Date : 20170512
Dossier : IMM-3569-16
Référence : 2017 CF 498
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 12 mai 2017
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
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DAVID MOLSON
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demandeur
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et
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LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA
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défendeur
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ORDONNANCE ET MOTIFS
I.
Nature de l’affaire
[1]
La Cour est saisie d’une demande déposée par le défendeur en vue d’obtenir une ordonnance lui adjugeant des dépens.
II.
Faits
[2]
Le 1er septembre 2014, le demandeur a été suspendu du Barreau du Haut-Canada (BHC) pour inconduite. Il a démissionné du BHC en juin 2015. Il a par la suite présenté une demande pour passer un examen offert par le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (le CRCIC ou le défendeur), en vue de devenir consultant en immigration autorisé du Canada.
[3]
Le 5 février 2016, le registraire du CRCIC a exclu le demandeur de l’examen pour une période de quatre (4) ans à partir de la date de sa demande d’inscription initiale, en raison du court laps de temps écoulé depuis que le demandeur a admis son inconduite, puis a démissionné du HBC.
[4]
Le demandeur a fait appel de la décision du registraire devant le comité d’appel du CRCIC, en soulevant neuf (9) erreurs dans la décision du registraire; le comité d’appel a admis un des arguments du demandeur concernant une erreur. Le 18 août 2016, le comité d’appel a néanmoins maintenu la période d’exclusion de quatre ans et a remplacé la décision et les motifs du registraire par sa propre décision et ses propres motifs.
[5]
Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du comité d’appel du défendeur à la Cour fédérale. Le 4 novembre 2016, la demande d’autorisation du demandeur a été rejetée par une ordonnance, sans décision quant aux dépens.
III.
Question en litige
[6]
Est-ce que le défendeur a droit aux dépens?
IV.
Dispositions pertinentes
[7]
Article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés (RCFCIPR), DORS/93-22 :
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[8]
Paragraphes 400(1) à (3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 :
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V.
Analyse
[9]
Dans l’arrêt Ndungu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 208, la Cour d’appel fédérale a fourni des éclaircissements quant à l’application de l’article 22 des RCFCIPR :
[traduction] [6] Il n’existe pas de définition légale de l’expression « raisons spéciales », utilisée à l’article 22, et aucune définition n’a été établie dans la jurisprudence. Peut-être une telle définition n’est-elle pas possible, compte tenu de la variété des circonstances pouvant donner ouverture à une demande de contrôle judiciaire dans le contexte de l’immigration, ou à un appel concernant une question certifiée.
[7] Toutefois, les affaires nécessitant l’application de l’article 22 fournissent quelques exemples des circonstances jugées comme des « raisons spéciales », de même que des circonstances jugées comme ne répondant pas à cette norme. Je résume dans les lignes qui suivent les décisions rendues dans certaines de ces affaires, d’après un sondage non exhaustif :
La nature de l’affaire
1) Il sera généralement présumé qu’un appel fondé sur une question certifiée a été interjeté de manière appropriée (Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 3 RCF 537, 2002 CAF 89).
2) Des « raisons spéciales » justifiant des dépens sur une base procureur-client peuvent être démontrées lorsque le Ministre demande le contrôle judiciaire d’une décision en matière d’immigration, qui prend alors l’allure d’une cause dont la solution fait jurisprudence quant à l’interprétation d’une disposition fondamentale de la loi (par exemple, quand la question est de savoir si les « Trinidadiennes victimes de violence conjugale » constituent un groupe social en particulier et si la crainte de cette violence, compte tenu de l’indifférence des autorités, équivaut à de la persécution : Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Mayers, [1993] 1 RCF 154 (CAF)).
3) Après le rejet de la demande de contrôle judiciaire de demandeurs d’asile qui contestaient l’établissement d’une « cause type » pour trancher les affaires de demandes d’asile, la Cour fédérale a conclu qu’il existait des « raisons spéciales » justifiant que des dépens soient accordés aux requérants, compte tenu de « la nature nouvelle et du caractère litigieux reconnu de la cause type au moment de son audition » (Geza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 3 RCF 3, 2004 CF 1039). Cette adjudication de dépens a été confirmée en appel. L’appel des requérants sur le fond a été accueilli, et des dépens ont été adjugés pour l’appel pour les motifs exposés par le juge de la Cour fédérale, et aussi en raison des documents additionnels obtenus par l’avocat pour démontrer que le processus ayant mené aux décisions dans les causes types était déficient (Kozak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 4 RCF 377, 2006 CAF 124).
