.
Le brevet 668 n’est pas un brevet de sélection
[287]
Comme nous l’avons noté à l’instant, à mon humble avis, le brevet 668 n’est pas un brevet de sélection. C’est un autre point sur lequel les parties se sont divisées. La définition d’un brevet de sélection est exposée par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi :
[1] Le présent pourvoi soulève des questions relatives à la validité de ce qu’on appelle un brevet de sélection. Dans le domaine des composés chimiques, l’objet d’un tel brevet s’entend généralement d’un composé faisant partie d’une catégorie plus grande visée par un brevet antérieur.
[…]
[9] La description classique du brevet de sélection figure dans l’arrêt In re I. G. Farbenindustrie A. G.’s Patents (1930), 47 R.P.C. 289 (Ch. D.), où le juge Maugham explique à la p. 321 que les brevets portant sur des produits chimiques (dont bien sûr les composés pharmaceutiques) se divisent souvent en deux [traduction] « catégories nettement distinctes ». La première, celle des brevets d’origine, formée des brevets protégeant une invention source, à savoir la découverte d’une nouvelle réaction ou d’un nouveau composé. La seconde catégorie, celle des brevets visant une sélection des composés décrits en termes généraux et revendiqués dans le brevet d’origine. Le juge Maugham précise que les composés sélectionnés ne doivent pas avoir été réalisés auparavant, sinon le brevet de sélection [traduction] « ne satisfait pas à l’exigence de nouveauté ». Cependant, le composé sélectionné qui est « nouveau » et qui « possède une propriété particulière imprévue » remplit l’exigence de l’étape inventive (p. 321). Le juge Maugham ajoute à la p. 322 que le brevet de sélection [traduction] « ne diffère pas en soi de tout autre brevet ».
[…]
[11] Même si les brevets de sélection ont fait couler beaucoup d’encre depuis la décision I. G. Farbenindustrie, les principes dégagés par le juge Maugham sont régulièrement cités et reconnus. J’estime qu’ils offrent un bon point de départ pour l’analyse que requiert le présent pourvoi.
[288]
La question du brevet de sélection n’est pas un motif indépendant pour contester un brevet; les brevets de sélections sont traités comme tous les autres brevets aux termes de la Loi sur les brevets et au regard du droit. Les litiges invoqués pour un brevet de sélection sont examinés selon la notion d’évidence. C’est une erreur de droit de compter sur les conditions d’un brevet de sélection valide comme constituant un motif indépendant sur lequel contester la validité d’un brevet : Eli Lilly c Novopharm, 2010 CAF 197, au paragraphe 4.
[289]
En l’espèce, Teva s’appuie sur les brevets US 186 et WO 851 pour décrire les premières catégories de composés qui sont divulgués ou leurs catégories d’origine, comme il est exposé dans l’extrait de l’arrêt Sanofi que je viens de citer.
[290]
La difficulté avec cet argument est que, même si le brevet US 186 et le brevet WO 851 divulguent une base de sel d’ODV et une forme saline de fumarate, et s’y réfèrent à la fois comme étant des sels de succinate d’ODV, et d’autres sels possibles, rien dans l’antériorité ne divulgue la forme cristalline d’ODV connue comme étant la forme I qui fait l’objet de chacune des revendications 8, 9, 33. 43 et 44. Bien que le sel soit divulgué, la forme cristalline ne l’est pas.
[291]
À mon humble avis, il n’est pas possible d’obtenir un brevet de sélection, à moins que le composé revendiqué dans le brevet de sélection soit un composé qui a fait l’objet d’une revendication antérieure, p. ex., qui a été inclus dans un brevet de genre antérieur. La deuxième invention doit être une sélection d’un genre antérieur. La nouvelle forme cristalline de succinate d’ODV de forme I est une nouvelle composition de matières; elle est un arrangement tridimensionnel d’atomes et de molécules de succinate d’ODV. Elle n’a pas été découverte dans le genre d’un autre brevet. Par conséquent, la présente affaire n’est pas une deuxième invention sélectionnée à partir d’un genre antérieur. Par conséquent, il ne s’agit pas d’un brevet de sélection.
[292]
Aucun brevet antérieur n’a revendiqué cette forme cristalline. De plus, les personnes versées dans l’art n’auraient pas pu prédire que cette nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV de forme I pourrait apparaître ou qu’elle se révélerait. Il n’y a aucune preuve que le succinate d’ODV de forme I a été revendiqué dans un brevet antérieur ou divulgué dans l’antériorité. Parce que la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I ne fait pas partie des catégories auparavant divulguées dans un brevet de genre ou d’origine, la forme cristalline de forme I ne peut se définir comme un brevet de sélection : Pfizer c Ranbaxy, 2008 CAF 108, au paragraphe 45.
