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Date : 20170731


Dossier : T-2099-16

Référence : 2017 CF 742

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2017

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

CHERYL GRAVELLE

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE,
POUR LE COMPTE DE LA

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA,
ET COMMISSAIRE DE LA

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de l’ordre qu’a donné le 4 novembre 2016 [l’ordre contesté] Mme Kelly Sullivan, dirigeante des Relations employeur-employés [DREE] de la Division « H » de la Gendarmerie royale du Canada [GRC], agissant à titre de délégataire prévue par la loi [la délégataire] du commissaire de la GRC, afin d’obliger la demanderesse à subir un examen médical et une évaluation par une personne compétente conformément au paragraphe 20.2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R‑10 [la Loi sur la GRC] et à l’article 19 des Consignes du commissaire (exigences d’emploi), DORS/2014‑292 [les CC (exigences d’emploi)].

Le contexte

[2]  La demanderesse est membre assermentée de la GRC; elle compte vingt-quatre années de service et occupe le grade de sergent d’état-major. Le 29 octobre 2008, elle a eu un accident dans le cadre de son travail après avoir été violemment agressée par une personne souffrant de problèmes de santé mentale. Les lésions qu’elle a subies l’ont amenée à subir une intervention chirurgicale au dos et à prendre un congé pour raisons médicales de février à mai 2010, après quoi elle a été mise en congé pour raisons médicales pendant une période prolongée, de mai 2010 à janvier 2012. Elle est ensuite revenue au travail graduellement, mais a dû une fois de plus prendre un congé pour raisons médicales le 22 mars 2012. Depuis ce temps, elle n’est pas retournée au travail, mais elle a reçu et continue de recevoir son plein salaire, y compris la totalité des indemnités, des augmentations économiques et des avantages sociaux qui sont offerts à l’échelon de sergent d’état-major. Le dossier médical de la demanderesse est actuellement géré par le Bureau des services de santé [BSS] de la Division « H ».  

[3]  Lors de son congé autorisé, la demanderesse a déposé des plaintes au sujet de divers incidents. Même si ces éléments n’ont pas nécessairement une incidence sur la légalité ou le caractère raisonnable de l’ordre contesté, la demanderesse considère qu’ils justifient sa réticence à donner accès aux renseignements privés et confidentiels qui la concernent :

  • a) en avril 2012, elle a porté plainte sous le régime de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, LC 2005, c 46, contre quatre officiers hauts gradés de la région de l’Atlantique, plainte qui a été rejetée en partie par un agent d’intégrité professionnelle de la GRC [la plainte déposée sous le régime de la LPFDAR]. Plus tard, elle porté plainte contre l’arbitre, car celui-ci avait omis de révéler que l’un des officiers était un ancien collègue et supérieur immédiat;

  • b) en août 2012, le dossier médical de la demanderesse a été transféré de la Division « H » à la Division « J », à cause, en partie, d’une violation, par un agent du BSS de la Division « H », de ses droits à la vie privée. Incidemment, le 20 août 2013, la demanderesse a porté plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada [CPVP] à propos de cette violation de ses droits à la vie privée. Le 2 décembre 2015, le CPVP a accueilli sa plainte et conclu que l’agent avait violé les droits de la demanderesse en consultant ses renseignements personnels et confidentiels tout en agissant en sa double qualité de supérieur immédiat et de DREE;

  • c) le 24 juillet 2015, la demanderesse a porté à l’intention du surintendant Dennis Daley, l’officier responsable de l’administration et du personnel à la Division « H », qu’un agent des Services internes avait communiqué directement avec sa mère en vue d’obtenir des renseignements privés, ce qui avait rendu cette dernière confuse, l’avait troublée émotionnellement et l’avait inquiétée au sujet du bien‑être de sa fille. La demanderesse a par la suite fait part à l’inspecteur Chapman de sa déception et de ses préoccupations au sujet de l’inaction de la GRC quant au défaut du surintendant Daley de régler la question du harcèlement de sa mère et de la violation de ses renseignements de santé personnels;

  • d) en raison du harcèlement de sa mère, ainsi que du défaut de ses officiers supérieurs de communiquer avec elle, la demanderesse a déposé le 28 juin 2016 quatre plaintes de harcèlement.

[4]  Le 13 mai 2016, le dossier de la demanderesse a été retourné à la Division « H », en raison de la lourde charge de travail de la Division « J » et de la distance entre l’équipe du BSS de la Division « J » et la demanderesse, ce qui rendait les consultations difficiles. On l’a ensuite informée que Mme Kelly Sullivan était la nouvelle DREE qui serait chargée de son dossier. Cependant, la demanderesse, en désaccord avec ce transfert, a déposé un grief le 13 juin 2016. Le 29 juillet 2016, Mme Sullivan est entrée en contact avec elle pour lui expliquer son rôle ainsi que les mesures qui seraient prises pour l’aider à régler les plaintes de harcèlement.

