Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20161011


Dossier : T-989-13

Référence : 2016 CF 1131

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 octobre 2016

En présence de Monsieur le juge Phelan

ENTRE :

TEVA CANADA LIMITÉE

demanderesse

et

ELI LILLY CANADA INC. et

ELI LILLY AND COMPANY

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               La Cour est saisie de deux requêtes. La première requête a été présentée par Eli Lilly [Lilly] qui demande que soit prononcée une ordonnance exigeant a) que Teva Canada Limitée [Teva] désigne une personne à titre de représentant pour la poursuite de l’interrogatoire préalable et b) fournisse des réponses aux questions auxquelles elle a refusé de répondre.

La deuxième requête a été présentée par Teva, qui demande que soit prononcée une ordonnance exigeant que Lilly réponde aux questions auxquelles elle a refusé de répondre.

[2]               En raison du chevauchement de ces requêtes, ainsi que de certaines préoccupations générales qui s’appliquent aux deux parties et qui concernent la manière dont les interrogatoires ont été menés jusqu’à maintenant, je ne rendrai qu’une seule ordonnance avec motifs.

[3]               Ces requêtes concernent une action dans laquelle Teva prétend avoir subi des dommages à cause de déclarations fausses ou trompeuses faites par Lilly (ou ses sociétés affiliées) au sujet de Novopharm et/ou du produit Novo-olanzapine.

II.                Requête visant la substitution d’un témoin

[4]               Durant la première ronde d’interrogatoires préalables, Lilly était représentée par John Rudolph, avocat général, et le témoin de Teva était Scott Sherwood, directeur associé des finances d’entreprise.

Lilly demande que M. Sherwood soit remplacé par Mme Terry Creighton, en raison des connaissances limitées, voire nulles, de M. Sherwood sur les questions en litige.

[5]               Cette requête est présentée conformément au paragraphe 237(3) des Règles des Cours fédérales (les Règles) :

237 (3) La Cour peut, sur requête d’une partie ayant le droit d’interroger une personne désignée conformément aux paragraphes (1) ou (2), ordonner qu’une autre personne soit interrogée à sa place.

237 (3) The Court may, on the motion of a party entitled to examine a person selected under subsection (1) or (2), order that some other person be examined.

[6]               Un examen de la transcription montre dans quelle mesure M. Sherwood était peu ou pas informé.

[7]               Dans Liebmann v Canada (Minister of National Defence) (1996), 110 FTR 284, au paragraphe 31, 62 ACWS (3d) 1088 (FCTD) [Liebmann], la Cour a examiné les facteurs à considérer pour décider si un témoin assigné pour répondre à l’interrogatoire préalable devait être remplacé, et a énoncé un certain nombre de facteurs à prendre en compte pour l’examen de ce type de requête :
[traduction]

1.         La partie qui est soumise à l’interrogatoire préalable doit désigner un témoin compétent et bien informé [...];

2.         Le témoin doit être en mesure de répondre aux questions générales de l’interrogatoire préalable, ainsi qu’aux questions supplémentaires […];

3.         Il appartient à la partie interrogatrice de faire la preuve de manière objective de l’inaptitude du témoin, lors de la présentation d’une requête visant un deuxième interrogatoire préalable [...], et le demandeur doit effectivement démontrer que le premier témoin est incapable de présenter les éléments de preuve en se basant sur ses propres connaissances ou après s’être renseigné [...], ou que le deuxième témoin est bien plus apte à présenter les éléments de preuve [...];

4.         La commodité peut être un facteur, car il est parfois plus souhaitable et plus pratique d’interroger la personne concernée que de faire appel à un témoin qui devra se renseigner sur les questions en litige [...];

5.         Le coût d’un deuxième témoin est un facteur à prendre en compte [...];

6.         Les circonstances de l’affaire, y compris la capacité du témoin de répondre, les efforts faits par le témoin pour se renseigner sur les questions en litige, ainsi que le caractère substantiel des éléments de preuve que l’on cherche à recueillir auprès du deuxième témoin sont d’autres facteurs à prendre en compte [...] et le recours à l’interrogatoire préalable d’un deuxième témoin ou de témoins subséquents doit être restreint, si cet exercice se veut essentiellement un interrogatoire à l’aveuglette [...];

[8]               La partie interrogée a le droit prima facie de désigner le représentant de son choix. Lilly n’a pu établir que le témoin désigné était [traduction] « incapable de présenter les éléments de preuve de son propre chef ou après s’être renseigné [...] » (Liebmann, au paragraphe 31). De même, Lilly n’a pu établir qu’une autre personne (Mme Creighton, par exemple) serait davantage en mesure de présenter, au nom de l’entreprise, les éléments de preuve sur toutes les questions en l’espèce, même si cette personne pouvait être bien renseignée sur certains aspects précis.