[293]
Je suis d’accord pour dire que la nouvelle forme cristalline revendiquée est au cœur de l’invention des revendications 8 et 9 du brevet 668. Son utilisation pour traiter la dépression est illustrée dans la revendication 33 qui ouvre la voie à une formule à libération continue qui pourrait libérer des concentrations prédéterminées d’ODV dans la circulation sanguine sur une période prolongée et réduire l’incidence générale de certains effets indésirables associés avec des concentrations plus élevées dans le sang. C’est cette formule qui constitue l’invention des revendications 43 et 44 du brevet 668.
N.
Quelle démarche a mené à l’invention?
[294]
La démarche menée dans le cas présent, c’est-à-dire l’historique de l’invention relative au brevet 668 exposée ci-dessus, comme M. Shah et Mme Park l’ont décrite dans leurs témoignages. Selon les conclusions que j’ai tirées à cet égard, la démarche qui a mené à la découverte de la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I était courante.
[295]
Je suis d’accord avec l’observation de Teva selon laquelle la forme saline du succinate d’ODV a été produite en tant que nouvelle composition de matières – |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Toutefois, et bien que beaucoup ait été fait et sans douter de la pertinence de ce volet de l’examen effectué dans l’arrêt Sanofi, le temps requis pour réaliser une nouvelle invention n’est qu’un simple facteur. Cela est d’autant plus vrai étant donné l’existence d’éléments de preuve selon lesquels cette forme saline et cristalline particulière n’était ni définie, ni prévue ou prévisible. J’ai pris acte des éléments de preuve, et j’ai déjà conclu que les formes salines étaient jugées contre-intuitives |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||| du fait que la forme saline du fumarate d’ODV n’avait pas été fructueuse.
[296]
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
[297]
De plus, l’historique de l’invention en l’espèce n’a pas commencé par le criblage de sels ni par la mention du succinate comme candidat éventuel pour des essais plus poussés et des travaux de développement de médicament. Commencer l’analyse à cette étape, c’est ne pas tenir compte du travail effectué avant le criblage de sels le plus récent, y compris les travaux sur le fumarate de sel et les travaux effectués pour mettre au point un promédicament qui a fini par ne pas fonctionner. On ne peut perdre de vue les travaux d’envergure en ce qui concerne les essais in vitro, in vivo et chez l’être humain menés par Wyeth après le criblage détaillé et le criblage des sels ainsi que le criblage spécialisé des polymorphes cristallins.
[298]
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Mais là encore, cela n’était ni prévisible ni prévu. En outre, des tests additionnels ont été nécessaires pour établir s’il existait ou non d’autres formes de succinate d’ODV et, ce qui est très important, des expérimentations additionnelles ont été nécessaires pour déterminer laquelle des formes cristallines de succinate d’ODV était la plus stable, p. ex., le meilleur candidat au développement d’un médicament. Le fait que Wyeth a également découvert ce qui fut la forme cristalline la plus stable du succinate d’ODV de forme I et l’a fait avant que Wyeth engage les services de SSCI ne minimise pas le fait que l’expérimentation de sel et de cristallisation requise était beaucoup plus qu’une expérimentation courante.
[299]
Cela confirme la conclusion que j’ai tirée précédemment selon laquelle la personne versée dans l’art, en considérant l’antériorité et les connaissances générales courantes, percevrait un programme de recherche en ce qui concerne la recherche d’un composé qui convient au développement d’un médicament possédant les propriétés requises, y compris la stabilité à l’état solide aux températures ambiantes et dans des conditions d’humidité relative, la solubilité, la perméabilité et la biodisponibilité.
[300]
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[301]
Dans l’ensemble, et à mon humble avis, la véritable démarche entreprise en l’espèce faisait intervenir plus que des expériences courantes. Cela était en effet un programme de recherche. De manière significative, la personne versée dans l’art, selon moi, l’aurait prévu ainsi. À titre d’exemple, la recherche de SSCI a duré cinq mois.
[302]
Cela dit, bien que je sois d’accord pour dire qu’une partie des travaux réalisés par Wyeth et SSCI n’était pas ardue, ces travaux considérés dans leur ensemble étaient néanmoins difficiles. À mon avis, dans ce contexte, les observations du juge Gauthier dans l’affaire Plavix 2 sont pertinentes : « 137 [...] [C]ependant, le juge Rothstein a bien indiqué dans l’arrêt Sanofi que la question de savoir si la séparation ou la résolution des énantiomères était un exercice de routine ou un travail difficile n’aurait que peu de poids en l’occurrence si l’on considère tout l’arrière-plan de la décision de séparer ces énantiomères (voir l’arrêt Sanofi, au par. 89) ».
