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Date : 20170519


Dossier : IMM-4661-16

Référence : 2017 CF 518

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 mai 2017

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

OLAJUMOKE DUROSHOLA

DAVID OLUFEMI (MINEUR)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2002, ch. 27 [LIPR], d’une décision d’une agente (l’« agente ») d’examen des risques avant renvoi (« ERAR »), datée du 11 octobre 2016, dans laquelle l’agente a conclu que les demandeurs ne seraient pas exposés à un risque à leur retour au Nigéria (la « décision »).

II.  Faits

[2]  Olajumoke Duroshola (la « demanderesse principale ») est une citoyenne du Nigéria; son fils, David Olufemi (le « demandeur mineur »), est un citoyen des États‑Unis (collectivement, les « demandeurs »). En février 2012, les demandeurs ont présenté une demande d’asile, fondée sur les allégations de risque de violence conjugale de la demanderesse principale commise par son ex‑conjoint, Tayo Alabi. Cette demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (la « SPR ») dans une décision datée du 9 août 2013. Un appel ultérieur devant la Section d’appel des réfugiés (la « SAR ») et une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SPR ont été refusés.

[3]  Les demandeurs ont présenté une demande d’ERAR le 12 février 2012, qui a été rejetée dans une décision datée du 11 octobre 2016. Dans leur demande d’ERAR, les demandeurs prétendent que la demanderesse principale craint toujours la violence conjugale de M. Alabi, des membres de sa famille et, désormais, de certains membres de sa propre famille. Les demandeurs soutiennent que des changements importants se sont produits dans la vie de la demanderesse principale et qu’ils l’exposent à des risques supplémentaires au Nigéria.

[4]  Depuis son arrivée au Canada, la demanderesse principale a noué une relation amoureuse avec une femme, Sarah Kwaji, qu’elle a épousée le 5 octobre 2013. Mme Kwaji est une réfugiée au sens de la Convention au Canada. À la suite de sa décision favorable, Mme Kwaji a présenté une demande de résidence permanente en qualité de personne protégée. Initialement, les demandeurs étaient inscrits dans la demande de résidence permanente de Mme Kwaji; cependant, ils ont été ultérieurement supprimés de celle‑ci, dans l’espoir que cela accélérerait le traitement de la demande de Mme Kwaji. Mme Kwaji est maintenant une résidente permanente du Canada. Elle est toujours mariée à la demanderesse principale et affirme qu’elle a l’intention de parrainer la demanderesse principale au Canada en qualité d’épouse.

[5]  À la suite du mariage, les demandeurs ont allégué que M. Alabi a été informé de l’orientation sexuelle de la demanderesse principale et qu’il a commencé à émettre des menaces à son encontre et à diffuser les nouvelles concernant son orientation sexuelle dans la collectivité. Qui plus est, les demandeurs allèguent que M. Alabi a signalé le lesbianisme de la demanderesse principale à la police au Nigéria. En novembre 2014, la demanderesse principale a reçu un appel téléphonique de sa sœur, qui a affirmé que la police s’était présentée à son domicile et lui avait signifié une assignation afin que la demanderesse principale comparaisse devant la cour le 7 novembre 2014. La demanderesse principale n’est pas retournée au Nigéria pour se conformer à l’assignation et, prétendument, on aurait signifié à sa sœur un mandat en vue de son arrestation (le « mandat d’arrestation »).

A.  La décision de l’ERAR

[6]  L’agente a examiné la demande d’ERAR des demandeurs, ainsi que les documents à l’appui et elle a conclu que la demanderesse principale n’était pas une réfugiée au sens de la Convention ou une personne à protéger. L’agente a conclu que les demandeurs ont présenté une preuve documentaire corroborante insuffisante pour démontrer que la demanderesse principale est recherchée par la police au Nigéria, que M. Alabi et les membres de sa famille cherchent à la retrouver et à lui faire du mal, que les membres de sa famille la recherchent pour lui faire du mal ou qu’elle sera perçue comme une homosexuelle au Nigéria.

