Date : 20170424
Dossier : T-306-16
Référence : 2017 CF 402
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 24 avril 2017
En présence de monsieur le juge Russell
ENTRE :
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LES GOUVERNEURS DE LA UNIVERSITY OF ALBERTA ET ALBERTA HEALTH SERVICES
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demandeurs
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
INTRODUCTION
[1]
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7 (Loi sur les Cours fédérales) des décisions suivantes rendues par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC) au nom du commissaire aux brevets (le commissaire), au sujet de la demande de brevet canadien dont le numéro de série est 2 804 560 (la demande de brevet) :
a) la décision du 3 février 2016 refusant de rectifier les registres des brevets pour indiquer que la demande de brevet est en règle;
b) la décision du 4 février 2016 refusant d’appliquer le paiement au titre des taxes pour le maintien en état en date du 22 janvier 2016 aux fins de la demande de brevet;
c) la décision du 17 mai 2016 refusant de devancer la date d’examen de la demande de brevet.
II.
RÉSUMÉ DES FAITS
[2]
Le 1er février 2013, des agents ont déposé une demande de brevet canadien (la demande 560) au nom de TEC Edmonton et des Alberta Health Services. Dans la demande 560, les inventeurs identifiés étaient Ashwin Iyer, Justin Polock et Nicola de Zanche (les inventeurs). La demande 560 ne comportait aucun énoncé indiquant que les demandeurs de brevet étaient les représentants légaux des inventeurs.
[3]
Le 15 février 2013, l’OPIC a envoyé deux avis aux agents. Le premier avis demandait aux demandeurs de la demande 560 de se conformer à l’article 37 des Règles sur les brevets, DORS/96-423 au plus tard avant l’expiration de la période de trois mois suivant la date de l’avis ou l’expiration de la période de douze mois suivant la date de dépôt de la demande 560 (la réquisition). Le deuxième avis indiquait aux demandeurs de brevet que l’OPIC utiliserait le titre de l’invention tel qu’il figure dans la description, plutôt que le titre précisé dans la pétition pour l’octroi d’un brevet.
[4]
Le 31 mars 2014, l’OPIC a envoyé aux agents un avis d’abandon de la demande 560. L’avis indiquait que la demande 560 était considérée comme abandonnée aux termes de l’article 97 ou de l’article 151 des Règles sur les brevets pour omission de répondre de bonne foi à une réquisition du commissaire. L’avis indiquait également que la demande 560 pouvait être rétablie aux termes du paragraphe 73(3) de la Loi sur les brevets, LRC (1985), c P-4 (la Loi sur les brevets) dans les douze mois suivant la date d’abandon.
[5]
Le 10 juin 2014, TEC Edmonton a cédé ses droits relatifs à la demande 560 aux gouverneurs de la University of Alberta. Le même jour, les demandeurs de brevet ont révoqué la nomination antérieure des agents de brevet et ont nommé Anthony R. Lambert pour les remplacer. L’OPIC a traité le changement d’agent dans le registre le 26 juin 2014.
[6]
Le 13 janvier 2015, les demandeurs de brevet ont utilisé le service électronique de paiement des taxes pour le maintien en état afin de s’acquitter de ces taxes pour la deuxième année.
[7]
Le 22 janvier 2015, les demandeurs de brevet ont utilisé la correspondance générale publiée sur le site Web de l’OPIC pour payer les taxes pour le maintien en état de la troisième année.
[8]
Le 1er février 2016, les demandeurs de brevet ont déposé une pétition visant à rectifier les registres des brevets pour indiquer que la demande 560 était en règle. L’OPIC a répondu le 3 février 2016 qu’il ne réviserait pas les registres des brevets parce que les demandeurs de brevet ne s’étaient pas conformés à la réquisition dans la période de douze mois suivant l’avis d’abandon et, en conséquence, la période de rétablissement de la demande 560 était échue.
[9]
Le 4 février 2016, l’OPIC a informé les demandeurs qu’il ne traiterait pas le paiement versé le 22 janvier 2016 parce que la période de rétablissement de la demande 560 était échue.
[10]
Le 24 mars 2016, les demandeurs de brevet ont demandé au commissaire de devancer la date d’examen de la demande 560. L’OPIC a répondu le 16 mai 2016 en indiquant qu’aucune mesure ne pouvait être prise concernant le dossier parce que la période de rétablissement de la demande 560 était échue.
III.
DÉCISIONS FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE
1.
Décision du 3 février 2016
[11]
Dans une décision datée du 3 février 2016, l’OPIC a informé les demandeurs de brevet qu’il ne réviserait pas les registres des brevets pour indiquer que la demande 560 était en règle, parce qu’ils n’avaient pas déposé un énoncé, conformément à l’article 37 des Règles sur les brevets dans un délai d’un an suivant la date de dépôt et, par conséquent, la période de rétablissement de la demande 560 était échue.
2.
Décision du 4 février 2016
[12]
Dans une décision datée du 4 février 2016, l’OPIC a informé les demandeurs de brevet qu’il n’appliquerait pas le paiement des taxes pour le maintien en état versées le 22 janvier 2016 à la demande 560 parce que la période de rétablissement de celle-ci était échue.
3.
Décision du 17 mai 2016
[13]
Dans une décision datée du 17 mai 2016, l’OPIC a informé les demandeurs de brevet qu’il ne devancerait pas la date d’examen de la demande 560 parce que la période de rétablissement de celle-ci était échue.
IV.
QUESTION EN LITIGE
[14]
Les demandeurs soutiennent que les questions suivantes sont en litige dans la présente demande :
1) La norme de la décision correcte est-elle la norme qu’il convient d’appliquer aux questions soulevées dans la présente demande?
2) La demande 560 était-elle conforme aux exigences fondamentales de la Loi sur les brevets?
3) L’interprétation correcte de l’article 73 de la Loi sur les brevets est-elle que le paragraphe 73(1) prévoit que l’abandon pour non-conformité aux exigences fondamentales de la Loi sur les brevets et que le paragraphe 73(2) prévoit l’abandon pour non-conformité aux formalités que les Règles sur les brevets prescrivent?
4) En ce qui concerne la décision du 3 février 2016 :
Le commissaire a-t-il le pouvoir discrétionnaire d’interpréter une demande de brevet répondant aux exigences fondamentales comme étant conforme aux formalités prescrites?
Le commissaire a-t-il interprété la pétition pour l’octroi d’un brevet comme étant conforme aux formalités prescrites selon lesquelles un énoncé indiquant que les demandeurs [traduction]
« sollicitent l’octroi d’un brevet pour une invention intitulée DOUBLURE DE MÉTAMATÉRIEL POUR GUIDE D’ONDES, décrite et revendiquée dans le mémoire descriptif qui l’accompagnait »
?Le commissaire avait-il le pouvoir d’envoyer la réquisition aux termes de l’article 37?
L’exigence de l’avis prévu au paragraphe 27(6) de la Loi sur les brevets peut-elle être respectée dans le cadre d’une réquisition en application de l’article 47 des Règles sur les brevets? Dans l’affirmative, cet avis a-t-il été donné dans la réquisition fondée sur l’article 37?
Le délai applicable prévu à l’article 94 des Règles sur les brevets est-il venu à échéance le 3 mai 2013?
L’article 94 des Règles sur les brevets oblige-t-il le commissaire à informer les demandeurs, après le délai applicable prescrit, que la demande de brevet n’est pas conforme aux exigences applicables?
Le fait d’acheminer un avis aux termes de l’article 94 des Règles sur les brevets constituait-il une décision du commissaire que la demande était conforme aux exigences prévues à l’alinéa 94(2)b) des Règles sur les brevets?
5) En ce qui concerne la décision du 17 mai 2016 :
Une demande de brevet abandonnée en application du paragraphe 73(2) de la Loi sur les brevets est-elle admissible au devancement de la date d’examen prévu au paragraphe 25(1) de la Loi sur les brevets, conformément à l’article 28 des Règles sur les brevets?
Le commissaire a-t-il omis d’exercer son pouvoir discrétionnaire de devancer la date d’examen de la demande?
6) En ce qui concerne la décision du 4 février 2016 :
Le commissaire était-il tenu d’appliquer les taxes pour le maintien en état présentées par les demandeurs de brevet?
[15]
Pour sa part, le défendeur soutient que les questions à trancher dans la présente demande sont les suivantes :
1) Quelle est la norme de contrôle applicable?
2) Les dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets s’appliquaient-elles de sorte que la demande 560 était considérée à bon droit comme abandonnée et qu’elle ne pouvait être rétablie?
3) Si la demande 560 était réputée à bon droit abandonnée et qu’elle ne pouvait être rétablie, le commissaire a-t-il commis une erreur lorsqu’il n’a pas :
rectifié les registres des brevets pour indiquer que la demande 560 était en règle?
appliqué le paiement des taxes pour le maintien en état versées le 22 janvier 2016 à la demande 560?
devancé la date d’examen de la demande 560?
V.
NORME DE CONTRÔLE
[16]
Par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. En effet, si la jurisprudence établit de manière satisfaisante la norme de contrôle applicable à une question particulière portée devant la cour de révision, celle-ci peut adopter cette norme. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble incompatible avec l’évolution récente des principes de contrôle judiciaire en common law que la cour de révision doit procéder à une analyse des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.
[17]
Les deux parties se sont entendues pour dire que les questions soulevées, qui concernaient l’interprétation juridique de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets, sont susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte, tel qu’elle a été appliquée par le commissaire. Toutefois, la Cour a récemment conclu que les questions concernant l’interprétation législative qui découlent de la loi constitutive du commissaire, y compris la prorogation de délai et l’abandon réputé, sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable : Biogen Idec Ma Inc c Canada (Procureur général), 2016 CF 517 [Biogen], au paragraphe 42. De même, l’application de l’interprétation des faits par le commissaire, étant une question de fait et de droit, est également susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable : Biogen, au paragraphe 44.
