Date : 20170427
Dossier : T-802-16
Référence : 2017 CF 411
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 27 avril 2017
En présence de monsieur le juge Russell
ENTRE :
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GLENN WALSH
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demandeur
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
INTRODUCTION
[1]
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, LRC (1985), c F-7 (la Loi) d’une décision du ministre du Revenu national (le ministre), communiquée le 9 octobre 2015 (la décision), laquelle refusait la demande d’allègement des intérêts présentée par le demandeur pour son année d’imposition 1998.
II.
RÉSUMÉ DES FAITS
A.
Opération de départ
[2]
En 1998, le demandeur a conclu une opération de départ avec la Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC). Dans une opération de départ, une déduction d’intérêt est créée pour réduire les impôts d’un particulier qui prévoit émigrer du Canada. Le contribuable sortant emprunte des fonds auprès d’une institution financière et paie des intérêts, lesquels sont partiellement déductibles pour la période précédant son départ. L’argent emprunté est simultanément réinvesti auprès du prêteur et le contribuable réalise des intérêts non imposables, car ils sont perçus une fois que le contribuable n’est plus résident du Canada.
[3]
En février 1998, le demandeur a obtenu un permis de résidence à Malte. En juin de cette même année, le demandeur et la CIBC ont chacun établi des sociétés résidentes aux îles Caïmans, dénommées Falcon Enterprises Inc. (Falcon) et Phoenix Corporation (Phoenix), respectivement. Le demandeur a ensuite emprunté 694 852 318 $ US à la succursale de la CIBC à New York (CIBC NY) à un taux d’intérêt de 8,74 %, dont le premier versement d’intérêt était payable le 31 décembre 1998 et dont l’échéance avait été fixée au 15 janvier 1999. Le demandeur a utilisé le prêt pour acquérir des actions de Falcon, puis Falcon a employé ces fonds pour acheter des actions privilégiées de Phoenix. Plus tard, une série de transferts ont mené au remboursement des fonds à la CIBC NY.
[4]
Le 29 décembre 1998, le demandeur devait quitter le Canada pour Malte. Le 31 décembre 1998, après la date prévue par le demandeur pour son départ du Canada, la CIBC NY a prêté 47 499 148 $ US au demandeur pour le premier versement d’intérêt sur le prêt initial. En 1999, les créances entre les parties avaient été remboursées, les actions de Falcon du demandeur ont été rachetées, et Falcon et Phoenix ont été dissoutes.
[5]
Dans sa déclaration de revenus de 1998, le demandeur a sollicité une déduction de 47 499 149 $ au titre d’intérêts et de frais financiers, pour compenser des revenus dégagés pendant l’année par l’intermédiaire d’un régime de participation des employés aux bénéfices (RPEB) établi par les trois sociétés sous son contrôle. Le demandeur a déclaré un gain en capital imposable de 7 493 510 $ pour la présumée disposition de ses actions de Falcon après qu’il eut cessé d’être résident canadien, lequel gain se fondait sur un produit de disposition de 10 000 000 $.
B.
Premières nouvelles cotisations personnelles
[6]
Le 10 octobre 2002, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour la déclaration de revenus du demandeur de 1998 (nouvelle cotisation pour 1998). La nouvelle cotisation pour 1998 rejetait dans sa totalité le montant de l’obligation et augmentait à 48 119 646 $ le montant du gain en capital lié à la disposition d’actions de Falcon. Le même jour, le ministre a aussi établi une nouvelle cotisation pour la déclaration de revenus du demandeur pour 1999 (nouvelle cotisation pour 1999), laquelle refusait l’utilisation du report prospectif d’une perte découlant d’une perte déclarée par le demandeur sur son revenu pour 1998.
[7]
En réponse, le demandeur a déposé des avis d’opposition pour les deux nouvelles cotisations. Suivant la confirmation des deux nouvelles cotisations par le ministre le 4 juin 2004, le demandeur a déposé un avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt (CCI) le 24 juin 2004.
C.
Nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés
[8]
L’année des premières nouvelles cotisations personnelles, le ministre a aussi établi de nouvelles cotisations à l’encontre des sociétés contrôlées par le demandeur, en date du 7 mai 2002, du 9 août 2002, et du 15 avril 2002. Dans les nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés, les paiements versés aux sociétés par les RPEB pour les années d’imposition 1998 et 1999 n’étaient pas considérés comme déductibles, malgré l’inclusion des transferts dans le revenu du demandeur pour les premières nouvelles cotisations personnelles.
[9]
Les sociétés ont déposé des objections aux nouvelles cotisations établies à leur encontre, lesquelles ont été confirmées par le ministre le 29 mars 2004. Par la suite, les sociétés ont déposé des avis d’appel auprès de la CCI le 24 juin 2004.
D.
Secondes nouvelles cotisations personnelles
[10]
Dans un avis de nouvelle cotisation en date du 11 mai 2006 pour la déclaration de revenus pour 1999 (seconde nouvelle cotisation pour 1999), le ministre a comptabilisé 54 859 700 $ en revenus d’après les sommes perçues par le demandeur de sociétés non résidentes après 1998. Cette comptabilisation était fondée sur l’opinion selon laquelle le demandeur n’avait pas cessé d’être résident du Canada en 1998, ce qui n’avait pas été le cas lors des nouvelles cotisations précédentes.
[11]
En réponse, le demandeur a présenté un nouvel avis d’opposition le 7 août 2006.
E.
Procédure
[12]
Le 13 février 2006, la CCI a délivré un avis d’audience sur l’état de l’instance et l’appel du demandeur a fait l’objet d’une gestion des instances. Une ordonnance a été délivrée pour la présentation des communications préalables à la fin de l’année 2006. Cependant, en décembre 2006, suivant le second avis d’opposition, la Couronne a indiqué ne pas souhaiter procéder aux interrogatoires préalables jusqu’à la résolution des questions concernant les actes de procédures du demandeur. Suivant la seconde opposition, le demandeur avait déposé la nouvelle cotisation pour 1999 à la Direction générale des appels de l’Agence du revenu du Canada (Agence), même si cette nouvelle cotisation avait aussi été déposée à la CCI.
[13]
Parallèlement, la CCI examinait un dossier comparable concernant une opération de départ, et l’avis d’appel du demandeur a été suspendu jusqu’à la résolution de ce dossier. En juin 2006, la CCI a confirmé le refus de la déduction d’intérêt au motif que le contribuable n’avait pas payé les intérêts dont il demandait la déduction avant de cesser d’être résident du Canada : Grant c La Reine, 2006 CCI 373 [décision ou affaire Grant]. La décision Grant a été confirmée par la Cour d’appel fédérale en avril 2007, et la demande d’autorisation d’interjeter appel a été refusée par la Cour suprême du Canada en novembre 2007.
[14]
Le 29 mai 2007, le demandeur a modifié son avis d’appel devant la CCI pour en exclure l’année d’imposition 1999. Les parties ont par la suite convenu d’achever les étapes du litige au plus tard le 31 octobre 2007. Cependant, cet échéancier a été maintes fois révisé avec l’accord des deux parties. Enfin, une audience d’une semaine a été prévue pour avril ou mai 2010.
F.
Règlement
[15]
Un accord de règlement entre les deux parties a été conclu le 19 avril 2010. Les conditions étaient les suivantes : le demandeur a convenu qu’il ne pourrait plus bénéficier de la déduction pour les frais financiers et les intérêts de 47 499 148 $, l’Agence a convenu qu’aucun dividende ne serait reconnu sur la disposition des actions de Falcon en 1999 et l’Agence a convenu de réduire de 1 542 104 $ le revenu pour 1998. Parallèlement, le ministre a autorisé les déductions des paiements au titre du RPEB pour les sociétés contrôlées par le demandeur.
[16]
Le 7 juillet 2010, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard des déclarations de revenus du demandeur pour 1998 et 1999 conformément à l’accord de règlement. Les dettes fiscales étaient réduites à 16 212 110 $ et à 0 $ pour 1998 et 1999, respectivement. Le demandeur a ensuite payé en totalité le solde dû de 38 067 818 $.
G.
Demande d’allègement
[17]
Le 17 décembre 2012, le demandeur a présenté une demande d’annulation des intérêts liés à sa déclaration de revenus pour 1998, avec, à l’appui, des observations supplémentaires présentées le 29 avril 2013.
[18]
En réponse, le ministre a convenu d’accorder un allègement partiel des intérêts le 26 juillet 2013. Le 16 août 2013, le demandeur a sollicité le contrôle de la décision, qui a été confirmée le 6 décembre 2013.
[19]
Le demandeur a ensuite déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du 6 décembre. Le 25 novembre 2014, la Cour fédérale a délivré une ordonnance annulant la décision, et a renvoyé la demande d’annulation des intérêts pour l’année d’imposition 1998 du demandeur en vue d’une nouvelle décision par des personnes qui n’avaient pas auparavant contribué à l’administration du dossier.
[20]
Par conséquent, le demandeur a présenté une nouvelle demande d’annulation des intérêts, laquelle demande fait l’objet du présent contrôle judiciaire.
III.
DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE
[21]
Dans une décision en date du 9 octobre 2015, le ministre a rejeté la demande d’allègement des intérêts du demandeur pour son année d’imposition 1998.
A.