[5]  Le 25 août 2016, le Dr Kevin Bourque, médecin-chef de la Division « H », a procédé à l’évaluation du dossier et a informé Mme Sullivan qu’il était impossible à ce moment-là de déterminer l’état fonctionnel de la demanderesse ou toute restriction à l’emploi indiquée. Cette situation était attribuable à la fois à un manque de documentation récente de la part des personnes qui l’avaient soignée et au fait que la documentation ne traitait pas suffisamment en détail de son état fonctionnel. En fait, la demanderesse n’avait pas fourni de certificat médical ni aucun des renseignements médicaux à jour qui étaient nécessaires pour confirmer la nécessité de son congé depuis novembre 2015. On est donc entré en contact avec elle pour qu’elle consente à ce que ses médecins soignants communiquent des renseignements médicaux à jour, ce qu’elle a refusé, considérant que son grief suspendait le transfert de son dossier médical de la Division « J » à la Division « H ».

[6]  Le 26 août 2016, Mme Sullivan a fourni à la demanderesse une mise à jour générale sur la situation, y compris sur le transfert du dossier médical à la Division « H ». La demanderesse a répondu le même jour, corrigeant quelques erreurs commises dans l’analyse de Mme Sullivan et posant à celle-ci plusieurs questions (dont celle de savoir quel était son grade et qui était son officier hiérarchique).

[7]  Le 25 octobre 2016, Mme Sullivan a fait part à la demanderesse de la nécessité de fournir des renseignements à jour afin d’évaluer son état de santé actuel, et d’indiquer les mesures d’accommodement dont elle avait besoin et si un retour au travail était possible. Tout en prenant acte du grief non réglé et des plaintes de harcèlement que la demanderesse avait déposées, Mme Sullivan lui a néanmoins demandé de fournir des renseignements à jour sur son médecin traitant afin que l’on puisse vérifier si ses lésions actuelles l’empêchaient de travailler, ou si un retour au travail était possible. Mme Sullivan lui a aussi demandé d’entrer en contact avec le Dr Bourque, le 27 octobre 2016 au plus tard, pour prendre les dispositions nécessaires à la fourniture des renseignements médicaux requis. Enfin, Mme Sullivan a informé la demanderesse qu’à défaut de se conformer à ces demandes, elle s’exposait à un ordre de subir une évaluation médicale indépendante [EMI], conformément à l’article 19 des CC (exigences d’emploi).

[8]  La demanderesse a répondu par courriel, disant qu’elle craignait que le fait de se conformer à cette demande nuise à son grief relatif au transfert de son dossier à la Division « H ». Elle a ensuite refusé d’obtempérer et a plutôt écrit directement au BSS de la Division « J ». Elle leur a ensuite donné l’autorisation, déjà fournie antérieurement, d’entrer en contact avec ses médecins traitants. Elle leur a toutefois demandé de ne faire part à la Division « H » d’aucun des renseignements qu’il recevrait avant que son grief soit convenablement réglé.

[9]  Le 27 octobre 2016, Mme Sullivan a reçu du Dr Bourque la confirmation que la demanderesse n’était pas entrée en contact avec lui, ou avec tout autre membre du personnel du BSS.

[10]  En conséquence, le 4 novembre 2016, la demanderesse a reçu signification d’un avis l’obligeant à subir un examen médical ou une évaluation par une personne compétente, ce qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

L’ordre de la délégataire du ministre

[11]  L’ordre contesté qu’a donné la délégataire du commissaire est le suivant :

[traduction]

La Loi sur la Gendarmerie Royale du Canada (« Loi sur la GRC ») prévoit que le commissaire peut exiger qu’un membre subisse un examen médical ou une évaluation par une personne compétente qu’il désigne dans le but d’évaluer la capacité de ce membre d’exercer ses fonctions. Le commissaire, conformément aux Délégations de pouvoir – Secteur des responsabilités professionnelles – Loi sur la GRC, m’a délégué ce pouvoir en tant que dirigeante des Relations employeur-employés et officier responsable de la sécurité et de la santé au travail.

Le 2016-10-25, je vous ai demandé d’entrer en contact avec le médecin-chef (MC) de la Division, le Dr Kevin Bourke, afin de prendre les dispositions nécessaires à la fourniture des  renseignements médicaux requis, étant donné que la GRC ne disposait pas d’assez de renseignements pour confirmer que votre absence actuelle était médicalement nécessaire. Le 2016-10-27, le Dr Kevin Bourke, le médecin-chef (MC) qui vous a été assigné, m’a informée que vous n’aviez pas obtempéré à cette demande. Comme le MC a déterminé qu’il n’y a pas assez de renseignements pour déterminer vos aptitudes, vos limites fonctionnelles et vos restrictions, je conclus que vous devez subir un examen médical ou une évaluation par une personne compétente dans le but d’établir votre capacité d’exercer vos fonctions (l’examen). Les Services de santé entreront en contact avec vous dans les cinq jours suivant la date du présent avis et ils vous feront part des détails concernant la personne compétente retenue, ainsi que de la date, de l’heure et du lieu de votre rendez-vous.

