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Date : 20161114


Dossier : T-484-16

Référence : 2016 CF 1264

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

YAZEED ESNAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La présente requête de sursis présentée par M. Yazeed Esnan (le demandeur) a été plaidée en même temps que la requête de sursis présentée par Mme Nesreen Al Madani, la mère du demandeur, dans le dossier T-482-16 : Al Madani c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2016 CF 1263.

[2]               Pour tous les motifs qui suivent, la présente requête est rejetée. Outre les éléments de preuve, les observations et la jurisprudence citée par les parties, la Cour a pris connaissance d’office de la décision rendue par la Cour le 7 novembre 2016 dans  l’affaire British Columbia Civil Liberties Association c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1223, [2016] ACF no 1217 [British Columbia Civil Liberties Association], et a refusé de rendre une ordonnance interlocutoire sursoyant à l’application du paragraphe 10(1) Loi sur la citoyenneté, L. R. C. (1985), ch. C-29, telle que modifiée [la Loi sur la citoyenneté modifiée], en attendant le règlement de la question de la constitutionnalité et de la validité de cette disposition dans l’affaire Monla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), dossier T1570-15 [ordonnance de sursis Monla], et les affaires faisant l’objet d’une gestion de cas commune [les demandes de contrôle judiciaire sur les révocations du groupe 2].

[3]               Les faits à l’origine de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente, qui fait partie des demandes de contrôle judiciaire sur les révocations du groupe 2, et les mesures prises par le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (anciennement le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [le ministre] afin de révoquer la citoyenneté canadienne du demandeur et demander la remise de son passeport canadien ne sont pas contestés.

[4]               Le demandeur est né en Jordanie en 1995. Il est arrivé au Canada avec sa famille. Le demandeur est d’origine palestinienne au moment de son arrivée à Toronto, il possédait un passeport de la Jordanie. Le 6 septembre 2000, le demandeur et les autres membres de sa famille déclarés sont devenus résidents permanents du Canada.

[5]               Le 5 janvier 2004, le père du demandeur, M. Nedal Esnan, a signé sa demande de citoyenneté canadienne. La période de résidence pertinente pour sa demande était du 6 septembre 2000 (date à laquelle il a obtenu le statut de résident permanent) au 4 janvier 2004 (la veille du jour où son père a signé sa demande). Le père du demandeur lui-même a déclaré dans sa propre demande de citoyenneté canadienne qu’il avait été absent du Canada pendant 45 jours au cours des quatre années précédant immédiatement la date de sa demande et qu’il avait été présent au Canada pendant 1 171 jours.

[6]               Le 20 janvier 2005, le demandeur et d’autres membres de sa famille sont devenus citoyens canadiens.

[7]               Après avoir obtenu leur citoyenneté canadienne, les parents du demandeur ont décidé de se rendre au Qatar, ils ont informé l’Agence du revenu du Canada qu’ils ne résideraient pas au Canada à partir du 1er mai 2006, et ils ont fourni une nouvelle adresse de correspondance, soit une case postale à Doha, au Qatar. Quoi qu’il en soit, le 3 septembre 2013, le père du demandeur a acheté une résidence à Bedford, (Nouvelle-Écosse) où le demandeur et sa sœur, Rayah, qui étudient actuellement à l’Université Dalhousie, vivent apparemment. Cela dit, les parents du demandeur vivent à l’étranger avec son frère cadet.

[8]               Le 14 octobre 2011, des copies d’éléments de preuve recueillis par la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] au cours de son enquête visant un consultant en immigration et sa société ont été reçues par Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] et examinées par des analystes. Les clients du consultant en immigration auraient recours aux services du consultant pour faire de fausses déclarations concernant leur résidence au Canada en vue d’obtenir la citoyenneté canadienne. Un dossier client pour le père du demandeur et sa famille immédiate a été trouvé dans le bureau de la société du consultant en immigration et saisi par la GRC. Une demande de citoyenneté canadienne vierge pour le père du demandeur et ce dernier portant la signature du père du demandeur a été trouvée dans le dossier client saisi. La société n’avait pas rempli la section 12 de la demande de citoyenneté canadienne du père du demandeur ou du demandeur où doivent figurer le nom, l’adresse et la signature de la personne, de la société ou de l’organisation qui a aidé à remplir la demande.

[9]               En vertu de l’ancien paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 [l’ancienne Loi sur la citoyenneté], la citoyenneté d’une personne pouvait être révoquée par décret du gouverneur en conseil lorsqu’il était convaincu que la citoyenneté avait été acquise « par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels ». La décision du gouverneur en conseil était fondée sur un rapport du ministre. La personne concernée avait le droit de demander le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale, afin que cette dernière détermine si elle avait acquis la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Le 28 août 2012, un avis d’intention de révocation de la citoyenneté [l’avis de révocation] pour le père et la mère du demandeur, ainsi que pour ce dernier, a été délivré au nom du ministre (nous ne savons pas si les deux autres enfants ont également reçu un avis de révocation).