[18]
Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
(Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si les décisions sont déraisonnables en ce sens qu’elles n’appartiennent pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».
VI.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
[19]
Les dispositions suivantes de la Loi sur les brevets s’appliquent en l’espèce :
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Les dispositions suivantes des Règles sur les brevets sont applicables en l’espèce :
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VII.
THÈSES DES PARTIES
A.
Demandeurs
1)
Norme de contrôle
[21]
Les demandeurs soutiennent que le commissaire a commis une erreur concernant l’interprétation juridique de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets. Par conséquent, la norme de contrôle applicable aux trois décisions devrait être la norme de la décision correcte : voir la décision Dutch Industries, précitée, aux paragraphes 17 à 24.
2)
Conformité à l’article 27 de la Loi sur les brevets et à l’article 37 des Règles sur les brevets
[22]
Les demandeurs font valoir que le commissaire a interprété la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets d’une façon qui l’empêchait d’exercer son pouvoir d’envoyer une réquisition dans au moins trois cas distincts.
[23]
Le premier cas est celui des lettres du 15 février 2013. Dans la première lettre, on demandait aux demandeurs de brevet de se conformer à l’article 37 des Règles sur les brevets, qui exige que la demande contienne un énoncé qui indique le nom et l’adresse de l’inventeur, ainsi qu’une déclaration précisant que le demandeur est le représentant légal de l’inventeur si le demandeur n’est pas l’inventeur. La demande 560 comprend des énoncés qui indiquent le nom des inventeurs et des demandeurs de brevet. Les demandeurs soutiennent que, même si la lettre exige la conformité, elle n’indique pas que la demande 560 n’est pas conforme ni comment celle-ci n’est pas conforme.
[24]
La deuxième lettre, datée du 15 février 2013, mentionnait que le titre de l’invention figurant dans la demande 560 ne correspondait pas au titre précisé dans la description, et informait les demandeurs de brevet que l’OPIC utiliserait le titre précisé dans la description. Les demandeurs soutiennent que cela indiquait que la demande 560 était conforme pour l’essentiel aux exigences prévues par la loi et que, selon l’interprétation de l’OPIC, la demande 560 était conforme aux formalités prescrites. En d’autres termes, l’OPIC avait communiqué aux demandeurs de brevet que la conformité pour l’essentiel aux Règles sur les brevets satisfaisait aux formalités prescrites. Par ailleurs, autre que l’avis d’abandon, l’OPIC n’est revenu sur cette interprétation dans aucune de ses communications à l’intention des demandeurs de brevet avant la décision du 3 février 2016.
[25]
Vu que la demande 560 était conforme pour l’essentiel aux exigences de l’article 37 des Règles sur les brevets, les demandeurs soutiennent que l’OPIC n’avait pas le pouvoir d’exiger que les demandeurs de brevet se conforment à l’article 37 et, par conséquent, il n’avait pas le pouvoir de considérer la demande 560 comme abandonnée.
[26]
Le deuxième cas concerne l’article 27 de la Loi sur les brevets, qui dispose ce qui suit :
(2) L’inventeur ou son représentant légal doit déposer, en la forme réglementaire, une demande accompagnée d’une pétition et du mémoire descriptif de l’invention et payer les taxes réglementaires
[...]
(6) Si, à la date de dépôt, la demande ne remplit pas les conditions prévues au paragraphe (2), le commissaire doit, par avis, requérir le demandeur de la compléter au plus tard à la date qui y est mentionnée.
[27]
Les demandeurs font valoir que l’OPIC n’a jamais donné un tel avis aux demandeurs et que l’absence de cet avis constitue une admission et une communication selon lesquelles la demande 560 a été déposée conformément aux règlements applicables. La réquisition ne répond pas à l’exigence d’avis puisque l’abandon aux termes du paragraphe 27(6) de la Loi sur les brevets constitue une conséquence du paragraphe 73(1), tandis que l’abandon en application de l’article 37 des Règles sur les brevets est une conséquence du paragraphe 73(2). L’article 37 ne peut pas être un double emploi de l’article 27, en raison de la présomption interprétative selon laquelle le législateur ne parle pas pour rien dire et parce que le paragraphe 12(2) de la Loi sur les brevets dispose : « Toute règle ou tout règlement pris par le gouverneur en conseil a la même force et le même effet que s’il avait été édicté aux présentes ».
L’omission de l’OPIC de générer et de transmettre un avis aux termes du paragraphe 27(6) de la Loi sur les brevets constitue une décision selon laquelle la demande 560 répondait aux exigences du paragraphe 27(2) à sa date de dépôt. En conséquence, l’OPIC n’a pas le pouvoir d’envoyer une réquisition aux termes de l’article 37 de la Loi sur les brevets.
[28]
Le troisième cas concerne l’article 94 des Règles sur les brevets qui exige que l’OPIC communique, dans la période de quinze mois qui suit la date de dépôt de la demande, une réquisition visant à exiger la conformité à l’article 77 des Règles sur les brevets. Les demandeurs soutiennent qu’un tel avis n’a jamais été fourni et, par conséquent, cette omission constitue une admission et une communication selon lesquelles la demande 560 contenait une pétition conforme à l’article 77. La réquisition ne répond pas à l’exigence d’avis parce qu’elle a été générée et transmise avant le 3 mai 2013, soit quinze mois suivant la date de dépôt, et l’article 94 exige clairement que l’OPIC évalue si la demande est conforme à l’expiration du délai de la période de quinze mois qui suit la date de dépôt de la demande. Les demandeurs font valoir que l’OPIC n’a jamais envoyé un avis aux termes de l’article 94 des Règles sur les brevets et, par conséquent, on doit considérer qu’il avait décidé que la demande 560 était conforme aux exigences applicables. Par conséquent, l’OPIC n’avait aucun fondement ni aucun pouvoir pour émettre la réquisition aux termes de l’article 37.
3)
Communication de la conformité
[29]
Les demandeurs soutiennent en outre que, avant le 3 février 2016, l’OPIC communiquait constamment que la demande 560 était conforme et en règle, sauf la réquisition et l’avis d’abandon. La réquisition était accompagnée d’une deuxième lettre qui laissait entendre qu’aucune réponse à la première lettre n’était nécessaire. Les demandeurs n’ont jamais reçu l’avis d’abandon et ils n’ont jamais été informés de son existence.
[30]
En plus des cas concernant l’interprétation législative, d’autres communiqués indiquaient aux demandeurs que la demande 560 était conforme.
[31]
Le 2 octobre 2014, l’OPIC a envoyé un avis concernant les taxes pour le maintien en état qui indiquait que [traduction] « [l]’omission de payer dans le délai prescrit entraînera l’abandon de la demande de brevet ».
Les demandeurs soutiennent que l’avis indique que la demande 560 n’avait pas été abandonnée et reflète une décision de l’OPIC selon laquelle elle n’avait aucun pouvoir d’émettre une réquisition aux termes de l’article 37 ou un avis d’abandon.
[32]
De même, le 13 janvier 2015, l’OPIC a reçu et accepté les taxes pour le maintien en état pour la deuxième année, ce qui laissait entendre que la demande 560 n’avait pas été abandonnée. Les demandeurs ont invoqué l’observation figurant dans la décision de l’OPIC.
[33]
En outre, le registre de la demande 560 ne contient aucune écriture indiquant qu’elle a été abandonnée à un moment donné. La demande a été indiquée comme « morte »
le 3 février 2015, ce qui est contraire à la pratique ordinaire. Par conséquent, même si les demandeurs avaient tenté de vérifier l’état de la demande 560 entre le 3 février 2014 et le 2 février 2015 en examinant son état dans le site Web de l’OPIC, il se pourrait qu’il n’y ait eu aucune indication selon laquelle la demande 560 avait été abandonnée.
4)
Droit au devancement de la date d’examen
[34]
Les demandeurs soutiennent qu’ils ont droit à ce que la date d’examen de leur demande 560 soit devancée. Leur demande d’un tel examen a été rejetée au motif que la période de rétablissement de la demande 560 était échue, ce qui indique l’omission de l’OPIC d’exercer son pouvoir discrétionnaire et constitue une interprétation inexacte de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets. Le rejet était contraire au libellé et à l’objet des dispositions législatives et une violation de la présomption interprétative de la proportionnalité.
[35]
Dans la décision de l’OPIC du 17 mai 2016, le paragraphe 73(3) de la Loi sur les brevets a été interprété de manière isolée en adoptant l’argument selon lequel, au moment de l’expiration de la période de douze mois suivant la date à laquelle la demande est considérée comme abandonnée, aucun autre droit ne subsiste dans la demande 560, mais le texte législatif énonce le contraire. Les articles 97 et 151 des Règles sur les brevets prévoient les circonstances dans lesquelles une demande est considérée comme abandonnée en application du paragraphe 73(2) de la Loi sur les brevets. L’article 28 oblige l’OPIC à devancer la date d’examen d’une demande de brevet si elle a fait l’objet d’une inspection publique et qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits de la personne qui a présenté la demande si la date d’examen n’est pas devancée. L’article 28 prévoit une exception si la demande est considérée comme abandonnée aux termes du paragraphe 73(1) de la Loi sur les brevets. Les demandeurs soulignent, sans toutefois admettre, que si l’avis d’abandon était valide, il a été établi aux termes du paragraphe 73(2) de la Loi sur les brevets. Ainsi, si la demande 560 avait été abandonnée en conséquence de l’article 97 des Règles sur les brevets et du paragraphe 73(2) de la Loi sur les brevets, l’OPIC était tenu de devancer la date d’examen de la demande 560.