[9]               Lilly a établi que M. Sherwood n’avait rien fait ou presque pour se renseigner. S’agissait-il d’une tactique pour éviter d’avoir à répondre aux questions directement ou d’un moyen d’offrir des engagements en vue de formuler des réponses ultérieurement? La question reste sans réponse. On s’interroge également sur le but visé par la tactique de l’avocat, qui a choisi de répondre malgré les objections de la partie interrogatrice. M. Sherwood devra se renseigner comme il se doit en prévision de la prochaine ronde d’interrogatoires préalables.

[10]           On serait toutefois mieux disposé à accueillir la plainte de Lilly au sujet du témoin de Teva si son propre représentant avait été bien préparé.

[11]           De fait, aucune partie ne s’est couverte de gloire sur cet aspect. Il convient de rappeler aux parties leurs obligations en vertu des Règles, ainsi que l’obligation des avocats de les aider à s’y conformer.

[12]           Il faut immédiatement mettre un terme à la pratique qui consiste à présenter des témoins « de pacotille ». La Cour ne permettra pas de telles manigances. Le défaut de se conformer à l’esprit et à la lettre des Règles aura des conséquences.

[13]           En ce qui concerne les tactiques utilisées durant les interrogatoires préalables, le dossier abonde d’exemples où l’avocat a répondu à des questions malgré l’opposition de la partie interrogatrice, ce qui va à l’encontre du paragraphe 246(1) des Règles. Une réponse donnée par l’avocat malgré l’opposition n’est pas réputée être une réponse à la question posée (paragraphe 246(2) des Règles).

[14]           La partie interrogatrice a le droit d’obtenir la réponse du témoin, et non celle de l’avocat exprimant la réponse que la partie interrogée souhaite entendre de son témoin.

[15]           Tout comme la question des témoins mal informés – et sans doute à cause de ce fait – il faut mettre un terme à cette pratique. La violation de cet article des Règles aura des conséquences qui pourraient être infligées personnellement à l’avocat.

III.             Requêtes visant à obliger à répondre

[16]           Les paragraphes qui suivent examinent les questions auxquelles il a été demandé de répondre regroupées par sujet, et rendent compte de l’état de la communication de la preuve en date de la plaidoirie au sujet des requêtes.

A.                Lilly – Catégorie 1 : Questions concernant les allégations de Teva

[17]           Cette catégorie englobe les questions concernant les allégations de Teva et les connaissances de Lilly sur l’affaire en cause. Des réponses ont déjà été obtenues à certaines de ces questions (p. ex. les questions 168, 276, 404, 2053, 2054 et 2055), ou l’avocat s’est engagé à fournir des réponses; par conséquent, aucune ordonnance ne doit être rendue pour l’instant.

[18]           Lilly demande à Teva de lui fournir des renseignements sur tout avis juridique concernant la validité du brevet canadien no 2 041 113 et sur la probabilité d’avoir gain de cause dans ce litige. Il s’agit à première vue d’information privilégiée. Cependant, tel qu’il a été déclaré dans Lapointe v Canada (Minister of Fisheries and Oceans), [1987] 1 FC 445 (TD), les parties peuvent renoncer au droit au secret dans le cadre de leurs actes de procédure, et c’est ce qu’a fait Teva en alléguant que les déclarations de Lilly étaient sans fondement. Tout avis juridique est pertinent pour déterminer si les allégations faites par Lilly étaient vraiment [traduction] « sans fondement »; Teva doit donc répondre aux questions 195 et 196.