[303]
Ces circonstances sont favorables à Pfizer dans l’analyse relative à l’essai allant de soi.
i.
Conclusion sur l’essai allant de soi concernant les revendications 8 et 9
[304]
En somme, me fondant sur ce qui précède, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’était pas plus ou moins évident pour la personne versée dans l’art que l’essai, c.-à-d., le concept inventif ou la solution enseignée par le brevet 668, soit la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I mentionnée dans les revendications 8 et 9, serait fructueux.
ii.
Conclusion sur l’essai allant de soi concernant les revendications 33, 43 et 44
[305]
Étant donné que les revendications 33, 43 et 44 dépendent des revendications 8 et 9, je conclus que leurs concepts inventifs respectifs, les solutions qu’elles enseignent, n’allaient pas non plus de soi.
O.
Considération de l’orientation fournie dans l’arrêt Sanofi concernant l’analyse relative à l’essai allant de soi
[306]
J’ai tiré ces conclusions sans mentionner précisément l’orientation fournie au début de la discussion de la Cour suprême sur l’essai allant de soi dans l’arrêt Sanofi. Au paragraphe 64 de cet arrêt, la Cour a affirmé que la notion d’essai allant de soi « commande la prudence »
et n’est « qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence »
et que l’essai allant de soi « ne saurait permettre de réfuter toute allégation »
.
[307]
Ce besoin de faire preuve de prudence me mène à tirer la même conclusion que je viens de tirer, et l’application de la mise en garde voulant que l’essai allât de soi ne permet de réfuter aucune allégation.
[308]
J’examine maintenant les considérations exprimées par la Cour suprême concernant l’objet de la Loi sur les brevets, à savoir que « Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement. Ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie »
[au paragraphe 64]. Ces principes directeurs confirment mes conclusions selon la prépondérance des probabilités que les allégations de Teva sur l’essai allant de soi ne sont pas justifiées.
[309]
En résumé, l’orientation fournie par la Cour suprême concernant l’essai allant de soi corrobore les conclusions qui ont été tirées.
P.
Conclusion sur le caractère évident
[310]
À mon humble avis, la demanderesse a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation de Teva portant sur l’évidence est non fondée.
4.
L’utilité
[311]
L’utilité est requise pour qu’une invention soit brevetable : Loi sur les brevets à l’article 2 :
|
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[312]
L’analyse de l’utilité aurait précédemment débuté par la reconnaissance que l’utilité doit être démontrée ou valablement prédite, avant que la doctrine de la promesse ne soit analysée. Après l’audience tenue en l’espèce, la Cour suprême a toutefois conclu que « l’application de la doctrine de la promesse n’est pas la bonne approche pour établir si un brevet a ou non une utilité suffisante »
. Voir l’arrêt AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36 [AstraZeneca], au paragraphe 2. J’ai invité les parties à la présente instance à déposer leurs observations en considérant l’arrêt AstraZeneca. Les parties ont déposé des observations principales et en réponse.
[313]
Teva a correctement reconnu que selon l’arrêt AstraZeneca, « il est clair que “la promesse” du brevet 668 ne “se mesure [pas] à l’aune de la promesse du brevet” »
. Teva a donc fait les observations suivantes : [traduction] « il est clair que la notion de promesse excessive est alors évoquée selon le paragraphe 27(3) et l’article 53 de la Loi sur les brevets, et que la divulgation qui est incorrecte et incomplète, ou qui déclare une utilisation ou une opération de l’invention sans fondement, pourrait être considérée comme ne remplissant pas les exigences établies au paragraphe 27(3). »
[314]
À cet égard, je note que Teva n’a pas fait référence au paragraphe 27(3) dans son mémoire des faits et du droit ni n’a fait référence au paragraphe 27(3) dans le résumé de ses arguments présentés à l’audience. Bien que Teva ait d’abord allégué la non-conformité à la vérité à l’encontre de l’article 53 de la Loi sur les brevets, elle a retiré ces allégations à l’audience.
[315]
Teva a présenté l’argument que les deux points principaux émergeant de l’arrêt AstraZeneca sont l’évidence et l’insuffisance :
L’avis d’allégation de Teva aborde les mêmes allégations factuelles concernant les lacunes dans les données sous-jacentes du brevet 668 sous un certain nombre de rubriques, y compris l’évidence, l’utilité et l’insuffisance de la divulgation. En comparaison avec la décision Esomeprazole, les lacunes des données sous-jacentes du brevet 668 sont abordées de manière appropriée en ce qui a trait à l’évidence (il n’y a aucun avantage particulier) et l’insuffisance (la divulgation des caractéristiques des sels d’ODV est incorrecte et incomplète). La preuve établit que le brevet 668 est invalide tant à l’égard de l’évidence qu’à l’égard de l’insuffisance.
