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Date : 20170420


Dossier : IMM-3828-16

Référence : 2017 CF 385

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2017

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

MARY OLUWATOBI OLALERE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR) d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés le 26 août 2016 (décision), par laquelle la Section d’appel des réfugiés a rejeté l’appel interjeté par la demanderesse de la décision de la Section de la protection des réfugiés rejetant sa demande d’asile.

II.  CONTEXTE

[2]  La demanderesse est une citoyenne du Nigéria âgée de 19 ans qui est entrée au Canada munie d’un visa d’étudiante le 24 janvier 2016. Elle allègue une crainte de retourner au Nigéria parce qu’elle refuse de se soumettre à la mutilation génitale féminine et d’épouser le chef Olusoji Okadapo.

[3]  Le 4 février 2016, la demanderesse a présenté une demande d’asile, qui a été entendue le 20 avril 2016. Dans une décision ultérieure rendue par la Section de la protection des réfugiés le 3 mai 2016, la demande de la demanderesse a été rejetée au motif qu’elle manquait de crédibilité et qu’il existait une possibilité de refuge intérieur.

[4]  La demanderesse a alors interjeté appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés à la Section d’appel des réfugiés au motif que la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur dans ses conclusions relatives à la crédibilité et dans son évaluation de la possibilité de refuge intérieur. Étant donné que la demanderesse n’a pas présenté de nouveaux éléments de preuve, la Section d’appel des réfugiés a poursuivi sans tenir d’audience, conformément au paragraphe 110(3) de la LIPR.

III.  DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[5]  La Section d’appel des réfugiés, dans une décision qu’elle a transmise à la demanderesse le 2 septembre 2016, a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés et a rejeté l’appel de la demanderesse.

[6]  En analysant l’appel sur le fond, la Section d’appel des réfugiés a porté son attention sur la question déterminante de la possibilité de refuge intérieur et a appliqué le critère à deux volets articulé dans Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CA) [Rasaratnam].

A.  Premier volet

[7]  La Section d’appel des réfugiés a débuté son évaluation au regard du premier volet, selon lequel les commissaires doivent être convaincus, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où il existe, selon eux, une possibilité de refuge intérieur ou que le demandeur d’asile ne serait pas personnellement exposé à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou au risque d’être soumis à la torture, s’il y a des motifs sérieux de le croire. Dans le cas présent, les endroits proposés comme possibilité de refuge intérieur étaient Lagos, Ibadan, Port Harcourt et Abuja.

[8]  La Section d’appel des réfugiés a pris en compte le rapport de l’Agence des services frontaliers du Royaume-Uni (rapport de l’ASF du R.-U.) du Home Office, qui contenait les renseignements suivants : les Nigérians ont le droit de voyager dans le pays, la réinstallation interne en vue d’échapper aux mauvais traitements infligés par des agents non étatiques est possible et ne représenterait pas un préjudice indu, il n’existe pas de règlement sur les entrées et les sorties pour les ressortissants nigérians, et les ressortissants nigérians peuvent voyager à l’étranger et demander l’asile sans être victimes de violations des droits de la personne à leur retour. De plus, il y avait des renseignements selon lesquels la force policière du Nigéria (NPF) est inefficace, puisqu’elle est aux prises avec un grave manque de ressources, notamment sur le plan des locaux à bureaux, du personnel, de la formation, de la direction compétente, des véhicules et du matériel de communication. Ces renseignements ont mené la Section d’appel des réfugiés à conclure qu’il était peu probable que quiconque sache que la demanderesse était retournée au Nigéria ou puisse la retrouver, à moins qu’elle ne lui signale sa présence.

[9]  Puis la Section d’appel des réfugiés a évalué la transcription de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés, durant laquelle la demanderesse a déclaré qu’elle craignait d’être soumise à de dangereux rituels et à des actes de torture indus par son père et le chef Okadapo à son retour au Nigéria. La Section d’appel des réfugiés a toutefois précisé que la demanderesse ne s’était pas opposée aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés au premier volet du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur, pas plus qu’elle n’avait fourni d’éléments de preuve convaincants, au-delà d’une simple déclaration, pour étayer l’argument selon lequel elle n’est pas à l’abri de la persécution. Par conséquent, la Section d’appel des réfugiés était d’accord sur l’analyse et les conclusions de la Section de la protection des réfugiés en ce qui a trait à cette question.

[10]  Ensuite, la Section d’appel des réfugiés a examiné la possibilité que l’on se lance à la recherche de la demanderesse à son retour au Nigéria. À cet égard, la Section d’appel des réfugiés a fait les observations suivantes : la demanderesse n’est pas très connue au Nigéria, la demanderesse n’a pas allégué que de telles recherches pour la retrouver ont été effectuées après son départ du Nigéria, il manque des éléments de preuve selon lesquels des personnes telles que les membres de sa famille et le chef Okadapo sont motivées à la poursuivre dans un pays de plus de 177 millions d’habitants, surtout aux endroits proposés comme possibilité de refuge intérieur, chacun ayant une population de plus de 1,5 million d’habitants, ou ont les moyens de le faire.