[36]
Les demandeurs soutiennent que selon la bonne interprétation de l’article 73, le paragraphe 73(1) prévoit l’abandon pour non-conformité aux exigences fondamentales de la Loi sur les brevets, tandis que le paragraphe 73(2) prévoit l’abandon pour non-conformité aux formalités prescrites des Règles sur les brevets. Cette interprétation, qui est conforme à l’objet de la Loi sur les brevets et à la présomption de la proportionnalité, signifierait qu’un demandeur de brevet qui est conforme pour l’essentiel, mais qui n’est pas conforme aux formalités prescrites, subirait une pénalité pour non-conformité, mais aurait encore des droits.
5)
Application des taxes pour le maintien en état
[37]
Les demandeurs font valoir que, si la réquisition n’était pas valide, ou si la demande 560 avait été considérée, à tort, comme abandonnée, la décision de refuser d’appliquer le paiement au titre des taxes pour le maintien en état était déraisonnable et incorrecte. De même, si l’interprétation de l’économie générale de la loi présentée par les demandeurs concernant l’abandon et le devancement de la date d’examen est correcte, la décision de refuser d’appliquer le paiement au titre des taxes pour le maintien en état est déraisonnable et incorrecte.
[38]
Les demandeurs soutiennent également que, si les demandeurs ont tort en ce qui concerne la réquisition et la demande d’avancement de la date d’examen, la décision selon laquelle aucun droit ne subsiste dans la demande de brevet après l’expiration de la période de douze mois suivant la date à laquelle la demande 560 était considérée comme abandonnée est incorrecte et l’OPIC aurait dû appliquer le paiement aux taxes pour le maintien en état.
6)
Rectification des registres des brevets
[39]
Les demandeurs font également valoir que la décision de l’OPIC de ne pas rectifier les registres des brevets en ce qui concerne la demande 560 constitue un exercice incompatible du pouvoir discrétionnaire. L’OPIC a le pouvoir discrétionnaire d’apporter des corrections aux demandes mortes, même si la réquisition aux termes de l’article 37 des Règles sur les brevets a été envoyée et n’a pas été respectée; en fait, l’OPIC apporte souvent des corrections du type demandé par les demandeurs lorsqu’un problème de communication survient entre l’OPIC et les demandeurs de brevet. Les demandeurs font valoir qu’ils étaient conformes pour l’essentiel et qu’ils ont tenté de bonne foi de se conformer aux formalités prescrites, mais qu’ils n’étaient pas au courant du fait que la demande avait été considérée comme abandonnée parce qu’ils n’avaient pas reçu l’avis d’abandon et que les observations subséquentes faites par l’OPIC n’indiquaient pas que la demande 560 avait été abandonnée.
7)
Ordonnance demandée
[40]
En ce qui concerne la décision du 3 février 2016, les demandeurs demandent respectueusement :
une déclaration selon laquelle la demande déposée le 1er février 2013 visant la demande 560 était conforme à l’article 37 des Règles sur les brevets;
une déclaration selon laquelle une réponse avait déjà été donnée à la réquisition en date du 15 février 2013 visant à obtenir un énoncé aux termes de l’article 37 des Règles sur les brevets lorsque la demande 560 avait été déposée et qu’elle était, par conséquent, déjà respectée;
une déclaration selon laquelle l’OPIC n’avait aucun pouvoir d’envoyer la réquisition en date du 15 février 2013 visant à obtenir un énoncé aux termes de l’article 37 des Règles sur les brevets;
un bref de mandamus ordonnant que l’OPIC rectifie les registres des brevets afin de radier l’état de
« demande morte »
de la demande560 et de le remplacer par« correction de la demande morte »
;un bref de mandamus ordonnant à l’OPIC de retirer la réquisition du 15 février 2013 visant à obtenir un énoncé aux termes de l’article 37 des Règles sur les brevets.
[41]
En ce qui concerne la décision du 4 février 2016, les demandeurs demandent respectueusement :
une déclaration selon laquelle la décision de l’OPIC voulant que le paiement au titre des taxes pour le maintien en état daté du 22 janvier 2016 pour une somme de 100 $ ne soit pas appliqué à la demande 560 était erronée;
un bref de mandamus ordonnant à l’OPIC d’appliquer le paiement au titre des taxes pour le maintien en état daté du 22 janvier 2016 à la demande 560.
[42]
En ce qui concerne la décision du 17 mai 2016, les demandeurs demandent respectueusement :
une déclaration selon laquelle l’OPIC est tenu d’accorder la demande d’avancement de la date d’examen de la demande 560 présentée par les demandeurs, s’il est décidé qu’une omission d’avancer la date d’examen de la demande 560 est susceptible de porter atteinte aux droits des demandeurs;
une déclaration selon laquelle une omission d’avancer la date d’examen de la demande 560 est susceptible de porter atteinte aux droits des demandeurs;
un bref de mandamus ordonnant à l’OPIC de devancer la date d’examen de la demande 560;
une déclaration selon laquelle la décision de l’OPIC selon laquelle le paiement au titre des taxes afférentes au devancement de la date d’examen de la demande 560 en vertu de l’article 28 des Règles sur les brevets et à la demande d’examen de la demande 560 aux termes du paragraphe 35(1) de la Loi sur les brevets ne serait pas appliqué à la demande 560 était erronée;
un bref de mandamus ordonnant à l’OPIC d’appliquer les taxes afférentes au devancement de l’examen de la demande 560 aux termes de l’article 28 des Règles sur les brevets et à la demande d’examen de la demande 560 aux termes du paragraphe 35(1) de la Loi sur les brevets.
B.
Thèse du défendeur
[43]
Le défendeur déclare qu’il est une partie désintéressée à l’égard des demandeurs et de la demande 560 et que, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, il se préoccupe de veiller à ce que la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets soient appliquées de manière uniforme et conformément à la jurisprudence pertinente.
1)
Norme de contrôle
[44]
Le défendeur accepte que la norme applicable aux questions soulevées dans cette demande soit celle de la décision correcte : voir la décision Dutch Industries, précitée, aux paragraphes 17 à 24.
2)
Abandon de la demande
[45]
Le défendeur soutient que l’OPIC avait le pouvoir et l’obligation de demander aux demandeurs de brevet de se conformer au paragraphe 37(2) des Règles sur les brevets, qui exige un énoncé indiquant le nom et l’adresse de l’inventeur et une déclaration précisant que les demandeurs de brevet sont les représentants légaux de l’inventeur dans les cas où une demande, hormis une demande PCT à la phase nationale, n’est pas l’inventeur. La demande 560 ne contenait aucun énoncé de la sorte et, comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé, il incombe au demandeur de brevet d’assurer la conformité à la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets : voir la décision Acetlion Pharmaceuticals Ltd c Canada (Procureur général), 2007 CF 425; confirmée par 2008 CAF 90. En conséquence, l’OPIC n’était pas tenu de supposer que les demandeurs de brevet étaient les représentants légaux des inventeurs; l’exigence de fournir un énoncé exprès est établie dans les dispositions législatives et la réquisition était nécessaire pour obtenir les renseignements manquants.
[46]
Le fait que le dépôt d’un certificat et qu’une lettre demandant des précisions quant au titre de la demande 560 a été envoyée n’indique pas que la réquisition n’était pas appropriée puisque le dépôt de certificats peut être demandé malgré le fait que toutes les exigences relatives à l’octroi d’un brevet n’ont pas été respectées, sous réserve de l’établissement d’un avis exigeant que la demande soit remplie : voir les paragraphes 27(3) et (6) de la Loi sur les brevets.
[47]
Malgré le défaut et la réquisition, les demandeurs de brevet n’ont pas répondu, ce qui est contraire à la réponse rapide du demandeur de brevet présentée dans le cadre de la demande 633, tel que cela est indiqué dans les documents des demandeurs. En conséquence, à l’échéance du délai accordé pour remplir la demande 560, la demande a été réputée abandonnée par effet de la loi, une conséquence que ni l’OPIC ni la Cour n’ont la compétence de modifier, d’annuler ou d’écarter.
[48]
L’OPIC a communiqué l’avis d’abandon et la capacité de rétablir la demande 560 par l’entremise du représentant désigné des demandeurs de brevet, qui était la méthode appropriée pour l’OPIC de communiquer avec les demandeurs de brevet. Toutefois, les demandeurs de brevet n’ont rien fait et la période a expiré. Puisque la loi ne prévoit aucune disposition permettant de rétablir la demande 560 à la suite de l’expiration de la période de douze mois suivant l’abandon, le délai de rétablissement de la demande 560 était écoulé.
3)
Aucune erreur n’a été commise dans les décisions
[49]
Le défendeur soutient que l’OPIC n’a commis aucune erreur lorsqu’il n’a pas accepté la demande des demandeurs de rectifier la demande 560. L’OPIC n’avait pas le pouvoir de rétablir la demande 560 parce que le délai de rétablissement était écoulé. Puisque la période de rétablissement ne pouvait être prorogée, l’OPIC n’a commis aucune erreur lorsqu’il a refusé d’appliquer le paiement au titre des taxes pour le maintien en état parce qu’il n’y aurait aucun objectif valable. Par ailleurs, l’OPIC n’a commis aucune erreur lorsqu’il n’a pas devancé la date d’examen de la demande 560. Le paragraphe 28(1) des Règles sur les brevets exige qu’une demande d’avancement de la date d’examen d’une demande de brevet soit présentée si le fait de ne pas devancer la date d’examen est susceptible de porter préjudice aux droits de la personne qui la demande. Toutefois, vu que la demande 560 était abandonnée et ne pouvait être rétablie après le 3 février 2015, il ne restait aux demandeurs aucun droit susceptible d’être lésé de quelque façon que ce soit.
