Date : 20161110
Dossiers : IMM-3855-15
IMM-3838-15
Référence : 2016 CF 1259
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2016
En présence de madame la juge Elliott
ENTRE : |
FERENC FEHER |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
défendeur |
ORDONNANCE ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Le défendeur présente la présente requête en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (Règles), d’une ordonnance rejetant ces demandes de contrôle judiciaire jointes au motif qu’il ne reste aucun litige actuel entre les parties étant donné que le fondement sous-jacent des décisions examinées est désormais théorique. Le demandeur demande un contrôle judiciaire du refus d’un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de reporter son renvoi en Hongrie et d’un réexamen négatif de cette décision (collectivement, les « décisions »). Cependant, le 31 décembre 2015, le demandeur est devenu admissible à examen des risques avant renvoi (ERAR). Par conséquent, le défendeur soutient que les demandes de contrôle sont maintenant sans objet. Le demandeur ne peut plus être renvoyé sans recevoir un avis d’ERAR, lequel peut lui permettre de jouir d’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. En fait, il a reçu le report qu’il avait initialement demandé et les refus dont il sollicite l’examen ne sont plus en vigueur.
[2] Le demandeur reconnaît que les demandes d’annulation des décisions sont désormais sans objet. Cependant, il affirme qu’il y a toujours une question contestée, car, étant donné qu’il est ressortissant d’un pays d’origine désigné, il a été soumis à un traitement différentiel et punitif par rapport aux ressortissants qui ne proviennent pas d’un pays d’origine désigné. Le demandeur soutient que la question actuelle entre les parties est la déclaration qu’il réclame, à savoir que le sous-alinéa 112(2)b.1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), est nul et non avenu en ce qui concerne les ressortissants d’un pays d’origine désigné étant donné qu’il contrevient au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (la Charte), et qu’il n’est pas justifié en vertu de l’article 1 (la déclaration). Bien que la déclaration ne représente pas la réparation actuellement demandée dans les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire présentées par le demandeur, le demandeur a demandé l’autorisation de modifier ces demandes pour ajouter la demande de déclaration.
II. Exposé des faits
[3] Le demandeur est un ressortissant hongrois de descendance rome. Il a fui la Hongrie et est entré au Canada le 28 juin 2011 où il a présenté une demande d’asile fondée sur des actes de persécution. La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté sa demande. Les questions centrales étaient la crédibilité et la disponibilité de la protection de l’État. La demande d’autorisation de contrôle judiciaire a été rejetée. Une demande subséquente visant à rouvrir sa demande d’asile en raison d’un manquement à l’équité procédurale a été déposée auprès de la SPR et a été rejetée. Tous les autres membres de la famille du demandeur se sont vu par la suite reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention.
[4] Le 18 août 2015, date à laquelle il a reçu la convocation à se présenter, le demandeur a déposé une demande en vue de reporter son renvoi. Dans cette demande, le demandeur a soutenu que les 24 mois additionnels pendant lesquels un ressortissant d’un pays d’origine désigné devait attendre avant de recevoir un ERAR par rapport à un ressortissant qui ne provient pas d’un pays d’origine désigné constituairnt une violation injustifiée du paragraphe 15(1) de la Charte. Le demandeur devait se présenter le 25 août 2015 pour être renvoyé en Hongrie. À cette date, 32 mois s’étaient écoulés depuis le rejet de sa demande d’asile. Toutefois, en ce qui concerne l’interdiction de 36 mois, le demandeur aurait pu se prévaloir des procédures qui étaient disponibles pour les ressortissants qui ne proviennent pas d’un pays d’origine désigné et il aurait bénéficié d’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce que la décision d’ERAR soit rendue.
[5] Le 20 août 2015, la première décision refusant la demande de report du demandeur a été reçue. Elle n’a pas résolu la question constitutionnelle soulevée par le demandeur, car l’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs a considéré que les dispositions pertinentes de la LIPR étaient contraignantes et l’agent a distingué d’autres dossiers portant sur un pays d’origine désigné qui avaient été présentés à notre Cour et pour lesquels il avait été conclu que l’article 15 de la Charte avait été enfreint en l’absence d’appel devant la Section d’appel des réfugiés d’une décision de la SPR.