Comme on m’a délégué le pouvoir du commissaire, et conformément à l’alinéa 20.2(1)c) de la Loi sur la GRC, veuillez prendre note que je vous enjoins de subir l’examen médical ou l’évaluation susmentionnée par la personne compétente précisée dans le but d’établir votre capacité d’exercer vos fonctions. Aux termes de l’article 19 des Consignes du commissaire (exigences d’emploi), vous êtes tenue de vous présenter à la personne compétente en vue de l’examen, y compris à tout rendez-vous complémentaire. Vous devez subir les tests, les examens ou les autres évaluations que la personne compétente exigera de façon à établir votre capacité d’exécuter vos fonctions. Si vous négligez ou refusez de vous présenter à l’examen, il se peut que votre congé de maladie soit annulé, ce qui pourrait se solder par la cessation de votre solde et de vos indemnités, ou par votre licenciement de la GRC.

Veuillez noter que, conformément à l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le Bureau des services de santé au travail de la Division « H » a le pouvoir et le devoir de communiquer à la personne compétente les renseignements médicaux personnels pertinents et nécessaires qui relèvent de la GRC en vue d’établir votre capacité d’exécuter vos fonctions, comme il est prescrit à l’alinéa 20.2(1)c) de la Loi sur la GRC.

Lorsqu’un membre s’absente du travail pour cause de maladie ou de lésion, les Services de santé au travail, que coordonne le MC, peuvent intervenir en tout temps afin de s’assurer que cette personne reçoit tous les services ou traitements nécessaires pour qu’il guérisse et devienne apte à exercer ses fonctions en temps opportun. Si vous avez des questions à poser au sujet du présent avis, vous pouvez communiquer avec moi à […]. Vous pouvez aussi téléphoner au Programme d’aide aux employés (1‑800‑268‑7708), qui fournit une aide et des services de soutien confidentiels. Si vous le voulez, vous pouvez aussi solliciter l’aide et les conseils de votre conseiller en services en milieu de travail pour les membres.

[12]  La demanderesse, qui ne s’est pas conformée entièrement à cet ordre, a tenté dans l’intervalle, sans succès toutefois, de le faire annuler par la délégataire ou de le faire infirmer par un arbitre.

Les faits postérieurs à l’ordre contesté

[13]  La demanderesse a tout d’abord refusé de se conformer à l’ordre contesté, réaffirmant que le fait de s’y conformer nuirait à son grief en cours. Quoi qu’il en soit, le 16 novembre 2016, Mme Sullivan a reçu de l’infirmière Gartley une confirmation que la demanderesse avait transmis le nom et les coordonnées de ses fournisseurs de soins de santé. Cependant, après avoir consulté le Dr Bourque, Mme Sullivan a constaté qu’il était quand même nécessaire de procéder à une EMI, car les renseignements reçus des fournisseurs de soins de santé de la plaignante étaient encore insuffisants pour évaluer de façon complète sa capacité de retour au travail. De plus, la demanderesse avait omis de fournir des autorisations écrites suffisantes pour que le BSS puisse obtenir une copie de tout dossier clinique ou de toute réponse des fournisseurs de soins au sujet de questions relatives à toute atteinte ou à tout pronostic. Quelques jours plus tard, un rendez-vous a été pris avec un spécialiste pour que la demanderesse subisse une EMI. Or, cette dernière a refusé de subir cet examen. Plus précisément, elle a affirmé que l’EMI ne pouvait pas avoir lieu à ce moment et qu’elle était illégale, car la GRC n’avait pas épuisé tous les moyens moins attentatoires pour obtenir les renseignements nécessaires sur son état de santé. Elle a donc fait part à Mme Sullivan qu’elle se présenterait au rendez-vous, mais qu’elle ne consentait pas à cet examen.

[14]  La délégataire a refusé d’annuler l’ordre contesté. Dans un courriel daté du 21 novembre 2016, Mme Sullivan a répondu à la demanderesse qu’en ne se soumettant pas à cet examen, elle s’exposait à une annulation de son congé de maladie, à une cessation de sa solde et de ses indemnités ou à un congédiement de la GRC. Le 22 novembre 2016, la demanderesse s’est effectivement présentée au cabinet du Dr Luke Napier, la personne compétente que la GRC avait nommée pour l’examen médical. Elle a toutefois informé ce médecin qu’on lui avait donné l’ordre de subir cet examen, mais qu’elle n’y consentait pas. Le Dr Napier a reconnu qu’il ne pouvait pas l’examiner sans son consentement et il a alors mis fin au rendez-vous.

[15]  Le 25 novembre 2016, la demanderesse a fait appel de l’ordre contesté en application du paragraphe 20(2) des Consignes du commissaire (exigences d’emploi) et de l’alinéa 37d) des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 [CC (Griefs et appels)], lequel appel a finalement été rejeté pour non-respect du délai prévu, comme il est expliqué ci-après.

[16]  Le 6 décembre 2016, la demanderesse a déposé la présente demande de contrôle judiciaire.