VIII.
DISCUSSION
A.
Dispositions générales
[50]
Les faits en l’espèce ne sont pas contestés. La Cour doit examiner l’interprétation et l’application par le commissaire de certaines dispositions de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets. La Cour est d’avis que la norme de la décision raisonnable s’applique à cet exercice. Voir la décision Biogen, précitée, particulièrement aux paragraphes 42 et 44.
[51]
Même si diverses dispositions prévues par la loi s’appliquent dans le cadre de l’argumentation, le litige repose principalement sur la bonne interprétation de l’article 37 des Règles sur les brevets et du paragraphe 73(3) de la Loi sur les brevets, tel qu’ils s’appliquent aux faits de l’espèce. Par souci de commodité, je reproduis ces dispositions ci-dessous.
Loi sur les brevets
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Règles sur les brevets
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[52]
Du point de vue du défendeur, l’incidence de ces dispositions en l’espèce est claire et non équivoque :
[traduction]
11. Le régime des demandes de brevet est solidement établi par la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets. Leurs diverses dispositions législatives forment ensemble un code complet définissant les obligations qui incombent à celui qui demande un brevet, les conséquences de l’inobservation de ces obligations et les mesures à prendre pour éviter ces conséquences.
12. L’article 37 des Règles sur les brevets prévoit qu’une demande de brevet doit comprendre certains renseignements concernant les inventeurs et les demandeurs. Lorsque ces renseignements sont manquants, le commissaire doit envoyer un avis aux demandeurs afin de leur demander de se conformer à cet article au plus tard trois mois suivant la date de l’avis ou douze mois suivant le dépôt de la demande de brevet.
13. Lorsqu’un demandeur omet de se conformer à une réquisition envoyée aux termes de l’article 37 des Règles sur les brevets, la demande de brevet est réputée abandonnée en application de l’article 73 de la Loi sur les brevets. La demande de brevet peut être rétablie dans les douze mois suivant l’abandon.
14. La Loi sur les brevets prévoit un mécanisme législatif pour rétablir les demandes de brevet. Les dispositions portant sur le rétablissement comprennent trois exigences. Le demandeur de brevet doit présenter une demande expresse de rétablissement, la taxe réglementaire doit être payée et le demandeur de brevet doit corriger l’action qui a entraîné l’abandon réputé.
15. Les résultats de l’application de l’article 73 de la Loi sur les brevets surviennent uniquement aux termes de la loi et non en raison d’une décision rendue par le commissaire.
[Renvois omis.]
[53]
En ce qui concerne l’article 37 des Règles sur les brevets et le paragraphe 73(3) de la Loi sur les brevets, les demandeurs font valoir ce qui suit :
[traduction]
[041] Les demandeurs soutiennent que la demande déposée le 1er février 2013 était conforme à l’article 37 des Règles sur les brevets. Par conséquent, la réquisition du 15 février 2013 visant à obtenir un énoncé aux termes de l’article 37 des Règles sur les brevets (la réquisition aux termes de l’article 37) avait déjà été respectée au moment du dépôt de la demande ou, subsidiairement, le commissaire n’avait pas le pouvoir d’établir et d’envoyer la réquisition. En conséquence, les demandeurs font valoir que toute indication de l’« abandon » de la demande de brevet (et l’avis d’abandon en date du 31 mars 2014) est invalide.
[042] Les demandeurs soutiennent que, autre que la réquisition aux termes de l’article 37 et l’avis d’abandon, pendant toute la période pertinente avant le 3 février 2015, le commissaire aux brevets a agi comme si la demande de brevet était conforme aux exigences applicables, et que le Bureau des brevets a communiqué cette position à maintes reprises.
[043] Selon la thèse des demandeurs, même si la demande de brevet avait été abandonnée pour omission de répondre à la réquisition fondée sur l’article 37 et que le délai de rétablissement était écoulé aux termes du paragraphe 73(3) de la Loi sur les brevets, le commissaire est tenu d’accorder la demande de devancement de la date d’examen de la demande s’il décide que le fait de ne pas devancer la date d’examen est susceptible de porter atteinte aux droits des demandeurs.
[54]
La situation dans laquelle les demandeurs ont présenté leurs arguments est révélatrice. Les arguments sont avancés uniquement parce que les demandeurs de brevet ou leurs agents avaient omis de répondre à la lettre du 15 février 2013, qui contenait la réquisition exigeant que les demandeurs de brevet de l’époque (TEC Edmonton et Alberta Health Services) se conforment à l’article 37 des Règles sur les brevets dans le délai imparti, et qui indiquait également clairement que l’omission de se conformer à la réquisition entraînerait l’abandon de la demande 560 aux termes de l’article 73 de la Loi sur les brevets. Les demandeurs dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire n’ont donné aucune raison pour expliquer leur défaut de répondre dans le délai imparti. Les prédécesseurs des demandeurs ou leurs agents n’ont pas informé l’OPIC qu’ils n’avaient pas l’intention ou qu’ils n’étaient pas tenus de se conformer à la réquisition parce qu’ils ont soutenu qu’ils s’y étaient déjà conformés ou que le commissaire n’avait pas le pouvoir d’établir et d’envoyer la réquisition. Il n’aurait pas été difficile de répondre à la réquisition et d’éviter les conséquences de l’abandon, mais ils ne l’ont pas fait. Je ne dispose d’aucune preuve selon laquelle les demandeurs de brevet ou leurs agents de l’époque n’avaient pas reçu la réquisition et celle-ci figure au registre de la poursuite. Il n’existe tout simplement aucune explication quant à la raison pour laquelle les demandeurs de brevet n’ont pas répondu ou n’ont pas remis en question la réquisition ou demandé son examen. Même si la présente demande vise apparemment un contrôle des trois dernières décisions rendues à la suite de l’abandon, son véritable objectif est de demander à la Cour d’examiner la réquisition. Les demandeurs tentent, en grande partie, de faire indirectement ce qu’ils ne peuvent pas faire directement. En fait, une partie de la réparation demandée dans la présente demande est une [traduction] « déclaration selon laquelle le commissaire n’avait aucun pouvoir d’envoyer la réquisition en date du 15 février 2013 visant à obtenir un énoncé aux termes de l’article 37 des Règles sur les brevets ».
Seul l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales permet à la Cour d’accorder une telle réparation, au moyen d’une demande de contrôle judiciaire de cette décision (c.-à-d. la décision d’envoyer la réquisition). La Cour n’est pas saisie d’une telle demande et, même si je pouvais interpréter la présente demande comme sollicitant implicitement un tel contrôle, elle n’a pas été présentée dans le délai de 30 jours imparti par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales et je ne suis saisi d’aucune demande de prorogation. Il est maintenant beaucoup trop tard pour que les demandeurs attaquent la réquisition pour les motifs énoncés dans la présente demande. Un jugement déclaratoire ne peut être obtenu que dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Voir la décision ICN Pharmaceuticals Inc c Canada (Personnel du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés), [1996] ACF no 206; confirmée par [1996] ACF no 1065. Selon le paragraphe 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales, les recours prévus au paragraphe 18(1) « sont exercés par présentation d’une demande de contrôle judiciaire »
. Selon le paragraphe 18.1(2), une demande est « à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication […] à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder »
. Les demandeurs ne se sont pas conformés à ces règles et, par conséquent, la Cour ne peut pas examiner la réquisition ni rendre un jugement déclaratoire concernant celle-ci, qui constitue une décision non attaquée. Toutefois, il n’y a aucune iniquité en l’espèce parce que le dossier montre clairement que la réquisition avait été envoyée et qu’elle était inscrite au registre de la poursuite et il ne ressort aucunement de la preuve qu’elle n’a pas été reçue ni comprise par les demandeurs de brevet ou leurs agents de l’époque. Les demandeurs actuels ne peuvent pas maintenant soulever des questions qui auraient dû être soulevées en 2013. En conséquence, les demandeurs font maintenant valoir des arguments juridiques afin de tenter d’éviter une conséquence qui aurait pu facilement être évitée en répondant à la réquisition.
[55]
Les mêmes commentaires sur l’équité s’appliquent à l’avis d’abandon qui a été envoyé par l’OPIC aux agents des demandeurs de brevet de l’époque le 31 mars 2014. Cet avis indiquait clairement que la demande 560 était considérée comme abandonnée le 3 février 2014 pour omission de répondre à la réquisition aux termes de l’article 37. Cependant, l’avis indiquait également clairement que la demande 560 pourrait être rétablie conformément au paragraphe 73(3) de la Loi sur les brevets.
[56]
Cette décision n’était pas susceptible de révision parce l’abandon a lieu par l’effet de la loi, mais, là encore, les demandeurs de brevet de l’époque ou leurs agents de l’époque n’ont pas répondu directement à cet avis ou ne se sont pas attelés à la tâche simple de rétablir la demande 560 abandonnée. Les demandeurs de l’époque et leurs agents n’ont pas informé l’OPIC qu’aucune mesure de rétablissement n’était requise puisqu’ils étaient d’avis que la demande 560 ne pouvait être réputée abandonnée aux termes du paragraphe 73(3) en raison de la conformité pour l’essentiel avec l’article 37 des Règles sur les brevets ou pour tout autre motif juridique que les demandeurs invoquent maintenant.
[57]
Tous les arguments des demandeurs dans la présente demande ne sont devenus nécessaires que parce que leurs prédécesseurs ou leurs agents avaient omis de faire ce qui était évident lorsqu’ils ont reçu la réquisition aux termes de l’article 37 et l’avis d’abandon. Je ne dispose d’aucune preuve qui indique que la conformité était impossible ou que les personnes responsables estimaient, à l’époque, que la conformité n’était pas nécessaire. En outre, aucune preuve ou explication n’a été fournie pour le défaut de répondre à la réquisition ou à l’avis d’abandon.