[11]  À la lumière de ces considérations, la Section d’appel des réfugiés n’était pas convaincue que la demanderesse avait établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’on la retrouverait à l’un des endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur. La demanderesse n’a pas fourni d’éléments de preuve convaincants selon lesquels elle continuait d’être recherchée partout au Nigéria, ou que de telles recherches seraient fructueuses, compte tenu du manque d’efficacité de la NPF et du fait que son retour ne serait pas signalé aux autorités nigérianes si elle ne les en informait pas. Par conséquent, la demanderesse n’avait pas satisfait au premier volet.

B.  Second volet

[12]  Selon le second volet, la situation aux endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur doit être telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’asile, compte tenu de toutes les circonstances, de s’y réfugier.

[13]  La Section d’appel des réfugiés a examiné la décision de la Section de la protection des réfugiés, qui faisait état de ce qui suit : la demanderesse a de bonnes perspectives d’emploi et peut subvenir à ses besoins aux endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur, la demanderesse peut continuer à bénéficier du soutien de sa mère et des ressources sont offertes aux femmes vulnérables qui font face à l’excision de force. Bien que la demanderesse ait prétendu qu’il n’a pas été tenu dûment compte des éléments de preuve selon lesquels les femmes pourraient être stigmatisées dans leurs nouvelles collectivités du fait de contraintes sociales et culturelles, ou exposées à des contraintes économiques, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la demanderesse se heurtait à des obstacles limités en raison de ses études et de sa capacité à parler l’anglais et la langue nationale.

[14]  Le critère du caractère raisonnable nécessitait l’évaluation de la situation dans la possibilité de refuge intérieur pour la demanderesse ou les personnes qui se trouvent dans une situation analogue. Suivant Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, le seuil pour le critère du caractère déraisonnable est élevé et les difficultés associées au déplacement et à la réinstallation ne sont pas suffisantes.

[15]  Par conséquent, la Section d’appel des réfugiés a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucun obstacle social, économique ou autre suffisamment important pour empêcher la réinstallation de la demanderesse à Lagos, à Ibadan, à Port Harcourt ou à Abuja, ce qui a eu pour effet de confirmer la décision de la Section de la protection des réfugiés. Ainsi, la Section d’appel des réfugiés a également conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse avait une possibilité de refuge intérieur accessible et viable dans les villes mentionnées ci-dessus.

[16]  Une fois cette question tranchée, le fardeau de la preuve revenait à la demanderesse d’établir que la possibilité de refuge intérieur n’était pas une option, en démontrant qu’elle risquait sérieusement d’être persécutée au nouvel endroit ou que son renvoi l’exposerait personnellement à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels ou inusités ou au risque d’être soumise à la torture. La Section d’appel des réfugiés a conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée de ce fardeau. Par conséquent, la Section d’appel des réfugiés n’a pas étudié la question de la crédibilité soulevée par la demanderesse. La Section d’appel des réfugiés a conclu que la demanderesse n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne ayant besoin de protection et a, par conséquent, rejeté l’appel.

IV.  QUESTIONS EN LITIGE

[17]  La demanderesse soutient que les points suivants sont en litige dans la présente demande :

  1. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur en ne procédant pas à une évaluation indépendante de la demande d’asile?

  2. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur dans son évaluation relative à la possibilité de refuge intérieur?

V.  NORME DE CONTRÔLE

[18]  Par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence est claire quant à la norme de contrôle applicable à une question donnée, la cour de révision peut l’adopter. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble incompatible avec l’évolution récente des principes de common law en matière de contrôle judiciaire que la cour de révision doit soupeser les quatre facteurs de l’analyse de la norme de contrôle (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48).

[19]  Les décisions prises par la Section d’appel des réfugiés dans le contexte d’une analyse relative à une possibilité de refuge intérieur sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Ugbekile c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1397, aux paragraphes 12 à 14.

[20]  Lorsqu’une décision est examinée en regard de la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47 et Khosa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CSC 12, paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision contestée est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[21]  Les dispositions suivantes de la LIPR sont applicables en l’espèce :

Décision

Decision

111 (1) La Section d’appel des réfugiés confirme la décision attaquée, casse la décision et y substitue la décision qui aurait dû être rendue ou renvoie, conformément à ses instructions, l’affaire à la Section de la protection des réfugiés.

111 (1) After considering the appeal, the Refugee Appeal Division shall make one of the following decisions:

(a) confirm the determination of the Refugee Protection Division;

VII.  THÈSES DES PARTIES

A.  Demanderesse

[22]  La demanderesse soutient que la décision est déraisonnable parce que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en ne procédant pas à une analyse complète de sa crainte subjective, ce qui l’a amenée à tirer une conclusion sur l’existence d’une possibilité de refuge intérieur en se fondant sur des motifs arbitraires et injustifiés.