[6] Le lendemain, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (IMM-3838-15) ainsi qu’une requête en vue d’obtenir un sursis de son renvoi en Hongrie. Dans le cadre de la demande initiale de report, le demandeur avait également déposé des documents actualisés sur les conditions dans le pays, lesquels faisaient état de la détérioration des conditions pour les Roms en Hongrie. Ces documents n’avaient pas été présentés au décideur initial, ce qui a donné lieu à un réexamen (IMM-3855-15), mais la demande de report a de nouveau été rejetée. La décision rendue à la suite du réexamen n’a pas non plus résolu le problème de constitutionnalité soulevé par le demandeur, mais elle a souligné les commentaires antérieurs de l’agent et a conclu qu’une demande de report n’était [traduction] « pas un mécanisme permettant de contester la constitutionnalité de la loi ».
[7] Le 24 août 2015, le juge Boswell a accordé au demandeur un sursis à l’égard des décisions. Il a également ordonné que les deux demandes soient regroupées et entendues ensemble. Le seul moyen invoqué dans le cadre de la requête en suspension était la question constitutionnelle.
[8] Le 21 janvier 2016, le défendeur a introduit la présente requête pour rejeter les requêtes au motif qu’elles étaient sans objet parce que le demandeur était devenu admissible à un ERAR une fois que l’interdiction de 36 mois avait expiré le 31 décembre 2015.
III. Analyse
[9] Le demandeur sollicite, à titre de réparation, que les décisions soient annulées et que ses demandes de report soient réexaminées par un autre agent. Les deux parties conviennent que cet aspect de la demande de contrôle judiciaire est sans objet. Le demandeur soutient cependant qu’il subsiste un certain nombre de questions contestées entre les parties et qu’elles établissent un fondement factuel solide pour l’arbitrage.
[10] La principale question entre les parties est que le demandeur revendique un droit, en vertu de l’article 52 de la Charte, qui prévoit que la Cour détermine si ses droits garantis par la Charte ont été violés par l’interdiction relative à l’ERAR. Lorsque le demandeur a déposé sa demande de report, les motifs du report étaient les suivants : 1) le fait que son renvoi était exécuté conformément à la loi constituait une violation injustifiée du paragraphe 15(1) de la Charte et était, à ce titre, inconstitutionnel et donc illégal; 2) au cours des 32 mois écoulés depuis le rejet par la SPR de sa demande d’asile, les conditions en Hongrie s’étaient dégradées; 3) le fait que quinze autres membres de la famille avaient bénéficié d’une protection de la SPR révélait qu’il y avait eu une erreur judiciaire et qu’il était exposé à un risque réel s’il était renvoyé en Hongrie.
[11] Le défendeur allègue qu’en supprimant l’interdiction relative à l’ERAR, les questions deviennent sans objet, et il nie également toute violation de la Charte.
[12] Le demandeur a proposé de modifier sa demande pour ajouter la déclaration en tant que mesure de réparation additionnelle.
A. Critère du caractère théorique
[13] Les parties conviennent que le critère en deux étapes énoncé dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 [Borowski] s’applique pour déterminer si la requête du défendeur doit être accueillie. Comme l’a résumé le juge Diner dans la décision Harvan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1026, au paragraphe 7, le critère est le suivant :
[7] Le critère du caractère théorique comporte une analyse en deux temps. Dans un premier temps, il faut déterminer si la décision de la Cour aurait un effet pratique qui permettrait de résoudre un litige actuel entre les parties : la Cour se demande si les questions sont devenues purement théoriques et si le différend a disparu, auquel cas le débat est devenu théorique. Dans un deuxième temps, si le critère de la première étape est rempli, la Cour décide si elle doit – malgré le fait que l’affaire est théorique – exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’affaire. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à la seconde étape, la Cour doit être guidée par les trois assises de la doctrine du caractère théorique :
i. l’existence d’un débat contradictoire;
ii. le souci d’économie des ressources judiciaires;
iii. la question de savoir si la Cour empiéterait sur la fonction législative plutôt que d’exercer sa fonction juridictionnelle au sein du gouvernement.