[7]  L’agente n’a pas accordé un poids important à la déclaration solennelle de la sœur de la demanderesse principale (l’« affidavit de la sœur ») ou au mandat d’arrestation. L’agente a déclaré que la sœur était une source très proche de la demanderesse principale, par conséquent, elle manquait d’objectivité et d’indépendance. Il a été déterminé que le mandat d’arrestation constituait une source d’information objective et indépendante; mais, parce que le document est dénué de caractéristiques de sécurité et qu’il indique que la demanderesse principale s’était fait prendre dans un [traduction] « acte de lesbianisme » au Nigéria, en novembre 2014, alors qu’elle était au Canada, l’agente a conclu qu’il n’avait pas de valeur probante. L’agente a également indiqué que l’appréciation de la valeur probante du mandat d’arrestation est appuyée par le fait que les cartables nationaux de documentation (« CND ») indiquent qu’il est facile d’obtenir des documents frauduleux au Nigéria.

[8]  En outre, l’agente a souligné l’absence d’autres éléments de preuve corroborants à l’appui de l’allégation de la demanderesse principale selon laquelle la famille de M. Alabi et sa famille à elle souhaitent lui faire du mal en raison de son orientation sexuelle. À la SPR, le tribunal a conclu que le récit de la demanderesse principale concernant les événements qui ont mené à sa demande d’asile n’était pas suffisamment crédible. L’agente a déclaré que les demandeurs n’avaient pas présenté une preuve suffisante pour réfuter les conclusions de la SPR quant à la crédibilité.

[9]  L’agente a également conclu que la demanderesse principale n’est pas une personne visée par l’alinéa 97(1)a) de la LIPR, car elle n’a pas démontré que, selon toute vraisemblance, elle est torturée par un fonctionnaire ou une autre personne agissant à titre officiel. De manière semblable, la demanderesse principale n’est pas une personne au sens de l’alinéa 97(1)b), car elle n’a pas montré que sa vie serait menacée ou qu’elle subirait une atteinte grave à l’égard de ses droits fondamentaux de la personne dans l’éventualité où elle retournerait au Nigéria. Qui plus est, l’agente a fait remarquer que, bien que la violence conjugale et le mauvais traitement des minorités sexuelles représentent un problème majeur au Nigéria, les demandeurs n’ont pas présenté une preuve suffisante pour démontrer que la demanderesse principale serait touchée par ces conditions défavorables.

[10]  Enfin, l’agente a indiqué que cet ERAR ne constituait pas la tribune adéquate pour procéder à une appréciation de la relation de conjoints, affirmant que la demanderesse principale aura l’occasion de présenter une preuve quant à l’authenticité de sa relation, une fois que la demande de parrainage à titre de conjoint aura été présentée. Étant donné qu’il n’y a aucune allégation de risque formulée en ce qui a trait aux États‑Unis concernant le demandeur mineur, cette question n’a pas été évaluée dans le cadre de l’ERAR.

III.  Questions en litige

[11]  Trois questions sont soulevées.

  1. L’agente a-t-elle fait une appréciation erronée de la preuve documentaire, rendant la décision déraisonnable?
  2. L’agente a-t-elle affirmé, à tort, les considérations pertinentes en vertu de l’article 97 de la LIPR?
  3. L’agente a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir une audience en vertu de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [Règlement de la LIPR]?

IV.  La norme de contrôle

[12]  La norme de contrôle qui s’applique à la conclusion de fait tirée par l’agente est la norme de la décision raisonnable (Kulanayagam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 101, au paragraphe 21; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47 et 53 [Dunsmuir]).

[13]  En ce qui concerne les questions mixtes de fait et de droit, la norme de contrôle appropriée est également celle de la décision raisonnable.

[14]  Dans Nadarajan c Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2017 CF 403 [Nadarajan], le juge Michael Phelan a examiné le fait que la jurisprudence de la Cour est divisée en ce qui concerne la norme de contrôle applicable à la décision rendue à la suite d’une audience dans le cadre d’un ERAR. Le juge Phelan a indiqué que la Cour décrit parfois la question comme une question relevant de l’équité procédurale; alors que, d’autres fois, elle a soutenu que, parce que l’agente d’ERAR décide de tenir une audience en examinant la demande d’ERAR par rapport aux exigences visées à l’alinéa 113b) de la LIPR et aux facteurs à l’article 167 du Règlement sur la LIPR, la question est une question mixte de fait et de droit, ce qui exige l’application d’une norme de la décision raisonnable (Nadarajan, précitée, au paragraphe 12).