1)  Premier volet

[23]  La demanderesse soutient que la Section d’appel des réfugiés n’a pas tenu dûment compte des éléments de preuve produits en ce qui a trait à la détection aux endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur. Dans la décision, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la demanderesse s’était contentée de déclarer qu’elle craignait d’être persécutée, ce qui fait fi des éléments de preuve tels que le témoignage de vive voix, l’exposé circonstancié contenu dans le formulaire Fondements de la demande d’asile (FDA) et les affidavits qui traitaient de l’influence de l’agent de persécution.

[24]  La demanderesse a affirmé dans son formulaire FDA que son agent de persécution au Nigéria, le chef Okadapo, entretenait des liens avec la police, laquelle pouvait aider à rechercher la demanderesse si elle retourne au Nigéria. Les affidavits de Toyin Olalere et de Hannah Ojo mentionnaient également les contacts du chef Okadapo au Nigéria et sa volonté de soumettre la demanderesse à la mutilation génitale féminine. La décision n’indique nullement que la Section d’appel des réfugiés a soupesé ces éléments de preuve, de sorte qu’on peut conclure qu’ils ont été omis : Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, au paragraphe 17 [Cepeda].

[25]  La demanderesse soutient que la Section d’appel des réfugiés semblait exiger la preuve définitive de l’influence des agents, ce qui constitue une norme plus élevée que la prépondérance des probabilités et un motif d’intervention de la Cour : Henguva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 483, au paragraphe 16.

[26]  De plus, la demanderesse soutient que la Section d’appel des réfugiés a fait preuve de sélectivité en préférant les éléments de preuve contenus dans le rapport de l’ASF du R.-U. La Section d’appel des réfugiés, lorsqu’elle a conclu que la NPF ne pourrait pas trouver la demanderesse en raison d’un manque de ressources, y compris de matériel de communication et de véhicules, n’a pas tenu compte de la partie du rapport concernant la technologie de pointe, notamment des véhicules ultramodernes dotés de la technologie moderne, qui a été mise à la disposition de la NPF.

[27]  La demanderesse s’oppose également à la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle la demanderesse n’avait pas expliqué de façon raisonnable ce qui lui faisait croire qu’elle serait retrouvée à l’un des endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur. La demanderesse avait mentionné la présence de Boko Haram à Abuja en guise d’explication. La Section d’appel des réfugiés a accepté cette explication, mais a affirmé que Boko Haram se limitait à des attaques à niveau élevé selon le cartable national de documentation (CND) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, ce qui contredit les éléments de preuve contenus dans le CND selon lesquels Boko Haram attaque les écoles, les aéroports et d’autres lieux publics à Lagos et à Abuja, deux des endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur. La conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle rien ne prouvait que Boko Haram poursuivrait la demanderesse contredit également les renseignements contenus dans le CND selon lesquels Boko Haram persécute les adeptes de la religion de la demanderesse et est coupable de violations flagrantes des droits de la personne commises impunément en raison d’une protection gouvernementale inadéquate. En plus de fournir un autre exemple d’utilisation sélective des éléments de preuve, cette conclusion constitue également une erreur fondamentale, puisque les éléments de preuve relatifs aux personnes à risque qui se trouvent dans une situation analogue suffisent pour justifier une conclusion d’absence de protection de l’État : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689.

[28]  La demanderesse soutient que la Section d’appel des réfugiés a manifestement omis de tenir compte des éléments de preuve en affirmant que la demanderesse n’avait produit aucun élément de preuve relatif au risque présent aux endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur. En raison du défaut de la Section d’appel des réfugiés de mener une analyse complète des éléments de preuve, la décision ne peut être maintenue.

2)  Second volet

[29]  Dans un même ordre d’idées, la demanderesse fait valoir que la Section d’appel des réfugiés n’a pas tenu dûment compte des éléments de preuve produits en ce qui a trait au caractère raisonnable de la réinstallation à l’un des endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur, selon le second volet du critère.

[30]  La Section d’appel des réfugiés a fait preuve de fermeture d’esprit en ce qui concerne les éléments de preuve documentaire qui traitent des difficultés liées à la réinstallation des femmes au Nigéria. Le profil de la demanderesse aurait dû être pris en compte; pourtant, la Section d’appel des réfugiés n’a pas reconnu que la demanderesse est une femme de 19 ans qui avait toujours vécu avec ses parents avant de venir au Canada et qui est manifestement vulnérable. Selon le témoignage de la demanderesse : elle ignorait la culture, la langue et les coutumes des habitants des endroits qui constituent des possibilités de refuge intérieur, elle n’avait ni domicile ni maison où aller à ces endroits, elle n’avait jamais travaillé et n’avait aucun emploi qui l’attendait à l’un de ces endroits. Contrairement à la jurisprudence, la Section d’appel des réfugiés n’a pas été sensible à l’égard de l’âge, du sexe, du niveau de scolarité, des origines ethniques, de la religion, de la situation financière, de la capacité de subvenir à ses besoins ou du réseau de soutien de la demanderesse : Idrees c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1194.