Dispositions applicables
[22]
Dans son examen de la demande, le ministre a renvoyé au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c 1 (5e suppl.) (LIR), lequel définit dans quels cas un allègement peut être accordé. Cependant, le ministre a aussi reconnu qu’un allègement pourrait être accordé dans des circonstances qui ne sont pas prévues par la LIR. Conformément à la loi et aux observations du demandeur, l’examen par le ministre de la demande a cherché à établir ce qui suit : si le demandeur s’était auparavant acquitté volontairement de ses obligations en matière d’impôt, avait déjà sciemment permis l’existence d’un solde dû, veillait raisonnablement à ses responsabilités et agissait rapidement pour rectifier les retards ou les omissions.
B.
Fondement de la demande et examen des nouvelles cotisations
[23]
Ensuite, le ministre a considéré le fondement de la demande, qui portait sur le refus des déductions des frais d’intérêts demandées en 1998. Le ministre a ensuite examiné les nouvelles cotisations, y compris les motifs, les échéanciers, et les sommes.
1)
Refus de la déduction des frais d’intérêt pour 1998
[24]
Le ministre a résumé les motifs du redressement du revenu du demandeur pour sa déclaration de revenus de 1998, qui avait fait l’objet d’une nouvelle cotisation dans laquelle était rejetée la déduction des intérêts de 47 499 142,21 $. Les motifs étaient les suivants : les opérations étaient frauduleuses, car elles avaient été réalisées dans l’objectif de donner lieu à une déduction fiscale, n’avaient aucune fin commerciale licite, et n’étaient pas profitables au départ; les frais d’intérêts n’étaient pas autorisés par les alinéas 18(1)a) et 18(1)h) de la LIR, car ils étaient destinés à produire un bénéfice personnel pour le demandeur sans avoir été engagés pour générer un revenu d’entreprise; le demandeur n’était pas autorisé à demander l’intérêt aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la LIR, car il était alors résident du Canada et les frais d’intérêts n’avaient pas été engagés pour dégager un revenu, et la disposition générale anti-évitement était applicable étant donné que les opérations avaient été réalisées dans l’objectif premier de générer des frais d’intérêts pour compenser un revenu anticipé.
2)
Résidence et incohérence des nouvelles cotisations
[25]
Le ministre a par la suite examiné les raisons qui pouvaient expliquer l’incohérence des nouvelles cotisations en prenant connaissance du statut de résidence du demandeur : il était non-résident en 1998, mais résident en 1999. Le rapport d’audit de 1999 a établi que le demandeur avait été résident du Canada de 1999 à 2002, car il n’avait pas rompu tous ses liens avec le Canada au cours de cette période. Par conséquent, la déclaration de revenus de 1999 du demandeur a fait l’objet d’une nouvelle cotisation donnant lieu à un solde dû de 45 798 555 $.
[26]
Malgré un certain manque de cohérence, la jurisprudence prévoit que lorsque des faits sont litigieux, le ministre est autorisé à établir des cotisations incohérentes jusqu’à la résolution du litige. Par conséquent, le rapport d’audit de 1999 proposait deux conclusions possibles : si le demandeur était résident en 1998 et 1999, le gain en capital sur la déclaration de revenus pour 1998 serait annulé; mais s’il était non-résident en 1998 et 1999, les redressements seraient supprimés de son revenu pour 1999. Vu l’incohérence, le rapport d’audit de 1999 énonçait aussi que la nouvelle cotisation pour 1999 serait modifiée lorsque de nouveaux renseignements seraient disponibles. Le demandeur a donc été informé de l’intention du ministre d’établir une nouvelle cotisation pour sa déclaration de revenus de 1999, ce qui a été fait le 1er juillet 2010.
3)
Avis incohérents et contradictoires dans les nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés
[27]
Le ministre a par la suite examiné les déductions demandées en ce qui concerne le RPEB et les motifs associés à la nouvelle cotisation. Le ministre a constaté qu’aucune relation fiduciaire n’avait été établie, le RPEB proposé n’était pas admissible, car il n’avait été établi que pour un seul employé; les cotisations n’étaient pas des dépenses raisonnables, elles n’étaient pas des dépenses engagées aux fins de générer un revenu et elles demeuraient impayées. Par conséquent, une nouvelle cotisation était requise puisque les déductions n’étaient pas autorisées, mais le revenu était tout de même déclaré. Cependant, cela n’a pas été fait immédiatement puisque l’Agence a pour politique de ne pas établir de nouvelles cotisations à la baisse pour un contribuable donné tant que la question des nouvelles cotisations à la hausse n’est pas résolue.
[28]
Ensuite, le ministre a examiné le gain en capital déclaré sur les actions de Falcon. La Division de la vérification de l’Agence avait affirmé que la juste valeur marchande des actions de Falcon (48 128 299 $) était supérieure aux produits de la disposition (9 383 596 $). Le rapport d’audit de 1999 remarquait aussi que le redressement concernant les produits de la disposition serait annulé si l’Agence parvenait à faire refuser la déduction des frais financiers, ce qui s’est réalisé lorsque la déclaration de revenus de 1999 a fait l’objet d’une nouvelle cotisation le 1er juillet 2010.
[29]
Le ministre a par la suite abordé les sommes dues après les nouvelles cotisations et paiements subséquents. En 2006, le total des impôts exigibles a été établi à 119 905 525 $, dont 96 052 070 $ au titre de l’impôt personnel et 23 858 454,55 $ au titre de l’impôt des sociétés. Cependant, le règlement d’avril 2010 avait réduit le total des impôts exigibles pour 1998 à 38 067 818 $. Les acomptes versés par le demandeur totalisaient 38 568 251 $.
4)
Mesures de recouvrement
[30]
Le ministre a par la suite examiné les détails concernant les mesures prises par l’Agence pour tenter de recouvrer les sommes dues sur le compte T1 du demandeur, entre autres par différentes saisies d’actifs, de paiements entrants, de dépôts, d’actions, et de placements appartenant au demandeur, ainsi que dans le cadre de nombreuses demandes à diverses parties.
5)
Preuves de transferts d’argent
[31]
Ensuite, le ministre a examiné les dépôts versés par le demandeur à diverses personnes, notamment des membres de sa famille.
6)
Statut de résident et actifs
[32]
Le ministre a par la suite examiné le statut de résident et les actifs du demandeur, lesquels incluaient divers biens immobiliers.
7)
Propositions pour réduire l’impôt exigible
[33]
Le ministre a aussi examiné la correspondance et les négociations entre les représentants du demandeur et l’Agence sur la résolution des comptes, notamment des déclarations selon lesquelles le demandeur ne respectait pas tous les délais, faisait défaut de faire les paiements demandés, et omettait de présenter les renseignements demandés.
8)
Questions sur la nouvelle cotisation et les intérêts dans la présentation du 17 juin 2015
[34]
Le ministre relève que l’Agence avait imputé des intérêts sur les sommes dues à partir de la date d’échéance de la déclaration le 30 avril 1999 jusqu’à la date de la nouvelle cotisation le 1er juillet 2010, avec des intérêts additionnels à partir du 7 juillet 2010, et jusqu’au paiement du compte dans sa totalité. Cependant, un allègement des intérêts avait été accordé pour la période au cours de laquelle l’Agence et le demandeur attendaient l’issue de la décision Grant, précitée, entre le 6 avril 2003 et le 3 juin 2004. Le ministre a fait référence à la correspondance de Samantha Eksal, en date du 10 novembre 2003, qui indiquait ceci : [traduction] « Après avoir pris connaissance des questions dans ces dossiers, il a été établi que tous les avis d’opposition susmentionnés doivent être suspendus dans l’attente de la décision sur une question comparable qu’examine actuellement la Cour [...] ».
9)
Questions liées aux délais de la présentation du 17 juin 2015
[35]
En réponse à la question des délais liés aux appels devant la CCI, le ministre a relevé que l’Agence n’attendait pas la résolution de l’affaire Grant pour résoudre le dossier du demandeur, puisque le rapport sur une opposition T401 pour le T1 de 1998 avait été signé le 3 juin 2004, deux ans avant le prononcé de la décision Grant le 29 juin 2006. En outre, la décision Grant avait été rendue deux ans et demi avant le règlement d’avril 2010. De plus, le terme [traduction] « suspens »
n’avait été utilisé dans aucune correspondance à l’exception d’une lettre en date du 19 avril 2010, laquelle précisait qu’en raison du règlement d’avril 2010, les déclarations de revenus seraient suspendues pendant 60 jours pour permettre d’établir la nouvelle cotisation.
10)
Questions sur la diligence raisonnable
[36]
Le ministre a relevé que le demandeur n’était personnellement responsable de payer aucun impôt, intérêt ou amende attribué aux sociétés. En outre, le ministre a reconnu que l’Agence avait obtenu un chèque de 22 millions de dollars de l’avocat du demandeur le 25 octobre 2013.
C.
Facteurs à considérer concernant l’allègement demandé
1)
Historique du respect des obligations fiscales
[37]
Le ministre a reconnu que le demandeur avait respecté les échéances prescrites pour la présentation de ses déclarations, qui ont été remises à temps de 1992 à 1997 et la plupart du temps après 1998.
[38]
En ce qui concerne le versement des paiements, le ministre a relevé que la Division du recouvrement de l’Agence avait traité le compte du demandeur du 2 décembre 1993 au 22 octobre 1997. Les activités de recouvrement ont été reprises le 27 juillet 1999 et ont permis de recevoir 4,98 millions de dollars au 9 avril 2002. Bien que les représentants du demandeur aient présenté des propositions pour régler le compte, celles-ci ne suffisaient pas à payer le solde en totalité. En outre, malgré le règlement de 2010, le demandeur continuait de présenter des propositions insuffisantes sans jamais proposer d’échéancier de remboursement.