[10]           La Loi renforçant la citoyenneté canadienne, L.C. 2014, ch. 22, est entrée en vigueur le 28 mai 2015 et prévoit un nouveau processus de révocation de la citoyenneté. Le paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté modifiée prévoit actuellement que le ministre peut révoquer la citoyenneté canadienne d’une personne si « l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels ». Ce n’est que lorsqu’une circonstance exceptionnelle précisée dans la Loi sur la citoyenneté modifiée s’applique que le ministre est maintenant tenu de renvoyer l’affaire à la Cour fédérale en vue d’un jugement déclaratoire. Toutefois, avant de révoquer la citoyenneté de la personne concernée, le ministre doit délivrer un avis précisant « la possibilité pour celle-ci de présenter des observations écrites » et les « motifs sur lesquels le ministre fonde sa décision ». Une audience peut être tenue si le ministre est convaincu qu’il est nécessaire de le faire. Le 31 juillet 2015, un nouvel avis de révocation pour le demandeur a été délivré au nom du ministre.

[11]           Le 2 octobre 2015, des observations écrites ont été présentées par l’avocat au nom du demandeur (et de ses parents). L’avocat a expliqué que le demandeur avait neuf ans lorsqu’il a obtenu la citoyenneté canadienne et que son père avait demandé la citoyenneté canadienne pour lui : [traduction] « [...] il faut que cette personne ait eu l’intention de faire une fausse déclaration pour pouvoir lui révoquer la citoyenneté canadienne, et [...] en raison du fait que [le demandeur] n’était pas au courant de la demande [...] et en raison de son âge au moment de ladite demande, [le demandeur] n’avait pas l’intention de faire une fausse déclaration quant à sa demande de citoyenneté canadienne. » Il y avait également un passage écrit par le demandeur lui-même, à savoir qu’il avait déclaré être étudiant de troisième année à l’Université Dalhousie et qu’il souhaitait travailler pour le gouvernement du Canada à la fin de ses études : [traduction] « Si ma citoyenneté canadienne devait être révoquée, cela nuirait grandement à mes chances de poursuivre des études et de faire carrière. » De plus, l’avocat du demandeur a prétendu que, tandis que le demandeur a reçu un avis de révocation en vertu de l’ancien modèle de révocation de la citoyenneté canadienne le 11 septembre 2012 et qu’il a demandé que son cas soit renvoyé à la Cour fédérale, [traduction] « au lieu de renvoyer l’affaire à la Cour, le ministre a attendu trois ans avant d’opter pour le processus administratif prévu par la loi actuelle. L’option choisie par le ministre a aggravé le préjudice porté au [demandeur], car le délai pour obtenir la citoyenneté canadienne a été porté à dix ans ».

[12]           Le 23 février 2016, le représentant du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a révoqué la citoyenneté du demandeur étant donné qu’elle avait été acquise par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels [la décision contestée].

[13]           Le représentant a conclu ce qui suit à cet égard : [traduction]

Dans leurs demandes de citoyenneté canadienne, M. Esnan et Yazeed Esnan ont déclaré que leur adresse domiciliaire était le    303-11, rue Amin, Bedford, (Nouvelle-Écosse) de juin 2003 jusqu’à la date du dépôt de la demande auprès de CIC. Toutefois, une recherche dans le Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL) sur cette adresse a révélé que six (6) personnes sans lien de parenté M. Esnan et Yazeed Esnan avaient déclaré habiter à cette adresse durant la même période qu’ils ont déclaré y vivre. M. Esnan et Yazeed Esnan ont donné le 301-1160, route Bedford, Bedford (Nouvelle-Écosse) comme adresse postale. Toutefois, cette adresse correspond à l’adresse légale de CCG. M. Esnan et Yazeed Esnan ont déclaré que leur numéro de téléphone à domicile était le 902-832-1911 et que leur numéro de téléphone au travail était le 902-832-1915. Il est ressorti d’une recherche faite dans Google le 16 juillet 2012 que ces numéros de téléphone sont ceux de CCG. Ainsi, les coordonnées fournies par M. Esnan et Yazeed Esnan dans leurs demandes de citoyenneté canadienne semblent être celles de CCG et non les leurs. En outre, il n’est pas fait mention à la section 12 de la demande de M. Esnan et de Yazeed Esnan que CCG les a aidée à remplir leurs demandes.