[31]  La demanderesse a produit dans le cadre de son appel des éléments de preuve documentaire objectifs portant sur la discrimination à laquelle sont soumises les personnes qui retournent au Nigéria, tels que le CND, le Country of Origin Information Report du R.-U. sur le Nigéria et le rapport de la mission d’enquête conjointe de 2008 du R.-U. et du Danemark. La Section d’appel des réfugiés a fait fi de certains renseignements pertinents, notamment : les personnes réinstallées se voient souvent refuser l’accès aux moyens, droits et privilèges dont les populations locales bénéficieraient, les femmes célibataires qui sont jeunes et attrayantes sont vulnérables aux mauvais traitements, au harcèlement et à la traite de personnes en cas de réinstallation sans moyens financiers ni réseau familial, les femmes qui se réinstallent font face à des désavantages sociaux et humanitaires, y compris un manque de logement et de perspectives d’emploi, ainsi que la crainte de perdre leur propre réseau social. En affirmant que la demanderesse faisait face à des obstacles limités à l’égard de sa réinstallation à l’un des endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur en raison de ses études et de sa capacité à parler l’anglais et les langues nationales, la Section d’appel des réfugiés n’a pas tenu compte des éléments de preuve relatifs aux difficultés auxquelles font face les femmes en cas de réinstallation au Nigéria.

[32]  En outre, la Section d’appel des réfugiés n’a porté aucune attention à la constitution psychologique de la demanderesse, qui est capitale lorsqu’il s’agit de déterminer si la possibilité de refuge intérieur est raisonnable et dont on ne peut faire fi : Okafor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1002, aux paragraphes 11, 13 et 15 [Okafor]. Selon l’évaluation psychologique de Natalie Riback, la demanderesse avait les symptômes correspondant au trouble de stress post-traumatique, au trouble anxieux généralisé et au trouble dépressif majeur. En concluant que la demanderesse pouvait se réinstaller au Nigéria en toute sécurité, la Section d’appel des réfugiés n’a pas tenu compte de son état psychologique, une considération importante étant donné la nécessité pour la demanderesse de suivre des traitements psychologiques continus.

[33]  En raison du fait que les considérations ci-dessus n’ont pas été prises en compte dans la décision, la demanderesse soutient que la Section d’appel des réfugiés n’a pas examiné l’ensemble des éléments de preuve en faisant preuve d’ouverture d’esprit.

3)  Absence d’évaluation indépendante

[34]  La demanderesse soutient également que la Section d’appel des réfugiés ne s’est pas efforcée de manière raisonnable d’explorer avec un esprit ouvert les arguments qu’elle avançait, en préférant plutôt s’en remettre chaque fois aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés, sans soupeser les deux côtés des questions en litige. La Section d’appel des réfugiés a revu les arguments de la Section de la protection des réfugiés et fourni les mêmes motifs dans son refus. Bien que la Section de la protection des réfugiés doive se voir accorder une certaine déférence, la Section d’appel des réfugiés doit effectuer sa propre évaluation de l’ensemble des éléments de preuve afin de décider si la Section de la protection des réfugiés s’est fondée sur un mauvais principe de droit ou n’a pas évalué les faits au point de commettre une erreur manifeste et dominante. Pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit, la Section d’appel des réfugiés doit appliquer la norme de la décision correcte : Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799, au paragraphe 98.

[35]  La demanderesse soutient que la décision fournit peu d’indices pour démontrer que la Section d’appel des réfugiés a mené une évaluation indépendante de sa demande d’asile compte tenu de l’absence de mention de son témoignage ou des éléments de preuve propres à la conclusion selon laquelle elle avait une possibilité de refuge intérieur viable et des arguments avancés dans le cadre de l’appel de la demanderesse.

[36]  Par conséquent, la demanderesse demande l’annulation de la décision.

B.  Défendeur

[37]  Le défendeur soutient que la décision est raisonnable. La Section d’appel des réfugiés a mené une évaluation indépendante des éléments de preuve, comme il est mentionné plusieurs fois tout au long de la décision, en mentionnant précisément certains éléments de preuve. Le peu de mentions des conclusions tirées par la Section de la protection des réfugiés démontre l’adoption des conclusions de la Section de la protection des réfugiés concernant certains éléments de preuve, et non pas un défaut de la part de la Section d’appel des réfugiés de procéder à un examen indépendant de la demande d’asile. Le fait que la Section d’appel des réfugiés est parvenue à la même conclusion que la Section de la protection des réfugiés ne signifie pas que la Section d’appel des réfugiés a omis de mener une évaluation indépendante.