[39]
Le ministre a par la suite relevé que le demandeur n’avait fait aucun versement spontané sur son compte jusqu’au 15 avril 2014, soit 12 ans après la nouvelle cotisation de 2002 et quatre ans après le règlement de 2010. Par conséquent, des efforts concertés devaient être déployés pour le recouvrement des sommes dues.
[40]
Le ministre a fait remarquer que, si les paiements avaient excédé les sommes dues, les fonds auraient été restitués au demandeur avec les intérêts.
2)
Connaissance
[41]
Ensuite, le ministre a cherché à savoir si le demandeur avait sciemment laissé un solde subsister, sur lequel des intérêts se sont ajoutés aux sommes dues. Le ministre a constaté que le représentant du demandeur, dans un mémoire en date du 6 février 2008, avait reconnu être conscient que les nouvelles cotisations renfermaient des clauses protectrices et que de nouvelles cotisations additionnelles seraient préparées pour réduire les sommes si de nouveaux renseignements étaient présentés. Le ministre a aussi conclu que les représentants du demandeur auraient pu étudier les meilleurs et les pires scénarios pour calculer les sommes exigibles, ce qui avait été fait le 14 juillet 2003 et le 6 février 2008. De plus, le mémoire du 6 février indiquait que les représentants du demandeur savaient que l’Agence se trouvait en position de force, et auraient pu estimer l’impôt remboursable sur la déclaration de 1998 vu la forte probabilité que la déduction des frais d’intérêts demandée ne soit pas autorisée.
3)
Diligence raisonnable
[42]
Le ministre a par la suite évalué la prétention du demandeur d’avoir fait preuve de diligence raisonnable dans l’administration de ses dossiers en vertu du régime d’autocotisation, notamment en consultant des comptables et avocats fiscalistes pendant l’opération de départ et les nouvelles cotisations. Plus particulièrement, le ministre a relevé que le demandeur avait fait défaut de tenir compte des inquiétudes d’un ancien représentant concernant l’opération de départ, choisissant plutôt de changer de représentant.
4)
Retard ou omission
[43]
Après avoir étudié le dossier, le ministre a conclu que la durée de la vérification était attribuable au défaut du demandeur de se montrer coopératif en donnant des renseignements pertinents, notamment sur sa résidence et ses actifs. En outre, le ministre a conclu que le demandeur aurait pu signer une renonciation qui lui aurait permis d’éviter une seconde nouvelle cotisation de la déclaration de revenus pour 1999, ce qu’il n’a pas fait.
5)
Circonstances exceptionnelles
[44]
Après avoir pris connaissance des exemples proposés dans la Circulaire d’information IC07-1 indiquant les circonstances exceptionnelles qui pourraient entraver le respect des obligations fiscales, le ministre a conclu que ces circonstances exceptionnelles ne correspondaient pas à la situation du demandeur.
6)
Récapitulatif de la décision
[45]
Le ministre a jugé que l’allègement des intérêts n’était pas justifié. D’abord, aucun retard indu n’avait été causé ni par l’Agence ni par la Couronne. Au contraire, les retards étaient imputables au défaut du demandeur de coopérer et de communiquer dans des délais opportuns, lorsque ces retards n’étaient pas causés par l’avocat du demandeur. De plus, le défaut du demandeur de faire ses paiements a laissé le solde subsister et accumuler des intérêts pendant 12 ans. Troisièmement, le demandeur n’a pas réagi rapidement aux nouvelles cotisations et a fait fi des conseils sur la validité de l’opération de départ. Quatrièmement, aucune circonstance exceptionnelle ne s’appliquait à sa situation. Enfin, il n’y avait aucun autre motif de conclure qu’un allègement devait être accordé.
IV.
QUESTIONS EN LITIGE
[46]
Le demandeur fait valoir que la question suivante est en litige dans la présente demande :
Le ministre a-t-il commis une erreur dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la LIR, ce qui a donné lieu à une décision contraire à la loi ou déraisonnable?
[47]
Pour sa part, le défendeur soutient que la question à trancher dans la présente demande est la suivante :
La décision du ministre était-elle raisonnable et, dans la négative, la demande d’allègement pour les contribuables présentée par le demandeur doit-elle être renvoyée au ministre pour révision?
V.
NORME DE CONTRÔLE
[48]
Par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [arrêt Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence est claire quant à la norme de contrôle applicable à une question en litige devant la Cour, la cour de révision peut l’adopter. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble incompatible avec l’évolution récente des principes de common law en matière de contrôle judiciaire que la cour de révision doit soupeser les quatre facteurs de l’analyse de la norme de contrôle (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48).
[49]
Le demandeur et le défendeur conviennent que la norme de contrôle applicable au contrôle judiciaire devrait être celle de la décision raisonnable. L’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre pour accorder un allègement des intérêts aux termes du paragraphe 220(3.1) de la LIR a été considéré comme susceptible de révision d’après la norme de la décision raisonnable : Agence de revenu du Canada c Telfer, 2009 CAF 23, au paragraphe 2 [Telfer].
[50]
Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
. Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47 et l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour doit intervenir uniquement si la décision contestée n’est pas raisonnable, c’est-à-dire si elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».
VI.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
[51]
Les dispositions suivantes de la LIR sont applicables en l’espèce :
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VII.
THÈSES DES PARTIES
A.
Demandeur
1)
Circonstances exceptionnelles
[52]
Le demandeur soutient que la décision est incorrecte ou déraisonnable. L’établissement de nouvelles cotisations fiscales incohérentes et contradictoires constitue soit des circonstances exceptionnelles qui ont empêché le respect des obligations fiscales, soit des circonstances qui échappaient au contrôle du demandeur.
[53]
Alors que le ministre dispose de la compétence d’établir des cotisations incohérentes ou contradictoires, cette compétence se limite aux cas exceptionnels et ne devrait pas être exercée comme règle générale : Duthie Estate c Canada, [1995] ACF no 770, au paragraphe 43; Hawks c La Reine, [1996] ACF no 1694, au paragraphe 7. Si cette compétence est exercée dans le contexte d’une demande d’allègement pour les contribuables, la question centrale consiste à savoir quelles seront les incidences des nouvelles cotisations sur le demandeur.
[54]
Le demandeur évoque trois positions incohérentes et contradictoires prises par le ministre : le redressement du produit de la disposition des actions de Falcon dans la nouvelle cotisation pour 1998, la décision que le demandeur était résident du Canada dans la nouvelle cotisation pour 1999 et l’inclusion, dans le revenu du demandeur en 1998, des sommes perçues au titre du RPEB, tout en rejetant, dans les nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés, la déductibilité du paiement desdites sommes. Ensemble, ces nouvelles cotisations incohérentes et contradictoires ont donné lieu à une dette du demandeur dépassant les 110 millions de dollars, ne lui laissant aucun autre choix que celui d’attendre que le ministre adopte une position concluante et cohérente. Le demandeur soutient que le ministre a fait défaut de prendre en considération l’incidence des cotisations incohérentes et contradictoires dans le contexte auquel elles appartenaient, et qu’il était déraisonnable de ne pas les considérer comme des circonstances exceptionnelles.
[55]
Dans sa décision, le ministre avance que le demandeur savait qu’une seule des positions prévaudrait de façon définitive, et qu’il aurait donc dû savoir que la « double imposition »
n’était pas envisageable. Or, cela n’a jamais été communiqué au demandeur par l’Agence. En réalité, lorsque le demandeur a été informé de l’avis de l’Agence à cet égard, les négociations sur le règlement avaient été entamées, ce qui a diminué la pertinence de cette information.
[56]
Le demandeur prétend que le ministre aurait pu se montrer rassurant ou prévenant en informant mieux le demandeur au moment où les cotisations ont été proposées ou présentées. Ce manque de prévenance n’a laissé au demandeur aucun moyen de pouvoir prévoir comment serait résolu son dossier.
[57]
Dans la décision, le ministre a fait défaut de considérer les faits dans le contexte auquel ils appartenaient. Le ministre a plutôt adopté la thèse selon laquelle sa compétence l’autorisant à émettre diverses nouvelles cotisations écartait la possibilité d’un allègement. Autrement dit, le ministre a fait prévaloir sa compétence à émettre les cotisations sur la considération de l’incidence de ces cotisations. Le refus d’allègement des intérêts est contraire à l’esprit des dispositions législatives concernant les allègements pour les contribuables, et mine le processus d’équité.
[58]
Le demandeur affirme aussi que les seules circonstances exceptionnelles prises en considération par le ministre étaient celles données comme exemples dans les directives. Or, les circonstances justifiant un allègement ne doivent pas nécessairement être à la fois indépendantes de la volonté du contribuable et exceptionnelles : 3500772 Canada Inc c Canada (Revenu national), 2008 CF 554; Nixon c Canada (Revenu national), 2016 CF 906. Le demandeur soutient que le ministre a commis une erreur en exigeant que la demande réponde aux deux critères à la fois. L’existence de circonstances incohérentes et contradictoires devrait constituer le type de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, compte tenu surtout des sommes évoquées dans le présent dossier.