[19]           Lilly veut également savoir si Teva pense qu’un produit peut être retiré du marché canadien par voie d’injonction et quel usage, selon Teva, Lilly aurait fait de la marque de commerce « Novopharm » au sens de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T‑13. Il s’agit de questions de droit qui n’ont pas pour but d’établir les faits et qui n’ont donc pas leur place durant un interrogatoire préalable. Par conséquent, il n’y a pas lieu de répondre aux questions 212, 430 à 432 et 1722 à 1724.

B.                 Lilly – Catégorie 2 : Questions concernant Novo-levofloxacin

[20]           Cette catégorie porte sur les questions concernant Novo-levofloxacin, un produit de Teva qui a été mis sur le marché, puis qui a été retiré. Lilly cherche à obtenir un large éventail de renseignements, notamment des dates, les avis envoyés aux listes provinciales des médicaments assurés, les étapes suivies pour retirer le produit du marché, les réponses obtenues des listes provinciales, l’inscription du produit sur les listes des médicaments assurés, ainsi que les commentaires des listes provinciales et des clients.

[21]           Les questions dans cette catégorie sont sans rapport avec les questions en litige. Il n’y a donc pas lieu d’y répondre.

C.                 Lilly – Catégorie 3 : Questions concernant les négociations entre Teva et les régimes provinciaux d’assurance-médicaments

[22]           Cette catégorie porte sur les interactions entre Teva et les listes provinciales des médicaments assurés, ainsi que sur les requêtes présentées par Lilly en vue d’obtenir des copies non expurgées des documents. Des réponses éclairantes ont déjà été obtenues à certaines questions (p. ex. les questions 576, 577 et 1700 à 1702), et il n’appartient pas à Lilly de demander une divulgation plus détaillée.

[23]           Les interactions entre Teva et les listes provinciales des médicaments assurés, au sujet de Lilly ou des produits de Lilly, ne sont pas pertinentes à l’examen des questions en litige, pas plus que ne le sont quelques prétendus usages de la marque de commerce de Lilly par Teva; il n’y a donc pas lieu de répondre aux questions 462, 463 à 468 et 1729 à 1731.

[24]           En revanche, tous les courriels envoyés à la Colombie-Britannique, et comparables à ceux concernant les points 246 et 252, sont pertinents à l’examen des questions soulevées durant les actes de procédure (p. ex. les dommages-intérêts en découlant); Teva doit donc répondre aux questions 1972 à 1974.

[25]           En ce qui concerne les caviardages dans les documents de Teva, il n’est pas vrai qu’une partie qui reçoit des documents pertinents a toujours droit aux documents intégraux non expurgés. Dans Eli Lilly Canada Inc v Sandoz Canada Incorporated, 2009 FC 345, au paragraphe 14, la Cour a indiqué que certains principes devaient être pris en compte pour décider si le caviardage de portions d’un document divulgué devrait être autorisé : [traduction] « Il doit être clairement établi que la portion expurgée n’a aucun rapport avec les questions en litige et qu’elle n’aiderait pas à bien comprendre les parties pertinentes des documents. Le recours au caviardage ne devrait être autorisé que s’il existe d’importantes préoccupations sur le plan de la confidentialité ».

[26]           En l’espèce, les caviardages portent sur des litiges et sur un produit de marque qui n’ont aucun lien avec l’affaire en cause. Teva a déjà accepté de fournir les renseignements expurgés concernant les dates. Le reste des caviardages portent sur des renseignements non pertinents; il n’y a donc pas lieu de répondre aux questions 541 et 542.

[27]           Tout avis juridique présenté par Teva à la Colombie-Britannique serait en revanche pertinent pour déterminer les raisons pour lesquelles l’inscription de Novo-olanzapine a été retardée. Teva doit donc répondre aux questions 1696 à 1698.

D.                Lilly – Catégorie 4 : Questions concernant la capacité de Teva d’approvisionner le marché

[28]           Cette catégorie porte sur les questions concernant la capacité de Teva d’approvisionner le marché. Il s’agit d’un point directement pertinent à l’examen des questions en litige. Cependant, Teva a déjà répondu à certaines questions (p. ex. les questions 484, 560, 561, 1009, 1010 et 1672 à 1674). De plus, certains renseignements demandés par Lilly ont déjà été communiqués. Ainsi, Teva a déjà fourni des renseignements pertinents en réponse aux questions 1021 et 1022 (c’est-à-dire le volume de Novo-olanzapine provenant des lots de pièces pouvant être mis en vente), et les lots proprement dits ne sont pas pertinents. Teva a aussi déjà fourni les renseignements pertinents en réponse aux questions 1599 à 1605 (dates de livraison proposées).