[38]  De plus, l’analyse relative à la possibilité de refuge intérieur ne recèle aucune erreur. La Section d’appel des réfugiés a appliqué correctement le critère énoncé dans Rasaratnam, précitée. Le défendeur précise que, lorsque la question d’une possibilité de refuge intérieur est soulevée, il incombe au demandeur d’asile de démontrer l’absence de possibilité de refuge intérieur; en l’espèce, la demanderesse ne s’est pas acquittée de ce fardeau. Le défendeur remarque également que la demanderesse n’a pas fourni de nouvel élément de preuve ni demandé la tenue d’une audience devant la Section d’appel des réfugiés.

1)  Premier volet

[39]  En ce qui a trait aux éléments de preuve documentaire objectifs, la Section d’appel des réfugiés a fait les observations suivantes : il est presque toujours possible, comme dans le cas présent, de se réinstaller ailleurs au Nigéria pour échapper aux mauvais traitements infligés par des agents ne relevant pas de l’État; en l’absence de circonstances exceptionnelles, une telle réinstallation n’est pas excessivement difficile; il n’est pas illégal pour les ressortissants nigérians de demander l’asile à l’étranger, comme l’a fait la demanderesse; et aucun rapport d’une ONG nigériane n’indiquait que les demandeurs d’asile déboutés qui retournent au pays sont victimes de violations des droits de la personne. La demanderesse pouvait donc retourner au pays en toute sécurité.

[40]  Pour ce qui est de la crainte de persécution, la Section d’appel des réfugiés a précisé que la demanderesse n’avait pas fourni d’éléments de preuve convaincants pour étayer son argument selon lequel elle ne serait pas soustraite au risque de persécution aux endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur. La Section d’appel des réfugiés a conclu de manière raisonnable que la demanderesse n’avait pas expliqué de manière raisonnable pourquoi elle craignait d’être persécutée aux endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur, en faisant les observations ci-après concernant les agents de persécution : les agents n’avaient ni les moyens ni la volonté de rechercher la demanderesse aux endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur; les agents n’ont pas prétendument recherché la demanderesse depuis son départ; et les agents n’avaient pas les moyens, la volonté, ni la capacité de la trouver dans un pays de 177 millions d’habitants. La Section d’appel des réfugiés a également conclu que la demanderesse n’était pas bien connue et qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve convaincants pour suggérer que la police la recherchait partout au Nigéria.

[41]  Le défendeur n’est pas d’accord avec la demanderesse lorsqu’elle soutient que la Section d’appel des réfugiés n’a pas pris en compte ses éléments de preuve relatifs à sa crainte d’être persécutée. La Section d’appel des réfugiés s’est précisément penchée sur la possibilité que la police la recherche, mais a conclu de manière raisonnable que les éléments de preuve n’étaient pas convaincants. De plus, la Section d’appel des réfugiés n’a pas affirmé que la demanderesse n’avait fourni aucun élément de preuve, mais a plutôt affirmé que les éléments de preuve n’étaient pas convaincants selon la prépondérance des probabilités.

[42]  Par conséquent, la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle la demanderesse était capable de vivre à l’un des endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur sans courir de risque séreux d’être persécutée était raisonnable, étant donné l’absence de tout élément de preuve convaincant présenté par la demanderesse pour établir qu’elle pourrait être retrouvée.

2)  Second volet

[43]  Dans le cadre de l’analyse du second volet, il était raisonnable pour la Section d’appel des réfugiés de conclure que la demanderesse pouvait se réinstaller à l’un des endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur parce qu’il n’y avait aucun obstacle social, économique ou autre grave. Toute réinstallation entraînera des difficultés, mais le seuil pour le critère du caractère déraisonnable est très élevé et nécessite l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité du demandeur d’asile : Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164, aux paragraphes 14 et 15.

[44]  En outre, les directives ne modifient pas le critère bien établi pour la possibilité de refuge intérieur, mais donnent des orientations sur l’évaluation du poids et de la crédibilité de la preuve : Syvyryn c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1027 [Syvyryn]. Dans Syvyryn, le décideur n’a pas pris en compte les facteurs pertinents, en se fondant uniquement sur le fait que la demanderesse avait vingt années d’expérience dans le domaine de la comptabilité, sans tenir compte de son âge, de son sexe et de sa situation personnelle. Les faits de l’espèce se distinguent toutefois de cette affaire parce que la Section d’appel des réfugiés a relevé le niveau de scolarité et les compétences linguistiques de la demanderesse, ainsi que sa familiarité avec les coutumes et les normes culturelles observées aux endroits qui constituent une possibilité de refuge intérieur, puisqu’elle a passé toute sa vie au Nigéria. La Section d’appel des réfugiés a également mentionné les bonnes perspectives d’emploi de la demanderesse et le soutien financier qu’elle reçoit de sa mère. De plus, la Section d’appel des réfugiés a indiqué les mentions par la Section de la protection des réfugiés des éléments de preuve documentaire qui indiquaient que des ressources sont offertes aux femmes vulnérables menacées de mutilation génitale féminine qui se sont réinstallées au Nigéria et qui ont besoin de protection physique.