[58]
En conséquence, les demandeurs doivent maintenant présenter des arguments assez « ésotériques »
afin de se protéger contre les conséquences d’une omission de leurs prédécesseurs de se conformer à l’article 37 des Règles sur les brevets, ou du moins d’informer l’OPIC qu’ils estimaient s’être déjà conformés ou de l’omission de leurs prédécesseurs de demander le contrôle judiciaire de la réquisition.
[59]
Dans ce contexte, la Cour doit prendre des précautions extrêmes en vue d’adopter des interprétations de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets qui pourraient bien aider les demandeurs, mais qui pourraient compliquer gravement le cadre législatif applicable, ainsi que les règles de contrôle judiciaire. Par exemple, si la Cour retenait les arguments des demandeurs quant à la [traduction] « conformité pour l’essentiel »
, cela instaurerait un niveau d’incertitude considérable à l’égard du système, autant pour l’OPIC que pour d’autres demandeurs.
B.
La conformité pour l’essentiel répond à l’exigence de conformité aux formalités
[60]
Les arguments des demandeurs relatifs à cette question contiennent plusieurs subtilités :
[traduction]
[050] Le 15 février 2013, le Bureau des brevets a généré et envoyé deux lettres au représentant des demandeurs.
[051] Dans la première lettre du 15 février 2013, [traduction] « on demande [aux demandeurs] par les présentes de se conformer à l’article 37 des Règles » et la lettre indiquait en outre que [traduction] « lorsque vous communiquez avec le Bureau, veuillez indiquer […] le titre de l’invention ».
[052] L’article 37 des Règles exige que « [l]orsque le demandeur n’est pas l’inventeur, la demande doit contenir un énoncé indiquant le nom et l’adresse de l’inventeur et […] une déclaration portant que le demandeur est le représentant légal de l’inventeur » La pétition pour l’octroi d’un brevet des demandeurs comprenait des énoncés identifiant les demandeurs et les inventeurs.
[053] Même si la première lettre du 15 février 2013 exige la conformité à l’article 37 des Règles, elle n’indique aucunement que les demandeurs ne sont pas conformes et elle ne comporte aucune indication quant à la façon dont les demandeurs peuvent ne pas être conformes à l’article 37 des Règles. Dans la lettre du 3 février 2016 dans laquelle le Bureau des brevets refuse de rectifier les registres des brevets, la lettre indique qu’il [traduction] « n’existe aucun énoncé conforme à l’article 37 des Règles sur les brevets ». Il s’agit de la première fois que le Bureau des brevets indique comment les demandeurs ne sont pas conformes à l’article 37 des Règles.
[054] Dans la deuxième lettre du 15 février 2013, le Bureau des brevets a [traduction] « indiqué que le titre de l’invention indiqué dans la pétition pour l’octroi d’un brevet ne correspond pas à celui précisé dans la description », et que le Bureau des brevets [traduction] « utilisera le titre de l’invention tel qu’il figure dans la description et non celui qui est précisé dans la pétition pour l’octroi d’un brevet ».
[055] Malgré le fait que la pétition pour l’octroi d’un brevet ne comprend aucun énoncé exprès selon lequel les demandeurs [traduction] « demandent l’octroi d’un brevet pour une invention intitulée DOUBLURE DE MÉTAMATÉRIEL POUR GUIDE D’ONDES, décrite et revendiquée dans le mémoire descriptif qui l’accompagnait », le Bureau des brevets a interprété la demande comme si elle comprenait cet énoncé.
[056] Pour résumer, le Bureau des brevets a envoyé une première lettre indiquant que la pétition pour l’octroi d’un brevet des demandeurs n’était pas conforme aux Règles et il a envoyé une deuxième lettre indiquant que, malgré le fait que la pétition pour l’octroi d’un brevet n’était pas conforme aux formalités des Règles, puisque la pétition et les pièces jointes étaient conformes, pour l’essentiel, aux exigences relatives à la demande de brevet, le Bureau des brevets interprétait la demande comme si elle était conforme aux formalités.
[057] En conséquence, selon l’interprétation des règles invoquées par le Bureau des brevets – et communiquées aux demandeurs par le Bureau des brevets – la conformité pour l’essentiel aux règles relatives à une pétition pour l’octroi d’un brevet répond aux règles de formalités d’une pétition pour l’octroi d’un brevet. Sauf l’avis d’abandon que les demandeurs n’ont jamais reçu, le Bureau des brevets n’est jamais revenu sur cette interprétation, dans aucune de ses communications à l’intention des demandeurs avant sa décision du 3 février 2016. Les demandeurs acceptent cette interprétation des règles selon laquelle la conformité pour l’essentiel des demandeurs aux règles relatives à une pétition pour l’octroi d’un brevet répond aux règles de formalités d’une pétition pour l’octroi d’un brevet.
[058] Puisque la demande de brevet était conforme pour l’essentiel aux exigences des paragraphes 37(1) à 37(3) des Règles sur les brevets, le commissaire n’avait pas le pouvoir, aux termes du paragraphe 37(4) des Règles, de demander aux demandeurs de se conformer à ces exigences. En conséquence, le Bureau des brevets n’avait aucun pouvoir d’établir la réquisition en application de l’article 37 et, par conséquent, il n’avait aucun pouvoir de considérer la demande de brevet comme abandonnée.
[Renvois omis.]
[61]
En premier lieu, je ne dispose d’aucune preuve selon laquelle, pendant la période pertinente, les demandeurs estimaient qu’ils étaient conformes à l’article 37 des Règles sur les brevets pour quelque raison que ce soit. Leurs arguments sont tous inventés et présentés bien après les faits pour justifier la non-conformité à la lettre de la loi et pour éviter les conséquences de cette non-conformité. Par conséquent, ils constituent des guides peu fiables ou peu convaincants en matière d’interprétation des dispositions pertinentes.
[62]
La pétition pour l’octroi d’un brevet des demandeurs peut bien identifier les demandeurs et les inventeurs, mais elle ne comprend aucun énoncé selon lequel les demandeurs étaient les représentants légaux des inventeurs. Les demandeurs soutiennent que l’OPIC aurait dû simplement avoir constaté que les demandeurs de brevet étaient les représentants légaux des inventeurs nommés en raison des autres formulations qui figuraient dans la demande 560, laquelle identifiait clairement les inventeurs et les propriétaires. Cela est contestable, mais il ne s’agit pas d’un argument que les demandeurs peuvent faire valoir devant moi parce que cela exige que je procède à un contrôle judiciaire de la réquisition et, tel que cela a été expliqué antérieurement, la Cour n’est pas actuellement bien placée pour procéder à un tel contrôle. S’il existe maintenant des arguments quant à la conformité pour l’essentiel, ils existaient donc en février 2013 et auraient pu avoir été présentés à l’OPIC et, au besoin, dans le cadre du contrôle judiciaire devant la Cour. Cela n’a pas été fait.
[63]
La lettre du 15 février 2013 indique clairement la raison pour laquelle les demandeurs ne sont pas conformes à l’article 37 des Règles sur les brevets. L’article 37 exige une déclaration particulière « portant que le demandeur est le représentant légal de l’inventeur »
. Les demandeurs de brevet et leurs représentants pouvaient lire la disposition et décider ce qui était requis. En cas de doute, ils auraient pu également demander à l’OPIC ce qui était requis. Les demandeurs de brevet n’ont rien fait de tout cela.
[64]
Le fait que l’OPIC a adopté le titre de l’invention qui figurait dans la description n’indique aucunement qu’il avait accepté la conformité à l’article 37 des Règles sur les brevets. Ces deux questions n’ont aucun lien entre elles. Le titre d’une invention n’a aucune conséquence juridique évidente, alors que la question de savoir si les demandeurs de brevet sont les représentants légaux des inventeurs comporte des conséquences juridiques. C’est pourquoi l’article 37 des Règles sur les brevets exige une déclaration formelle afin d’établir la représentation légale.
[65]
L’OPIC n’a indiqué aucunement que la conformité pour l’essentiel à l’article 37 avait été acceptée. Je suis d’avis que les arguments des demandeurs quant à la conformité pour l’essentiel visent à tenter d’éviter les conséquences évidentes après les faits, en ce qui concerne la réquisition qui n’a pas été attaquée et qui échappe maintenant au contrôle judiciaire.
C.
Article 27 de la Loi sur les brevets
[66]
Selon le deuxième argument des demandeurs, puisque l’OPIC n’a jamais envoyé un avis conformément au paragraphe 27(6) de la Loi sur les brevets, il faut considérer qu’il avait décidé et indiqué que la demande 560 répondait entièrement aux exigences du paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets à la date de dépôt.
[67]
Le demandeur présente les arguments suivants sur ce point :
[traduction]
(2) Article 27 de la Loi sur les brevets
[059] L’article 27 de la Loi sur les brevets est libellé en partie comme suit :
(2) L’inventeur ou son représentant légal doit déposer, en la forme réglementaire, une demande accompagnée d’une pétition et du mémoire descriptif de l’invention et payer les taxes réglementaires [...]
(6) Si, à la date de dépôt, la demande ne remplit pas les conditions prévues au paragraphe (2) autres que le paiement de la taxe réglementaire, le commissaire doit, par avis, requérir le demandeur de les remplir au plus tard à la date réglementaire.
[060] Le Bureau des brevets n’a, à aucun moment, établi ou transmis un tel avis aux demandeurs. L’absence d’un tel avis constitue une admission et une communication selon lesquelles la demande de brevet a été « déposée conformément au règlement ».
[061] Le défendeur peut soutenir que l’exigence relative à l’avis prévue au paragraphe 27(6) de la Loi a été respectée au moyen de la réquisition fondée sur l’article 37. Toutefois, la loi ne peut être interprétée de cette façon.