[316]
Bien que je sois d’accord pour dire que l’AA de Teva aborde certaines lacunes dans les données sous-jacentes du brevet 668, l’AA ne le fait seulement que dans le contexte d’un brevet de sélection, présentant ces allégations sous la rubrique « INSUFFISANCE/SÉLECTION INVALIDE ».
[317]
Teva a repris les arguments qu’elle a présentés tout au long de son exposé, à savoir que les résultats des criblages de sels ont été jugés évidents dans d’autres cas, « comme l’ont expliqué en détail les précédents exposés de Teva »
, ajoutant qu’une « parcelle d’utilité ne rend pas un sel non évident : l’utilité du sel de table ne rend pas le sel de table brevetable »
. Selon la preuve présentée dans la présente affaire, toutefois, j’ai conclu que l’invention de la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I n’était pas évidente et n’allait pas de soi.
[318]
En ce qui concerne l’insuffisance, Teva indique que, dans l’arrêt AstraZeneca, il est décidé, entre autres, qu’une « divulgation qui n’est pas juste et entière, ou qui énonce un fonctionnement ou une utilisation non fondée de l’invention, pourrait ne pas satisfaire aux exigences du par. 27(3) »
. Toutefois, comme il a été indiqué, Teva ne fait pas référence au paragraphe 27(3) dans son mémoire des faits et du droit, ni non plus dans aucun des résumés présentés à l’audience.
[319]
Teva a indiqué que, dans l’arrêt AstraZeneca, il est accepté que « les inventions sont comme des prismes à multiples facettes : de multiples revendications (parfois même des centaines) portant sur toutes les facettes sont permises pour un même brevet si un “seul concept inventif général” les relie »
.
[320]
Teva a prétendu que le brevet 668 est un brevet de sélection qui s’appuie principalement sur les caractéristiques de la forme saline du succinate d’ODV de telle manière que le seul concept inventif général était le succinate d’ODV, la même démarche inventive revendiquée à la revendication 1. Teva a argumenté que [traduction] « la divulgation du brevet 668 est insuffisante, étant donné que les avantages cités dans le brevet 668 ne peuvent pas répondre aux exigences d’un brevet de sélection valide »
. À cet égard, Teva s’est appuyée sur l’arrêt Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limitée, 2007 CF 596, dans lequel le juge Hughes déclare :
Il faut examiner la jurisprudence générale relative au caractère suffisant de l’exposé à la lumière de deux conditions particulières auxquelles sont soumis les brevets de sélection : la caractéristique inventive de la sélection d’un composé ou d’un groupe de composés à partir d’un ensemble donné doit résider dans les attributs inattendus ou surprenants du composé ou du groupe sélectionnés, et cette caractéristique inventive doit être exposée clairement dans le mémoire descriptif.
[321]
J’ai déjà établi que le brevet 668 n’est pas un brevet de sélection. Par conséquent, et à mon humble avis, comme les arguments de Teva s’appuient incorrectement sur la prémisse que le brevet 668 est un brevet de sélection, ils ne sont pas pertinents pour l’analyse de l’utilité après l’arrêt AstraZeneca.
[322]
Dans ses observations présentées après l’audience dans l’arrêt AstraZeneca, Pfizer a fait valoir dans l’arrêt AstraZeneca, la Cour suprême [traduction] « introduit une nouvelle approche à deux étapes pour établir l’utilité
. Les tribunaux doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile. Une « parcelle d’utilité suffit », et une seule utilisation liée à la nature de l’objet suffit pour satisfaire au critère de l’utilité prévu à l’article 2 de la Loi sur les brevets [...], même lorsque des utilisations multiples sont décrites ou divulguées ».
Pfizer a ajouté :
[traduction]
2. Bien que le brevet 668 puisse divulguer plusieurs utilisations se rapportant à divers éléments de son objet, l’objet des revendications 8 et 9 est la nouvelle forme cristalline – le succinate d’ODV de forme I. En appliquant l’orientation de la Cour suprême, l’utilité liée à cette nouvelle forme cristalline est la stabilité à l’état solide. Les inventeurs ont prouvé la stabilité à l’état solide de la forme cristalline avant la date pertinente. Cela répond entièrement à l’allégation d’Apotex selon laquelle l’objet des revendications 8 et 9 manque d’« utilité » au sens de l’article 2 de la Loi.