[45]  Le défendeur soutient que la demanderesse ne tient pas compte du seuil élevé à atteindre pour s’opposer à la viabilité d’une possibilité de refuge intérieur et de son fardeau de produire des éléments de preuve propres à sa situation. La Section d’appel des réfugiés mentionne l’expérience, les compétences linguistiques, les études, le niveau de connaissances et le soutien financier maternel de la demanderesse, dont elle pourrait continuer de bénéficier après sa réinstallation.

[46]  Le défendeur soutient également que les faits de l’espèce sont semblables à ceux de Okechukwu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1142 [Okechukwu] et de Odurukwe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 613, aux paragraphes 44 à 49, dans lesquelles des décisions relatives à des possibilités de refuge intérieur pour une femme au Nigéria ont été maintenues.

[47]  Par conséquent, le défendeur fait valoir que la Section d’appel des réfugiés a examiné de manière raisonnable les éléments de preuve dans le cadre de son analyse de la possibilité de refuge intérieur, au terme de laquelle elle a conclu que plusieurs villes seraient des lieux sûrs aux fins de réinstallation de la demanderesse. Le défendeur demande le rejet de la présente demande de contrôle judiciaire.

3)  Observations soumises après l’audience

[48]  Le défendeur soutient que la demanderesse est mal avisée d’invoquer Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 49 [Kanthasamy], et qu’il ne s’applique pas à la question de la possibilité de refuge intérieur. Cet arrêt portait sur une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, un type de demande que la Section d’appel des réfugiés n’examine pas. L’obligation de la Section d’appel des réfugiés consiste à accorder la protection aux réfugiés au sens de la Convention et aux personnes à protéger, et une décision relative à une possibilité de refuge intérieur est en soi une évaluation qui doit tenir compte des conditions dans le pays. Un rapport de psychologue comme celui de Mme Riback n’est pas suffisant pour faire échec à une décision relative à une possibilité de refuge intérieur. Dans la décision rendue dans Okechukwu, précitée, il a été jugé, au paragraphe 39, qu’un rapport de psychologue « a[vait] été peu utile pour trancher la question de la possibilité de refuge intérieur, puisqu’il ne portait pas sur les conditions au Nigéria et ne tenait pas compte des effets psychologiques de la relocalisation à l’intérieur du pays ». Le défendeur soutient que les mêmes limites s’appliquent au rapport de Mme Riback.

VIII.  DISCUSSION

[49]  La Section d’appel des réfugiés a conclu qu’[traduction] « étant donné que la question de la possibilité de refuge intérieur est déterminante […], il n’y a pas lieu d’évaluer la crédibilité ou les autres questions soulevées par la demanderesse ». La décision de la Section d’appel des réfugiés porte donc uniquement sur les possibilités de refuge intérieur.

[50]  La demanderesse a soulevé un certain nombre de points à examiner. Après examen de la décision et des observations (écrites et orales) des avocats des deux parties, je conclus que le seul point substantiel soulevé par la demanderesse dans le cadre de la présente demande vise le défaut allégué de la Section d’appel des réfugiés de prendre en compte la constitution psychologique de la demanderesse lors du traitement du second volet du critère relatif aux possibilités de refuge intérieur énoncé dans Rasaratnam, précitée.

[51]  Comme la Cour l’a fait remarquer dans Okafor, précitée :

[13]  La Cour estime que les propos du juge Mosley dans la décision Cartagena c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 289, au paragraphe 11, s’appliquent en l’espèce :

[11] […] La preuve psychologique est capitale lorsqu’il s’agit de déterminer si la PRI est raisonnable; on ne peut en faire fi (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 97 F.T.R. 139, [1995] A.C.F. no 1044). Le tribunal n’a pas évalué à fond le caractère raisonnable des endroits proposés comme PRI viable en fonction de la situation de M. Cartagena et de la fragilité de son état d’esprit.

[52]  Le défendeur invoque Okechukwu, précitée, mais, selon l’orientation de la jurisprudence de la Cour, les éléments de preuve psychologiques doivent être pris en compte dans l’analyse relative à une possibilité de refuge intérieur.

[53]  Dans la décision rendue dans Okechukwu, précitée, il a été jugé, au paragraphe 39, qu’un rapport de psychologue « a[vait] été peu utile pour trancher la question de la possibilité de refuge intérieur, puisqu’il ne portait pas sur les conditions au Nigéria et ne tenait pas compte des effets psychologiques de la relocalisation à l’intérieur du pays ».