[062] L’article 97 des Règles dispose [non souligné dans l’original] :
Pour l’application du paragraphe 73(2) de la Loi, la demande est considérée comme abandonnée si le demandeur omet de répondre de bonne foi à toute exigence du commissaire visée aux articles 23, 25, 37 ou 94 dans les délais qui sont prévus à ce[t] article[.]
[063] Cependant, l’article 73 de la Loi dispose, en partie [non souligné dans l’original] :
(1) 73 (1) La demande de brevet est réputée abandonnée si, selon le cas : b) [le demandeur] omet de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 27(6); [...]
(2) Elle est aussi considérée comme abandonnée dans les circonstances réglementaires.
[064] Puisque l’abandon aux termes du paragraphe 27(6) de la Loi est une conséquence du paragraphe 73(1) de la Loi et qu’un abandon aux termes de l’article 37 des Règles est une conséquence du paragraphe 73(2) de la Loi, une réquisition en application de l’article 37 des Règles ne peut pas faire double emploi d’un avis aux termes de l’article 27 de la Loi.
[065] Les présomptions interprétatives selon lesquelles le législateur ne parle pas pour rien dire de sorte que « chaque mot a un sens et une fonction » – et, par conséquent, l’article 37 des Règles ne peut pas faire double emploi de l’article 27 de la Loi – s’appliquent particulièrement dans le cadre de l’interprétation de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets puisque le paragraphe 12(2) de la Loi dispose :
Toute règle ou tout règlement pris par le gouverneur en conseil a la même force et le même effet que s’il avait été édicté aux présentes.
[066] Puisque le Bureau des brevets n’a jamais établi ni transmis un avis conformément au paragraphe 27(6) de la Loi, il a décidé que la demande de brevet [traduction] « [répondait] entièrement aux exigences du [paragraphe 27(2)] à la date de son dépôt ». En conséquence de cette décision, le Bureau des brevets n’avait aucun pouvoir d’envoyer la réquisition aux termes de l’article 37.
[Souligné dans l’original, renvois omis]
[68]
Là encore, je ne dispose d’aucune preuve selon laquelle, pendant la période pertinente, les demandeurs ou leurs prédécesseurs avaient songé à ces éléments ou invoqué ces éléments pour justifier le fait qu’ils n’avaient pas répondu à la réquisition. Ce sont tous des arguments après le fait qui, à mon avis, ne sont conformes ni aux règles d’interprétation législative ni aux règles de contrôle judiciaire.
[69]
Les faits indiquent clairement que, même si l’OPIC n’a pas envoyé un avis aux termes du paragraphe 27(6) de la Loi sur les brevets, il ne considérait pas la demande comme répondant aux exigences du paragraphe 27(2). Il a communiqué aux demandeurs de brevet un avis précis à cet effet le 15 février 2013 au moyen de la réquisition exigeant la conformité à l’article 37 des Règles sur les brevets.
[70]
Il me semble que ce que les demandeurs soutiennent réellement en l’espèce est que, du point de vue du droit, puisqu’aucun avis n’a été donné aux termes du paragraphe 27(6) de la Loi sur les brevets, l’OPIC n’avait pas le pouvoir d’envoyer la réquisition en vertu de l’article 37 des Règles sur les brevets du 15 février 2013. Je ne vois rien dans la Loi sur les brevets ni dans les Règles sur les brevets qui exige ou qui justifie un tel résultat. Cependant, quoi qu’il en soit, les demandeurs demandent, là encore, à la Cour d’examiner la réquisition et de déclarer qu’elle a été établie sans autorisation en l’absence de la présentation d’une demande de contrôle judiciaire pendant le délai prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales ou telle que l’a ordonnée par ailleurs la Cour.
D.
Article 94 des Règles sur les brevets
[71]
Les demandeurs présentent essentiellement le même argument à l’égard de l’article 94 des Règles sur les brevets que celui qu’ils ont présenté à l’égard de l’article 27 de la Loi sur les brevets :
[traduction]
(3) Article 94 des Règles sur les brevets
[067] L’article 94 des Règles sur les brevets dispose, en partie [non souligné dans l’original] :
94 (1) Lorsque, à l’expiration du délai prévu aux paragraphes (2) ou (3), une demande n’est pas conforme aux exigences qui y sont énoncées, le commissaire, par avis, exige que le demandeur se conforme à ces exigences […]
(2) Pour l’application du paragraphe (1), les règles ci-après s’appliquent à l’égard d’une demande autre qu’une demande PCT à la phase nationale :
a) le délai est la période de quinze mois qui suit la date de dépôt de la demande ou, lorsqu’une demande de priorité a été présentée à l’égard de la demande, la période de quinze mois qui suit la date de dépôt de la première des demandes de brevet antérieurement déposées de façon régulière sur lesquelles la demande de priorité est fondée;
b) les exigences à satisfaire sont les suivantes :
(ii) la demande contient les renseignements et documents suivants :
(A) une pétition conforme à l’article 77, [...]
[068] Le délai prévu à l’article 94 a expiré le 3 mai 2013. Le Bureau des brevets n’a communiqué aux demandeurs, à aucun moment après le 3 mai 2013, un avis leur demandant de se conformer aux exigences de l’article 94 des Règles.
[069] L’absence d’un tel avis constitue une admission et une communication selon lesquelles la demande de brevet « [est] conforme à l’exigence applicable [...] [que] la demande contient [...] une pétition conforme à l’article 77 ».
[070] Le défendeur peut soutenir que l’exigence relative à l’avis prévue à l’article 94 des Règles a été respectée au moyen de la réquisition fondée sur l’article 37. Toutefois, la loi ne peut être interprétée de cette façon.
[071] L’article 94 des Règles exige que le commissaire évalue si la demande est conforme à l’exigence qui consiste à inclure un énoncé indiquant le nom et l’adresse de l’inventeur et une déclaration portant que le demandeur est le représentant légal de l’inventeur, à l’expiration de la période de quinze mois suivant la date de dépôt de la première des demandes de brevet antérieurement déposées de façon régulière sur laquelle la demande de priorité est fondée (c.-à-d. le 3 mai 2013). Puisque la réquisition fondée sur l’article 37 a été établie et transmise avant le 3 mai 2013, elle ne peut pas être interprétée comme répondant à l’avis requis par l’article 94.
[072] Étant donné que le Bureau des brevets n’a jamais envoyé un avis conformément à l’article 94 des Règles, il a décidé que la demande de brevet [traduction] « [est] conforme aux exigences applicables ». Par conséquent, le Bureau des brevets a décidé qu’il n’avait aucun fondement et donc aucun pouvoir d’établir la réquisition fondée sur l’article 37.
[Souligné dans l’original, renvois omis]
[72]
Les demandeurs indiquent que, selon l’article 94, la réquisition n’a aucune force exécutoire parce que le commissaire ne pouvait pas, du point de vue du droit, envoyer la réquisition fondée sur l’article 37 tant qu’il n’avait pas envoyé l’avis de se conformer à l’article 94. Cela est contestable, mais les demandeurs n’ont présenté aucune jurisprudence à cet égard et, encore là, l’objectif de la présentation de cet argument maintenant est que la Cour procède à un contrôle judiciaire de la réquisition et qu’elle la déclare sans force exécutoire parce qu’elle a été établie sans autorisation.
[73]
Je parviens aux mêmes conclusions que celles énoncées ci-dessus en ce qui concerne l’article 27 de la Loi sur les brevets.
E.
Conclusions concernant la conformité
[74]
Les demandeurs soutiennent que [traduction] « avant sa décision du 3 février 2016, le Bureau des brevets a communiqué de manière constante aux demandeurs que leur demande de brevet était conforme aux Règles et était en règle, à l’exception de la réquisition fondée sur l’article 37 (qui était accompagnée d’une deuxième lettre qui laissait entendre qu’aucune réponse n’était nécessaire à la première lettre) et l’avis d’abandon (que les demandeurs n’ont jamais reçu et dont l’existence n’a jamais été communiquée aux demandeurs) »
.
[75]
L’avis d’abandon a été envoyé le 31 mars 2014 aux demandeurs de brevet de l’époque par l’entremise de leur agent. Les demandeurs de brevet ont également été informés que la demande 560 pourrait être rétablie conformément au paragraphe 73(3) de la Loi sur les brevets. Par conséquent, les demandeurs de brevet et leurs agents de l’époque avaient, à ce moment-là, tous les renseignements dont ils avaient besoin au sujet de la non-conformité aux termes de l’article 37 des Règles sur les brevets et de l’abandon aux termes de l’article 73 de la Loi sur les brevets.
[76]
Dans les documents déposés le 10 juin 2014, TEC Edmonton a cédé ses droits afférents à la demande 560 aux demandeurs actuels dans le cadre de la présente demande. De plus, les nominations d’agent antérieures ont été révoquées, un nouvel agent a été nommé pour les demandeurs et le changement a été traité par l’OPIC le 26 juin 2014.
[77]
L’OPIC n’est pas tenu en droit de communiquer aux demandeurs actuels la réquisition ou l’avis d’abandon. La réquisition et l’avis d’abandon, ainsi que la désignation « morte »
figurait au registre de la poursuite. Cependant, l’essentiel est que, à la date de la cession, le délai pour attaquer la réquisition était échu depuis bien longtemps. Les demandeurs ne peuvent pas maintenant tenter de rétablir des droits (y compris le droit à un contrôle judiciaire de la réquisition) que leurs prédécesseurs ont laissés s’éteindre sans aucun motif apparent.