[29]           Lilly demande que Teva s’informe auprès de son fournisseur, le DReddy, pour déterminer les stocks de principe actif qui étaient disponibles durant le délai de prescription visé. Comme le DReddy est un tiers, la méthode appropriée pour obtenir la communication de l’information demandée serait de présenter une requête en vertu des articles 233 et/ou 238 des Règles. Il n’y a donc pas lieu de répondre aux questions 483 et 515 à 517.

[30]           En revanche, toute pénurie d’approvisionnement serait pertinente à l’évaluation des dommages-intérêts. Teva doit donc répondre à la question 600.

[31]           De plus, toute préoccupation de la part des fournisseurs de soins de santé quant à la non-disponibilité future de Novo-olanzapine serait pertinente à l’examen des questions en litige. Comme Teva prétend que Lilly a tenté de soulever ces préoccupations en faisant des déclarations prétendument fausses et trompeuses, il serait pertinent de fournir la preuve que ces préoccupations ont réellement été soulevées. Par conséquent, Teva doit répondre à la question 608.

[32]           Toute indication d’un changement dans les achats de principe actif durant la période visée ferait partie du lancement d’une enquête visant à obtenir d’autres renseignements pertinents; par conséquent, Teva doit répondre aux questions 1612 à 1615.

[33]           Certains renseignements demandés par Lilly dans cette catégorie – notamment ceux concernant la quantité de principe actif disponible avant le délai de prescription en litige, les dates de fabrication des lots de comprimés de Novo-olanzapine et les dossiers de lot – ne sont pas pertinents. Il n’est donc pas nécessaire de répondre aux questions 1647, 1648, 1655 à 1664 et 1665. Lilly possède déjà les renseignements pertinents, notamment quant à la quantité de comprimés de Novo-olanzapine qui ont été fabriqués durant le délai de prescription visé et à la capacité de production de Teva.

E.                 Lilly – Catégorie 5 : Questions concernant l’utilisation par Teva des marques de commerce Lilly

[34]           Cette catégorie englobe les questions concernant l’utilisation par Teva des marques de commerce Lilly. Toute prétendue utilisation par Teva de la marque de commerce Lilly n’a aucun rapport avec les questions en litige qui concernent l’utilisation par Lilly de la marque de commerce Teva. De plus, certaines questions de cette catégorie visent à obtenir une interprétation juridique. Il n’y a donc pas lieu d’y répondre.

F.                  Lilly – Catégorie 6 : Questions concernant les dépenses de commercialisation

[35]           Cette catégorie porte sur les dépenses de commercialisation. Teva a indiqué qu’elle ne faisait aucune réclamation pour les ventes perdues d’autres produits ou l’augmentation des dépenses de commercialisation auprès des clients; il n’est donc pas nécessaire de répondre aux questions 861 et 1439 à 1441.

[36]           De plus, Teva a déjà fourni des réponses éclairantes à certaines questions (p. ex. les questions 1223 à 1230, 1237, 1548 et 1549), et il n’appartient pas à Lilly de tenter d’élargir la portée de l’information initialement demandée par la question.

[37]           En ce qui a trait à l’allégation de Lilly qui disait avoir besoin de l’algorithme utilisé pour établir un rapprochement entre les ventes indirectes et les ventes directes afin d’éliminer les dossiers en double, Teva a indiqué que l’algorithme avait déjà supprimé les dossiers en double. Lilly possède donc déjà les renseignements pertinents concernant les ventes et il n’y a pas lieu de répondre aux questions 1260 à 1262.

[38]           L’interrogatoire préalable a pour but d’établir les faits et non de chercher à obtenir des réponses basées sur des suppositions (c’est-à-dire ce que Teva aurait pu faire). Teva n’a donc pas à répondre à la question 687.

[39]           Les réponses fournies par Teva aux questions visant à savoir si l’un des membres du groupe qui avait réalisé l’analyse de rentabilité en 2007 travaillait toujours pour Teva ne sont pas éclairantes. Teva doit donc répondre aux questions 815 à 817.

