Date : 20170510
Dossier : IMM-4058-16
Référence : 2017 CF 488
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 10 mai 2017
En présence de monsieur le juge Fothergill
ENTRE :
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NEHARIKA VERMA
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
Neharika Verma demande le contrôle judiciaire de la décision de l’agent préposé aux cas d’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada. L’agent a rejeté sa demande de statut de résident permanent au titre de la catégorie de l’expérience canadienne.
[2]
Pour les raisons ci-après, la conclusion de l’agent à l’effet que Mme Verma ne possédait pas le statut implicite entre le 2 juin 2015 et le 28 juillet 2015 et, par conséquent, qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences concernant la période de travail à plein temps comptant pour l’obtention de l’expérience de travail admissible acquise au Canada était raisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
II.
Contexte
[3]
Mme Verma est une citoyenne de l’Inde. Le 3 décembre 2013, elle a obtenu un permis de travail canadien qui était valide jusqu’au 2 juin 2015. Le 25 mai 2015, elle a soumis une demande de prolongation de son permis de travail.
[4]
Sa demande lui a été renvoyée le 28 juillet 2015 parce qu’elle n’avait pas acquitté les frais exigés. Elle avait soumis une demande de permis de travail ouvert pour lequel il faut verser un paiement de 255 $. Elle n’avait versé que 155 $, soit le montant à payer pour un permis de travail fermé. Mme Verma admet qu’elle n’avait droit ni à un permis de travail ouvert ni à un permis de travail fermé parce qu’elle n’avait jamais obtenu une étude d’impact sur le marché du travail. En conséquence, même si elle avait versé le bon montant, sa demande aurait inévitablement été rejetée.
[5]
En 2016, elle a soumis une demande de statut de résident permanent au titre de la catégorie de l’expérience canadienne.
III.
Décision attaquée
[6]
L’agent a rejeté la demande de statut de résident permanent de Mme Verma le 19 septembre 2016. Il a conclu qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 87.1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement); plus précisément, elle ne satisfaisait pas à l’exigence concernant la période de travail à plein temps comptant pour l’obtention de l’expérience de travail admissible acquise au Canada. Mme Verma affirme avoir travaillé au Canada de juillet 2014 à août 2015. Toutefois, comme son permis de travail a expiré en juin 2015, l’agent n’a pas retenu la période s’étendant du 2 juin 2015 au 28 juillet 2015.
IV.
Question soulevée
[7]
La seule question soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire consiste à déterminer si la conclusion de l’agent de rejeter la demande de Mme Verma était raisonnable.
V.
Analyse
[8]
Les décisions portant sur les demandes de statut de résident permanent en vertu du Règlement sont des questions de fait et de droit et sont susceptibles de contrôle par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Su c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 51, au paragraphe 10 [Su]). La Cour interviendra uniquement si la décision n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
(Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).
[9]
Mme Verma s’appuie sur les paragraphes 183(5) et 183(6) du Règlement, lesquels énoncent que :
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Elle soutient qu’en vertu de ces dispositions, elle bénéficiait d’un « statut implicite »
entre la date d’expiration de son permis de travail, le 2 juin 2015, et la date à laquelle sa demande de prolongation de son permis de travail lui a été retournée, soit le 28 juillet 2015. Elle maintient donc que la conclusion de l’agent voulant qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 87.1 du Règlement concernant la période de travail à plein temps comptant pour l’obtention de l’expérience de travail admissible acquise au Canada était déraisonnable.