L’objection préliminaire des défendeurs

[17]  En règle générale, une partie ne peut solliciter un contrôle judiciaire qu’une fois qu’elle a épuisé tous les recours utiles qu’offre le processus administratif (Black c Canada (Procureur général), 2012 CF 1306, [2012] ACF no 1427 [Black], paragraphe 37, faisant référence à l’arrêt C.B. Powell Limited c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61, [2010] ACF n274, paragraphe 30). Dans leur mémoire des faits et du droit, les défendeurs soutiennent donc que la Cour se doit de refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour trancher la présente demande de contrôle judiciaire parce que la demanderesse dispose d’un autre recours utile et qu’en fait, elle a déjà interjeté appel de l’ordre contesté, lequel appel n’avait pas encore été tranché à ce moment-là, c’est-à-dire le 11 mai 2017. Cela dit, à l’audience qui a eu lieu à Vancouver le 13 juillet 2017, l’avocat de la demanderesse a informé la Cour qu’une décision finale, rejetant l’appel de la demanderesse pour non-respect du délai prévu, avait été rendue par un arbitre quelques semaines plus tôt. Une copie de la décision en question, rendue le 9 juin 2017 par Kevin L. Harrison, arbitre à contrat en matière de recours, a été produite par l’avocat de la demanderesse, comme la Cour l’a demandé, le 14 juillet 2017.

[18]  Dans la lettre qu’il a adressée à la Cour le 14 juillet 2017, l’avocat de la demanderesse écrit : [traduction« Mme Gravelle m’a informé qu’elle ne sollicite pas le contrôle judiciaire de la décision la déboutant de son appel » [non souligné dans l’original]. Dans la lettre qu’elle a adressée à la Cour le 17 juillet 2017, l’avocate des défendeurs soutient que la Cour devrait refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire de statuer sur la présente demande, car la demanderesse dispose d’un autre recours utile dans le cadre du processus d’appel et qu’elle peut maintenant solliciter le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’arbitre a rejeté son appel.

[19]  La Cour rejette l’objection préliminaire des défendeurs, à savoir que la présente demande de contrôle judiciaire est prématurée ou que la demanderesse devrait maintenant contester la décision de l’arbitre. Il n’y a pas eu de requête en radiation de la présente instance et l’affaire a été pleinement débattue sur le fond. En fait, une journée d’audience complète a été réservée à cette fin. Il ne servirait à rien et il serait contraire à l’intérêt de la justice de refuser à cette étape tardive de trancher la présente demande. J’ai également examiné la décision par laquelle l’arbitre a rejeté l’appel. En fait, ce dernier a conclu qu’il était interdit à la demanderesse de poursuivre son appel en raison de la prescription, car sa demande n’avait pas été déposée dans le délai prévu de 14 jours qui est mentionné à l’article 38 des CC (Griefs et appels). De plus, l’arbitre avait tout de même examiné la question de savoir si les circonstances de l’affaire méritaient que l’on proroge rétroactivement le délai de prescription. Il n’a trouvé aucune raison de le faire et, bien qu’il ait procédé à une évaluation préliminaire de l’appel et conclu que celui-ci ne révélait pas une cause défendable, on ne peut guère qualifier cette conclusion d’examen exhaustif du bien-fondé de l’appel. Obliger la demanderesse à solliciter maintenant le contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre portant sur la question préliminaire du respect du délai n’occasionnerait que d’autres délais, et il n’y a aucune garantie que l’argument qu’invoque la demanderesse en faveur d’un droit à la protection de ses renseignements sera un jour tranché sur le fond par un arbitre.

Le bien-fondé de la présente demande de contrôle judiciaire

[20]  Je vais maintenant examiner successivement les observations que les parties ont formulées, ainsi que la norme de contrôle applicable et le bien-fondé des arguments sous-jacents de la demanderesse – lesquels sont tous rejetés, car la Cour conclut que l’ordre contesté est raisonnable.

A.  Observations des parties

[21]  La demanderesse sollicite un jugement déclaratoire portant que l’ordre contesté viole son droit à la vie privée et qu’il est de ce fait illégal, de même qu’une ordonnance de la nature d’un certiorari annulant l’ordre contesté. En bref, estimant qu’un employé a un [traduction« droit à la vie privée spécial » sur les renseignements médicaux personnels qui le concernent, la demanderesse soutient que la délégataire n’était pas habilitée par l’alinéa 20.2(1)c) de la Loi sur la GRC et l’article 19 des CC (exigences d’emploi) à donner l’ordre contesté, qu’elle a omis d’expliquer pourquoi les renseignements que les fournisseurs de soins de santé de la demanderesse avaient déjà fournis étaient insuffisants et qu’elle a par ailleurs omis de trouver un moyen moins attentatoire d’obtenir les renseignements requis sur son état fonctionnel, ce qui fait que la décision contestée est déraisonnable.