[78]
L’OPIC n’a pas non plus communiqué constamment avec les demandeurs que la demande 560 est conforme aux Règles sur les brevets. L’OPIC a simplement continué de faire affaire avec les demandeurs (tel qu’il est tenu de le faire) jusqu’à ce que le délai de rétablissement soit expiré. L’OPIC n’a rien fait pour retirer la réquisition ou pour annuler les effets de l’abandon, qui entre en jeu par l’effet de la loi.
[79]
La mention « morte »
au 3 février 2015 est indiquée à l’historique de la poursuite concernant la demande 560, ce qui constitue la méthode conventionnelle de décrire une demande de brevet dont le délai de rétablissement s’est écoulé.
[80]
Rien n’indique que les demandeurs, au moment de la cession le 10 juin 2014, ont tenté de déterminer si la demande 560 était visée par un avis de non-conformité ou d’abandon. En fait, dans leurs arguments écrits, ils indiquent qu’ils ne l’ont pas fait. Les demandeurs auraient pu obtenir tous les renseignements dont ils avaient besoin au sujet de la demande 560 avant d’accepter la cession. Au lieu de cela, ils tentent maintenant d’éviter une interprétation ordinaire de l’article 37 des Règles sur les brevets et de l’article 73 de la Loi sur les brevets à l’aide d’énoncés et d’arguments ésotériques et postérieurs aux faits qui, selon moi, ne sont pas défendables et ne constituent pas un élément approprié de ce qui équivaut à une demande de contrôle judiciaire de la réquisition fondée sur l’article 37.
F.
Autres arguments
[81]
Les demandeurs présentent d’autres arguments dans le cadre de la présente demande, fondés sur leur interprétation des conséquences juridiques de l’abandon :
[traduction]
[081] Le 17 mai 2016, la demande de devancement de la date d’examen de la demande de brevet présentée par les demandeurs a été rejetée par le Bureau des brevets. La justification de ce rejet était la suivante : [traduction] « Les dossiers du Bureau indiquent que le délai de rétablissement de l’état actuel de la demande s’est écoulé. Par conséquent, aucune mesure ne peut être prise à l’égard du dossier ». Lorsqu’il est parvenu à cette conclusion, le commissaire a omis d’exercer son pouvoir discrétionnaire et a mal interprété les dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets. La décision du commissaire est non seulement incompatible avec le libellé clair de la loi, mais elle est également incompatible avec l’objet de la Loi sur les brevets et elle contrevient à la présomption interprétative de la proportionnalité.
[082] L’interprétation de la loi par le Bureau des brevets dans sa décision du 17 mai 2016 consistait, en fait, à interpréter le paragraphe 73(3) de la Loi de manière isolée des autres dispositions de la loi. Le Bureau des brevets semble avoir adopté l’argument selon lequel [traduction] « au moment de l’expiration de la période de douze mois suivant la date à laquelle la demande est réputée abandonnée », aucun autre droit ne subsiste dans la demande de brevet. Une telle interprétation catégorique d’un paragraphe de la Loi sur les brevets au sein d’un processus législatif complexe qui envisage clairement divers niveaux de droits subsistants afférents à la demande de brevet démontre une erreur claire et importante même dans l’interprétation de sa loi constitutive.
[...]
[086] Si l’avis d’abandon est valide, ce qui n’est pas admis, la demande de brevet a été abandonnée – et, par conséquent, le Bureau des brevets a indiqué qu’elle était morte – en application du paragraphe 73(2) de la Loi sur les brevets.
[087] En ce qui concerne une demande de brevet qui a fait l’objet d’une consultation publique, l’article 28 des Règles sur les brevets oblige le commissaire à devancer la date d’examen de la demande de brevet à la demande de toute personne dont les droits risquent d’être lésés si la demande de brevet n’est pas devancée. Le commissaire peut uniquement refuser de devancer la date d’examen d’une telle demande que lorsque le commissaire a) « proroge, en application du paragraphe 26(1), le délai prévu […] pour l’accomplissement de tout acte à l’égard de la demande de brevet » ou b) « la demande de brevet est considérée comme abandonnée au titre du paragraphe 73(1) de la Loi » [non souligné dans l’original].
[088] Puisque l’article 28 des Règles sur les brevets renvoie particulièrement à l’abandon aux termes du paragraphe 73(1) de la Loi sur les brevets, il exclut l’abandon en application du paragraphe 73(2).
[089] Étant donné que la demande de brevet a été désignée comme abandonnée par le Bureau des brevets en conséquence de l’application de l’article 97 des Règles et en conséquence du paragraphe 73(2) de la Loi, le commissaire est tenu d’accepter la demande de devancement de la date d’examen de la demande de brevet présentée par les demandeurs si elle décide que l’omission de devancer la date d’examen de la demande est susceptible de porter atteinte aux droits des demandeurs.
Objectif législatif et présomption de la proportionnalité
[090] L’interprétation des demandeurs des dispositions législatives en ce qui concerne l’abandon et le devancement de la date d’examen est non seulement exacte à la lumière du libellé clair de la loi, mais elle est également exacte à la lumière de la présomption de la proportionnalité et elle est conforme à [traduction] « l’objet principal de la Loi sur les brevets » visant à [traduction] « promouvoir la création d’inventions d’une façon qui soit avantageuse tant pour l’inventeur que pour le public ».
[091] Si le législateur avait voulu que l’abandon au titre du paragraphe 73(1) et du paragraphe 73(2) soit identique, il n’aurait fait aucune distinction entre les différents paragraphes dans l’ensemble du régime législatif de l’article 76 (et il aurait plutôt simplement fait un renvoi à l’article 73) et il aurait pu facilement faire en sorte que le paragraphe 73(2) constitue un alinéa du paragraphe 73(1), plutôt qu’un paragraphe distinct.
[092] Selon l’interprétation correcte de l’article 73, le paragraphe 73(1) prévoit l’abandon pour non-conformité aux exigences fondamentales de la Loi sur les brevets et le paragraphe 73(2) prévoit l’abandon pour non-conformité aux formalités prescrites des Règles sur les brevets. Par conséquent, presque aucun droit afférent à la demande de brevet ne subsiste à l’égard d’une demande de brevet qui est réputée abandonnée au titre du paragraphe 73(1) et au-delà de l’expiration de la période prévue par règlement pour rétablir la demande en raison d’une non-conformité pour l’essentiel. Toutefois, certains droits afférents à la demande de brevet subsistent à l’égard d’une demande de brevet qui est réputée abandonnée aux termes du paragraphe 73(2) et au-delà du délai prévu pour rétablir la demande en raison d’une non-conformité aux formalités, en particulier le droit de devancer la date d’examen.
[093] L’interprétation de la loi donnée par le Bureau des brevets – selon laquelle une omission de respecter une formalité de dépôt entraîne, sans aucun autre avis, une perte totale des droits de brevet – est incompatible avec l’objet de la Loi sur les brevets et contrevient à la présomption de la proportionnalité. Un demandeur de brevet qui est conforme pour l’essentiel aux exigences de la Loi sur les brevets, mais qui n’est pas conforme aux formalités des Règles sur les brevets devrait subir une sanction qui ne doit pas être disproportionnée, comme une perte de tous les droits substantiels afférents à la demande de brevet.
[094] Au contraire, l’interprétation législative des demandeurs prévoit une sanction qui est proportionnelle à la nature de la non-conformité. Notamment, une omission de se conformer aux formalités entraîne une période d’abandon à l’égard de laquelle aucuns dommages-intérêts pour contrefaçon de brevet ne peuvent être demandés, plutôt qu’une perte totale des droits de brevet.
[souligné dans l’original, notes de bas de page omises]
[82]
Il s’agit d’arguments simples et aucune autorité légale n’est présentée pour les étayer. On peut répondre brièvement à cet argument en disant qu’à l’heure actuelle, il n’existe aucune demande de brevet en vigueur à examiner parce que, du point de vue du droit, l’abandon signifie que la demande 560 est irrécupérable. Comme le fait valoir le défendeur, les conséquences de l’article 73 de la Loi sur les brevets surviennent non pas en raison d’une décision de l’OPIC, mais aux termes de la loi elle-même.
[83]
L’autorité légale qui existe à cet égard est claire. Les conclusions suivantes du juge Mosley dans la décision DBC Marine Safety Systems Ltd c Canada (Brevets), 2007 CF 1142 [DBC Marine CF] s’appliquent également en l’espèce :
[28] Le commissaire ne détient que les pouvoirs qui lui sont expressément accordés dans la Loi. Un organisme créé par la loi, comme celui auquel appartient le commissaire aux brevets, ne possède aucune compétence inhérente de remédier aux erreurs commises par inadvertance ou par omission du genre de celle qui a été commise en l’espèce. C’est ce qu’a affirmé de façon non équivoque la Cour d’appel dans Anheuser-Busch, Inc. c. Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd., [1983] 2 C.F. 71 (C.A.), 142 D.L.R. (3e) 548 dans le contexte analogue des actions administratives accomplies par le registraire des marques de commerce.
[29] Dans le cas où un régime législatif a expressément été établi par le législateur, sans qu’aucun pouvoir discrétionnaire ne soit accordé à l’organisme chargé de l’application de la loi, les effets de ce régime ne peuvent pas être supprimés par l’organisme administratif ou par la Cour. Même lorsque des mesures ont été prises par le commissaire afin d’atténuer de dures conséquences, celles-ci n’ont aucun effet lorsqu’elles ne sont pas expressément autorisées par la Loi : Barton No -till Disk Inc. c. Dutch Industries Ltd., 2003 CAF 121, [2003] 4 C.F. 67, autorisation d’interjeter appel devant la C.S.C. rejetée le 11 décembre 2003, [2003] C.S.C.R nº 204.