Une recherche effectuée sur LinkedIn le 8 juillet 2015 relativement à M. Esnan, sous le nom de Nedal Sinan, précise que son employeur est Al Hamed Development & Construction à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, de septembre 2000 à janvier 2004, soit la période de résidence pertinente pour sa demande de citoyenneté canadienne. Il s’agit là d’une entreprise de construction locale aux Émirats arabes unis. Cette entreprise ne semble pas être commercialement présente au Canada et il ne semble pas non plus qu’elle engage des personnes pour qu’elles travaillent à distance au Canada.

Dans le cadre des arguments écrits de Yazeed Esnan, M. Barchichat a fourni des copies des relevés de carte de crédit Visa de la Banque Royale du Canada (RBC) détaillant les transactions effectuées sur la période allant du 31 juillet 2104 au 7 août 2015 inclusivement. Cependant, l’affaire qui nous concerne ne porte pas sur la résidence de Yazeed Esnan au Canada dans un passé récent. L’obtention par Yazeed Esnan de la citoyenneté canadienne découle directement de l’obtention par son père, M. Esnan, de la citoyenneté canadienne. Étant donné que l’approbation de sa demande de citoyenneté canadienne dépendait de l’octroi de la citoyenneté canadienne à son père, il s’agit de savoir si M. Esnan a obtenu ou non la citoyenneté canadienne frauduleusement ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Je note que toutes ces transactions ont eu lieu en dehors de la période de résidence pertinente pour la demande de citoyenneté canadienne de M. Esnan. Par conséquent, elles ne dissipent pas mes doutes relativement au fait qu’il n’a pas divulgué toutes ses absences du Canada sur sa demande de citoyenneté canadienne.

M. Barchichat a également fourni une lettre datée du 10 décembre 2013 qu’un avocat a adressée à M. Esnan. Cette lettre détaille l’achat d’une maison à Bedford (Nouvelle-Écosse), ainsi que la convention d’achat et de vente, datée du 3 septembre 2013 et signée par M. Esnan, de cette maison située au 120, Southgate Drive, unité 409, Bedford (Nouvelle-Écosse) B4A 0B1. Cependant, je note que cette transaction a eu lieu en dehors de la période de résidence pertinente pour la demande de citoyenneté canadienne de M. Esnan. Par conséquent, elle ne dissipe pas mes doutes relativement au fait qu’il n’a pas divulgué toutes ses absences du Canada sur sa demande de citoyenneté canadienne.

[…]

Je remarque que ce n’est pas Yazeed Esnan qui a rempli sa demande de citoyenneté canadienne, mais son père, M. Nedal Esnan. Yazeed Esnan a obtenu la citoyenneté canadienne compte tenu du fait que son père était devenu citoyen canadien en vertu du paragraphe 5(2) de la Loi sur la citoyenneté. Étant donné qu’il n’était pas possible pour Yazeed Esnan de devenir citoyen canadien sans que son père devienne d’abord citoyen canadien, la fausse déclaration intentionnelle de son père sur sa demande de citoyenneté canadienne a donc été étendue à sa demande de citoyenneté canadienne, ce qui signifie que Yazeed Esnan a acquis la citoyenneté canadienne sur la base de la fausse déclaration, de la fraude ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels commise par M. Esnan.

[…]

[...] Le 29 mai 2015, les dispositions de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne sont entrées en vigueur et ont introduit un nouveau modèle décisionnel pour la révocation de la citoyenneté canadienne. Étant donné que le ministre n’avait pas déposé de plainte devant la Cour fédérale en date du 29 mai 2015, les dispositions transitoires de la Loi sur la citoyenneté prévoient que l’avis que Yazeed Esnan a reçu le 11 septembre 2012 soit annulé et que le ministre puisse lui fournir un avis en vertu du paragraphe 10(3) et donner suite à sa requête en vertu du nouveau processus de révocation de la citoyenneté canadienne, et ledit avis a été signé le 31 juillet 2015. Je constate qu’il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire accordé au ministre dans les dispositions transitoires susmentionnées; s’il n’y a pas de procédure en cours devant la Cour fédérale avant l’entrée en vigueur du nouveau modèle décisionnel pour la révocation de la citoyenneté canadienne, l’avis d’intention de révocation de la citoyenneté qui avait déjà été signifié est annulé par application de la loi. Dans ce cas, le ministre a choisi de présenter un nouvel avis d’intention de révocation de la citoyenneté en vertu du nouveau modèle de révocation de la citoyenneté canadienne et cet avis d’intention de révocation de la citoyenneté a été signé et envoyé à Yazeed Esnan sans délai.