Comportement du demandeur
4) Des « raisons spéciales » justifiant l’adjudication de dépens contre un demandeur peuvent être démontrées lorsque le demandeur s’est opposé de manière déraisonnable à la requête du Ministre en vue d’obtenir un contrôle judiciaire, prolongeant par le fait même la procédure (Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 83 F.T.R. 158 (1re inst.); D’Almeida c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 1 Imm. L.R. (3d) 309 (CFPI)).
Comportement du ministre ou d’un fonctionnaire de l’immigration
5) L’adjudication de dépens contre le ministre pour des « raisons spéciales » ne peut se justifier simplement parce que :
i) un fonctionnaire de l’immigration a pris une décision erronée (Sapru c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 35);
ii) le ministre demande le rejet sommaire d’un appel en matière d’immigration pour absence d’objet après que l’appelant eut engagé des ressources pour perfectionner l’appel, au lieu de présenter sa demande plus tôt (Jones c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 279);
iii) le ministre a déposé un avis de désistement la veille de l’audience à la suite d’une nouvelle législation privant d’objet l’appel (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, 2008 CAF 179).
6) On peut conclure à l’existence de « raisons spéciales » justifiant l’adjudication de dépens à l’encontre du ministre lorsque :
i) le ministre cause à un demandeur une perte considérable de temps et de ressources en adoptant des thèses incompatibles devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale (Geza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 266 N.R. 158 (CAF));
ii) un fonctionnaire de l’immigration contourne une ordonnance de la Cour (Bageerathan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 513);
iii) un fonctionnaire de l’immigration adopte une conduite trompeuse ou abusive (Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 941); Said c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 663 (CAF));
iv) un responsable de l’immigration rend une décision uniquement après un délai déraisonnable et injustifié (Nalbandian c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1128; M. Untel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 535; Jaballah c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CF 1182);
v) le ministre s’oppose de manière déraisonnable à une demande de contrôle judiciaire qui est manifestement valable en droit (Ayala-Barriere c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 101 F.T.R. 310 (1re inst.); Ndererehe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 880; Dhoot c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1295).
Comportement de l’avocat
7) Des « raisons spéciales » justifiant l’adjudication de dépens personnels contre un avocat peuvent être démontrées lorsque l’avocat a à maintes reprises omis de se présenter à une audience prévue à l’horaire (Ferguson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] F.C.J. no 172 (CAF)).
[10]
Le demandeur a fait appel de la décision du registraire et même si l’issue est demeurée la même, le comité d’appel a bien conclu qu’une erreur avait été commise par le registraire dans sa décision. Le demandeur a été autorisé à présenter une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. La Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation.
[11]
Comme aucun élément de preuve n’appuie l’idée que le demandeur a fait un recours abusif, l’affaire ne se qualifie pas en ce qui concerne les raisons spéciales invoquées à l’article 22 des RCFCIPR.
VI.
Conclusion
[12]
Par conséquent, aucuns dépens ne devraient être adjugés en faveur du défendeur.
ORDONNANCE
LA COUR N’ADJUGE aucuns dépens dans la présente affaire.
« Michel M.J. Shore »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-3569-16
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INTITULÉ :
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DAVID MOLSON c. LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA
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REQUÊTE EXAMINÉE SUR DOSSIER À OTTAWA (ONTARIO)
ORDONNANCE ET MOTIFS :
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LE JUGE SHORE
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DATE DES MOTIFS :
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Le 12 mai 2017
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OBSERVATIONS ÉCRITES :
David Molson
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POUR LE DEMANDEUR
(POUR SON PROPRE COMPTE)
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Patricia Lynn Harper
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Keel Cottrelle LLP
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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