3. Teva ne peut raisonnablement soutenir sa thèse selon laquelle ces revendications manquent d’utilité à la lumière de la décision rendue dans l’arrêt AstraZeneca. Elle n’a pas attaqué le fait que la stabilité du succinate d’ODV de forme I a été démontrée. Son argument selon lequel les revendications invoquées manquent d’utilité reposait plutôt sur son allégation que les revendications 8 et 9 étaient associées à des promesses générales multiples, y compris les promesses liées aux propriétés comparatives du sel et à la réduction des effets indésirables.
[323]
Dans ce contexte, la Cour suprême dans l’arrêt AstraZeneca énonce elle-même la bonne approche relative à l’utilité :
(2) La bonne approche relative à l’utilité
[52] Le libellé de l’art. 2 de la Loi donne le fondement au type d’utilité qui est pertinent en exigeant que ce soit l’objet de l’invention ou de son amélioration qui soit utile. Pour que l’objet fonctionne en tant que solution ingénieuse à un problème concret, l’invention doit avoir une utilisation pertinente réelle et qui ne soit pas dénuée d’utilité. Comme l’a conclu le juge Binnie dans AZT, un brevet « est un moyen d’encourager les gens à rendre publiques les solutions ingénieuses apportées à des problèmes concrets, en promettant de leur accorder un monopole limité d’une durée limitée » : par. 37, (je souligne).
[53] Ce qui constitue une utilité acceptable variera en fonction de l’objet de l’invention cerné à la suite de l’interprétation des revendications. Ainsi, la portée des utilisations potentielles acceptables pour qu’il soit satisfait à la condition énoncée à l’art. 2 est limitée — ce n’est pas n’importe quelle utilisation qui suffira. Puisqu’il est exigé que l’utilité de l’invention proposée soit liée à la nature de l’objet, une invention proposée ne peut être sauvée par une utilité qui n’a aucun lien avec lui. Il ne suffit pas que la personne voulant faire breveter une machine fasse valoir qu’elle est utile en tant que presse-papier.
[54] Pour déterminer si un brevet divulgue une invention dont l’utilité est suffisante au sens de l’art. 2, les tribunaux doivent procéder à l’analyse suivante. Ils doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile — c’est-à-dire, se demander s’il peut donner un résultat concret?
[55] La Loi ne prescrit pas le degré d’utilité requis. Elle ne prévoit pas non plus que chaque utilisation potentielle doit être réalisée — une parcelle d’utilité suffit. Une seule utilisation liée à la nature de l’objet est suffisante, et l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt : AZT, par. 56.
[324]
La première question consiste à cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. La seconde question consiste à se demander si cet objet est utile — c’est-à-dire, se demander s’il peut donner un résultat concret. L’utilité doit être démontrée ou valablement prédite. Seule une parcelle d’utilité est requise.
A.
Déterminer en premier lieu l’objet de l’invention telle qu’elle est revendiquée dans le brevet, puis se demander si l’objet est utile – peut-il donner un résultat concret
[325]
Il est écrit au paragraphe 53 de l’arrêt AstraZeneca que « [c]e qui constitue une utilité acceptable variera en fonction de l’objet de l’invention cerné à la suite de l’interprétation des revendications »
. Après l’arrêt AstraZeneca, l’utilité est évaluée une revendication à la fois, tout comme elle l’était avant cet arrêt : Astrazeneca Canada Inc. c Apotex Inc., 2015 CAF 158, aux paragraphes 4 et 5, et Apotex Inc c Pfizer Canada Inc, 2014 CAF 250, conformément à l’article 58 de la Loi sur les brevets et au paragraphe 46 de l’arrêt AstraZeneca lui-même.
[326]
Par conséquent, l’analyse de l’utilité procèdera une revendication à la fois et eu égard à l’interprétation donnée à chacune des revendications invoquées dans le brevet 668, à savoir les revendications 8, 9, 33, 43 et 44. Je dois rappeler que les parties sont substantiellement d’accord sur l’interprétation des revendications 8, 9 et 33.
[327]
Revendications 8 et 9 – Les parties sont d’accord pour dire que l’objet de l’invention des revendications 8 et 9 est le succinate d’ODV de forme I. L’objet de l’invention des revendications 8 et 9 est la nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV qui est le succinate d’ODV de forme I. Cela répond à la première question concernant l’objet de l’invention tel que présenté dans la première partie de l’examen effectué dans l’arrêt AstraZeneca.
B.
La forme I de succinate d’ODV, l’objet des revendications 8 et 9, est-elle utile – peut-elle donner un résultat concret?