[40]           Lilly demande que Teva présente des données sur les ventes et les dépenses de commercialisation pour une période de un an après le délai de prescription visé. Or, cela représente une tâche onéreuse et très lourde qui, de surcroît, fournirait des données peu pertinentes pour l’examen des questions en litige. Il serait donc contraire au principe de l’article 3 des Règles d’exiger la production de ces données, et il n’y a pas lieu de répondre aux questions 1270 à 1276.

[41]           Cependant, si Teva présente des réclamations pour pertes après 2008, la pertinence de ces données l’emportera alors sur le fardeau occasionné par leur production, et ces données devront être produites.

[42]           Lilly demande des renseignements sur l’identité des auteurs des documents et sur les sources de données. Tel qu’il est indiqué dans la catégorie 7 qui suit, ces documents ont été établis dans le cours ordinaire des affaires, à partir de données provenant de systèmes tels que Oracle et Data Analyzer. Il n’y a donc pas lieu de répondre aux questions 1334 à 1337 et 1394-1395.

[43]           Quant aux documents produits par Teva sur les prévisions de ventes en 2007, la source de cette information est directement pertinente aux événements en litige (et, plus précisément, à l’évaluation des prétendus dommages subis par Teva). Lilly a le droit de savoir sur quelles bases ces prévisions ont été établies; il faut donc répondre aux questions 1397 à 1403.

[44]           En ce qui a trait aux documents qui ont été produits, puis retirés, Lilly demande que Teva explique pourquoi ces documents ont été jugés peu fiables. Ils pourraient aider Lilly à déterminer les dépenses de commercialisation propres à Novo-olanzapine. Il s’agit essentiellement d’une question narrative qui vise à obtenir des précisions sur le caractère non fiable de documents préalablement produits, et à laquelle il n’a pas été répondu de manière éclairante dans le dossier. Teva doit donc répondre aux questions 1541 à 1544.

G.                Lilly – Catégorie 7 : Questions concernant les auteurs des documents

[45]           Cette catégorie de questions porte sur les demandes concernant les auteurs des documents produits par Teva. Bon nombre de ces documents ont été établis dans le cours ordinaire des affaires; par conséquent, tel qu’il est indiqué dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Skomatchuk, 2006 CF 730, au paragraphe 13, il y a des exceptions à la règle du ouï-dire, et celles-ci sont admissibles en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5. Comme Teva a déjà produit ou produira le nom des services qui ont rédigé ces documents, ou a établi que les données ont simplement été extraites de programmes tels que Oracle ou Data Analyzer, il serait trop onéreux et lourd d’exiger que Teva fournisse le nom de chacun des auteurs. Il n’y a donc pas lieu de répondre aux questions 974, 975, 1035 à 1040, 1054, 1055, 1072, 1128 à 1130, 1133, 1134, 1236, 1277 à 1279, 1285, 1286, 1328, 1329, 1353, 1354, 1380 à 1386 et 1448 à 1452.

[46]           Il n’a toutefois pas été clairement établi si le document relatif au point 101 (qui est un résumé de la « capacité ouverte » de production des comprimés d’olanzapine) avait été établi dans le cours ordinaire des affaires; or, cette information est directement pertinente à l’examen des questions en litige. Teva devrait donc faire de son mieux pour répondre aux questions 994 et 995.

H.                Lilly – Catégorie 8 : Questions diverses

[47]           Cette catégorie regroupe le reste des questions de Lilly. Premièrement, Lilly demande des versions non expurgées des états financiers de 2007 à 2011. Tel qu’il a été indiqué précédemment, une partie n’a pas toujours droit à la version intégrale et non expurgée d’un document pertinent. En l’espèce, il n’est pas du tout évident que des renseignements financiers concernant des instances non liées soient pertinents pour l’examen des questions en litige. Il n’est donc pas nécessaire de répondre aux questions 941 à 945.

[48]           Lilly demande également qu’une copie lisible d’un connaissement produit par Teva lui soit remise. Or, les renseignements pertinents ont déjà été produits sur le bon de commande et la facture, et le connaissement est très peu pertinent. Il n’est donc pas nécessaire de répondre aux questions 1124 et 1125.

