Date : 20170831
Dossier : IMM-2966-16
Référence : 2017 CF 798
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 31 août 2017
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE :
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MAHRAB MASSEY ET SHIRLY EUGINA MASSEY
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
M. Mahrab Massey (le demandeur) et Mme Shirly Eugina Massey (la demanderesse), collectivement (les demandeurs), sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui rejette l’appel de la décision d’un agent d’immigration selon laquelle les demandeurs n’ont pas respecté leur obligation de résidence conformément à l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), et que les motifs d’ordre humanitaire ne suffisent pas à rendre inopérante cette inobservation.
[2]
Le demandeur est né le 25 mars 1925. Son épouse est née le 26 février 1934. Les deux sont des citoyens de l’Inde.
[3]
En 2006, les demandeurs sont venus au Canada à titre de résidents permanents et ont habité avec leur fils cadet, Rajiv. Rajiv a immigré au Canada en février 2000 et son épouse l’a rejoint en avril 2000. Rajiv et son épouse sont maintenant des citoyens canadiens et ils sont les parents de deux enfants nés au Canada.
[4]
En 2007, les demandeurs ont quitté le Canada et sont retournés vivre en Inde auprès de leur fils aîné Ashok, de son épouse et de leur fille Myra. Selon leur témoignage devant la Section d’appel de l’immigration, les demandeurs avaient l’intention de revenir au Canada après s’être occupés de certaines affaires personnelles en Inde.
[5]
En 2012, le fils aîné a immigré au Canada avec sa famille. C’est à peu près à cette date que les demandeurs ont constaté l’expiration de leurs cartes de résident permanent. L’expiration a eu lieu en 2011.
[6]
Les demandeurs ont demandé un titre de voyage en 2013. Un agent d’immigration (l’agent) a examiné leur demande. L’agent a jugé que les demandeurs n’avaient pas respecté l’obligation de résidence imposée par l’article 28 de la Loi et que les motifs d’ordre humanitaire ne suffisaient pas à justifier le rétablissement du statut de résident permanent dans leur cas.
[7]
Les demandeurs ont interjeté appel devant la Section d’appel de l’immigration, en application du paragraphe 63(4) de la Loi.
[8]
L’appel des demandeurs a été entendu entre avril 2015 et le 30 mars 2016. Les demandeurs ont témoigné au téléphone depuis l’Inde. Ont également témoigné leurs fils Rajiv et Ashok; leur petite-fille Myra, fille d’Ashok; Ayush Massey, petit-neveu du demandeur; Marie Molliner, fonctionnaire à la retraite et amie d’Ashok Massey et de sa famille au Canada.
[9]
Les éléments de preuve dont disposait la Section d’appel de l’immigration concernaient les relations familiales et les liens entre membres de la famille élargie des Massey au Canada.
[10]
En rendant sa décision, la Section d’appel de l’immigration a reconnu l’existence de critères d’ordre humanitaire, mais, après avoir conclu que ces critères ne suffisaient pas à rendre inopérante l’inobservation de l’obligation de résidence, que l’article 28 de la Loi impose, elle a rejeté l’appel. Aux paragraphes 35 et 36 de sa décision, la Section d’appel de l’immigration a déclaré ce qui suit :
[traduction]
Le statut de résident permanent est accordé par le gouvernement, lequel exerce alors son pouvoir de réglementer l’admission des non-citoyens au Canada, et les actions de l’appelant peuvent entraîner sa révocation. Il incombe aux nouveaux arrivants au Canada de connaître leurs obligations et leurs droits et, lorsqu’ils ne se conforment pas à l’obligation de résidence, il leur incombe de démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles justifiant le non-respect de l’obligation. Bien qu’il y ait des motifs d’ordre humanitaire, ils ne justifient pas, compte tenu de toutes les circonstances, une conclusion favorable à l’appelant.
Après avoir examiné les éléments de preuve et les argumentations, le tribunal juge que les décisions de l’agent d’immigration sont valables et qu’il n’y a pas, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché, de considérations d’ordre humanitaire qui justifient une mesure spéciale, vu les autres circonstances de l’affaire. Les appels sont rejetés conformément à l’alinéa 66c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
[11]
Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs soulèvent trois questions.
[12]
Ces questions sont considérées par les demandeurs comme des erreurs de droit. D’abord, ils soutiennent que la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur de droit en formulant le critère juridique erronément en leur imposant de démontrer l’existence de [traduction] « circonstances d’ordre humanitaire pouvant justifier l’octroi d’une mesure spéciale »
.
[13]
Ensuite, les demandeurs font ensuite valoir que la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique établi.
[14]
Enfin, ils soutiennent que la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur de droit en n’exerçant pas sa compétence en équité, comme l’enseigne la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2015] 3 RCS 909.
[15]
En somme, les demandeurs soutiennent que la Section d’appel de l’immigration a commis des erreurs de droit et que la norme de la décision correcte devrait s’appliquer au contrôle de sa décision.
[16]
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient que la norme de la décision raisonnable doit s’appliquer au contrôle de la décision de la Section d’appel de l’immigration et que cette décision répond à cette norme.
