Date : 20170516
Dossier : IMM-4855-16
Référence : 2017 CF 504
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 16 mai 2017
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
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NERA VALIDZIC
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RINO VALIDZIC
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
La présente demande concerne une décision de la Section de la protection des réfugiés par laquelle une demande d’asile en application de l’article 97 a été rejetée, demande qui concernait deux mineurs (les enfants), citoyens de Croatie, qui craignent « un membre du crime organisé de haut niveau »
(le criminel) en Croatie (la décision, au paragraphe 5).
[2]
Le principal témoignage servant à étayer la demande des enfants lors de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés était celui du père, qui n’était pas lui-même demandeur d’asile. Selon son témoignage, le père a été reconnu coupable en Croatie de possession de stupéfiants et il a agi à titre d’informateur en prison contre le criminel qui, de ce fait, est le facteur de risque advenant le cas où les enfants devaient retourner en Croatie. Le risque objectif auquel les enfants sont exposés découle donc de la conduite de leur père.
[3]
En ce qui concerne l’approche à adopter pour décider des demandes d’asile des enfants, le commissaire de la Section de la protection des réfugiés a formulé les conclusions qui suivent, conclusions qui sont directement contestées par la présente demande :
[traduction]
De l’avis du tribunal, les présentes demandes d’asile reposent entièrement sur la crédibilité du père, et le fait qu’il soit témoin et non demandeur d’asile ne change rien en soi. Les demandeurs d’asile s’appuient entièrement sur les allégations du père. Le père est la seule personne ayant une connaissance directe des événements qui sont invoqués par les demandeurs d’asile. Le père est la personne qui a décidé du moment où les demandes d’asile seraient déposées. En outre, le tribunal exprime respectueusement son désaccord avec la formulation de l’avocate sur la question du temps écoulé. Les conclusions défavorables, comme la présentation tardive d’une demande d’asile, n’ont jamais pour but de « punir » le demandeur. Le tribunal doit faire le nécessaire pour déterminer si les demandeurs d’asile et leur représentante désignée ont étayé leurs allégations selon la prépondérance des probabilités à l’aide d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi. Le simple fait que le père ne soit pas un demandeur d’asile dans la présente procédure ne signifie pas que sa crédibilité, et par conséquent la crédibilité des allégations des demandeurs d’asile selon la façon dont il les a formulées, est exempte d’un examen en bonne et due forme (décision, au paragraphe 24).
En évaluant les éléments de preuve de M. Validzic, le tribunal a appliqué la présomption selon laquelle les allégations faites sous serment sont vraies à moins qu’il n’existe une raison valide de douter de leur véracité. En somme, le tribunal a traité ses éléments de preuve comme si le père était un demandeur d’asile. Il n’y a aucune raison de faire autrement, car c’est lui qui est l’auteur des formulaires Fondement de la demande d’asile (FDA) des demandeurs et la source de tous leurs éléments de preuve. Si ce n’était de la conclusion selon laquelle sa demande d’asile est irrecevable, M. Validzic aurait été partie à la présente instance à titre de demandeur principal, et ses éléments de preuve auraient été vérifiés de la même façon (décision, au paragraphe 65). [Non souligné dans l’original.]
[4]
En ce qui concerne la thèse de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle il n’y a aucune raison de traiter le témoignage du père comme celui d’un demandeur d’asile, j’estime, moi, qu’il y en a une : cela est manifestement injuste à l’égard des enfants.
[5]
L’avocate des enfants fait valoir que la décision est déraisonnable parce que les conclusions négatives à l’égard de la conduite du père au Canada, conclusions tirées comme si c’était lui qui demandait l’asile, ont été attribuées aux enfants contre leur intérêt. Deux conclusions de ce genre ont été tirées sur la question de la crainte subjective. La Section de la protection des réfugiés a conclu que le fait que le père n’a pas régularisé le statut des enfants au Canada et le fait qu’il a présenté tardivement les demandes d’asile par besoin de gérer ses intérêts commerciaux au Canada sont des éléments incompatibles avec la crainte subjective que le père prétend avoir (décision, au paragraphe 48). Par conséquent, les conclusions d’absence de crainte subjective de la part du père ont été attribuées aux enfants, ce qui a entraîné le rejet de la demande d’asile des enfants.
[6]
Comme je l’ai mentionné, le risque objectif en Croatie étayé par le témoignage du père avait été accepté. Comme on peut s’y attendre, rien dans la preuve n’indique que les enfants eux-mêmes ont une crainte subjective du risque advenant un retour en Croatie. À mon avis, la seule conclusion que la Section de la protection des réfugiés pouvait logiquement et équitablement formuler est qu’une crainte objective et subjective était en cause au moment de trancher la demande des enfants.
[7]
L’erreur fatale dans la décision faisant l’objet du présent contrôle réside en l’omission de la Section de la protection des réfugiés à effectuer une analyse appropriée du risque s’appliquant à la demande des enfants. Par conséquent, je conclus que cette décision est déraisonnable.
JUGEMENT
LA COUR annule la décision à l’examen, et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un tribunal différemment constitué.
Aucune question n’est certifiée.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 6e jour d’août 2019
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-4855-16
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INTITULÉ :
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NERA VALIDZIC, RINO VALIDZIC c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 8 MAI 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE CAMPBELL
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DATE DES MOTIFS :
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LE 16 MAI 2017
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COMPARUTIONS :
Adela Crossley
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POUR LES DEMANDEURS
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Melissa Mathieu
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cabinet d’Adela Crossley
Avocate
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR
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