[59]
Le demandeur soutient que le présent dossier se distingue de l’arrêt Telfer, précité, dans lequel il a été conclu que le contribuable qui fait défaut de s’acquitter d’un impôt à payer dans l’attente d’une décision sur un cas comparable ne peut normalement pas déplorer qu’il soit tenu de payer des intérêts. Le présent dossier ne saurait être présumé relever d’une situation normale, vu les sommes qui sont exigibles.
[60]
Le demandeur considère que l’Agence a fait valoir, sciemment et de façon offensive, des avis contradictoires et incohérents, lesquels ont placé le demandeur devant le seul choix réaliste que celui d’attendre l’issue du litige, vu que les montants qui lui étaient demandés dépassaient les 110 millions de dollars.
[61]
Par conséquent, le demandeur soutient que sa demande d’annulation des intérêts devrait faire l’objet d’un nouvel examen.
2)
Retards déraisonnables
[62]
À titre subsidiaire, le demandeur soutient avoir subi des retards déraisonnables dans le traitement de ce dossier, du fait des mesures de l’Agence, rendant de ce fait déraisonnable le refus du ministre d’accorder l’allègement.
[63]
L’Agence a relié ensemble tous les appels; de ce fait, ils ne pouvaient être examinés séparément. Puisque l’Agence n’établit pas de nouvelles cotisations à la baisse pour les contribuables n’ayant pas réglé une nouvelle cotisation à la hausse, les nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés évoquées au présent dossier ne pouvaient être traitées qu’après les nouvelles cotisations personnelles, ce que l’Agence a aussi choisi de ne pas faire avant la résolution du litige dans la décision Grant. De ce fait, il n’y avait aucune autre avenue réaliste que celle d’attendre l’issue de l’affaire Grant. Bien que le terme « mise en suspens »
n’ait pas été expressément utilisé, les appels étaient effectivement mis en suspens au gré de l’Agence, et ces retards ont été préjudiciables au demandeur. Bien que le retard à résoudre les appels puisse s’expliquer, il n’aurait pas dû être attribué au demandeur de manière à empêcher un allègement des intérêts.
[64]
Dans la décision, le ministre indique que le demandeur n’attendait pas l’issue de l’affaire Grant, puisque la CCI avait rendu sa décision le 29 juin 2006. Le demandeur soutient qu’il s’agit d’un malentendu sur les faits et le processus en cause. En 2006, la nouvelle cotisation pour 1998 et les nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés ne se trouvaient pas devant la Division des appels, mais bien devant la CCI. En outre, la décision de la CCI avait fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale, avec demande d’autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême du Canada. Ainsi, la décision Grant n’a pas été pleinement résolue avant novembre 2008. Par conséquent, le demandeur n’aurait pas pu chercher à faire résoudre son dossier en se fondant sur la décision Grant avant novembre 2008.
[65]
Par ailleurs, le demandeur soutient que le ministre aurait dû annuler la nouvelle cotisation pour 1999 après que la décision Grant eut été jugée comme permettant d’établir de manière définitive les nouvelles cotisations pour 1998 et 1999. Cependant, le ministre n’a pas pris la décision d’annuler la nouvelle cotisation pour 1999 avant juillet 2010, après la conclusion de l’accord de règlement. Le demandeur soutient que ce retard avait été causé par les parties dont les thèses n’ont été consolidées qu’avec l’accord de règlement. C’est pourquoi le demandeur soutient que la thèse du demandeur n’était pas claire et évidente en 2006.
3)
Non-respect des obligations fiscales
[66]
La décision évoque le manquement du demandeur à s’acquitter de ses obligations de payer le compte et diverses demandes de recouvrement. Cependant, le ministre a reconnu en contre-interrogatoire que même si les nouvelles cotisations faisaient l’objet d’une opposition et d’un appel, le demandeur n’avait aucune obligation d’en payer les montants. Le ministre a aussi affirmé que le non-paiement de sommes contestées n’équivaut pas au non-respect des obligations fiscales. Le demandeur soutient que la décision ne tient pas compte de ce qui précède. De plus, le demandeur remarque aussi que le ministre a précisé que des mesures de recouvrement pouvaient être mises en place dans certaines circonstances, notamment après la délivrance d’une ordonnance conservatoire. Or, le demandeur n’a jamais fait l’objet d’une telle ordonnance.
[67]
La décision indique aussi clairement que le ministre a tenu compte du moment des paiements des sommes en souffrance découlant des nouvelles cotisations selon l’accord de règlement. Le demandeur relève que trois paiements conséquents ont été faits pour diminuer le solde dû, dont deux étaient supérieurs à 37 millions de dollars et versés peu après la conclusion de l’accord de règlement. Le ministre semble ne pas avoir pris ces paiements en considération.
[68]
Le demandeur soutient donc que sa demande d’annulation des intérêts devrait faire l’objet d’un nouvel examen à la lumière des retards qui ont permis aux intérêts de continuer à s’accumuler.
B.
Défendeur
1)
Considérations du ministre
[69]
Le défendeur soutient que la décision est raisonnable à la lumière des renseignements dont dispose le ministre.
[70]
Le paragraphe 220(3.1) de la LIR confère au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire lui permettant de renoncer en tout ou en partie aux pénalités et aux intérêts, selon les directives de l’Agence. L’annulation des intérêts peut se justifier dans certaines circonstances, évaluées selon les antécédents du contribuable : s’il respecte les exigences liées aux obligations fiscales, laisse sciemment s’accumuler les intérêts, fait preuve de diligence raisonnable dans l’administration de ses affaires sous le régime d’autocotisation et agit rapidement pour remédier aux retards et aux omissions.
2)
Retards déraisonnables
[71]
Après examen, le ministre a estimé que la Couronne n’avait pas causé de retards déraisonnables au litige concernant la dette du demandeur pour l’année d’imposition 1998. Le dossier n’indique aucune demande présentée à la CCI concernant la mise en suspens de l’appel du demandeur avant le règlement en avril 2010; si une mise en suspens avait réellement été effective, le demandeur reconnaît qu’elle aurait été mutuellement convenue entre les deux parties.
[72]
Malgré la décision de la Cour d’appel fédérale à l’encontre du régime de l’opération de départ, prononcée le 30 avril 2007, le demandeur a sollicité et accordé de multiples prorogations des délais avant le choix définitif d’une date d’audience et de proposer et d’accepter une déduction sur l’opération de départ en avril 2010. Tout au long de ce processus, les prorogations des délais étaient mutuellement convenues par les deux parties, et dans certains cas, étaient rendues nécessaires par la propre conduite du demandeur.
[73]
Le défendeur considère que la Couronne ne peut être tenue responsable du manquement du demandeur à poursuivre vigoureusement en justice son propre appel alors qu’il savait que les intérêts s’accumulaient. Le demandeur a fait le choix de ne prendre aucune mesure pour faire avancer son appel, car il attendait les jugements sur d’autres appels concernant des arrangements relatifs à des opérations de départ, ce qui ne saurait être considéré comme un retard imposé par la Couronne.
[74]
Par ailleurs, le présent dossier ne se distingue pas de l’arrêt Telfer, précité. Le demandeur ne peut se voir accorder un allègement pour avoir misé sur l’issue de l’affaire Grant. L’existence de cotisations contradictoires n’a pas empêché le demandeur de consulter un avocat, de soupeser la probabilité qu’il obtienne gain de cause, et de prendre des mesures pour rectifier la situation en payant ses impôts, faisant progresser le litige, ou en coopérant avec la vérification de l’Agence pour dissiper l’ambiguïté sur sa résidence. En outre, le demandeur n’a présenté aucune preuve pour appuyer le fait que le montant des nouvelles cotisations l’empêchait de rembourser rapidement les impôts à payer au moment de la nouvelle cotisation, tel qu’évoqué dans l’arrêt Telfer.
[75]
C’est pourquoi le défendeur soutient qu’il était raisonnable pour le ministre de nier qu’aucun autre allègement ne se justifiait par des retards attribuables à la Couronne.
3)
Circonstances exceptionnelles
[76]
Le défendeur soutient aussi qu’il était raisonnable pour le ministre de conclure que de nouvelles cotisations contradictoires ne constituaient pas une circonstance exceptionnelle. Les circonstances exceptionnelles sont des situations indépendantes de la volonté du contribuable et qui l’empêchent de s’acquitter d’une obligation, comme une catastrophe naturelle ou un trouble public. Les nouvelles cotisations contradictoires n’ont pas été établies avant le 11 mai 2006. Par conséquent, elles ne sauraient justifier le manquement à s’acquitter des dettes fiscales pour 1998 avant cette date. Alors que le demandeur pourrait s’être inquiété des montants élevés sur les nouvelles cotisations pour les sociétés auxquelles il était associé, il n’était pas responsable de ces montants, et n’a présenté aucune preuve que les nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés lui auraient causé un préjudice financier qui l’aurait empêché de s’acquitter de sa dette personnelle.
[77]
Par ailleurs, et même après la délivrance de nouvelles cotisations contradictoires, le demandeur aurait pu s’acquitter spontanément de ses dettes fiscales pour 1998 avant l’entrée en vigueur de l’accord de règlement le 7 juillet 2010. La nouvelle cotisation de 2006 avait été délivrée uniquement devant le refus du demandeur de présenter des renseignements qui auraient permis à l’Agence d’adopter une position concluante concernant sa résidence, ce qui relevait exclusivement du contrôle du demandeur.