[328]
Pfizer dit, et je suis d’accord, qu’au moment de la date pertinente, il avait été établi que le succinate d’ODV de forme I était une forme à l’état solide du succinate d’ODV qui était stable et utile. Selon moi, cette utilité pratique est pertinente à l’objet de l’invention des revendications 8 et 9 étant donné l’objectif utile et important dans la mise au point d’un médicament de définir un état solide qui est stable dans les conditions multiples de fabrication, de distribution et d’entreposage, jusqu’à son administration au patient. À cet égard, M. Fiese de Teva en est venu à la même conclusion dans son témoignage en se disant d’accord que la stabilité dans des conditions ambiantes comme l’humidité et la température rendait un candidat au médicament plus approprié, p. ex., [traduction] « il ne va pas se transformer tout seul »
[329]
À cet égard, je conclus que la stabilité a été démontrée par les faits qui ne sont pas contestés, notamment que lu succinate d’ODV de forme I était stable à la température ambiante et jusqu’à 105 ⁰C, et physiquement stable à une humidité relative de 5 % à 95 %. |||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||| Ces conclusions proviennent de Mme Park de SSCI, que j’ai retenues : voir les paragraphes 136, 138 et 145 ci-dessus.
[330]
Pfizer a aussi soutenu que l’utilité pratique du médicament en tant que forme solide stable constitue à elle seule une utilité suffisante suivant l’arrêt AstraZeneca dans ce contexte. Je suis d’accord. Toutefois, parce qu’elles ont été présentées comme arguments devant moi, je vais examiner d’autres prétendues utilités.
[331]
Pfizer a dit que les inventeurs du brevet 668 ont démontré que le succinate d’ODV et le succinate d’ODV de forme I avaient des caractéristiques additionnelles d’utilité pratique dont une solubilité, une perméabilité et une biodisponibilité améliorées par rapport aux formes précédentes d’ODV : la base à l’état pur du fumarate d’ODV. Comme l’analyse suivante qui s’appuie sur mes conclusions précédentes le confirme, je suis d’accord.
[332]
L’utilité de la forme saline du succinate d’ODV (revendications 1 à 7) a à la fois été démontrée et valablement prédite. Une importante amélioration en matière de solubilité à l’échelle des taux de pH dans la voie GI sur le fumarate d’ODV ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, comme il a été exposé dans les présents motifs. Une grande amélioration en matière de perméabilité telle qu’il a été démontré par une augmentation de sa perméabilité à l’échelle de la voie GI par rapport au fumarate d’ODV |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| au moyen des tests de perfusion sur des rats et les résultats largement acceptés des valeurs prévues Peff et Fa. La solubilité a par conséquent été démontrée, à partir d’un raisonnement solide.
[333]
Le succinate d’ODV fournit également une biodisponibilité grandement améliorée. La biodisponibilité est en gros une fonction de la solubilité et de la perméabilité; des améliorations à la fois dans la solubilité et la perméabilité occasionneront des améliorations dans la biodisponibilité. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||| Une biodisponibilité prévue chez les humains à partir des tests de perfusion sur des rats était plus élevée pour le succinate que pour le fumarate ||||||||||||||||||||||||||||
[334]
En outre, selon moi, l’utilité de la forme saline du succinate d’ODV a également été valablement prédite pour pratiquement les mêmes raisons, notamment une importante amélioration appropriée en matière de solubilité, avec une amélioration de la perméabilité. Les calculs sur la perméabilité chez les rats ont démontré que le succinate d’ODV aurait une biodisponibilité en général plus que le fumarate ||||||||||||||||||||||||||, le test de perfusion sur des rats et les valeurs Peff et Fa utilisées sont des modèles bien acceptés pour étudier la perméabilité dans la voie GI.
[335]
Je devrais également noter que les arguments de Teva à l’encontre de l’utilité du succinate d’ODV de forme I s’appuyaient entièrement sur la doctrine de la promesse excessive qui a maintenant été rejetée; auparavant, Teva ne contestait pas que le succinate d’ODV de forme I avait une utilité en dehors de la doctrine de la promesse excessive.
[336]
Revendications 33, 43 et 44 – Les autres revendications invoquées se rapportent à un objet additionnel divulgué par le brevet 668. Plus précisément, tel que je l’ai conclu en ce qui concerne l’interprétation des revendications, et comme elle dépend des revendications 8 ou 9, la revendication 33 se rapporte à l’utilisation du succinate d’ODV de forme I dans le traitement de la dépression.
[337]
La revendication 44, comme elle dépend des revendications 8 ou 9, tel que je l’ai conclu en ce qui concerne l’interprétation des revendications, se rapporte à l’utilisation d’une formulation à libération continue du succinate d’ODV de forme I pour arriver à un taux précis de concentration dans le plasma sanguin et réduire l’incidence des effets secondaires qui se produisent avec une formule à libération immédiate. La revendication 44 se rapporte à la même formulation à libération continue contenant le succinate d’ODV sous quelque forme que ce soit.