[15]  Je suis d’accord avec le juge Phelan pour dire que la norme de contrôle pour décider si une audience devrait être tenue dans le contexte d’une ERAR est la norme de la décision correcte. L’alinéa 167c) du Règlement pris en application de la LIPR devient opérant lorsque la crédibilité est remise en question et, par conséquent, la question de savoir si une audience doit être tenue est une question d’équité procédurale. La norme de contrôle pour les questions de droit et pour l’équité procédurale est celle de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43).

V.  Discussion

A.  La décision était-elle déraisonnable?

[16]  Le défendeur affirme que l’agente n’a commis aucune erreur en tenant compte de la nature relative à [traduction] « l’intérêt personnel » de l’affidavit de la sœur pour lui conférer une valeur probante et qu’il n’était pas déraisonnable que l’agente privilégie la preuve documentaire sans parti pris et crédible par rapport à l’affidavit de la sœur. De manière semblable, le défendeur soutient que le fait d’avoir attribué une valeur probante moindre au mandat d’arrestation ne constituait pas une erreur, car il n’y avait aucune preuve corroborante, ce qui aurait pu contrer les doutes de l’agente à propos des documents contrefaits. La SPR dans sa décision antérieure avait conclu que l’affidavit de la sœur et le mandat d’arrestation ne suffisaient pas à réfuter ses conclusions quant à la crédibilité, ce dont a tenu compte l’agente.

[17]  Le défendeur affirme aussi que l’agente a adéquatement évalué si la demanderesse principale pouvait être exposée à des risques au Nigéria et a conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté une preuve suffisante pour démontrer que la demanderesse principale serait touchée par les conditions défavorables pour les minorités sexuelles. Le défendeur soutient que l’agente s’est penchée sur les questions pertinentes et que les questions relatives à la valeur probante et à la crédibilité relèvent entièrement de celle‑ci.

[18]  Les demandeurs soutiennent que l’agente a omis d’apprécier la gravité des questions soulevées dans la demande d’ERAR. Les demandeurs contestent deux aspects de la décision : (1) le traitement de l’affidavit de la sœur et (2) le traitement du mandat d’arrestation. Ils soutiennent que l’agente a omis de traiter ces éléments de preuve d’une façon ordonnée ou intelligible. De plus, les demandeurs soutiennent que l’agente a omis d’apprécier, d’après la preuve fondée sur les CND, si les demandeurs couraient un risque de préjudice au Nigéria en fonction du risque actuel pour les membres de la collectivité lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre, homosexuelle en questionnement (« LGBTQ »).

[19]  L’agente n’a procédé à aucune analyse du contenu de l’affidavit de la sœur et a simplement rejeté le document, car il était rédigé par la sœur de la demanderesse principale; qui plus est, la décision d’accorder peu de poids au mandat d’arrestation était uniquement motivée par la disponibilité générale de documents frauduleux au Nigéria.

[20]  La décision laisse entendre que le motif en vertu duquel l’agente a attribué peu de valeur probante à l’affidavit de la sœur et au mandat d’arrestation est que la décision sous‑jacente de la SPR tirait la conclusion que le témoignage de la demanderesse principale n’était pas crédible, ce qui rendrait nécessaire de corroborer de manière indépendante toute preuve présentée par les demandeurs. Cependant, même si la SPR est arrivée à la conclusion qu’il y avait des questions de crédibilité en ce qui concerne le récit de violence conjugale de la demanderesse principale et ses voyages à destination ou en provenance du Nigéria, la SPR n’a pas tiré une conclusion selon laquelle la demanderesse principale n’était pas une témoin crédible ou digne de confiance, de sorte que la demande n’avait aucun fondement crédible aux termes du paragraphe 107(2) de la LIPR. Il était déraisonnable que l’agente aborde l’affidavit de la sœur et le mandat d’arrestation à partir de la position selon laquelle les deux documents devaient être corroborés en raison de doutes quant à la crédibilité. L’affidavit de la sœur et le mandat d’arrestation sont de nouveaux éléments de preuve qui ne sont pas liés au témoignage de la demanderesse principale devant la SPR.