[78]
Les incertitudes quant aux dettes fiscales pour 1998 et 1999 auraient pu être levées si le demandeur avait pris des mesures raisonnables pour fournir des renseignements à l’Agence, poursuivre l’appel devant la CCI, ou conclure un accord de règlement. Il n’a été empêché de prendre aucune de ces mesures. Il a plutôt misé sur la possibilité qu’il lui soit favorable d’attendre pour résoudre ces questions. Par conséquent, le demandeur ne peut plus prétendre aujourd’hui que le processus d’appel lui était défavorable.
[79]
Enfin, l’existence de cotisations contradictoires ne relève pas du manquement du demandeur à s’acquitter de ses obligations après la nouvelle cotisation du 7 juillet 2010. La responsabilité du demandeur était alors avérée.
4)
Autres motifs d’allègement
[80]
Le ministre a examiné les déclarations du demandeur et a raisonnablement conclu que les circonstances ne justifiaient pas un allègement des intérêts. Le comportement du demandeur ne le méritait pas : il manquait à ses obligations de paiement, a sciemment laissé s’accumuler les intérêts malgré les avertissements de son avocat; a adopté un comportement destiné à contrecarrer les efforts de l’Agence en proférant des menaces de faillite et en transférant ses actifs dans des territoires étrangers, a omis de faire des versements spontanés pendant 12 ans et a évité de s’acquitter de ses dettes fiscales pour 1998 même après avoir conclu un règlement.
[81]
Le défendeur soutient que le ministre a examiné une quantité considérable de documents et qu’il a délivré une décision raisonnable qu’il convient de confirmer.
VIII.
DISCUSSION
A.
Introduction
[82]
La Cour est saisie d’une demande visant le refus du ministre d’alléger des intérêts, tel que le demandait le demandeur en application du paragraphe 220(3.1) de la LIR pour l’année d’imposition 1998.
[83]
Le contexte antérieur au refus est long et alambiqué, et émane d’une stratégie audacieuse de planification fiscale que le ministre a estimée contraire à la LIR. Le demandeur prétend que le refus du ministre d’accorder l’allègement demandé repose sur la réprobation du ministre de cette stratégie plutôt que sur les principes et la jurisprudence régissant l’allègement des intérêts.
[84]
Plus particulièrement, le demandeur prétend que le ministre aurait :
a) fait défaut de tenir compte de l’incidence exceptionnelle qu’avait eue l’établissement de cotisations incohérentes et contradictoires sur le demandeur dans les circonstances particulières du présent litige; et
b) fait défaut d’étudier adéquatement les retards administratifs en mettant le dossier de l’avant, et fait fi et méconnu d’importants facteurs sous-jacents qui avaient une incidence sur le retard.
[85]
Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable à l’étude des questions est celle de la décision raisonnable, ce dont convient aussi la Cour. Voir, par exemple, l’arrêt Telfer, précité, au paragraphe 2.
B.
Nouvelles cotisations incohérentes et contradictoires
[86]
Le demandeur affirme que l’établissement par le ministre de nouvelles cotisations incohérentes et contradictoires constituerait des circonstances exceptionnelles, ou des circonstances échappant au contrôle du demandeur, pour lesquelles l’allègement des intérêts est autorisé.
[87]
Les cotisations incohérentes/contradictoires litigieuses sont les suivantes :
a) Les redressements du produit de la disposition des actions de Falcon dans la nouvelle cotisation pour 1998;
b) Le constat que le demandeur était résident du Canada dans la seconde nouvelle cotisation pour 1999; et
c) L’inclusion dans le revenu du demandeur pour 1998 de sommes perçues au titre du RPEB tout en rejetant la déductibilité des paiements de ces sommes par les sociétés contribuables visées.
[88]
Le demandeur affirme que ces cotisations incohérentes/contradictoires (qui ont donné lieu à des dettes dépassant 110 millions de dollars) n’ont laissé au demandeur aucune avenue réaliste autre que celle d’attendre l’issue des dossiers pertinents que le ministre avait porté devant la Cour, afin que le ministre puisse formuler une conclusion probante à laquelle le demandeur pourrait répondre.
[89]
Le demandeur fait observer que les sommes supplémentaires examinées par le ministre étaient [traduction] « excessivement »
supérieures à la véritable somme exigible aux termes de l’accord à venir, et auraient dû être acceptées comme des [traduction] « circonstances exceptionnelles »
autorisant le demandeur à un allègement des intérêts.
[90]
Le demandeur se dit convaincu que les cotisations excessives auraient dû être considérées comme constituant une circonstance exceptionnelle, car :
a) Il est simplement déraisonnable de ne pas considérer que les nouvelles cotisations incohérentes constituaient des circonstances exceptionnelles; et
b) L’avis du ministre présuppose que le demandeur savait qu’une seule des hypothèses fondant les cotisations prévaudrait, avec pour résultat de résoudre toute question de double imposition.
[91]
L’argument principal du demandeur en l’espèce est que le ministre, en refusant l’allègement des intérêts demandé, a donné priorité à [traduction] « la compétence d’établir de nouvelles cotisations incohérentes ou contradictoires »
et a manqué de considérer l’incidence de leur établissement sur le demandeur :
[traduction] [L]e ministre a manqué de considérer les faits dans le contexte auquel ils appartenaient et a, dans les faits, pris le parti selon lequel la compétence d’établir d’autres nouvelles cotisations exclut la possibilité d’un éventuel allègement. Le refus du ministre d’accorder un allègement des intérêts dans les circonstances, à savoir l’adoption par l’Agence d’une démarche offensive, voire punitive dans son évaluation du demandeur, est contraire à l’esprit des dispositions sur l’allègement pour les contribuables et mine le processus d’équité.
[92]
Le demandeur admet que [traduction] « circonstances exceptionnelles »
signifie [traduction] « circonstances indépendantes de la volonté du contribuable »
. Tout en reconnaissant la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tefler, précité, il affirme que sa situation était différente, car [traduction] « le montant rendait sa situation différente d’une situation dite “normale” »
.
[93]
L’argumentation intégrale du demandeur sur la question a été définie dans sa demande d’allègement du 17 juin 2015 :
[traduction] 84. Dans son examen du contribuable et de la société contribuable, l’Agence, même en réponse à ce qu’elle percevait comme une « opération de départ » offensive de la part du contribuable, a adopté une perspective excessivement offensive envers le contribuable et les sociétés contribuables dès la nouvelle cotisation du contribuable du 10 octobre 2002, qui refusait la déduction d’intérêt tout en calculant un impôt sur un gain en capital, donnant lieu à une cotisation fiscale excessive. La situation a été injustement aggravée par des cotisations contradictoires concurrentes pour les sociétés contribuables, refusant la déduction de paiements versés au contribuable au titre des RPEB. S’en est suivi une seconde nouvelle cotisation pour 1999, laquelle se fondait (contrairement à la nouvelle cotisation pour 1998) sur le fait que le contribuable était demeuré résident du Canada suivant son départ, ce qui avait été reconnu. Dans l’ensemble, la réponse de l’Agence sur ce qu’elle percevait comme un abus des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (l’opération de départ) était elle-même abusive. Elle constituait sans équivoque un abus injuste et inéquitable des pouvoirs de cotisation et de nouvelle cotisation à l’encontre du contribuable et des sociétés contribuables (et même à l’encontre d’une société non résidente).
85. Se rapportant à ce dernier point, l’Agence a soutenu que la seconde nouvelle cotisation pour 1999 estimait que le contribuable était resté résident du Canada, même après avoir rompu tous ses liens avec le Canada. Cet argument était contraire au propre argument de l’Agence énoncé dans la nouvelle cotisation pour 1998 et dans la première nouvelle cotisation pour 1999. Le résultat pour le contribuable a été une nouvelle dette de plus de 45 000 000 $. Cet argument a plus tard été abandonné, et l’Agence a reconnu que le contribuable avait cessé d’être non-résident du Canada le 29 décembre 1998.
86. L’Agence a aussi adopté d’autres opinions incohérentes et contradictoires dans ses nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés. L’Agence a augmenté les nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés, donnant lieu à une dette d’entreprise de plus de 18 000 000 $, fondée sur le fait que les paiements au titre du RPEB versés par la société contribuable ne constituaient pas une dépense déductible pour les sociétés, même si le contribuable les avait comptabilisés dans son revenu et que l’Agence l’avait évalué en conséquence.
87. L’Agence a même augmenté de 9 991 347 $ à 48 119 646 $ le gain en capital issu des actions de Falcon déclaré avec les impôts du contribuable pour 1998, augmentant considérablement la dette fiscale du contribuable, dont l’Agence n’aurait pas pu raisonnablement attendre le paiement par le contribuable en plus de la nouvelle cotisation refusant les frais d’intérêts. L’Agence abandonnera plus tard cette position.