[338]
Ces revendications visent d’autres utilisations de l’objet des revendications 8 et 9, ce qui soulève la question suivante selon l’analyse préconisée dans l’arrêt AstraZeneca : si cet objet est utile – c.-à-d., se demander s’il peut donner un résultat concret?
C.
Les objets des revendications 33, 43 et 44 sont-ils utiles – c.-à-d., se demander s’ils peuvent donner un résultat concret?
[339]
Revendication 33 – À mon humble avis, les inventeurs avaient démontré et valablement prédit que le succinate d’ODV de forme I pouvait donner un résultat concret, à savoir qu’on pouvait l’utiliser dans le traitement de la dépression.
[340]
Selon moi, les inventeurs ont démontré et, subsidiairement, ont valablement prédit que le succinate d’ODV de forme I pouvait être utilisée pour le traitement de la dépression. Il était déjà connu dans l’art que l’ODV lui-même était au traitement de la dépression dans la mesure où on pouvait l’administrer de façon efficace. La personne versée dans l’art saurait que, si une forme quelconque du succinate d’ODV pouvait être administrée de façon efficace dans la circulation sanguine d’un patient, il serait de même utile à cette fin parce l’ODV se serait dissocié. Les inventeurs du brevet 668 avaient démontré à la date du dépôt que le succinate d’ODV de forme I pouvait être administré de manière à entraîner des concentrations sanguines efficaces de l’ODV chez les patients humains. Donc, toute utilité par rapport à la revendication 33 a également été démontrée.
[341]
À mon avis, l’utilité du succinate d’ODV de forme I pour traiter la dépression a aussi été valablement prédite en fonction de la pharmacologie connue de l’ODV et il avait été démontré que le succinate d’ODV de forme I pouvait pénétrer dans la circulation sanguine. Il était connu que l’ODV était actif d’un point de vue pharmacologique en tant qu’IRSN et que l’ODV était le métabolite actif de la venlafaxine, qui était approuvée et utilisée pour le traitement de la dépression en tant qu’EFFEXOR et EFFEXOR XR. Autrement dit, l’activité pharmacologique contre la dépression de l’ODV était connue. De plus, comme je viens de le mentionner, il avait été démontré que le succinate d’ODV de forme I pouvait pénétrer dans la circulation sanguine à des concentrations efficaces d’un point de vue thérapeutique. À mon avis, la conclusion selon laquelle le succinate d’ODV de forme I pouvait pénétrer dans la circulation sanguine, où il devait servir à tous les usages cliniques pour lesquels l’utilité de l’ODV était déjà connue, y compris le traitement de la dépression, reposait donc sur un raisonnement valable.
[342]
Revendications 43 et 44 – Selon moi les inventeurs ont démontré qu’au moment pertinent la formule à libération continue du succinate d’ODV (plus précisément la forme I) qui atteignait les taux de concentration appropriée dans le plasma sanguin a mené à la réduction des effets indésirables comparativement à la formule à libération immédiate, comme l’a expliqué M. Polli : [traduction] « […] des formules à libération continue qui donnait des concentrations plasmatiques maximales inférieures à 225 ng/mL (l’extrémité inférieure de l’échelle observée dans le cas de la formulation à libération immédiate), pourrait entraîner une réduction de ces effets indésirables par rapport aux formules à libération immédiate du succinate d’ODV »
.
[343]
Ces formulations visent une libération plus lente d’un médicament afin de réduire les niveaux de concentration dans le sang et ainsi les effets indésirables.
[344]
Pfizer note que la question des effets indésirables n’est pas pertinente par rapport aux revendications 8, 9 et 33.
[345]
Pour les revendications 43 et 44 en ce qui a trait à l’examen de l’utilité effectué après l’arrêt AstraZeneca, la question est de savoir si, comme l’enseigne AstraZeneca, l’objet de l’invention de ces revendications – qui est la formule à libération continue du succinate d’ODV entraînant un taux Cmax de moins de 225 ng/mL – est utile. À mon humble avis, l’utilité des formules à libération continue qui est liée à la réduction des effets indésirables par rapport aux formulations à libération immédiate a été démontrée par les inventeurs et rapportée dans le brevet 668, comme je viens de le discuter, et comme l’ont confirmé M. Shah et M. Polli et tel qu’il est indiqué dans le brevet 668.
[346]
Cette utilité a clairement une fonction pratique (c.-à-d., elle a un résultat concret). Par conséquent, Pfizer a répondu aux exigences de l’utilité de la Loi sur les brevets comme l’a déterminé l’arrêt AstraZeneca; des déclarations additionnelles dans le brevet 668 concernant la réduction des effets indésirables n’ont pas à être examinées en raison de leur non-pertinence.