[22]  Premièrement, la demanderesse souligne l’importance du droit d’un employé au respect de sa vie privée, ce qui est reconnu comme une [traduction« valeur fondamentale du milieu de travail » (Trimac Transportation Services-Bulk Systems c Transportation Communications Union, (1999), 88 LAC (4th) 237 (Burkett)). Un examen médical fait par un médecin tiers est un moyen extrêmement attentatoire d’obtenir des renseignements médicaux sur une personne (NAV Canada, The Employer c The Canadian Air Traffic Control Association, (1998) 74 LAC (4th) 163, paragraphe 55). En conséquence, l’employeur doit [traduction« recourir au moyen le moins attentatoire possible pour obtenir les renseignements dont il a besoin » (Donald JM Brown et David M Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition (Aurora, Canada Law Book, 2014), à 7:6142; Peace Country Health c United Nurses of Alberta, [2007] AGAA No 17, paragraphe 36; Canada (Procureur général) c Grover, 2007 CF 28). La demanderesse soutient donc que l’ordre censément donné en application de l’alinéa 20.2(1)c) de la Loi sur la GRC et de l’article 19 des CC (exigences d’emploi) était illégal ou déraisonnable, car la délégataire avait omis d’établir que : a) les renseignements médicaux demandés étaient raisonnablement nécessaires pour évaluer sa capacité d’exercer ses fonctions, et b) les efforts faits pour obtenir les renseignements médicaux raisonnablement nécessaires par les moyens les moins attentatoires avaient été épuisés.

[23]  Deuxièmement, la demanderesse soutient que la délégataire aurait dû consentir à l’annulation de l’ordre contesté. Bien qu’elle ait refusé au départ de communiquer ses renseignements médicaux au BSS de la Division « H », elle ne l’a fait que par inquiétude pour la violation antérieure, par la même division, du caractère personnel de ses documents médicaux. Elle avait également le sentiment que son grief concernant le transfert de son dossier médical suspendrait le processus jusqu’à ce qu’il soit réglé. Une fois que la demanderesse a appris que le transfert aurait quand même lieu, elle a pris les mesures nécessaires pour communiquer les renseignements médicaux à jour au BSS de la Division « H ». Malgré cette communication, la délégataire a conclu que les renseignements médicaux étaient insuffisants et elle a maintenu l’ordre contesté, sans fournir de motif, ce qui rend l’ordre en question inintelligible et susceptible de contrôle par la Cour.

[24]  Troisièmement, la demanderesse nie catégoriquement avoir révoqué son consentement, comme le laisse entendre l’affidavit de Mme Sullivan, au paragraphe 28. En fait, dans un courriel transmis le 21 novembre 2016, la demanderesse déclare :

[traduction] Je crois que vous avez l’impression que vous pouvez m’ordonner de participer. Cependant, en me l’ordonnant, vous avez révoqué tout consentement possible de ma part. La loi prouvera que la GRC et vous avez tort si vous suivez cette voie. Je conclurai également que cette mesure de votre part a été sanctionnée par le bureau du comm. Paulson.

[25]  La demanderesse explique que le message qui précède n’était pas censé révoquer son consentement à ce que le BSS entre en contact avec ses fournisseurs de soins de santé. Ce message indiquait plutôt que, si on lui intimait l’ordre de subir l’EMI, l’examen médical en question ne pouvait plus être consensuel. En fait, elle a accepté que le BSS entre en contact avec ses fournisseurs de soins de santé dans le but d’obtenir les renseignements médicaux raisonnablement nécessaires. Cependant, la délégataire a décidé de ne pas annuler l’ordre contesté et l’a plutôt obligée à subir l’examen médical devant un examinateur médical choisi par la GRC.

[26]  Les défendeurs soutiennent pour leur part que la preuve figurant dans le dossier montre clairement que la demanderesse a refusé de fournir d’autres renseignements médicaux nécessaires et appropriés qui auraient permis d’évaluer son état fonctionnel, et qu’il faudrait que la Cour refuse d’accorder la réparation demandée.

[27]  Premièrement, les défendeurs estiment que la Cour doit prendre en compte le caractère raisonnable de l’ordre contesté à la date à laquelle il a été donné, soit le 4 novembre 2016. C’est donc dire que, compte tenu du refus de la demanderesse de fournir des renseignements à jour émanant de ses médecins traitants, il était tout à fait raisonnable à ce moment-là que la délégataire donne l’ordre l’obligeant à subir un examen médical par une personne compétente afin d’évaluer sa capacité d’exercer ses fonctions, ainsi que le prévoient le paragraphe 20(1) de la Loi sur la GRC et l’article 19 des CC (exigences d’emploi). Par conséquent, la décision contestée n’est ni illégale ni déraisonnable.