[21]  De plus, je conclus que l’agente a rejeté l’affidavit de la sœur sans apprécier adéquatement sa valeur, car elle a mal compris et mal appliqué les conclusions de crédibilité de la SPR. Dans Tabatadze c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 24, au paragraphe 6 [Tabatadze], le juge Henry Brown a déclaré que « le rejet des témoignages de membres de la famille et d’amis en raison du caractère intéressé de ce témoignage, ou parce que les témoins ont un intérêt dans l’issue de l’affaire, constitue une manière peu scrupuleuse de traiter des éléments de preuve possiblement probants et pertinents ». Le juge Brown a fait remarquer que le fait de permettre à un tribunal de rejeter ainsi des éléments de preuve donne un moyen qui peut être invoqué à tout moment à l’encontre d’un demandeur d’asile et que ce type de rejet d’éléments de preuve provenant de la famille, qui porte sur les conclusions fondamentales d’une décision, fait qu’il est impossible pour une cour de révision de déterminer « qu’elle aurait été la décision de la SPR si [le décideur] avait raisonnablement examiné et apprécié cette preuve rejetée » (Tabatadze, précitée, aux paragraphes 6 et 7).

[22]  Je ne suis pas convaincu par l’argument du défendeur selon lequel l’intérêt de la sœur à l’égard de l’issue était tel que l’affidavit de la sœur « requiert une corroboration pour avoir une valeur probante » (Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 27). Bien que la sœur ait très certainement un intérêt à l’égard du bien-être de la demanderesse principale, j’estime que l’application du principe énoncé dans Tabatadze signifie que ce seul fait ne suffit pas à l’agente pour réfuter la présomption selon laquelle les affidavits établis sous serment sont crédibles (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1979] ACF no 248 (CAF)).

[23]  En outre, je suis d’accord avec les demandeurs pour dire qu’il serait difficile d’imaginer une situation où les demandeurs auraient présenté ces éléments de preuve d’une façon qui n’était pas qualifiée d’intéressée, si cette qualification était le résultat inévitable de la preuve provenant d’un membre de la famille, qui est l’unique source d’information concernant ce qui s’est produit après le départ du Nigéria des demandeurs. Par conséquent, je conclus que le traitement de l’affidavit de la sœur par l’agente est déraisonnable.

[24]  De manière semblable, je conclus que le traitement du mandat d’arrestation par l’agente est déraisonnable. Notre Cour a statué que les documents délivrés par des autorités étrangères sont présumés être valides (Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 1133, au paragraphe 10). Même si l’agente déclare que la présomption de validité est réfutée par l’absence de sceaux officiels et par le fait qu’il indique que la demanderesse principale s’est fait prendre dans un acte de [traduction] « lesbianisme » à une époque où elle se trouvait au Canada, il n’y a aucune preuve des caractéristiques de sécurité, le cas échéant, que posséderait un mandat d’arrestation nigérian. En outre, aucune preuve ne suggère que la police nigériane procéderait à une vérification pour s’assurer que la personne accusée de [traduction] « lesbianisme » se trouvait réellement au pays au moment allégué dans une plainte. Au lieu de cela, un élément de preuve documentaire suggère que la police nigériane est gravement sous‑financée et qu’il lui manque des ressources de base.

[25]  Il existe également des éléments de preuve selon lesquels les droits des Nigérians appartenant à la collectivité LGBTQ ne sont ni respectés ni protégés par la police. De plus, je suis d’accord avec les demandeurs pour dire que la déclaration du juge James Russell dans la décision Ogunrinde c (MSPPC), 2012 CF 760, est applicable en l’espèce :

[…] Quant à l’absence de mandat ou du nom de l’« agent de police chargé de l’enquête », l’agente s’aveugle volontairement en s’attendant au respect des formalités habituelles dans un pays où l’homosexualité n’est pas tolérée et où il est improbable que les autorités traitent les personnes homosexuelles avec une forme quelconque de respect et qu’à leur égard elles appliquent la loi de façon régulière, comme cela ressort clairement de la preuve documentaire dont elle disposait.