88. Les fondements incohérents et contradictoires des nouvelles cotisations de l’Agence étaient des réactions excessives, offensives et discutables à ce qu’elle percevait comme une « opération de départ » abusive. Dans les faits, la stratégie de l’Agence a empêché le contribuable de prendre une décision éclairée de payer les impôts établis jusqu’à ce qu’en définitive, un règlement rationnel soit conclu et que le contribuable et la société contribuable fassent des paiements. Le contribuable se trouvait dans une position qui, d’un point de vue pratique, lui rendait impossible de payer toutes les dettes établies dans les cotisations pour freiner l’accumulation des intérêts. Lorsque la seconde nouvelle cotisation pour 1999 a fait l’objet d’une hausse, le total de la dette du contribuable était supérieur à 90 000 000 $, dont 62 119 030 $ en impôts. La fermeté de la position de l’Agence se répercute dans les conditions de l’accord de règlement, aux termes duquel la dette a été réduite à environ 21 000 000 $, dont 16 214 247 $ en impôts. Cela représente une réduction de la dette fiscale de plus de 46 000 000 $. Ces montants ont été encore réduits dans l’accord de règlement du 13 janvier 2013.
89. Au moment de la délivrance de la seconde nouvelle cotisation pour 1999, les sociétés contribuables étaient tenues responsables d’une dette de plus de 30 000 000 $, dont 13 201 809 $ en impôts. Les nouvelles cotisations d’entreprise ont été annulées dans leur totalité aux termes de l’accord de règlement.
90. Pour résumer, le contribuable et les sociétés contribuables avaient, au moment de la seconde nouvelle cotisation pour 1999, des dettes globales dépassant 110 000 000 $, dont environ 75 000 000 $ au titre de l’impôt. Cette dette globale a été réduite d’environ 90 000 000 $ conformément à l’accord de règlement. La dette fiscale totale a été réduite de près de 60 000 000 $. Ces redressements soulignent la nature excessive des nouvelles cotisations du ministre. Dans les circonstances, le contribuable a droit à un allègement du paiement des intérêts. Le raisonnement généralement suivi selon lequel le contribuable paie le montant de la cotisation pour éviter les intérêts n’est pas ici justifié et ne peut prévaloir dans les circonstances. En l’espèce, l’Agence a délivré des cotisations incohérentes et contradictoires en sachant qu’une seule ne pourrait être valide. Pourtant, si l’allègement des intérêts est refusé, l’Agence aura insisté pour que les deux cotisations soient payées pour permettre au contribuable et aux sociétés contribuables d’éviter les intérêts. Une telle position de l’Agence serait excessive. Le refus d’allègement des intérêts constituerait une issue exceptionnelle et inéquitable qui sanctionnerait un comportement extrême de la part de l’Agence.
91. Il est bien établi qu’en règle générale, le ministre ne devrait pas émettre de cotisations incohérentes ou contradictoires. Les tribunaux ont reconnu que dans des « cas exceptionnels », il peut être nécessaire que le ministre établisse une cotisation incohérente ou contradictoire. (Voir, par exemple : Hawkes c La Reine, 97 DTC 5060 (CAF), au paragraphe 7; Fink c La Reine, [1999] 2 CTC 2088 (CCI), au paragraphe 14; et Duthie Estate c Canada, [1995] 2 CTC 157 (CF 1re inst.), au paragraphe 42). Cependant, dans le présent dossier, il serait déraisonnable et punitif d’exiger que le contribuable paie des intérêts sur de telles cotisations. Certes, la possibilité « exceptionnelle » d’établir des cotisations incohérentes ou contradictoires pour protéger la position du ministre ne saurait justifier le refus du ministre d’accorder un allègement dans le présent dossier selon les dispositions sur les allègements pour les contribuables.
92. Le contribuable reconnaît les remarques de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Agence du revenu du Canada c Telfer, 2009 CAF 23, selon lesquelles « [c]eux qui […] choisissent de ne pas payer une dette fiscale dans l’attente qu’une décision soit rendue dans une cause liée ne peuvent normalement pas prétendre qu’ils n’ont pas d’intérêts à payer » (au paragraphe 35). Nous soulignons l’emploi de l’adverbe « normalement ». Il ne s’agit pas ici d’une situation normale. Un contribuable qui reçoit des cotisations incohérentes et contradictoires comme dans le cas présent se trouve dans une position fondamentalement différente de celle du contribuable dans l’arrêt Telfer. Dans cette cause, le contribuable a sciemment laissé un solde subsister au lieu de le payer directement et d’obtenir ensuite un remboursement.
93. En l’espèce, l’Agence a sciemment établi des cotisations offensives, contradictoires et incohérentes qui n’ont laissé au contribuable (et aux sociétés contribuables) aucun autre choix réaliste que celui d’attendre la résolution des dossiers présentés aux Cours choisis par le ministre. Les dettes globales ont dépassé les 110 000 000 $. Le contribuable n’était pas dans la position de faire un choix.
94. Le contribuable devrait recevoir un allègement en raison de l’établissement par le ministre de cotisations incohérentes et contradictoires, et du moment de leur établissement dans le contexte d’un processus en cours qui a été suivi, et en tenant compte du processus et des retards administratifs qui se sont, sans surprise ni défaut du contribuable (ni des sociétés contribuables), inévitablement produits.
[Souligné dans l’original]
[94]
Pour la Cour, le problème réside dans le fait que le demandeur n’a présenté aucune preuve d’avoir été [traduction] « sans aucune avenue réaliste »
. Il a simplement laissé la Cour, tel qu’il avait laissé le ministre, supposer que les dettes globales reconnues signifiaient que, pour lui, il n’existait aucune option réaliste. Les sommes sont en effet conséquentes, mais ne démontraient pas en elles-mêmes que dans la situation particulière du demandeur, il n’aurait pas pu payer l’impôt qui lui était demandé.
[95]
Aucune information n’a été présentée au ministre ni à la Cour pour établir que le demandeur n’aurait pas pu s’acquitter de ses obligations de payer l’impôt au moment de la nouvelle cotisation.
[96]
L’argument de l’absence d’« options réalistes »
avancé par le demandeur fait l’objet d’une réponse dans la décision elle-même [traduction] :
Avoir sciemment laissé subsister un solde sur lequel des intérêts se sont ajoutés aux sommes dues
Il est convenu que les nouvelles cotisations ont donné lieu à des sommes importantes dues. Cependant, vos représentants savaient très bien qu’elles renfermaient des clauses protectrices et que de nouvelles cotisations seraient émises pour réduire les sommes exigibles après la réception de nouveaux renseignements. Dans sa note de 15 pages en date du 6 février 2008, Curtis Stewart a reconnu ce qui précède : « L’ARC a précisé que toute offre qu’elle était disposée à présenter allait assurer qu’il n’y aurait qu’un “niveau d’impôts” ».
Pour le calcul des sommes exigibles, vos représentants auraient pu se fonder sur une analyse du meilleur et du pire scénario. Le 14 juillet 2003, Joel A. Nitikman a préparé un tel document; il a défini deux issues possibles pour 1998, et ensuite estimé l’impôt exigible pour chacune. Il a aussi fait ses recommandations sur le scénario qui lui semblait le plus réaliste. Le 6 février 2008, Curtis Stewart a rédigé un mémoire dans lequel sont analysées les diverses positions de l’Agence, dont sont déduites de possibles issues. Ce document ne présente aucune estimation de l’impôt potentiellement remboursable.
Dans son mémoire du 6 février 2008, Curtis Stewart remarque ceci : « Vu les succès récents de l’ARC dans l’affaire Grant, sa position sur les cotisations après une “stratégie de départ” est extrêmement stricte ». De ce fait, il aurait pu estimer l’impôt remboursable à l’égard de la déclaration de revenus pour 1998 puisqu’il était très probable que les frais d’intérêts demandés ne seraient pas accordés.
[97]
Le demandeur accorde une grande priorité au montant des nouvelles cotisations. Cependant, il semblerait que les nouvelles cotisations élevées de l’Agence étaient destinées à répondre au manque de renseignements présentés par le demandeur. Le demandeur aurait pu : présenter les renseignements demandés pour permettre une cotisation réaliste, présenter une renonciation qui aurait fait en sorte que l’Agence n’ait pas besoin d’adopter une position défensive et de recourir aux cotisations incohérentes, ou encore consulter ses conseillers et produire une offre de règlement.
[98]
Mais le demandeur a plutôt choisi d’attendre dans l’espoir que son « opération de départ »
échappe à la vigilance de l’Agence ou que son impôt à payer soit considérablement inférieur à la somme indiquée dans la cotisation. Il prétend aujourd’hui que c’était le [traduction] « montant »
de la nouvelle cotisation qui ne lui laissait [traduction] « aucun choix réaliste que celui d’attendre les issues des dossiers devant la Cour choisis par le ministre »
. Mais il n’a pas prouvé comment le [traduction] « montant »
l’aurait empêché de s’acquitter de son impôt à payer comme il lui avait été proposé. Il semble affirmer que le seul choix qui se soit offert à lui était celui de payer une [traduction] « dette globale »
de 110 000 000 $, et il aurait été absolument déraisonnable de s’attendre à ce qu’il agisse ainsi tandis qu’il attendait l’issue des autres dossiers examinés par les Cours. Mais il avait bel et bien d’autres choix. Il avait élaboré un régime complexe et audacieux pour son « opération de départ »
, et a choisi de le maintenir jusqu’à ce que la Cour indique sans équivoque que cela serait impossible. Rien ici n’échappait à son contrôle; il s’agissait simplement d’une tactique qu’il a choisie au vu des circonstances. En choisissant cette approche, il était pleinement conscient de toutes les questions liées aux sommes dues. Mais il a choisi, sans doute avec l’avis d’un avocat compétent, de traiter les sommes dues en attendant que les tribunaux se prononcent sur la validité de l’opération de départ.