Il est vrai que la durée de l’interdiction de se voir accorder la citoyenneté canadienne ou de prêter le serment de citoyenneté en raison de la révocation de la citoyenneté canadienne a été portée à dix (10) ans; toutefois, il s’agissait d’un changement intentionnel apporté à la Loi sur la citoyenneté par le gouvernement du Canada et son incidence sur Yazeed Esnan est une conséquence directe des fausses déclarations que son père a faites dans sa demande de citoyenneté canadienne. On ignore en quoi Yazeed Esnan ne pourrait pas poursuivre de carrière et ses objectifs comme l’a déclaré M. Barchichat, car Yazeed Esnan n’a pas démontré le préjudice qu’il subirait en raison de la révocation de sa citoyenneté canadienne. Je remarque que Yazeed Esnan deviendrait un résident permanent du Canada si sa citoyenneté canadienne était révoquée et qu’il serait donc autorisé à continuer de résider au Canada. Je constate aussi qu’à ce jour, il a joui des privilèges de la citoyenneté canadienne.

Selon la prépondérance des probabilités, M. Esnan a fait de fausses déclarations dans sa demande de citoyenneté canadienne en omettant de divulguer toutes ses absences du Canada pendant la période de résidence pertinente allant du 6 septembre 2000 au 4 janvier 2004 et en omettant de déclarer qu’il avait reçu l’aide de CCG pour remplir sa demande et celle de Yazeed Esnan. Par conséquent, le juge de la citoyenneté et l’agent de la citoyenneté qui ont examiné sa demande ne disposaient pas de renseignements exacts lorsqu’ils se sont prononcés sur la question de savoir si M. Esnan satisfaisait aux conditions de résidence énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté lorsque sa demande de citoyenneté canadienne a été approuvée par le juge de la citoyenneté le 14 décembre 2004 et que la citoyenneté canadienne lui a été accordée par l’agent de la citoyenneté le 15 décembre 2004.

M. Esnan a signé une demande de citoyenneté canadienne au nom de son fils, Yazeed Esnan, le 5 janvier 2004 et il est devenu citoyen canadien le 20 janvier 2005. Bien que j’aie pris en considération les arguments présentés par M. Barchichat au nom de Yazeed Esnan, je suis d’avis qu’ils n’atténuent pas le fait qu’il a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels directement en conséquence de la fausse déclaration faite par son père.

[14]            Dans la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sous-jacente qui a été déposée et signifiée le 23 mars 2016, le demandeur conteste la légalité de la décision contestée au motif que les paragraphes 10(3) et (4) de la Loi sur la citoyenneté modifiée par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, portent atteinte à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, (R.-U.), 1982, ch. 11 [Charte canadienne des droits et libertés]; que l’avis d’intention de révocation de la citoyenneté, daté du 31 juillet 2015, est nul et sans effet étant donné qu’il porte atteinte à l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44, et aux dispositions transitoires de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne; et que le défendeur a autrement abusé du processus en raison du temps qui s’est écoulé.

[15]           Il importe ici de souligner que deux mois avant la signification et le dépôt de la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision contestée, par une ordonnance datée du 19 janvier 2016 [l’ordonnance de sursis Monla], la Cour a interdit au ministre de prendre des mesures ou d’engager des procédures conformément à l’avis de révocation de la citoyenneté dans huit demandes précises d’autorisation et de contrôle judiciaire jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans ces affaires. Ce faisant, le juge Zinn a rejeté les requêtes en radiation de ces demandes du ministre au motif qu’elles étaient prématurées et que les demandeurs devaient présenter, en vertu de la Loi sur la citoyenneté modifiée, des observations au ministre quant à savoir s’il devrait y avoir révocation : Monla c. Canada (Citoyenneté et immigration), 2016 CF 44, [2016] ACF no 58, aux paragraphes 57 à 83 [Monla].

[16]           Cela dit, le juge Zinn était convaincu que les demandeurs dans l’affaire Monla satisfaisaient au critère à trois volets pour l’octroi d’un sursis : 1) qu’une question étant ni frivole, ni vexatoire, a été soulevée; 2) que le demandeur subira un préjudice irréparable au cours de la période intérimaire, à savoir entre la date de la requête et le règlement de la demande, si le sursis est rejeté; et 3) que la prépondérance des inconvénients est favorable au demandeur (Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 1988 CanLII 1420 (FCA), 86 NR 302 (CAF) et RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), 1994 CanLII 117, [1994] 1 R.C.S. 311).

[17]           Dans la décision Monla, le juge Zinn fait remarquer ce qui suit aux paragraphes 85 à 88 :

[85]      La conclusion antérieure selon laquelle les demandes n’ont aucune chance d’être accueillies suffit pour établir qu’il y a au moins plus d’une question sérieuse ayant été soulevée. Ces questions sérieuses comprennent les suivantes : déterminer si les dispositions transitoires exigent que les avis de révocation soient nuls; déterminer si les avis devraient être annulés parce qu’ils constituent un abus de procédure; et déterminer si la procédure de révocation prévue aux termes de la Loi modifiée viole la Charte, la Déclaration des droits et les principes généraux du droit administratif.