[14] Les parties ont convenu que l’aspect des demandes visant à annuler la décision de l’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs et à revoir la demande de report du demandeur était sans objet. Le demandeur soutient cependant qu’il a le droit, en vertu de l’article 52 de la Charte, à une déclaration annulant l’interdiction de 36 mois relative à l’ERAR et que, par conséquent, les demandes ne sont pas sans objet.
[15] À l’appui de son droit d’obtenir réparation, le demandeur affirme qu’il a été directement touché par l’interdiction de 36 mois relative à l’ERAR. Il soutient qu’il a déjà subi un traitement discriminatoire fondé uniquement sur son pays d’origine. Comme l’a déclaré le demandeur, il a été [traduction] « contraint d’assumer des frais d’avocat pour préparer et soumettre une demande de report. Lorsque celle-ci a été rejetée, il a été contraint d’assumer des frais d’avocat supplémentaires pour préparer et déposer une requête en suspension. De plus, alors qu’il attendait qu’une décision soit prise relativement à sa requête, le demandeur a dû se résoudre à faire ses valises et a subi une détresse psychologique en ignorant, jusqu’à la veille de son renvoi, si sa demande de report avait été suspendue. » S’il ne provenait pas d’un pays d’origine désigné, aucun de ces préjudices n’aurait été causé puisqu’il aurait automatiquement été admissible à un ERAR de plein droit.
[16] La décision déclaratoire selon laquelle les droits garantis au demandeur par la Charte ont été violés ou refusés est la nature de la réparation demandée par le demandeur. La procédure actuelle est la demande d’annulation des décisions. Une fois que ces demandes sont sans objet, comme il est admis, il n’existe aucune procédure permettant de fonder la demande de réparation. En vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 ou de l’article 64 des Règles un jugement déclaratoire ne confère pas de droit distinct. La réparation demandée doit être transmise par une demande sous-jacente qui existe sur le fond : Bonamy c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 156, au paragraphe 12. La déclaration d’inconstitutionnalité est une forme de réparation qui peut être demandée contre le gouvernement fédéral devant la Cour fédérale en vertu du paragraphe 17(1) de la Loi sur les Cours fédérales, mais les Règles exigent que cette procédure soit intentée comme une action.
[17] Pour ces motifs, les demandes sont sans objet.
[18] Je passe maintenant à la deuxième phase du critère établi dans l’arrêt Borowski.
(1) Contexte contradictoire
[19] Le demandeur soutient que ses droits garantis par la Charte ont été violés et que les conséquences ont été réelles pour lui, y compris les dépenses engagées pour retenir les services d’un avocat afin de contester son expulsion, sa détresse psychologique en ne sachant pas si un sursis lui serait accordé ou non et la difficulté liée au fait qu’il a dû faire ses valises dans le cas où il aurait été contraint de quitter le Canada. Le défendeur nie que les droits garantis par la Charte aient été violés.
[20] Étant donné la position des parties au sujet de la prétendue violation des droits garantis au demandeur par la Charte et, à la lumière des décisions rendues par notre Cour dans Y.Z. c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 892 et Médecins Canadiens pour les soins aux réfugiés c. Canada (Procureur général), 2014 CF 651, je conclus qu’il existe un contexte contradictoire clair entre les parties en ce qui concerne la constitutionnalité du paragraphe 15(1) et les dispositions de la LIPR relatives aux pays d’origine désignés. Je suis également convaincue que l’avocat du demandeur, le Bureau du droit des réfugiés de l’Aide juridique de l’Ontario, examinera avec diligence les arguments constitutionnels du demandeur, que l’issue de la présente demande ait une incidence ou non sur le risque pour que le demandeur soit renvoyé du Canada.
(2) Économie des ressources judiciaires
[21] La Cour fédérale est une cour créée par la loi. Historiquement, il y avait des doutes quant à savoir si la Cour avait le pouvoir d’accorder une déclaration dans une demande de contrôle judiciaire. Ainsi, les demandeurs alléguant qu’une décision était illégale parce qu’elle était fondée sur une loi inconstitutionnelle ou sur un règlement ultra vires présentaient une demande de contrôle judiciaire d’une décision en vertu du paragraphe 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales et, simultanément, intentaient une action parallèle en vertu du paragraphe 17(1) en vue d’obtenir un jugement déclaratoire. Cette approche a continué pendant un certain temps puisque la Cour elle-même était divisée sur la question.