[28]  Deuxièmement, les défendeurs soutiennent qu’il n’y a eu aucune violation du droit à la vie privée de la demanderesse, lequel droit n’est pas absolu. Au contraire, c’est la demanderesse qui a contrevenu à la politique et à l’exigence de la GRC qui sont énoncées dans le Manuel d’administration de la GRC, au chapitre 19 [le Manuel de la GRC]. En fait, comme il est indiqué dans le dossier du tribunal et d’après le propre témoignage de la demanderesse, l’employeur a fait part à plusieurs reprises à la demanderesse de l’obligation de fournir des renseignements médicaux à jour afin de justifier son congé pour raisons médicales, ainsi que d’évaluer sa capacité d’exécuter ses fonctions et tout besoin de prendre des mesures d’accommodement. La demanderesse était parfaitement au courant de la nécessité de ces renseignements, mais elle a catégoriquement refusé de fournir les renseignements demandés à cause de son différend avec la GRC au sujet de son grief ou de ses plaintes non réglées.

[29]  Troisièmement, contrairement à ce que déclare la demanderesse, les défendeurs soutiennent que le BSS de la Division « H » n’a reçu aucun rapport médical des professionnels traitant la demanderesse (y compris de sa psychologue). En tout état de cause, les renseignements médicaux obtenus par la suite n’étaient pas suffisants. La demanderesse a également révoqué son consentement dans un courriel daté du 21 novembre 2016 et elle continue de refuser de se soumettre à une EMI. Il était donc raisonnable que la délégataire décide que l’ordre contesté était encore nécessaire pour obtenir une évaluation médicale complète, à jour, objective et spécialisée au sujet de l’aptitude de la demanderesse, à ce moment-là, de revenir au travail.

B.  La norme de contrôle applicable

[30]  Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Quoi qu’il en soit, la demanderesse soutient néanmoins que la Cour ne devrait pas faire preuve d’un degré de déférence élevé à l’égard d’une conclusion tirée par la délégataire du commissaire de la GRC, car la DREE n’a pas plus d’expertise que la Cour dans l’affaire qui est en litige. Les défendeurs soutiennent pour leur part que l’ordre contesté est fondé sur des faits et concerne la gestion et l’administration de la GRC, domaine qui relève directement de l’expertise de la DREE, ce qui devrait justifier un degré de déférence élevé de la part de la Cour. Je suis d’accord avec les défendeurs. Bien que la Cour n’ait pas fixé la norme de contrôle qui s’applique à la décision qu’a rendue la délégataire en application de l’alinéa 20.2(1)c) de la Loi sur la GRC et de l’article 19 des CC (exigences d’emploi), elle a statué à maintes reprises que la norme qui s’applique à des décisions semblables de la GRC, qui ont trait à un différend entre un employé et un employeur, est celle de la décision raisonnable (Black, paragraphes 42 et 43; Elhatton c Canada (Procureur général), 2013 CF 71, [2013] ACF no 58, paragraphes 30 et 31; Su c Canada (Procureur général), 2017 CF 645, [2017] ACF no 668, paragraphe 42; Canada (Procureur général) c Boogaard, 2015 CAF 150, [2015] ACF no 775, paragraphe 33; Camara c Canada, 2015 CAF 43, [2015] ACF no 153, paragraphe 19). À l’évidence, la Cour a jusqu’ici fait preuve d’une grande déférence lors du contrôle de décisions prises par le commissaire ou ses délégataires, en raison de leur expertise spécialisée, et surtout quand il est question de politiques internes de la GRC. Dans la présente affaire, il y a lieu d’accorder un degré de déférence élevé à la délégataire en raison de l’expertise reconnue de la DREE en matière de ressources humaines, et du fait que l’ordre contesté est principalement tributaire des faits et dépend de la décision de savoir si une EMI est une mesure qui convient pour établir la capacité de retour au travail de la demanderesse.

C.  Le caractère raisonnable de l’ordre contesté

[31]  Après avoir examiné les observations des deux parties et la preuve qui figure au dossier, je conclus qu’il n’y a pas lieu d’intervenir. Je souscris essentiellement aux arguments que les défendeurs ont invoqués. À tous égards, l’ordre contesté a été donné légalement et il est raisonnable. Le jugement déclaratoire et l’ordonnance de certiorari que sollicite la demanderesse sont donc refusés.

[32]  Premièrement, bien que je reconnaisse effectivement son caractère quasi constitutionnel et son importance, le droit au respect de la vie privée qu’invoque la demanderesse n’est pas absolu et il fait l’objet, en l’espèce, de limites raisonnables. Lorsqu’il est question d’un congé pour raisons médicales, la GRC et l’employé ont tous deux des obligations et des devoirs. Le Manuel de la GRC exige que tous les membres produisent un certificat médical pour toute période d’absence due à une maladie et à une lésion d’une durée de plus de 40 heures de travail. Ils sont également tenus de se conformer aux demandes de renseignements supplémentaires des agents de gestion des cas d’invalidité du BSS et de prendre activement part à toute évaluation médicale que prescrit l’employeur. Lorsqu’un membre de la GRC souhaite obtenir de son employeur un congé pour raisons médicales autorisé, il doit être disposé à présenter rapidement au BSS les renseignements médicaux pertinents, surtout s’il souhaite continuer de toucher son plein salaire et tous les autres avantages sociaux après un délai prolongé, comme c’est le cas en l’espèce (une absence du travail de plus de quatre ans et demi). Dans ce contexte, le refus de communiquer les renseignements médicaux que le BSS exige pour valider l’état de santé pour lequel on demande un congé pour cause de lésions peut se solder par le refus ou l’annulation du congé, voire un licenciement.