[86]      Dans toutes les demandes, à une exception près, le ministre a initié une procédure de révocation en vertu de l’ancienne Loi, mais a choisi de ne pas renvoyer l’affaire à la Cour fédérale aux fins de décision. Dans ces demandes, on prétend que, compte tenu du fait que le ministre n’a pas donné suite aux demandes en vertu de l’ancienne Loi, ses nouveaux avis sont nuls et constituent en outre un abus de procédure. Dans la demande restante, T-1696-15 (NADA), l’avis est accepté comme ayant été délivré de manière valide conformément aux dispositions de la Loi modifiée, mais on affirme que le ministre a commis un abus de procédure en retardant sa signification depuis plus d’une décennie.

[87]      Je partage l’avis des demandeurs que les soumettre à la procédure prévue dans la Loi modifiée avant d’avoir établi la validité des avis les assujettirait à une procédure que l’on pourrait ultimement déterminer comme étant invalide et inconstitutionnelle. Je conviens également que les allégations selon lesquelles la procédure constitue un abus de procédure semblent vraisemblables. Enfin, je reconnais que le fait d’exiger que les demandeurs participent à une procédure les obligeant à dévoiler leur cas en répondant aux nouveaux avis risquerait fort bien de leur causer un préjudice s’il est déterminé par la suite qu’ils auraient dû se présenter devant la Cour fédérale pour une action dans laquelle le ministre doit assumer le fardeau de la preuve. Je conviens que chacune de ces réelles possibilités augmente la probabilité que l’omission de suspendre la procédure de révocation en attendant qu’une décision soit rendue concernant les demandes de contrôle judiciaire constitue un préjudice irréparable.

[88]      Je suis également convaincu que la prépondérance des inconvénients n’est pas favorable au ministre. Ce dernier a eu amplement l’occasion d’entamer les procédures, il y a de nombreuses années, en vue de révoquer la citoyenneté de ces demandeurs, ce qu’il a choisi de ne pas faire ou a omis de faire. Il ne peut pas, raisonnablement affirmer, maintenant, que le gouvernement du Canada et lui-même subiront un préjudice en raison du retard qui sera accusé par suite de l’octroi du sursis alors que lui-même a été responsable, des années durant, du retard occasionné dans la prise des mesures nécessaires pour faire progresser ces instances.

[18]           Étant donné que la Cour a ordonné que ces demandes fassent l’objet d’une gestion d’instance en tant que groupe [les demandes de contrôle judiciaire sur les révocations du groupe 2] et qu’on s’attendît à ce que d’autres demandes de contrôle judiciaire soient déposées, à la suite d’une conférence de gestion de l’instance tenue le 5 février 2016 relativement aux demandes de contrôle judiciaire sur les révocations du groupe 2, le 23 février 2016, la Cour a rendu une ordonnance par laquelle elle empêchait dans les faits le ministre de prendre des mesures pour donner suite à des avis futurs de révocation de la citoyenneté à condition que la personne visée ait présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision [l’ordonnance de gestion de l’instance].

[19]           Le paragraphe 3 de l’ordonnance de gestion de l’instance prévoit ce qui suit :

[traduction]

Le ministre ne doit prendre aucune mesure ni entreprendre aucune procédure au titre d’un avis de révocation de la citoyenneté canadienne délivré en vertu de la Loi sur la citoyenneté, modifiée par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, relativement à une demande de contrôle judiciaire qui est actuellement ou qui sera ultérieurement incluse dans les demandes de contrôle judiciaire des révocations du groupe 2 tant que le demandeur n’aura pas été avisé et que les questions juridiques communes n’auront pas été débattues en fonction des causes types qui auront été tranchées de façon définitive.

[20]            En ce qui concerne les demandes de contrôle judiciaire sur les révocations du groupe 2, la Cour a énoncé trois questions qui doivent être traitées par elle en fonction des huit causes types en litige, lesquelles seront débattues lors d’une audience de trois jours qui devrait commencer à Toronto le 15 novembre 2016 :

[traduction]

(a)                Le ministre peut-il délivrer un nouvel avis de révocation de la citoyenneté canadienne après l’entrée en vigueur de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, faisant ainsi entrer en jeu la nouvelle procédure de révocation, ou, lorsque le ministre a délivré un avis de révocation en vertu de l’ancienne loi (et le demandeur a demandé un renvoi à la Cour fédérale, mais le ministre n’a pas procédé à ce renvoi) conformément aux dispositions transitoires de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, la révocation doit-elle être jugée en fonction des dispositions de l’ancienne loi?