[22] La Cour d’appel a réglé cette question dans l’arrêt Moktari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 2 RCF 341(CA) [Mokhtari]. Elle a déterminé qu’un demandeur ne serait pas tenu de maintenir une action parallèle en vertu du paragraphe 17(1) de la Loi sur les Cours fédérales pour simplement chercher à obtenir le même jugement déclaratoire que celui demandé dans le contrôle judiciaire. La réparation demandée dans l’arrêt Mokatri était une déclaration selon laquelle l’article 52 de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 était inconstitutionnel. Le ministre a présenté une requête en radiation de l’action au motif qu’elle n’était pas nécessaire à la lumière de la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur. La Cour d’appel a clarifié l’interprétation de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales : le demandeur a été autorisé à ajouter une demande de jugement déclaratoire à une demande de contrôle judiciaire présentée pour les mêmes motifs. Par conséquent, toute action visant à obtenir une déclaration lorsque la même déclaration est demandée dans une demande de contrôle judiciaire ne révèle aucune cause d’action valable et doit être radiée. Pour arriver à cette conclusion, la Cour a estimé que « les questions constitutionnelles soulevées dans les procédures d’immigration peuvent être tranchées d’une façon appropriée dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire » et que « si des procédures parallèles découlant d’une seule décision pouvaient être engagées, il serait plus difficile pour cette Cour de rendre justice avec célérité et d’une façon efficace » : Moktari, aux paragraphes 5 et 6.
[23] Par souci d’économie des ressources judiciaires, il me semble qu’il serait abusif de rejeter la demande de contrôle judiciaire en cours. Cela obligerait le demandeur à poursuivre son recours en jugement déclaratoire dans une action intentée en vertu du paragraphe 17(1) de la Loi sur les Cours fédérales alors qu’une mesure de ce genre, si elle avait été introduite antérieurement, aurait été radiée au motif que la réparation pouvait être demandée dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. Cela représenterait non seulement une utilisation inutile des ressources judiciaires, mais cela pénaliserait également le demandeur. Cela serait à l’opposé de la situation dans Mokhtari et, pour les motifs exposés dans Mokhtari, je juge qu’il est inopportun et inefficace d’imposer un tel processus au demandeur.
[24] Récemment, la Cour a accueilli une autre demande de contrôle judiciaire dans laquelle le sous-alinéa 112(2)b.1) est contesté comme étant inconstitutionnel. Dans les faits, cette autre affaire a également trait au refus d’un ERAR pour un ressortissant d’un pays d’origine désigné. Dans ce cas, l’interdiction relative à l’ERAR ne prend pas fin avant environ deux ans. L’avocat inscrit au dossier du demandeur est également l’avocat inscrit au dossier du demandeur dans cette affaire. Les questions soulevées, ainsi que la réparation demandée, sont les mêmes dans les deux cas. J’ai donc donné aux parties la possibilité de présenter d’autres observations au sujet de la présente requête visant à rejeter les demandes en raison de leur caractère théorique compte tenu de l’existence de cette autre affaire. Le défendeur soutient que l’autre cas est plus approprié aux fins d’arbitrage, car le fondement factuel persiste et le résultat aura une incidence réelle sur les parties. Le demandeur a soutenu que l’existence de la deuxième affaire n’était pas pertinente parce que le préjudice constitutionnel du demandeur signifiait que cette demande n’était pas sans objet en ce qui concerne le premier volet du critère établi dans l’arrêt Borowski.
[25] Étant donné les différences factuelles entre les deux cas en ce qui a trait à la question de savoir si l’interdiction relative à l’ERAR a expiré et le fait que le demandeur a allégué avoir subi de réels dommages, je suis d’avis que, pour un examen complet de la prétendue violation de la Charte, il sera utile de statuer sur les deux séries de faits. Le fait de résoudre les deux aspects de l’interdiction relative à l’ERAR pour les ressortissants d’un pays d’origine désigné par voie de procédure sommaire d’une demande plutôt que par une action permet également d’économiser les ressources judiciaires.