[33]  Deuxièmement, la demanderesse ne m’a pas convaincu que la délégataire avait commis une erreur susceptible de contrôle qui obligerait la Cour à intervenir. La preuve que l’on trouve au dossier montre que l’ordre contesté a été donné en dernier recours, après que la demanderesse eut fait fi de demandes antérieures visant à obtenir des professionnels la traitant des renseignements médicaux à jour. Conformément à l’alinéa 20.2(1)c) de la Loi sur la GRC, le commissaire, ou son délégataire prévu par la loi (le DREE), peut exiger qu’un membre subisse un examen médical ou une évaluation par une personne compétente nommée par le commissaire en vue d’établir la capacité de ce membre d’exercer ses fonctions ou de participer à des procédures en matière de conduite. Par ailleurs, l’article 19 des CC (exigences d’emploi) dispose qu’un membre qui est tenu de subir un tel examen doit se présenter à la personne compétente aux date et heure fixées et se conformer à l’exigence du commissaire.

[34]  Troisièmement, les demandes et l’ordre contesté ne sont pas abusifs ou arbitraires, car les renseignements médicaux demandés et l’EMI sont nécessaires pour évaluer les [traduction« aptitudes, limites fonctionnelles et restrictions » de la demanderesse. Au moment où l’ordre contesté a été donné, la demanderesse n’avait fourni aucun renseignement médical à jour depuis novembre 2015. La demanderesse attribue ce retard à la piètre administration de son dossier par son ancien DREE, mais ses explications sont vagues et peu convaincantes. La délégataire n’a pas agi d’une manière contraire à la loi. En fait, Mme Sullivan a suivi les politiques que la GRC a établies. L’extrait suivant de la lettre de quatre pages que Mme Sullivan a envoyée le 25 octobre 2016, sous la rubrique [traduction« Prochaines étapes », est révélateur :

[traduction] La GRC est résolue à procurer à tous les membres des locaux et un milieu de travail exempts de toute discrimination fondée sur des motifs illicites, dans la mesure où cela n’impose aucune contrainte excessive.

À ce stade-ci, l’équipe de la santé au travail a besoin de renseignements médicaux supplémentaires pour évaluer votre situation d’emploi actuelle, déterminer vos besoins en matière de mesures d’accommodement et juger si un retour au travail est possible. En particulier, nous avons besoin de renseignements médicaux à jour de la part de votre médecin traitant pour :

l)  vérifier si votre lésion/maladie vous empêche présentement de travailler, et justifier le recours à un congé de maladie, conformément à la section 19.3 du M.A.;

2)  savoir si un retour au travail est possible et, si oui, à quel moment à peu près;

3)  savoir quelles mesures d’accommodement, s’il en est, nous devrions prendre pour nous assurer que vous reviendrez au travail en toute sécurité, y compris à titre graduel, si c’est ce que recommande votre médecin traitant.

Mon interprétation de votre situation d’emploi actuelle est que vous avez été en congé autorisé de mars 2012 à novembre 2015. D’après ce que j’ai compris, l’équipe de la santé au travail est déjà entrée en contact avec vous à ce sujet. Toujours d’après ce que j’ai compris, le 29 août 2016 vous avez indiqué à votre gestionnaire de cas des Services de santé, Judy Gartley, que vous refusiez de nommer les professionnels qui vous soignent actuellement, de consentir à ce que les services de santé entrent en contact avec eux ou de fournir quelque renseignement médical que ce soit.

En consultant votre médecin-chef (MC), on m’a informée que vous n’avez pas fourni de certificats médicaux ni des renseignements médicaux depuis novembre 2015, et le MC en a besoin pour confirmer que votre congé est requis pour raisons médicales ainsi que pour planifier votre retour au travail.

Comme il a été mentionné plus tôt, l’obligation d’accommodement est une responsabilité conjointe. La GRC est tenue de s’acquitter d’un certain nombre d’obligations en vue de soutenir les membres malades, blessés et invalides et vous, en tant que membre, avez l’obligation de faciliter la recherche de mesures d’accommodement. Cela consiste, notamment, à fournir des renseignements sur vos aptitudes, vos limites fonctionnelles et vos restrictions, ainsi qu’à indiquer si les limites ou les restrictions indiquées sont de nature temporaire ou permanente.