(b)               L’un ou l’autre des paragraphes 10(1), 10(3), ou 10(4) de la Loi sur la citoyenneté, modifiée par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, est-il inconstitutionnel parce qu’il viole l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et (ou) les alinéas 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits?

(c)                L’article 10 de la Loi sur la citoyenneté, modifiée par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, soumet-il une personne à des traitements ou peines cruels et inusités en violation de l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés?

[21]           Le 24 mars 2016, le juge Zinn, qui est responsable de la gestion d’instance des demandes de contrôle judiciaire sur les révocations du groupe 2, a donné la directive d’ajouter au groupe la demande de contrôle judiciaire sous-jacente.

[22]           Par pure coïncidence, la décision contestée révoquant la citoyenneté canadienne de la demanderesse a été prise le jour même où la Cour a rendu l’ordonnance de gestion de l’instance, soit le 23 février 2016. Lorsque la citoyenneté d’un demandeur a été révoquée avant le dépôt d’une demande d’examen de la décision de révocation, la Cour, au paragraphe 4 de l’ordonnance de gestion de l’instance, a dit que le ministre pouvait continuer le processus et demander que le demandeur remette son passeport canadien, sauf si une autre ordonnance, rendue à la suite d’une requête présentée par le demandeur, l’interdit :

Si le ministre, en vertu de la Loi sur la citoyenneté, modifiée par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, a révoqué la citoyenneté canadienne du demandeur, alors, sous réserve d’une autre ordonnance de la Cour, le ministre peut demander au demandeur de remettre son passeport canadien.

[23]           En fait, dans une lettre datée du 24 août 2016, le ministre a demandé au demandeur de remettre son passeport canadien, déclarant  notamment que [traduction] « si nous ne recevons pas de renseignements du  [demandeur] avant le 9 septembre 2016, la présente constituera l’avis définitif de la décision prise par le ministre de révoquer le passeport ».

[24]           Le 7 septembre 2016, l’avocat du demandeur a adressé au ministre une demande de prorogation jusqu’au 30 septembre 2016.

[25]           Le 9 septembre 2016, l’avocat du demandeur a écrit au juge Zinn pour obtenir les directives de la Cour concernant cette affaire, [traduction] « permettant au demandeur de conserver sa citoyenneté et son passeport jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur [l’ordonnance de gestion de l’instance] au sujet des causes types ».

[26]           Le 14 septembre 2016, le juge Zinn a donné les directives suivantes :

La Cour a examiné la lettre de l’avocat du demandeur datée du 9 septembre 2016. Il semble que la citoyenneté du demandeur ait été révoquée le 23 février 2016.

L’ordonnance rendue par la Cour le 23 février 2016 dans le dossier T-1570-15 stipule que lorsqu’un avis de révocation de la citoyenneté a été émis, le ministre ne prendra aucune mesure au titre de celui-ci une fois que la question aura été soumise à la Cour et incluse dans les dossiers gérés du groupe 2, dont les conditions semblent avoir été remplies le 29 mars 2016. L’ordonnance prévoit en outre que si la citoyenneté a été révoquée, le ministre peut, sous réserve d’une nouvelle ordonnance du tribunal, demander la restitution du passeport canadien. Il semble que la citoyenneté du demandeur ait été révoquée le même jour que l’ordonnance a été rendue.

Le ministre doit informer la Cour et l’avocat du demandeur dans un délai d’une semaine si les circonstances décrites ci-dessus sont exactes et si le ministre continue de demander la restitution du passeport. Dans l’affirmative, le demandeur sera tenu d’introduire une requête, vraisemblablement en vertu de l’article 369, demandant le sursis à la décision de révoquer et la restitution du passeport.

[27]           Le 20 septembre 2016, l’avocat du défendeur a écrit à la Cour pour confirmer ce qui suit :

[traduction]

La présente lettre fait suite à l’ordonnance rendue par l’honorable juge Zinn le 14 septembre 2016. Le défendeur confirme que la citoyenneté du demandeur a été révoquée et que le Programme de passeport peut demander la restitution du passeport canadien qui a été délivré au demandeur.

Le défendeur aimerait également informer la Cour que le Programme de passeport a l’intention de poursuivre la révocation du passeport délivré au demandeur. Si le demandeur souhaite déposer une requête concernant la décision du Programme de passeport, il doit déposer une demande distincte de contrôle judiciaire de cette décision.

[28]           Dans la présente requête présentée en vertu de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, telle que modifiée, le demandeur demande à la Cour de suspendre toute mesure prise par le défendeur en vertu de la Loi sur la citoyenneté modifiée et du Décret sur le passeport canadien, TR/81-86, à la suite de la décision contestée, rendue le 23 février 2016, de révoquer la citoyenneté canadienne du demandeur. La Cour a entendu les observations des avocats à Montréal (Québec) le 1er novembre 2016.