[54]  En plus de la conclusion tirée dans Okafor, précitée, selon laquelle « [l]a preuve psychologique est capitale lorsqu’il s’agit de déterminer si la possibilité de refuge intérieur est raisonnable; on ne peut en faire fi », le juge Brown a conclu dans Asif c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1323, au paragraphe 33 [Asif], que la question déterminante dans l’analyse relative à la possibilité de refuge intérieur dépendait de l’évaluation du rapport de psychologue, ce qui indique la pertinence des rapports de psychologues quant à l’analyse d’une possibilité de refuge intérieur. Le juge Brown a en fin de compte rejeté la demande parce que la Section d’appel des réfugiés avait agi raisonnablement en soulevant divers problèmes liés au rapport, notamment les suivants : il franchissait la ligne qui sépare l’opinion d’experts du plaidoyer; il contenait des conclusions quant à la crédibilité qu’il est du ressort des commissaires de tirer; il formulait des conclusions très sérieuses quant à la santé mentale du demandeur après une seule entrevue et il faisait état de l’absence de ressources au Pakistan sans fournir aucun élément de preuve. Dans le cas qui nous occupe, la Section d’appel des réfugiés ne tient toutefois nullement compte du rapport, si ce n’est pour donner des motifs raisonnables de le rejeter. La décision Asif a également été décidée après la décision Okechukwu, et donc également après l’arrêt Kanthasamy.

[55]  Dans Verma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 404, aux paragraphes 34 à 36, la juge Strickland, après avoir examiné la jurisprudence applicable, a tiré les conclusions suivantes :

34  La Cour retient également qu’il est déraisonnable d’accorder peu de poids à un rapport psychologique du seul fait que le psychologue n’avait pas une connaissance directe des événements dont il faisait état et que la Section de la protection des réfugiés commet une erreur lorsqu’elle rejette la preuve psychologique d’un expert sans motif (Lainez, au paragraphe 42). Dans un autre cas de jurisprudence, le juge a déterminé que la preuve des tiers qui n’ont pas les moyens de vérifier de façon indépendante les faits au sujet desquels ils témoignent se verra probablement accorder peu de poids, qu’elle soit crédible ou non (Ferguson c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2008 CF 1067, au paragraphe 26). Ce principe a été appliqué à l’évaluation que les décideurs ont faite des rapports présentés par des conseillers (Forde c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2012 CF 147, aux paragraphes 30 et 31) et des lettres d’appui reçues de psychiatres et d’autres professionnels de la santé mentale (Nguyen c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2015 CF 59, aux paragraphes 8 et 9).

35  À mon avis, la jurisprudence laisse entendre que la Section d’appel des réfugiés avait le droit d’évaluer la preuve psychologique en fonction de la source des faits sur lesquels elle reposait, mais qu’elle ne pouvait pas rejeter les rapports seulement parce qu’ils reposaient uniquement sur la preuve présentée par la demanderesse. Cependant, ce n’est pas ce que la Section d’appel des réfugiés a fait en l’espèce. La Section d’appel des réfugiés a plutôt tenu compte de l’ensemble de la preuve, notamment les rapports Riback et Choi, pour déterminer qu’une PRI viable existait pour les demandeurs. Si elle n’a pas accordé beaucoup de poids aux rapports Riback et Choi, ce n’est pas seulement parce qu’ils sont basés sur les déclarations de la demanderesse, mais aussi parce qu’elle a conclu que les analyses n’ont pas été accompagnées d’examens cliniques ni fondées sur de tels examens. Les demandeurs ne sont pas d’accord avec la Section d’appel des réfugiés lorsqu’elle dit que les problèmes qui ont amené la demanderesse à obtenir de l’aide médicale ne sont pas nécessairement un résultat direct des problèmes qu’elle a rencontrés en Inde, mais le rapport Choi mentionne spécifiquement un nombre de facteurs qui ont été attribués à la détresse générale de la demanderesse. De plus, la Section d’appel des réfugiés a conclu que les demandeurs n’ont pas établi que la demanderesse n’aurait pas accès à son traitement aux endroits suggérés comme PRI. Par conséquent, je suis d’avis que la Section d’appel des réfugiés n’a pas évalué la preuve psychologique de façon déraisonnable en l’espèce, surtout en tenant compte que rien ne prouve que la demanderesse a donné suite au traitement et aux médicaments que les auteures de ces rapports ont suggérés.

36.  De plus, comme l’indiquent les décisions Momodu et Abdalghader, il incombe aux demandeurs de prouver qu’il n’existe aucune PRI ou que la PRI suggérée est inadéquate. En l’absence de preuve indiquant que la demanderesse serait incapable d’obtenir le traitement et les médicaments recommandés à l’endroit suggéré comme PRI, cet aspect de la décision rendue par la Section d’appel des réfugiés figure parmi les issues possibles et acceptables (voir par exemple la décision Alves Dias c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2012 CF 722, au paragraphe 22, et la décision Hernandez Gonzalez c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2008 CF 1259, au paragraphe 12 [Gonzalez]).