[347]
Étant donné les motifs ci-dessus, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’inutilité de Teva ne sont pas justifiées.
VIII.
Conclusion
[348]
Ayant conclu que, selon la prépondérance des probabilités, Pfizer a établi que les allégations d’évidence et d’absence d’utilité de Teva ne sont pas justifiées, la demanderesse Pfizer a droit à une ordonnance qui empêche le ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité en réponse à l’avis d’allégations envoyé par Teva Canada Limitée à Pfizer Canada Inc., auparavant Wyeth LLC, daté du 10 juillet 2015, concernant le brevet canadien no 2 436 668 qui est délivré dans le cadre du présent jugement.
IX.
Dépens
[349]
Les dépens suivront l’issue de la cause et Pfizer se verra adjuger ses dépens contre Teva de la manière établie selon les modalités auxquelles Pfizer et Teva se sont entendues préalablement aux présents motifs, et qui sont annexées au présent jugement.
X.
Motifs confidentiels
[350]
Les présents motifs contiennent des renseignements assujettis à une ordonnance de non-divulgation et sont par conséquent désignés comme étant confidentiels. Les parties disposeront de 20 jours pour se consulter et pour informer la Cour des portions, s’il y a lieu, qu’elles souhaitent caviarder, à défaut de quoi les présents motifs seront rendus publics et versés au dossier public.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
La demande est accueillie.
Il est interdit au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité relativement à l’avis d’allégation envoyé par Teva Canada Limitée à Pfizer Canada Inc., anciennement Wyeth LLC, daté du 10 juillet 2015, en ce qui concerne le brevet canadien no 2 436 668.
Teva devra payer à Pfizer les dépens de la présente demande précisés à l’annexe « A », Entente relative aux dépens, jointe aux présentes, le paragraphe 2 ayant été supprimé, étant donné qu’il n’est plus pertinent étant donné l’issue de la cause.
Les parties disposeront de 20 jours pour se consulter et pour informer la Cour, s’il y a lieu, des parties des présents jugement et motifs qu’elles souhaitent censurer, à défaut de quoi les présents motifs seront rendus publics et versés au dossier public en conséquence.
« Henry S. Brown »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 8e jour de septembre 2020
Lionbridge
Annexe A
Entente relative aux dépens
- La partie ayant obtenu gain de cause se verra adjuger les dépens conformément aux directives suivantes, à condition que les directives suivantes ne modifient ou ne remplacent aucunement toutes ordonnances ou directives existantes relatives aux dépens pour des requêtes ou des mesures particulières avant l’audition de la présente demande :
les dépens devront être taxés selon le milieu de la colonne IV du tarif B;
aucuns dépens ne sont recouvrables dans le cas des avocats internes, des assistants judiciaires, des étudiants et du personnel de soutien;
Seuls les frais des experts ayant souscrit des affidavits ou des rapports produits dans le cadre de l’instance sont recouvrables (les experts admissibles).
le taux horaire des experts admissibles ne doit pas dépasser celui des avocats principaux;
les honoraires versés aux experts admissibles pour les heures n’ayant pas été consacrées à la préparation de leur propre affidavit/rapport ou de leur contre-interrogatoire ne sont recouvrables que s’il est établi qu’il était raisonnable et nécessaire d’offrir une assistance technique à l’avocat;
les honoraires d’avocat seront évalués de la manière suivante :
un avocat principal et un avocat adjoint à l’audience;
un avocat principal et un avocat adjoint menant les contre-interrogatoires;
un avocat principal défendant les témoins lors des contre‑interrogatoires;
les frais de déplacement et de logement seront évalués sur la base des tarifs aériens en classe économique et du coût de chambres individuelles;
les coûts de photocopie seront évalués à raison de 0,25 $ par page, et le nombre de copies recouvrables sera limité à la quantité raisonnable et nécessaire.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-1399-15
|
INTITULÉ :
|
PFIZER CANADA INC. ET WYETH LLC c TEVA CANADA LIMITÉE ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TORONTO (ONTARIO)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 3 avril 2017
|
JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS ORIGINAUX ET MODIFIÉS :
|
LE JUGE BROWN
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 22 août 2017
|
JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS :
|
LE JUGE BROWN
|
DATE DES MOTIFS :
|
Le 22 septembre 2017
|
COMPARUTIONS :
Andrew Shaughnessy
Nicole Mantini
Andrew Bernstein
Rachael Saab
|
Pour les demanderesses
|
Brian Norry
Aleem Abdulla
|
Pour les défendeurs
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Torys LLP
Avocats
Toronto (Ontario)
|
Pour les demanderesses
|
Aitken Klee LLP
Avocats
Ottawa (Ontario)
|
Pour les défendeurs
|