[29]           Je ne suis pas convaincu que le demandeur remplit les trois conditions du critère pour obtenir un sursis ou la délivrance d’une injonction interlocutoire.

[30]           Premièrement, les questions constitutionnelles soulevées par le demandeur dans son avis de demande d’autorisation et de contrôle judiciaire – qui ne sont ni frivoles ni vexatoires – respectent le seuil très bas d’une question sérieuse (voir la décision Monla, aux paragraphes 85 à 87). À la date de la présente ordonnance, il n’y a pas eu d’autre ordonnance de la Cour en vertu du paragraphe 4 de l’ordonnance de gestion de l’instance. La présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire est suspendue en attendant le règlement définitif des causes types sur les questions juridiques communes définies par le juge Zinn dans l’ordonnance de gestion de l’instance.

[31]           Deuxièmement, je ne suis pas convaincu que le demandeur subirait un préjudice irréparable si la Cour rejetait le sursis ou l’injonction interlocutoire demandée par le demandeur.

[32]           Le demandeur suppose à tort qu’il ne peut pas voyager à l’extérieur du Canada de peur de ne pas pouvoir revenir et terminer ses études. Dans son affidavit, il explique qu’en février 2016, il a acheté un billet d’avion pour se rendre à Cancún, au Mexique, mais qu’il a décidé d’annuler son voyage étant donné qu’il n’a pas de carte de résident permanent. En outre, étant d’origine palestinienne et détenteur d’un passeport jordanien, il lui sera de plus en plus difficile de voyager étant donné que davantage de pays exigent un visa d’entrée. Il a l’impression d’être retenu en « otage » et il estime que si, pour quelque raison que ce soit, il doit quitter le Canada, les autorités canadiennes ne l’autoriseront pas à revenir au Canada. En outre, ses projets d’études de troisième cycle à l’étranger devront être réexaminés si sa demande de suspension de l’instance n’est pas accordée.

[33]           L’alinéa 46(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [la LIPR] prévoit ce qui suit :

(2) Devient résident permanent quiconque perd la citoyenneté :

(2) A person becomes a permanent resident if he or she ceases to be a citizen under

 

[…]

 

[…]

 

b) soit au titre du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, sauf s’il est visé à l’article 10.2 de cette loi;

(b) subsection 10(1) of the Citizenship Act, other than in the circumstances set out in section 10.2 of that Act; or

 

[…]

 

[…]

 

[34]           L’article 10.2 de la Loi sur la citoyenneté modifiée est rédigé comme suit :

10.2 Pour l’application des paragraphes 10(1) et 10.1(1), a acquis la citoyenneté ou a été réintégrée dans celle-ci par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne ayant acquis la citoyenneté ou ayant été réintégrée dans celle-ci après être devenue un résident permanent, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, par l’un de ces trois moyens.

10.2 For the purposes of subsections 10(1) and 10.1(1), a person has obtained or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person became a permanent resident, within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of having acquired that status, the person subsequently obtained or resumed citizenship.

 

[35]           Puisque les fausses déclarations du demandeur ont été faites par le père du demandeur dans sa demande de citoyenneté, la révocation de sa citoyenneté a pour effet que le demandeur est devenu résident permanent par application de la loi. Ce dernier statut de résident permanent est en vigueur à la date de révocation de sa citoyenneté, soit le 23 février 2016, et non à la date à laquelle son père a signé sa demande de citoyenneté comme l’a affirmé l’avocat du demandeur. Le demandeur pourra donc quitter le Canada et y revenir, poursuivre ses études à l’Université Dalhousie et voir ses parents et les autres membres de sa famille qui vivent à l’étranger. En tant que résident permanent canadien, le demandeur peut demander et obtenir une carte de résident permanent canadien qui lui permettra de retourner au Canada, s’il respecte son obligation de résidence, s’il décide de voyager à l’étranger temporairement ou de poursuivre des études supérieures à l’étranger. Le demandeur, comme tous les autres citoyens jordaniens, pourra également utiliser un passeport jordanien pour voyager à l’étranger. J’admets que la situation actuelle peut être stressante, mais je ne vois pas comment cela peut constituer un préjudice irréparable. Le demandeur sait depuis février 2016 que sa citoyenneté a été révoquée et que le passeport canadien délivré en son nom peut aussi être révoqué. Il savait qu’il était devenu un résident permanent canadien. Il avait donc amplement le temps de demander une carte de résident permanent du Canada. De plus, les inconvénients allégués par le demandeur, qui doit respecter une obligation de résidence de 730 jours au Canada pour chaque période de cinq ans en vertu de l’article 28 de la LIPR, dans son affidavit ne constituent pas un préjudice irréparable.