À ce stade-ci, nous ne disposons pas d’assez de renseignements pour confirmer que votre absence actuelle est médicalement requise et, sans des renseignements médicaux à jour, comme il est indiqué ci-dessus, vous risquez que l’on vous considère comme absente sans autorisation en vertu de l’alinéa 20.2(1)c) de la Loi sur la GRC. Je vous prierais d’entrer en contact avec votre MC, le Dr Bourke, le jeudi 27 octobre 2016, entre 8 h et 16 h, afin de prendre les dispositions nécessaires pour fournir les renseignements médicaux requis (coordonnées du professionnel traitant et consentement à entrer en contact avec ce dernier). Il est important de signaler, une fois de plus, que vos renseignements médicaux sont confidentiels et que seule l’équipe de la santé au travail peut consulter le rapport d’évaluation. Cette dernière ne fera part que des renseignements relatifs à vos capacités fonctionnelles (limites et restrictions), afin que nous puissions planifier les mesures d’accommodement dont vous pourriez avoir besoin. Je serai votre principal point de contact dans ces discussions, ainsi que dans le cadre de toutes les mesures de planification et de mise en œuvre d’un retour au travail.

Veuillez noter que si vous n’entrez pas en contact avec votre MC, le Dr Bourke, le jeudi 27 octobre 2016 entre 8 h et 16 h […], je n’aurai d’autre choix que de vous ordonner de vous présenter à une évaluation médicale indépendante conformément à l’art. 19 des Consignes du commissaire (exigences d’emploi). Comme vous le savez, si vous ne collaborez pas à ce processus d’évaluation médicale et si vous refusez de subir cette évaluation médicale, il se peut que l’on considère que vous contrevenez au Code de déontologie, ce qui pourrait donner lieu au dépôt d’une demande auprès de l’instance appropriée en vue de mettre fin à la solde et aux indemnités que vous touchez présentement.

Je suis résolue à travailler avec vous dans le futur, et je suis impatiente de vous accueillir de nouveau au sein de la Division, mais je ne pourrai pas le faire sans un engagement de vote part. Veuillez me téléphoner […] si vous avez des questions. Si vous tombez sur ma boîte vocale, veuillez indiquer un numéro de rappel ainsi que le moment où je serai sûre d’entrer en contact avec vous, et je retournerai votre appel. C’est avec plaisir que je m’entretiendrai avec vous.

[35]  Quatrièmement, même si la demanderesse soutient que l’employeur aurait dû trouver un moyen moins attentatoire pour recueillir les renseignements nécessaires en trouvant, par exemple, un médecin neutre, choisi par les deux parties, elle a omis de faire état de l’existence d’un précédent quelconque à cet effet dans les politiques ou le Manuel de la GRC. Les arguments qu’elle invoque reposent principalement sur des décisions arbitrales qui ont été rendues dans des régimes et des secteurs différents. La Cour ne devrait pas mettre en doute l’employeur ou la délégataire du commissaire. Selon le point de vue le plus favorable à la demanderesse, il semblerait que celle-ci demande à la Cour d’ordonner un sursis auquel elle croit avoir droit en vertu des principes généraux du travail et en raison de la plus haute importance que revêt son droit à la vie privée au sujet des renseignements médicaux confidentiels la concernant. Elle n’a pas droit en l’espèce à une telle déclaration judiciaire.

[36]  En terminant, je puis comprendre pourquoi, dans le passé, la demanderesse a refusé de consentir à la communication des renseignements médicaux la concernant. Cependant, comme l’a déclaré Mme Sullivan dans sa lettre du 25 octobre 2016 : [traduction« [i]l est important de signaler, une fois de plus, que [les] renseignements médicaux [la concernant] sont confidentiels et que seule l’équipe de la santé au travail peut consulter le rapport d’évaluation. Cette dernière ne fera part que des renseignements relatifs [aux] capacités fonctionnelles (limites et restrictions) [de la demanderesse], afin que [la GRC] puiss[e] planifier les mesures d’accommodement dont [elle] pourr[ait] avoir besoin ». Par ailleurs, d’après les faits de la présente affaire, la demanderesse avait la confirmation que, si elle se conformait aux demandes de la DREE, cela ne mettrait pas en péril son grief. À partir de là, elle aurait dû pleinement collaborer avec Mme Sullivan pour compléter son dossier médical. Il est peut-être douteux que tout consentement qu’ait donné la demanderesse au 15 novembre 2016 a par la suite été révoqué. Quoi qu’il en soit, indépendamment des manières différentes dont les parties interprètent le courriel du 21 novembre 2016 de la demanderesse, cette dernière a quand même refusé de prendre part à l’examen fixé avec le Dr Napier, contrairement à l’obligation que lui imposait l’article 19 des CC (Exigences d’emploi). Par conséquent, non seulement l’ordre contesté répond aux critères de l’intelligibilité, de la justification et de la transparence, mais aussi il n’y a pas lieu d’intervenir au vu des faits qui ont suivi l’émission de l’ordre contesté.

Conclusion

[37]  Pour les motifs qui ont été exposés, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-2099-16

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2099-16

INTITULÉ :

CHERYL GRAVELLE c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE, POUR LE COMPTE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA ET COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 JUILLET 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :

LE 31 JUILLET 2017

COMPARUTIONS :

Sebastien Anderson

POUR LA DEMANDERESSE

Helen Park

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sebastien Anderson

Labour Rights Law Office

Coquitlam (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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