(3) La Cour ser ait-elle en train d’empiéter sur la sphère législative?
[26] Pour conclure que la demande est sans objet parce que le demandeur est maintenant admissible à l’ERAR, il ne fait aucun doute que ce contrôle judiciaire aurait abouti à un arbitrage. L’examen des décisions qui peuvent être inconstitutionnelles est l’un des rôles qui incombent à la Cour. Le fait de permettre que cette demande se poursuive ne représente pas un empiétement sur le plan législatif.
[27] En conclusion, bien que cette demande puisse être techniquement théorique, j’ai décidé d’exercer mon pouvoir discrétionnaire dans la deuxième étape du critère établi dans l’arrêt Borowski et de rejeter la requête du défendeur.
B. Requête en modification
[28] Le demandeur a également introduit une requête écrite en vertu de l’article 369 des Règles afin que sa demande de contrôle judiciaire soit modifiée et qu’une demande précise de déclaration en tant que recours soit ajoutée. Le défendeur n’a pas déposé de dossier de requête dans les délais prescrits par l’article 369, mais a présenté une lettre indiquant que, parce que les demandes étaient sans objet, aucune modification aux demandes ne devait être accordée. Le défendeur n’a pas précisé d’autres raisons pour lesquelles la réparation ne devrait pas être accordée. Aux fins de la présente requête, je considère que la lettre du défendeur représente des observations écrites en opposition à la requête du demandeur en vertu de l’article 369.
[29] La requête du demandeur repose sur le fait que le jugement déclaratoire demandé a été omis par inadvertance dans la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, bien que l’inconstitutionnalité de la décision ait été expressément mentionnée comme étant un motif de réparation. Cette demande de déclaration a été présentée comme faisant partie de la réparation demandée dans le mémoire du demandeur à l’étape de l’autorisation, mais elle n’a jamais officiellement fait partie de la demande elle-même. Le demandeur a inclus une requête en réparation « fourre-tout » qui comprend [traduction] « tout autre recours que l’avocat pourrait conseiller et que notre Cour pourrait autoriser ».
[30] En vertu de l’article 75 des Règles, la Cour peut permettre à une partie de modifier un document si les droits de toutes les parties sont protégés. Dans l’arrêt Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 RCF 3 (CA), la Cour d’appel fédérale a établi le critère à appliquer pour autoriser une modification : une modification devrait permettre de déterminer la véritable question en litige, elle ne doit pas créer pour la partie adverse un préjudice qui ne peut être compensé par des dépens et elle doit servir les intérêts de la justice.
[31] Il est clair que, depuis le début, la véritable question en litige est de savoir si l’interdiction de 36 mois relative à l’ERAR enfreint le paragraphe 15(1) de la Charte. Les questions constitutionnelles sont tranchées selon la norme de la décision correcte. Lorsqu’une disposition législative contrevient à une section de la Charte et ne peut pas être sauvée par l’article premier, une forme de recours déclaratoire établira normalement si une disposition est radiée, lue ou si du texte supplémentaire est lu. À mon avis, le fait d’inclure la déclaration comme l’un des recours demandés dans la demande ne causera pas de préjudice au défendeur et servira l’intérêt de la justice. La requête en modification présentée par le demandeur est donc accueillie.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :
1. la requête du défendeur demandant le rejet de ces demandes est rejetée;
2. le demandeur est autorisé à modifier ses demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire sensiblement sous la forme de la pièce « F » de son dossier de requête; les demandes modifiées doivent être déposées dans les quinze jours suivant la date de la présente ordonnance.
« E. Susan Elliott »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : |
T-3855-15 T-3838-15
|
INTITULÉ : |
FERENC FEHER c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES
ORDONNANCE ET MOTIFS : |
LA JUGE ELLIOTT
|
DATE DES MOTIFS : |
Le 10 novembre 2016
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OBSERVATIONS ÉCRITES :
Anthony Navaneelan
|
Pour le demandeur
|
Mary Matthews Modupe Oluyomi
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bureau du droit des réfugiés Aide juridique de l’Ontario Toronto (Ontario)
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Pour le demandeur
|
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
|
Pour le défendeur
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