[99]
À mon avis, le ministre n’a pas omis de tenir compte des incidences sur le contribuable, qui étaient connues du demandeur et totalement dépendantes de sa volonté.
[100]
Si le demandeur se préoccupait de l’accumulation des intérêts, il aurait pu intervenir. Il contrôlait l’information et pouvait évaluer la situation, et aurait pu faire une offre de règlement raisonnable. Il savait aussi si la nouvelle cotisation défensive de 1999 était après tout réalisable. Le ministre n’avait devant lui aucune preuve indiquant que le demandeur n’aurait pas pu anticiper le montant de l’impôt remboursable en 1998 et honorer ses obligations. Il a simplement choisi de ne pas le faire. Il ne s’agissait pas d’un problème lié aux sommes dues, car, comme le fait observer M. Mienneau dans sa décision, le demandeur et ses représentants [traduction] « étaient pleinement conscients que [les nouvelles cotisations] contenaient des clauses protectrices et que d’autres nouvelles cotisations étaient attendues pour réduire les sommes exigibles après la réception de nouveaux renseignements »
.
[101]
Le demandeur indique que les montants du règlement et de la réduction d’environ 46 000 000 $ de la dette fiscale constituent une preuve du caractère « excessif »
de la nouvelle cotisation de l’Agence, mais qu’avec les renseignements dont il disposait, il aurait mesuré la mesure de cet « excès »
au moment de la nouvelle cotisation en 2002, et compris que son intention était purement défensive. La seule explication plausible de son défaut de réagir plus tôt en réduisant son impôt à payer et les intérêts est qu’il souhaitait voir si la Cour se montrerait favorable à l’opération de départ. Rien ici n’évoque les circonstances exceptionnelles, mais plutôt l’avertissement énoncé dans l’arrêt Telfer « [c]eux qui […] choisissent de ne pas payer une dette fiscale dans l’attente qu’une décision soit rendue dans une cause liée ne peuvent normalement pas prétendre qu’ils n’ont pas d’intérêts à payer »
. Je ne constate pas que la question des sommes dues sur laquelle s’appuie le demandeur dans la présente demande établit un caractère anormal qui aurait limité les actions du demandeur.
C.
Retards déraisonnables
[102]
Le demandeur relève aussi de longs retards dans le traitement de ses appels et de ceux liés à ses sociétés contribuables. Il affirme que les appels n’auraient pas pu être traités séparément, en ne lui laissant aucun autre choix réaliste que celui d’attendre la résolution de la cause type choisie par l’Agence, en l’occurrence la décision Grant.
[103]
Le demandeur prétend que, dans les faits, les appels du demandeur et des sociétés contribuables associées ont été [traduction] « tenus en suspens au gré de l’Agence »
.
[104]
Le demandeur affirme que, dans la présente demande, la décision du ministre part de l’hypothèse que la thèse du demandeur est claire et évidente suivant le jugement rendu par la CCI dans la décision Grant en 2006, mais ce n’était pas le cas. Il affirme que ce n’est qu’en novembre 2008 que le jugement rendu dans la décision Grant faisait en sorte qu’une résolution des demandes de 1998 et 1999 présentées par le demandeur pouvait être fondée sur la décision Grant.
[105]
S’appuyant sur l’arrêt Telfer, le ministre affirme que la Couronne ne peut être tenue responsable pour le manquement du demandeur à assurer l’avancement vigoureux en justice de son propre appel, en pleine connaissance que des intérêts s’accumulaient sur la dette ayant fait l’objet de la cotisation.
[106]
Il est difficile d’établir, compte tenu des faits de l’espèce, comment le demandeur n’appartiendrait pas à la catégorie des personnes qui font défaut sciemment de payer leurs impôts dans l’attente d’une décision sur un cas comparable, tel qu’évoqué dans l’arrêt Telfer. Lorsqu’il affirme n’avoir eu aucun choix réaliste autre que celui d’attendre un jugement dans la décision Grant, il devait savoir que des intérêts continueraient de s’accumuler sur toutes les sommes dues. La complexité de la situation et des liens entre le demandeur et les sociétés contribuables relevait des arrangements liés à l’opération de départ que le demandeur avait choisi de conclure. La résolution desdites complexités, lesquelles avaient été causées par le demandeur lui-même, ne peut maintenant lui servir d’argument pour se faire absoudre de l’obligation de payer des intérêts. Certes, que les aspects juridiques de la structure de l’opération de départ aient fait l’objet de discussions et de litiges ne signifie pas que le demandeur aurait dû payer des intérêts pour tout retard déraisonnable de la Couronne. Cependant, je n’ai devant moi aucune preuve permettant d’avancer qu’une véritable « mise en suspens »
n’ait pas été convenue par les deux parties. Le demandeur lui-même a sollicité des prorogations des délais en 2007, 2008 et 2009, et pris plus de huit mois pour modifier ses actes de procédures suivant la nouvelle cotisation du 11 mai 2006 pour l’année d’imposition 2009.
[107]
Il convient de noter que l’Agence a en effet autorisé un certain allègement des intérêts pour le retard découlant de la déclaration de revenus pour 1998. La division des appels de l’Agence a annulé les intérêts pour la période du 6 avril 2003 au 3 juin 2004 « au motif des retards de l’ARC »
. Cela signifiait que [traduction] « les intérêts étaient annulés pour la période maximale autorisée – pendant toute la période au cours de laquelle le dossier était en traitement par la Division des appels »
.
[108]
Les observations détaillées du demandeur sur les retards étaient les suivantes :
[traduction] 95. Il y a eu des retards considérables dans le traitement des appels concernant les sociétés contribuables et le contribuable, et ce pour de nombreuses raisons. Les appels du contribuable étaient interreliés, et ont été traités par la Couronne comme interreliés. Aucun des appels ne pouvait être traité ou réglé séparément; tous devaient être traités ensemble. Les nouvelles cotisations établies à l’encontre des sociétés devaient être traitées après les cotisations personnelles du contribuable. Plus important encore, l’Agence avait pour dessein de traiter en premier un dossier différent lié à une « opération de départ » [qui s’est avéré être la décision Grant] comme une « cause type » avant de traiter l’appel du contribuable.
96. Les avis d’opposition concernant à la fois le contribuable et les sociétés contribuables ont été effectivement suspendus jusqu’au prononcé de la décision de l’Agence, pour laquelle on ne peut équitablement attribuer aucune faute au demandeur ni faire en sorte que sa présentation subisse un préjudice. Le contribuable a tenté, de bonne foi, de communiquer avec l’Agence avant que l’affaire ne soit présentée à la Cour de l’impôt, notamment en tentant à plusieurs reprises de rencontrer la Division des appels de l’Agence pour résoudre l’affaire au cours de cette période. Cependant, l’Agence a établi qu’elle n’était pas à ce moment disposée à tenter de résoudre les oppositions, choisissant plutôt de mettre l’affaire en suspens jusqu’à l’issue des autres appels sur les opérations de départ.
97. Lorsque la Division des appels de l’Agence a indiqué qu’elle attendrait la décision de la Cour de l’impôt sur une question similaire d’opération de départ, elle a mis le contribuable dans une position où les mesures de l’Agence causaient inévitablement des retards au contribuable puisque le dossier était entendu et examiné par divers paliers du système judiciaire, ce qui s’est effectivement produit. L’accord de règlement a été conclu en avril 2010, seulement après que l’affaire Grant eut suivi son cours. Par conséquent, de nouvelles cotisations ont été délivrées le 7 juillet 2010.
98. Par conséquent, la résolution des appels du contribuable a été retardée, ceci, pour des raisons compréhensibles qui devraient toutefois être prises en compte par la réduction des intérêts.
99. Comme il était entièrement prévisible, ce retard a persisté lorsque la question a été renvoyée à la Cour canadienne de l’impôt. Les appels du contribuable et des sociétés contribuables ont été, sur accord tacite, tenus en suspens en attendant la résolution de questions comparables devant la Cour. La Couronne a traité en priorité les dossiers qu’elle souhaitait voir avancer.
100. Puisque les appels du contribuable et des sociétés contribuables étaient tenus en suspens pour des motifs stratégiques, le contribuable a droit à un allègement des intérêts pour les mêmes raisons qu’un allègement des intérêts lui a déjà été accordé pour la période du 6 avril 2003 au 4 juin 2004 (date de confirmation de la nouvelle cotisation du contribuable). L’allègement des intérêts devrait être maintenu au-delà du 4 juin 2004. Cette date signifie uniquement que l’Agence avait pris une décision faisant en sorte que la question serait tranchée par la Cour canadienne de l’impôt : les cotisations incohérentes et contradictoires ont persisté. La tenue en suspens de l’appel sur l’impôt personnel en attendant la décision sur les autres appels justifie l’octroi d’un allègement au contribuable.
[Souligné dans l’original]
[109]
La décision qui fait l’objet du contrôle porte sur l’ensemble de la question des retards :
[traduction] Question des retards soulevée dans les présentations du 17 juin 2015
Dans la présentation du 17 juin 2015, vous évoquez des retards de traitement des appels par la Cour de l’impôt. Ce qui suit résume ce que nous comprenons des faits liés à ces retards.