[17]
La première question à trancher concerne la norme de contrôle qui s’applique. Les questions de droit sont généralement susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190.
[18]
La norme du caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables; voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.
[19]
Je n’abonde pas dans le sens des demandeurs selon qui la question en litige soulèverait des erreurs de droit. La conclusion de la Section d’appel de l’immigration portant sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire fondé sur des motifs d’ordre humanitaires qui permettrait de rendre inopérante l’inobservation de l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la Loi constitue l’essentiel de l’affaire.
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Les demandeurs reconnaissent qu’ils ont manqué aux obligations prévues à l’alinéa 28(2)a), qui dispose ce qui suit :
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Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les demandeurs mettent à tort l’accent sur le pouvoir discrétionnaire relatif aux motifs d’ordre humanitaire conféré à l’article 28 de la Loi. La présente demande de contrôle judiciaire a pour objet la décision de la Section d’appel de l’immigration et non celle de l’agent. Le défendeur souligne à bon droit que la Section d’appel de l’immigration jouit de son propre pouvoir discrétionnaire conféré par l’alinéa 67(1)c) de la Loi relativement aux motifs d’ordre humanitaire. En voici le libellé :
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[22]
Toute procédure devant la Section d’appel de l’immigration est nécessairement une audience de novo; voir la décision Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1673. Il s’ensuit que la Section d’appel de l’immigration a le loisir d’examiner de nouveaux éléments de preuve et de rendre sa propre décision; elle n’est pas liée par la décision du décideur initial. À cet égard, je cite la décision de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador Newterm Ltd., Re, (1988), 70 Nfld & PEIR 216 (Nfld. TD), paragraphes 4 et 5.
[23]
Les demandeurs soutiennent que la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur en n’appliquant pas la loi, c’est-à-dire sans exercer le pouvoir discrétionnaire fondé sur les considérations d’ordre humanitaire, comme l’enseigne l’arrêt Kanthasamy, précité. Ils citent les paragraphes 11 à 21 de cette décision et suggèrent que la Section d’appel de l’immigration a indûment son examen de l’ensemble des mesures à sa portée.
[24]
Je ne souscris pas à ces arguments. Même si l’arrêt Kanthasamy de la Cour suprême du Canada, précité, met certainement l’accent sur l’objectif humanitaire du pouvoir discrétionnaire global fondé sur des motifs d’ordre humanitaire, que le paragraphe 25(1) de la Loi confère, cette décision ne permet pas d’affirmer que chaque demande visant l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit être accueillie.
[25]
À mon avis, la décision de la Section d’appel de l’immigration démontre que le décideur a tenu compte des éléments de preuve déposés et de la jurisprudence pertinente. Le fait que les demandeurs ont des enfants adultes au Canada, une petite-fille d’âge universitaire et deux jeunes petites-filles n’entraîne pas automatiquement que l’exercice du pouvoir discrétionnaire fondé sur des motifs d’ordre humanitaire soit favorable à leur égard.
[26]
Comme il a été mentionné précédemment, la présente demande de contrôle judiciaire ne soulève aucune erreur de droit. Elle soulève une question caractéristique sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire fondé sur des motifs d’ordre humanitaire, celui qui émane de l’alinéa 67(1)c) de la Loi, qui énonce les pouvoirs de la Section d’appel de l’immigration, et non du paragraphe 25(1).
[27]
Les faits en l’espèce sont simples et suscitent la sympathie.
[28]
Les demandeurs sont âgés. Ils sont les parents de deux fils adultes, qui sont tous deux mariés et ont des enfants. Les fils vivent maintenant au Canada avec leur famille. Des membres de la famille élargie habitent également au Canada. Les demandeurs n’ont ni frère ni sœur en Inde qui soit encore en vie. Toutefois, je ne relève aucune erreur susceptible de révision que la Section d’appel de l’immigration aurait commise. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[29]
L’avocat des demandeurs propose la question à certifier suivante :
Quel est le critère juridique que la Section d’appel de l’immigration devrait prendre lorsqu’elle examine les facteurs d’ordre humanitaire lors de l’appel d’une décision rendue conformément à l’article 28 de la Loi?
[30]
Le défendeur s’oppose à la certification de cette question aux motifs qu’elle ne répond pas au critère établi dans Zazai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 318 NR 365, à savoir une question grave de portée générale qui est déterminante quant à l’issue d’un appel.
[31]
Je souscris aux observations du défendeur à ce sujet. La question proposée ne répond pas à ce critère et aucune question ne sera certifiée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2966-16
LA COUR ORDONNE QUE la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans aucune question à certifier.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 26e jour de septembre 2019
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2966-16
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INTITULÉ :
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MAHRAB MASSEY ET SHIRLY EUGINA MASSEY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TORONTO (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 20 FÉVRIER 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE HENEGHAN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 31 AOÛT 2017
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COMPARUTIONS :
Wennie Lee
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POUR LES DEMANDEURS
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S. Hillary Adams
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
LEE & COMPANY
Services d’assistance judiciaire, d’avocats et de litiges en matière d’immigration
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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