[49]           De plus, Lilly veut savoir si Terry Creighton est une lobbyiste enregistrée et si ses fonctions requièrent qu’elle fasse du lobby auprès des gouvernements provinciaux. Il ne s’agit pas d’une question de droit et cette information pourrait être pertinente pour évaluer les efforts faits par Teva en vue de faire inscrire Novo-olanzapine sur les listes provinciales des médicaments assurés. Teva doit donc répondre aux questions 1691 à 1695.

[50]           Enfin, Lilly demande des renseignements sur la source des données sur les marchés publics de l’olanzapine en Ontario, par rapport aux marchés privés. La source de ces données pourrait être utile pour évaluer les dommages-intérêts de Teva; par conséquent, Teva doit répondre aux questions 1821 et 1823.

I.                   Teva – Catégorie 1 : Autres documents pertinents

[51]           Cette catégorie porte sur les questions permettant de déterminer s’il existe ou non d’autres documents pertinents. Les éléments qui entrent dans cette catégorie concernent deux requêtes, une première dans laquelle Lilly doit indiquer si elle a envoyé une lettre précisant les documents à conserver aux fins du présent litige et l’autre dans laquelle Lilly doit déterminer si MM. Ricks, McCool et/ou Stovall possèdent d’autres documents au sujet des négociations ayant précédé la conclusion de l’entente d’inscription du produit conclue avec la Colombie-Britannique, en août 2007.

[52]           Ces demandes sont pertinentes à l’examen des questions en litige. Plus précisément, tout document portant sur les négociations ayant mené à la mise en application de cette entente est pertinent pour évaluer le contexte entourant toute déclaration prétendument fausse et trompeuse. De plus, dans Control Data Canada Ltd. c. Senstar Corp. (1987), 10 FTR 153, 13 CPR (3d) 546 (CF 1re inst.), la Cour a indiqué que le représentant d’une société qui est soumis à un interrogatoire préalable n’est pas dispensé de tenter d’obtenir de l’information auprès d’anciens employés, du seul fait que ceux-ci ne travaillent plus pour la société. Lilly doit donc répondre aux questions de cette catégorie qui sont encore en suspens.

J.                   Teva – Catégorie 2 : Discussions avec le régime provincial d’assurance-médicaments de la Colombie-Britannique

[53]           Cette catégorie porte sur les discussions que Lilly a eues avec le régime de médicaments de la Colombie-Britannique. Des réponses ont déjà été fournies à plusieurs questions qui entrent dans cette catégorie (notamment les questions 70 à 72, 82 et 83), et il n’appartient pas à Teva de remplacer ces questions par d’autres ou par des questions de portée plus générale.

[54]           Les questions portant sur l’interprétation que fait Lilly du litige cité à l’article 5 de l’entente d’inscription du produit ne relèvent pas d’un avis juridique. Elles concernent plutôt [traduction] « l’interprétation que fait Lilly » de cette clause. Dans Kun Shoulder Rest Inc. c. Joseph Kun Violin and Box Maker Inc., [1997] ACF no 1386, 76 CPR (3d) 488, à la page 494 (CF 1re inst.), la Cour a indiqué que, bien qu’il soit inapproprié de demander à un témoin de faire des hypothèses ou d’interpréter un document, « une question par laquelle il est demandé à une société ce qu’elle comprend d’un certain libellé est admissible ». Il est possible que la société n’ait fait aucune interprétation. Le cas échéant, il serait inapproprié de fournir une réponse hypothétique.

[55]           Les questions concernant les discussions que Lilly a eues avec le régime de médicaments de la Colombie-Britannique sont pertinentes pour comprendre le contexte de quelque déclaration prétendument fausse ou trompeuse. Tel qu’il est indiqué dans E. Mishan & Sons, Inc. v. Supertek Canada Inc., 2016 FC 986, au paragraphe 11 [Mishan], la Cour doit faire enquête sur la nature de toutes déclarations prétendument fausses ou trompeuses et sur les circonstances dans lesquelles elles auraient été formulées, ainsi que sur toute conduite subséquente de la part de la partie ayant fait ces déclarations. Les demandes d’indemnisation faites par la province, de même que les requêtes de Lilly concernant l’exclusivité de l’entente d’inscription du produit, sont donc pertinentes pour évaluer le contexte de toute déclaration prétendue fausse ou trompeuse.