[11]
La principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir si une demande incomplète qui est retournée à un demandeur en vertu de l’article 12 du Règlement constitue une demande valide aux fins des paragraphes 183(5) et 183(6) dudit Règlement. L’article 12 du Règlement prévoit ce qui suit :
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[12]
La jurisprudence de la Cour sur la question de savoir si une demande incomplète peut par la suite être modifiée, ou si elle est nulle, n’est pas unanime. Dans Su, la juge Cecily Strickland a procédé à l’examen complet de la jurisprudence, notamment dans Campana Campana c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 49 [Campana], Ma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 159, et Stanabady c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1380 [Stanabady]. Elle s’est également penchée sur le cadre législatif et réglementaire dans la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), et elle a tenu compte des instructions ministérielles et des Résumés de l’étude d’impact de la réglementation avant de tirer la conclusion ci-après :
[40] Une demande doit répondre aux exigences de l’article 10 avant que l’on puisse la considérer comme déposée. Si l’on considère qu’une demande incomplète n’a pas été déposée, il s’ensuit que toute autre demande déposée par la suite est nouvelle. En d’autres termes, une demande n’« existe » que si elle est complète et peut donc être examinée et traitée.
[13]
La décision du juge Sean Harrington dans Stanabady est semblable. Les décisions Su et Stanabady se distinguent de la décision du juge Yvan Roy dans Campana parce qu’il n’a pas pris spécifiquement en considération l’article 12 du Règlement.
[14]
La décision de la Cour d’appel fédérale dans Gennai v Canada (Citizenship and Immigration), 2017 CAF 29 [Gennai] a eu pour effet d’éliminer en grande partie cette divergence dans la jurisprudence de la Cour. Dans Gennai, le juge David Near a maintenu qu’une demande à laquelle il manque des éléments n’est pas une demande au sens de la LIPR et du Règlement.
[6] Je suis d’accord avec le juge qu’une demande à laquelle il manque des éléments n’est pas une demande au sens de la LIPR et du Règlement. À mon avis, une demande à laquelle il manque des éléments n’existe plus parce que l’article 12 stipule que si les exigences prévues à l’article 10 ne sont pas remplies, la demande est retournée au demandeur.
[15]
Mme Verma cherche à se démarquer de Gennai au motif que le contexte factuel est différent. Cependant, Gennai et la présente instance portent sur la bonne interprétation du paragraphe 12 du Règlement. Notre Cour est liée par l’interprétation confirmée par la Cour d’appel fédérale. Le renvoi de la demande de Mme Verma visant la prolongation de son permis de travail en vertu de l’article 12 du Règlement signifie que cette demande n’a jamais existé en tant que demande aux fins de l’application du Règlement.
[16]
La conclusion de l’agent voulant que Mme Verma ne bénéficiait pas du statut implicite en vertu des paragraphes 183(5) et 183(6) du Règlement entre le 2 juin 2015 et le 28 juillet 2015 et qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 87.1 du Règlement concernant la période de travail à plein temps comptant pour l’obtention de l’expérience de travail admissible acquise au Canada était donc raisonnable.
[17]
Mme Verma a proposé que la question suivante soit certifiée aux fins d’appel, laquelle est adaptée de la question certifiée par le juge Harrington dans Stanabady :
Lorsqu’un résident temporaire a demandé une prolongation de la période de séjour autorisée, mais que sa demande est lui est renvoyée parce qu’elle est jugée incomplète en vertu de l’article 12 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, est-ce que le demandeur bénéficie de statut implicite jusqu’à ce que cette demande lui soit renvoyée?
[18]
Je suis d’accord avec le ministre que la Cour d’appel fédérale a répondu à cette question dans Gennai; en conséquence, la question de certification proposée par Mme Verma serait redondante.
VI.
Conclusion
[19]
La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.
« Simon Fothergill »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-4058-16
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INTITULÉ :
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NEHARIKA VERMA c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Calgary (Alberta)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 2 mai 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE FOTHERGILL
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DATE DES MOTIFS :
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Le 10 mai 2017
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COMPARUTIONS :
Ram Sankaran
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Pour la demanderesse
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Galina Bining
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ram Sankaran
Avocat
Calgary (Alberta)
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Pour la demanderesse
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William F. Pentney, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
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Pour le défendeur
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