Catherine et David Grant ont conclu un accord de départ; eux aussi étaient clients de Jas Butalia. La CCI a rendu sa décision sur le dossier (2006 CCI 373) le 29 juin 2006. La Cour d’appel fédérale a entendu l’affaire (2007 CAF 174) le 3 avril 2007; le 30 avril 2007, la Cour a confirmé la décision du tribunal inférieur. La demande d’autorisation d’interjeter appel à la CSC a été refusée en novembre 2007 (CSC 2007-11-15).
Les rapports sur une opposition T401 pour le Tl de 1998 ont été approuvés le 3 juin 2004. La CCI a rendu sa décision sur l’affaire Grant le 29 juin 2006. Par conséquent, la Division des appels n’attendait pas que l’affaire Grant soit résolue avant qu’elle ne finalise le dossier.
Quant au paragraphe 97 de la déclaration du 17 juin 2015, je constate que l’avis d’appel à la CCI pour votre déclaration de revenus pour 1998 avait été reçu par le ministère de la Justice le 15 septembre 2004. L’accord de règlement a été conclu en avril 2010. L’appel final dans l’affaire Grant a pris fin en novembre 2007, environ deux ans et demi avant le règlement final d’avril 2010.
À la page 92 de votre affidavit, (dans un courriel daté du 17 mai 2006 de Curtis Stewart à Jas Butalia et de Dave Horne de Tercon), Curtis Stewart indique ce qui suit :
« Affaires liées à la Cour de l’impôt visant Glen Walsh. [...] faire progresser les affaires de Glenn, mais ne pas procéder aux interrogatoires préalables avant la fin du procès Kitsch/Tower. La Couronne estime qu’elle pourrait gagner Kitsch/Tower sur la question de la résidence. Nous devrons connaître l’opinion de la Cour sur la résidence et sur l’opération de départ même pour établir la meilleure stratégie pour défendre le cas de Glenn ».
Dans une lettre en date du 29 février 2008 à la Cour canadienne de l’impôt, Curtis Stewart indique ce qui suit :
« Tel que précédemment indiqué par la Cour, Glenn Walsh, l’appelant, réside à l’extérieur du Canada et les parties tentent maintenant de choisir ensemble les dates pour reprendre l’interrogatoire [...] En outre, les parties continuent aussi d’évaluer si la question pourrait être réglée hors cour ou si les questions seront circonscrites. Nous souhaitons informer la Cour que les discussions à cet égard ne se limitent pas à ce seul recours. Il existe trois autres affaires devant la Cour de l’impôt : Tercon Contractors Ltd. c Sa Majesté la Reine, dossier de la Cour no 2004-2891(IT)G; Conex Services Inc. c Sa Majesté la Reine, dossier de la Cour no 2004-2874(IT)G; et Elbee Development Corp. c Sa Majesté la Reine, dossier de la Cour no 2004-2890(IT)G, lesquelles devraient faire partie de ces discussions ».
La lettre était cosignée par Robert Carvalho, du ministère de la Justice.
La juge Judith Woods de la Cour canadienne de l’impôt s’est impliquée dans la gestion du dossier, car il ne se déroulait pas de façon opportune.
Nous croyons savoir que la seule fois où le terme « mise en suspens » est apparu, est dans une lettre datée du 19 avril 2010. La lettre a été adressée au greffier de la Cour canadienne de l’impôt à Ottawa. Elle précisait qu’un accord de règlement avait été conclu dans les dossiers de Glenn Walsh, Conex, Tercon, et Elbee et sollicitait la mise en suspens du dossier pendant 60 jours pour permettre au ministre d’établir une nouvelle cotisation à l’égard des déclarations. Les lettres avaient deux signataires, Robert Carvalho et Curtis Stewart.
[110]
M. Mienneau conclut ensuite de la façon suivante :
[traduction] Aucun retard déraisonnable n’a été causé par l’Agence ni par la Couronne. Les retards ont été causés par votre manque de coopération, car vous avez fait défaut de présenter les renseignements et documents demandés en temps opportun. Votre dossier n’a pas été mis en suspens par l’Agence dans l’attente des résultats d’autres dossiers judiciaires. Les retards ont été causés par vous ou vos avocats.
[111]
Le demandeur affirme que l’Agence regarde au-delà de la période pour laquelle il demande un allègement des intérêts. La période prend fin lorsque la Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation d’interjeter appel dans l’affaire Grant. Il affirme ne solliciter que l’allègement des intérêts pour la période d’examen de l’affaire Grant, estimant qu’au cours de cette période, l’Agence aurait décidé de [traduction] « tenir la question en suspens en attendant l’issue des autres appels sur des opérations de départ »
. Cela signifie, prétend le demandeur, qu’il a été [traduction] « inévitablement retardé »
par les mesures de l’Agence.
[112]
Il est vrai que l’accord de règlement a été conclu en avril 2010, seulement après l’issue de l’affaire Grant, mais cela ne signifie pas, en soi, que l’Agence ait tenu le dossier en suspens. Il est évident que le demandeur lui-même n’a pas souhaité négocier un accord de règlement avant d’avoir la certitude que son opération de départ n’était pas viable. Mais, là encore, cela était son choix. Il affirme que ce n’était pas [traduction] « avant novembre 2008 que la décision Grant a fait en sorte que la résolution pour les années d’imposition 1998 et 1999 du demandeur aurait pu être sollicitée en se fondant sur cette décision »
.
[113]
Le demandeur affirme que l’Agence n’était pas disposée à résoudre le litige avec le demandeur avant que ne soit résolue l’affaire Grant :
[traduction] 75. Vu la politique de l’ARC de ne pas établir de nouvelles cotisations à la baisse pour un même contribuable jusqu’à la résolution d’une nouvelle cotisation à la hausse antérieurement présentée, les cotisations pour les sociétés contribuables devaient être traitées après les cotisations du demandeur, et l’ARC entendait régler ces deux cotisations uniquement après la résolution d’une cause type distincte sur une « opération de départ » (en l’occurrence la décision Grant), laquelle avait été choisie par l’ARC.
76. Dans ces circonstances, nous faisons valoir que le demandeur n’avait pour seul choix réaliste que celui d’attendre que la cause type choisie par l’ARC, nommément la décision Grant, soit traitée par la Cour. Les appels du demandeur et des sociétés contribuables ont donc été, dans les faits, tenus en suspens au gré de l’ARC. Que le terme « mise en suspens » n’ait pas été employé dans les documents n’est d’aucune importance puisque dans les faits, il est incontestable que c’est bien de mise en suspens dont il a été question. Ces retards ont causé un préjudice au demandeur.
77. Le demandeur reconnaît que le retard à résoudre l’appel reposait sur des motifs compréhensibles. Le retard, toutefois, ne devrait pas être attribuable au demandeur pour lui refuser un allègement des intérêts. Dans la décision, le ministre indique estimer que la Cour de l’impôt a rendu sa décision dans l’affaire Grant le 29 juin 2006 et que « par conséquent, la Division des appels n’attendait pas la résolution de l’affaire Grant pour clore son dossier ».
78. Nous faisons valoir que cela relève d’un malentendu ou d’une méconnaissance des faits et des processus pertinents. D’abord, en 2006, ce n’est pas la Division des appels de l’Agence qui était saisie de la nouvelle cotisation pour 1998 et de la nouvelle cotisation pour la société contribuable, mais bien la Cour canadienne de l’impôt. Ensuite, la décision de la Cour de l’impôt avait été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale. Par la suite, une autorisation d’interjeter appel a été demandée à la Cour suprême du Canada. Ce n’est qu’en novembre 2008 que la décision Grant était telle qu’elle permettait la résolution du dossier pour les années d’imposition 1998 et 1999 du demandeur.
[Renvois omis].
[114]
Les prétentions du demandeur selon lesquelles [traduction] l’« ARC entendait traiter les deux questions seulement après la résolution d’une cause type distincte sur une “opération de départ” choisie par l’ARC »
et que [traduction] l’« ARC a décidé qu’elle n’était pas disposée à résoudre les oppositions immédiatement, décidant plutôt de tenir la question en suspens en attendant la résolution des autres appels sur des opérations de départ »
ne sont corroborées par aucun élément de preuve. Il semble évident que le demandeur souhaitait attendre la résolution complète de l’affaire Grant, mais aucun élément de preuve n’indique que l’Agence aurait eu quelque besoin d’attendre la résolution de l’affaire pour instruire les appels ou régler le litige, ni qu’il existait même un constat implicite que les questions seraient mises en suspens.
[115]
Là encore, la question semble ramener à l’arrêt Telfer et à la décision du demandeur de ne prendre aucune mesure dans son appel avant d’avoir connu les décisions de la Cour sur d’autres dossiers d’opération de départ.
D.
Conclusions
[116]
À mon avis, les questions des cotisations incohérentes et des sommes dues, ainsi que celle des retards déraisonnables, ont été les points décisifs dans l’appel sur l’allègement des intérêts. Je ne constate aucun aspect dans les autres facteurs pris en considération qui auraient pu rendre la décision déraisonnable.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
La demande est rejetée avec dépens attribués au défendeur.
« James Russell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 29e jour de juin 2020
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-802-16
|
INTITULÉ :
|
GLENN WALSH c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Calgary (Alberta)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 15 mars 2017
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE RUSSELL
|
DATE DES MOTIFS :
|
Le 27 avril 2017
|
COMPARUTIONS :
Curtis R. Stewart
|
Pour le demandeur
|
Mary Softley
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Calgary (Alberta)
|
Pour le demandeur
|
William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Calgary (Alberta)
|
Pour le défendeur
|