[56]           La réponse fournie par Lilly pour expliquer pourquoi, à son avis, M. Malikail avait écrit à la Colombie-Britannique durant la période visée par la lettre du 27 septembre ne répond pas à la question posée. Lilly mentionne que ce type de renseignements intéresse habituellement les listes provinciales des médicaments assurés. Cette réponse n’indique toutefois pas si elle correspond à l’interprétation de Lilly dans ces circonstances particulières. Il s’agit peut-être de l’interprétation qu’en a faite Lilly, mais Teva a droit à une réponse plus éclairante.

[57]           Lilly doit donc répondre aux questions 66 à 68, 88, 89, 90 et 122 à 125.

K.                Teva – Catégorie 3 : Demandes des organismes de réglementation

[58]           Cette catégorie porte sur les questions adressées à Lilly par les organismes provinciaux de réglementation concernant l’état de l’instance. Ces questions sont directement pertinentes à l’examen des questions soulevées dans la défense de Lilly, où Lilly soutient que toute déclaration faite aux organismes provinciaux de réglementation l’a été en réponse à des demandes de ces organismes. Cette question n’est ni trop générale ni trop onéreuse, car elle se limite explicitement aux requêtes citées dans la défense de Lilly et qu’elle se limiterait donc aux requêtes concernant le litige durant le délai prescrit. Lilly doit donc répondre à la question 128.

L.                 Teva – Catégorie 4 : Stratégie de Lilly

[59]           Les questions dans cette catégorie portent sur la stratégie adoptée par Lilly pour composer avec la perte d’exclusivité pour les produits à base d’olanzapine, ce qui est pertinent pour établir ce que Lilly avait l’intention de dire aux clients de Teva. Tel qu’il est indiqué précédemment, il a été conclu dans Mishan (au paragraphe 11) que la Cour doit se renseigner sur le contexte particulier dans lequel seraient formulées de prétendues déclarations fausses et trompeuses. Lilly doit donc répondre aux questions 152 et 153.

M.               Teva – Catégorie 5 : Ébauches préalables de l’entente

[60]           Cette catégorie porte sur les ébauches préalables de l’entente conclue avec Lilly. Ces ébauches pourraient apporter des précisions sur les circonstances entourant toute prétendue déclaration fausse et trompeuse; en d’autres mots, même si ces ébauches n’ont pas été mises en application, elles pourraient fournir des précisions sur la tournure des discussions entre Lilly et la province. Lilly doit donc répondre à la question 168.

N.                Teva – Catégorie 6 : Discussions entre Lilly et les provinces

[61]           Les questions dans cette catégorie visent à déterminer si Lilly et la Colombie-Britannique ont eu des discussions, entre le moment où Lilly a présenté sa réponse à la demande de propositions et celui où l’entente d’inscription du produit est entrée en vigueur, et s’il y a eu des discussions entre Lilly et les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan au cours desquelles il a été fait référence à Novopharm. Ces discussions sont directement pertinentes à l’examen des questions en litige.

[62]           En ce qui a trait aux discussions entre Lilly et les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan, il ne suffit pas de répondre que les discussions [traduction] « auraient » porté sur un sujet autre que Novopharm (en l’occurrence, Zyprexa). Une telle réponse est en effet purement hypothétique. Lilly doit répondre à la question en se renseignant auprès des personnes concernées pour savoir ce qu’elles se rappellent de ces discussions.

[63]           Lilly doit donc répondre aux questions 177 à 180, 227-228 et 244.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.                  La requête visant à remplacer le témoin est rejetée sans que cela empêche la présentation de toute autre requête semblable, s’il y a lieu.

2.                  Chaque partie doit répondre aux questions qui la concernent, conformément aux motifs.

3.                  Les dépens suivront l’issue de la cause.

« Michael L. Phelan »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-989-13

 

INTITULÉ :

TEVA CANADA LIMITÉE c. ELI LILLY CANADA INC. et ELI LILLY AND COMPANY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 septembre 2016

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 OCTOBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Jonathan Stainsby

 

Pour la demanderesse

 

Marc Richard

Frédéric Lussier

 

Pour les défenderesses

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aitken Klee LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Gowlings WLG

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour les défenderesses

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.