[26]  En conséquence, je suis d’accord avec les demandeurs pour dire que l’agente a déraisonnablement imposé des concepts occidentaux à l’appréciation du mandat d’arrestation.

[27]  Enfin, je conclus que l’agente a mal interprété la nature du risque auquel s’expose la demanderesse principale au Nigéria. L’agente affirme que la demanderesse principale n’a pas établi qu’elle sera exposée à de la persécution au Nigéria en tant que femme bisexuelle et qu’elle ne sera pas considérée comme une homosexuelle. La conclusion selon laquelle la demanderesse principale n’est pas susceptible d’être persécutée en raison de son orientation sexuelle ignore l’ensemble des éléments de preuve documentaire qui montrent que les Nigérians appartenant à la collectivité LGBTQ sont victimes de persécution et de discrimination d’une part importante de la société au Nigéria. Elle ignore aussi le fait que le Nigéria dispose d’une loi qui rend le mariage de même sexe illégal, la Same Sex Marriage (Prohibition) Act of 2013.

[28]  Mis à part le fait d’avoir conclu que l’affidavit de la sœur avait peu de valeur probante, l’agente n’a présenté aucun motif de la raison pour laquelle la demanderesse principale ne serait pas considérée comme une homosexuelle au Nigéria, alors qu’elle a épousé une femme au Canada et que, même si ce mariage n’était pas reconnu au Nigéria, il existe une preuve documentaire de ce mariage. Qui plus est, l’agente n’a pas tenu compte du fait que, en vertu de la Same Sex Marriage (Prohibition) Act of 2013, le mariage ou l’union civile avec une personne du même sexe est une infraction passible de 14 années d’emprisonnement et n’a pas tenu compte de ce que cela pourrait vouloir dire pour la demanderesse principale. La conclusion de l’agente à propos du risque de persécution de la demanderesse principale est déraisonnable.

B.  Le paragraphe 97(1) de la LIPR

[29]  Les demandeurs soutiennent que l’agente a déclaré à tort que les demandeurs devraient établir un danger de mort ou [traduction] « une grave atteinte à leurs droits fondamentaux de la personne » pour être des personnes à protéger au sens de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR. Selon leur affirmation, ils sont tenus de démontrer uniquement qu’ils sont exposés à une menace pour leur vie ou un risque de traitements ou peines cruels et inusités dans certaines conditions.

[30]  Cependant, bien que le défendeur ait effectivement mal rapporté le critère en vertu de l’alinéa 97(1)b), celui‑ci n’est pas déterminant dans l’issue de la décision en l’espèce.

C.  L’audience

[31]  Le défendeur soutient que l’agente n’a tiré aucune conclusion quant à la crédibilité et que, par conséquent, une audience n’était pas nécessaire. La question déterminante était plutôt la preuve insuffisante concernant la persécution alléguée à l’égard des demandeurs.

[32]  Comme je l’ai déjà indiqué, malgré la déclaration de l’agente selon laquelle le problème concernait le caractère suffisant de la preuve, je conclus que la crédibilité était une question clé sous‑jacente dans la décision; l’agente s’est appuyée sur les conclusions tirées par la SPR quant à la crédibilité, puis elle a assimilé cet appui à une insuffisance alléguée de la preuve. Si l’agente avait conclu que l’affidavit de la sœur et le mandat d’arrestation étaient crédibles, il n’apparaît pas clairement en quoi cette même preuve n’aurait pas suffi à montrer que la demanderesse principale était exposée à un risque de préjudice si elle devait retourner au Nigéria. En conséquence, je conclus que l’agente a commis une erreur en ne tenant pas une audience afin de procéder à une nouvelle appréciation de la crédibilité des demandeurs.


JUGEMENT dans IMM‑4661‑16

LA COUR STATUE que :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  2. Aucune question de portée générale n’est à certifier.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4661-16

 

INTITULÉ :

OLAJUMOKE DUROSHOLA ET AL c LE MIRC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 MAI 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 MAI 2017

 

COMPARUTIONS :

Mme Oluwakemi Oduwole

Mme Dotun Davies

POUR LES DEMANDEURS

Mme Judy Michaely

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Topmarké Attorneys LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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