[36]           Troisièmement, la prépondérance des inconvénients est favorable au ministre. Le demandeur a choisi, par l’entremise d’un avocat, de présenter des observations écrites exhaustives sur les motifs de révocation mentionnés dans le deuxième avis de révocation. En plus de l’argument relatif au préjudice aggravé causé par le retard, de nombreuses observations ont été faites sur le fond. Il s’avère que le représentant du ministre n’accepte pas ces arguments ou ne trouve pas ces éléments de preuve concluants (notamment parce qu’ils se situent en dehors de la période de résidence pertinente). En particulier, bien que le représentant du ministre ait pris en considération les observations formulées par l’avocat au nom du demandeur, il n’en demeure pas moins qu’il a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels directement en conséquence de la fausse déclaration faite par son père. En outre, le demandeur a choisi d’attendre que la décision contestée soit prise pour contester la constitutionnalité de l’article 10 de la Loi sur la citoyenneté modifiée et l’illégalité du nouveau processus de révocation, et ce malgré le fait que dans la décision Monla, la Cour avait déjà rejeté les requêtes présentées par le défendeur en vue de rejeter les demandes visant à obtenir un bref de prohibition pour des raisons de prématurité.

[37]           Le demandeur fait valoir que l’ordonnance de gestion de l’instance du 23 février 2016 est injuste et discriminatoire parce qu’elle établit une distinction entre les demandes de la nature d’un bref de prohibition prononcé à la réception d’un avis de révocation et les demandes ayant le caractère d’un bref de certiorari où les personnes ont répondu à l’avis de révocation et dont la citoyenneté a par la suite été révoquée. Le demandeur soutient que le fait de suspendre la procédure pour les personnes qui ont introduit un contrôle juridictionnel pour contester la décision de révoquer leur citoyenneté mettra tous les demandeurs à égalité. Cependant, je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’il existe une différence importante, d’un point de vue juridique, entre les personnes qui ont soulevé la question de la décision Monla après avoir reçu l’avis de révocation et celles qui, comme le demandeur, ont déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de révoquer leur citoyenneté. En effet, dans le cas des personnes qui ont déposé un bref de prohibition pour contester l’avis de révocation délivré en vertu de la nouvelle loi, le ministre n’a pas encore rendu de décision quant à savoir si elles ont obtenu la citoyenneté au moyen de fausses déclarations. Ces personnes ont demandé et obtenu un arrêt de la Cour qui reporte le processus de révocation jusqu’à ce que la validité du nouveau régime législatif soit tranchée. En revanche, malgré le fait que la question des retards a été soulevée, le demandeur s’est prévalu de la possibilité de fournir des éléments de preuve et des observations pour contester les allégations contenues dans l’avis de révocation selon lesquelles le demandeur avait obtenu frauduleusement la nationalité canadienne. Le représentant du ministre a examiné les observations du demandeur et conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la citoyenneté du demandeur avait été obtenue à la suite d’importantes fausses déclarations quant à la présence du demandeur au Canada au cours de la période de quatre ans précédant le dépôt de sa demande de citoyenneté.

[38]           De plus, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que le demandeur cherche en effet à suspendre l’application de la loi. Aujourd’hui, le demandeur s’appuie essentiellement sur les arguments constitutionnels présentés dans la décision Monla. Dans sa requête en sursis, le demandeur ne soumet aucun argument supplémentaire pour démontrer que le représentant du ministre a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’il a conclu que le demandeur avait obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels en conséquence de la fausse déclaration faite par le père du demandeur. Lorsque le demandeur a cessé d’être citoyen canadien, il a perdu le droit de détenir un passeport canadien. Lorsqu’une personne a été informée par le ministre qu’un passeport en sa possession doit être retourné au ministre, elle doit le faire sans délai. Le fait de permettre à des personnes de conserver les privilèges associés à la citoyenneté canadienne alors qu’il a été déterminé qu’elles ont obtenu frauduleusement leur citoyenneté nuirait gravement à l’intérêt public. En effet, le recours sollicité par le demandeur équivaudrait à suspendre entièrement la loi et à aller à l’encontre de l’intérêt public pour l’application continue de la loi. De même, le 7 novembre 2016, la Cour a refusé dans l’arrêt British Columbia Civil Liberties de suspendre l’application du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté modifiée à titre interlocutoire en attendant que soit réglée la constitutionnalité et la validité de cette disposition.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis soit rejetée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-484-16

 

INTITULÉ :

YAZEED ESNAN c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er novembre 2016

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 NOVEMBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Marc E. Barchichat

 

Pour le demandeur

Sébastien Dasylva

Anne-Renée Touchette

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barchichat & Associés

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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