[Non souligné dans l'original.]

[56]  À mon avis, cela suggère en l’espèce que le rapport de Mme Riback aurait au moins dû être mentionné et évalué.

[57]  Les éléments de preuve psychologiques en l’espèce provenaient de l’évaluation effectuée par Mme Riback, une thérapeute de Toronto. Mme Riback a fait les commentaires ci-après qu’il convient de mentionner :

[traduction]

Selon mes impressions cliniques fondées sur mes observations et mes évaluations, Mme Olalere a des symptômes correspondant à un trouble de stress post-traumatique. Le trouble de stress post-traumatique est un état créé par l’exposition à un ou plusieurs événements psychologiquement pénibles qui ne font pas partie de l’expérience humaine habituelle et qui créeraient une grande détresse chez presque toute personne […]

Mme Olalere a également des symptômes correspondant à un trouble anxieux généralisé et à un trouble dépressif majeur. Elle est très préoccupée par son état d’esprit et désire ardemment guérir psychologiquement et émotionnellement. Mme Olalere ne peut toutefois pas commencer à surmonter les événements passés et le traumatisme qu’ils ont engendrés tant qu’elle est exposée au risque imminent d’être renvoyée au Nigéria. Je crois que le retour de Mme Olalere au Nigéria aura probablement pour effet d’accroître de façon considérable ses symptômes psychologiques et physiques de stress, ce qui entraînerait la détérioration de sa santé psychologique et émotionnelle. L’anxiété et la dépression dont Mme Olalere est actuellement atteinte sont très inquiétantes, surtout compte tenu de son âge. [...] Une jeune femme, comme Mme Olalere, qui a été aux prises avec de tels craintes et traumatismes, a besoin de conseils convenables et d’un solide réseau de soutien afin de retrouver un sentiment de sécurité.

Si Mme Olalere pouvait rester au Canada, un plan de soins médicaux et thérapeutiques pourrait être mis en œuvre, lequel comporterait des médicaments, des conseils convenables et des stratégies qui pourraient l’aider à surmonter la dépression, l’anxiété et les traumatismes qu’elle ressent actuellement.

[58]  La Section d’appel des réfugiés ne cherche pas à prendre en compte cet élément de preuve qui est capital à la question de savoir si la possibilité de refuge intérieur est raisonnable pour la demanderesse.

[59]  À mon avis, le défaut de la Section d’appel des réfugiés de tenir compte de cet élément de preuve rend la décision déraisonnable. L’élément de preuve contredit la conclusion principale selon laquelle [traduction] « il n’y a aucun obstacle social, économique ou autre suffisamment important pour empêcher la réinstallation de la demanderesse dans les villes de Lagos, Ibadan, Port Harcourt ou Abuja ». Ainsi, la Section d’appel des réfugiés aurait dû aborder directement les éléments de preuve psychologique et son défaut de le faire signifie que, en appliquant les principes énoncés dans Cepeda, précitée, la Cour conclut qu’ils ont été négligés ou délibérément écartés.

[60]  Il me semble qu’il sera nécessaire, dans chaque cas, d’examiner le contenu du rapport psychologique et de rechercher s’il soulève des questions qu’il y a lieu d’aborder au second volet de l’analyse relative à la possibilité de refuge intérieur. En l’espèce, il est mentionné dans le rapport que [traduction] « le retour de Mme Olalere au Nigéria aura probablement pour effet d’accroître de façon considérable ses symptômes psychologiques et physiques de stress, ce qui entraînerait la détérioration de sa santé psychologique et émotionnelle ». Il me semble qu’il s’agit là d’un facteur important à prendre en compte relativement à la capacité de la demanderesse de vivre dans l’une des possibilités de refuge intérieur proposées et qui aurait dû être abordé. La Section d’appel des réfugiés n’avait pas à le juger déterminant, mais il est important et a été négligé ou écarté. Lors de tout nouvel examen, la Section d’appel des réfugiés devra également vérifier si des éléments de preuve ont été présentés pour démontrer que l’aide psychologique dont la demanderesse a besoin n’est pas offerte à l’une des possibilités de refuge intérieur au Nigéria.

[61]  Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est d’accord.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée pour réexamen par un tribunal de la Section d’appel des réfugiés constitué différemment.

  2. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3828-16

INTITULÉ :

MARY OLUWATOBI OLALERE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 mars 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :

Le 20 avril 2017

COMPARUTIONS :

Oluwakemi Oduwole

Letebrhan Nugusse

Pour la demanderesse

Laoura Christodoulides

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Topmarké Attorneys

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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