[30] La demanderesse a prétendu que l’alinéa 73(1)a) de la Loi exige que le commissaire aux brevets décide si la réponse d’un demandeur de brevet à une demande de l’examinateur a été formulée de bonne foi. Elle a de plus prétendu que la décision est susceptible de révision et que les tentatives évidentes de sa part de répondre à la lettre de demande de l’examinateur satisfont les exigences de cette disposition. Les défendeurs ont rétorqué qu’il n’est pas question d’évaluer la bonne foi lorsqu’aucune réponse n’a été formulée. Ils ont prétendu que chaque demande doit recevoir une réponse distincte et que DBC Marine n’a pas répondu à la deuxième demande figurant dans l’acte de l’office du 10 août 2004.
[31] Comme je l’ai déjà souligné, j’estime que l’argument soulevé par la demanderesse en l’espèce n’est pas convaincant. La demanderesse n’a pas répondu aux deux demandes de l’examinateur, et ce, malgré l’indication claire figurant sur la lettre reçue par son agent qu’une telle omission entraînerait un abandon. Répondre de bonne foi à une demande dans le cadre d’un acte de l’office comprenant deux demandes n’équivaut pas à répondre de bonne foi aux deux demandes. La loi ne prévoit aucune exception de « bonne foi » aux exigences prévues à l’alinéa 73 1)a) lorsqu’il y a eu omission de répondre à une demande.
[32] La demanderesse a de plus prétendu que la question de savoir si une réponse a été formulée de bonne foi est en soi une question subjective à laquelle le demandeur de brevet ne peut pas répondre. On a donc prétendu qu’il est nécessaire que l’examinateur rende une décision finale en vertu de la Règle 30 lorsque le demandeur de brevet n’a pas répondu adéquatement à une demande importante et que le délai de douze mois au cours de laquelle [sic] la demande de brevet peut être rétablie a commencé à courir.
[33] Les dispositions de la Loi quant à l’abandon et quant au rétablissement ne prévoient l’exercice d’aucun pouvoir discrétionnaire de la part du commissaire, mais imposent au demandeur des obligations qui doivent être satisfaites. En l’espèce, il n’y aucune décision de la part de la commissaire qui touche aux droits de la demanderesse : F. Hoffman-La Roche AG c. Canada (Commissaires aux Brevets), 2005 CAF 399, [2005] A.C.F. no 1977. Cette absence de pouvoir discrétionnaire comprend l’incapacité de fixer un nouveau point de départ quant au délai de rétablissement.
[34] Par conséquent, lorsqu’un demandeur de brevet ne répond pas à une demande de l’examinateur et que la demande de brevet n’est pas rétablie dans le délai d’un an accordé pour corriger la situation, la demande de brevet est abandonnée par application de la loi. Il n’existe aucune décision discrétionnaire susceptible de révision par la Cour.
[Non souligné dans l’original]
[84]
Dans l’arrêt DBC Marine Safety Systems Ltd c Canada (Commissaire aux Brevets), 2008 CAF 256 [DBC Marine CAF], la Cour d’appel fédérale a pleinement appuyé l’approche adoptée par le juge Mosley :
[3] Nous souscrivons à la conclusion formulée par le juge Mosley au paragraphe 34 de ses motifs du jugement (2007 CF 1142).
Par conséquent, lorsqu’un demandeur de brevet ne répond pas à une demande de l’examinateur et que la demande de brevet n’est pas rétablie dans le délai d’un an accordé pour corriger la situation, la demande de brevet est abandonnée par application de la loi. Il n’existe aucune décision discrétionnaire susceptible de révision par la Cour.
[85]
En l’espèce, les demandeurs cherchent à éviter ces conséquences de deux façons principales. En premier lieu, ils attaquent la réquisition (qui est à l’origine de leurs problèmes) et ils demandent à la Cour d’ordonner que le commissaire n’eût aucun pouvoir d’établir la réquisition, de sorte que ce qui s’est produit ensuite n’était pas exécutoire. Pour les motifs déjà indiqués, la Cour ne peut pas examiner la réquisition. Leur deuxième approche principale consiste à soutenir que la Loi sur les brevets peut, dans cette situation, signifier une réduction des droits, mais qu’elle ne signifie pas que tous les droits afférents à la demande 560 ont été perdus et les demandeurs ont encore le droit de demander à ce que le brevet 560 soit examiné et octroyé. Les demandeurs soutiennent particulièrement qu’il existe ou qu’il devrait exister une différence entre l’abandon pour non-conformité aux formalités prescrites (c.-à-d. en l’espèce, l’omission de fournir un énoncé aux termes du paragraphe 37) et un abandon pour non-conformité pour l’essentiel (c.-à-d. un certain vice dans la demande de brevet qui concerne la validité du brevet même).
[86]
En théorie, cet argument semble raisonnable, mais rien n’indique dans la Loi sur les brevets, dans la réquisition ou dans les Règles sur les brevets qu’il devrait en être ainsi lorsque, en appliquant les règles d’interprétation législative convenues « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »
: Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 21; Wilson c Énergie Atomique du Canada Ltée, 2016 CSC 29, au paragraphe 102. Je suis d’avis que rien n’indique que le législateur ait eu cette intention. Comme la Cour d’appel fédérale l’a indiqué dans l’arrêt DBC Marine CAF lorsqu’elle a appuyé le juge Mosley :
[2] Le régime des demandes de brevet est solidement établi par la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets. Leurs diverses dispositions législatives forment ensemble un code complet définissant les obligations qui incombent à celui qui demande un brevet, les conséquences de l’inobservation de ces obligations et les mesures à prendre pour éviter ces conséquences.
[87]
Il convient de noter également que le juge Mosley a indiqué dans sa décision qu’on ne peut pas annuler les « dures conséquences »
au moyen d’un pouvoir discrétionnaire « lorsqu’elles ne sont pas expressément autorisées »
[non souligné dans l’original.]
[88]
En l’espèce, les demandeurs peuvent bien croire qu’une perte totale de droits afférents à un brevet constitue de « dures conséquences »
de l’omission de leurs prédécesseurs de répondre à la réquisition et de rectifier le vice dans le délai de douze mois imparti avant que la demande 560 ne soit enfin abandonnée ou rendue « morte »
par l’effet de la loi, mais je ne peux trouver ni dans la loi ni dans la jurisprudence une façon d’éviter cette conséquence.
[89]
Ces conséquences ne découlent pas de la loi. Les Règles sur les brevets ont conféré aux demandeurs de brevet initiaux et à leurs agents une possibilité entièrement équitable de rectifier la demande 560 en répondant à la réquisition et d’éviter l’abandon en apportant simplement une rectification dans un délai de douze mois. Il s’agit d’un délai exceptionnellement long pour une réponse aussi simple. Aucune personne qui souhaite remplir une demande de brevet n’est susceptible de perdre ses droits de brevet en application de ces règles si elles sont appliquées de manière claire et équitable, ce qu’elles ont été en l’espèce. Il ne s’agit donc pas d’un régime dur; il offre aux demandeurs qui y portent attention une portée assez large et des délais suffisants pour rectifier tout vice.
[90]
J’estime que si une personne reçoit un avis indiquant un vice et omet de répondre à la réquisition et à un avis d’abandon qui lui confèrent un délai de douze mois pour le rectifier, il est raisonnable que l’OPIC suppose qu’elle n’a aucun autre intérêt à donner suite au brevet. Pourquoi une personne ayant un intérêt à ce que le brevet soit examiné et délivré permettrait-elle qu’une demande soit abandonnée de cette manière? Aucune explication n’a été donnée quant à la raison pour laquelle cela est survenu dans la présente cause.
[91]
En l’espèce, le problème n’est pas le régime des brevets. Le problème est que les demandeurs actuels ont hérité d’une situation qui, selon les faits dont je suis saisi, est simplement incompréhensible s’il existait au moment de la réquisition et de l’avis d’abandon un intérêt à mener à terme la demande 560.
[92]
Les demandeurs n’ont pas établi que, dans la situation actuelle, l’« abandon »
signifie autre chose que le fait que la demande 560 est, à toutes fins envisagées par la loi, « morte »
et ne peut donc pas être examinée davantage ou visée par une mesure de suivi parce que, aux termes de la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets, comme le juge Mosley l’a indiqué clairement dans la décision DBC Marine CF, lorsqu’un demandeur omet de répondre à une réquisition et que la demande n’est pas rétablie dans le délai d’un an imparti pour rectifier la situation, la demande de brevet est abandonnée par l’effet de la loi. Le commissaire n’a aucun pouvoir discrétionnaire lui permettant de la rétablir. Rien dans la Loi sur les brevets ou dans les Règles sur les brevets n’indique que l’abandon dans cette situation signifie que l’on peut encore donner suite à la demande de brevet aux fins d’examen et d’octroi. Dans une situation où le législateur a expressément établi le régime législatif, la Cour ne peut pas simplement procéder à une interprétation large de façon à inclure des distinctions qui pourraient répondre aux besoins des demandeurs, mais qui ne sont pas indiquées par la loi en soi.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
La demande est rejetée avec dépens attribués au défendeur.
Si les parties ne peuvent pas s’entendre quant au montant des dépens, elles peuvent demander à la Cour de trancher la question. Ce qu’elles doivent faire par écrit, du moins initialement.
« James Russell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 10e jour d’août 2020
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-306-16
|
INTITULÉ :
|
LES GOUVERNEURS DE LA UNIVERSITY OF ALBERTA ET AL c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Edmonton (Alberta)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 23 janvier 2017
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE RUSSELL
|
DATE DES MOTIFS :
|
Le 24 avril 2017
|
COMPARUTIONS :
Jordan Birenbaum
|
Pour les demandeurs
|
Robert Drummond
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lambert Intellectual Property Law
Edmonton (Alberta)
|
Pour les demandeurs
|
William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Edmonton (Alberta)
|
Pour le défendeur
|