Date : 20170310
Dossier : T-1256-16
Référence : 2017 CF 271
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 10 mars 2017
En présence de madame la juge Elliott
ENTRE :
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OSMAN MOHAMED
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demandeur
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 12 juillet 2016 (décision) rendue par le directeur général de la sûreté aérienne en qualité de délégué du ministre des Transports (ministre) d’annuler l’habilitation de sécurité en matière de transport (HST) de M. Mohamed à l’Aéroport international Lester B. Pearson.
[2]
Pour les motifs qui suivent, je conclus que le ministre n’a pas manqué à l’obligation d’équité procédurale et que la décision est raisonnable. Vu le pouvoir discrétionnaire étendu conféré au ministre par le législateur, la décision appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La présente demande est rejetée.
II.
Exposé des faits
[3]
M. Mohamed travaillait pour Servisair Inc. comme spécialiste du service à la clientèle à la manutention des bagages. En cette qualité, il avait besoin d’un accès aux zones réglementées de l’aéroport. Pour recevoir un tel accès, il devait périodiquement obtenir une HST, après quoi on lui donnait l’approbation nécessaire et des droits d’accès au moyen d’une carte d’identité de zones réglementées (CIZR). La politique sur le Programme d’habilitation de sécurité en matière de transport (PPHST) exige la présentation d’une nouvelle demande d’habilitation de sécurité, ainsi que l’obtention d’un renouvellement de l’HST et de la CIZR, au moins tous les cinq ans.
[4]
M. Mohamed a reçu une CIZR pour la première fois en 2004; celle-ci a été renouvelée en 2009. Au moment du renouvellement de 2009, Transports Canada a été informé au moyen d’une vérification du Centre d’information de la police canadienne (CIPC) que M. Mohamed avait été accusé d’avoir proféré des menaces, mais que les accusations avaient été retirées. Transports Canada n’avait pas accès aux détails concernant le chef d’accusation retiré et l’HST de M. Mohamed a été renouvelée.
[5]
Plus tard cette année-là, Transports Canada a conclu un protocole d’entente avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour que la GRC mène des vérifications approfondies des antécédents, dans diverses bases de données destinées aux organismes chargés de l’application de la loi, pour les demandeurs d’habilitation de sécurité.
[6]
Le 27 juin 2014, M. Mohamed était une fois de plus tenu de renouveler son HST et sa CIZR. Il a préparé et produit les documents nécessaires. La GRC a ensuite procédé à une interrogation en bloc dans les bases de données pertinentes le 8 juillet 2014. Cette interrogation a fourni des renseignements indiquant qu’un examen plus approfondi des bases de données était nécessaire et qu’un rapport officiel était requis.
[7]
Le 8 septembre 2015, la GRC a fourni à Transports Canada un rapport de vérification des antécédents criminels, qui contenait les détails de trois incidents impliquant M. Mohamed et la police. Dans deux de ces incidents, des accusations criminelles ont été portées, mais ont finalement été retirées. Dans le troisième incident, aucune accusation n’a été portée après que M. Mohamed s’est présenté au poste de police et a fourni une déclaration enregistrée sur bande magnétoscopique. Transports Canada a également reçu une vérification du CIPC pour M. Mohamed le 15 septembre 2015 qui révélait qu’aucune condamnation au criminel à l’encontre de M. Mohamed ne figurait au dossier. Même si des vérifications des antécédents ont été menées, l’habilitation de sécurité de M. Mohamed est demeurée en vigueur.
[8]
En raison des renseignements issus de la vérification des antécédents, une lettre a été envoyée le 18 septembre 2015 à M. Mohamed par le directeur des programmes de filtrage de sécurité à Transports Canada. Cette lettre relatait les renseignements tirés du rapport de vérification des antécédents criminels. Elle indiquait également à M. Mohamed que les renseignements soulevaient des préoccupations quant à son aptitude à conserver son habilitation de sécurité et l’invitait à fournir des renseignements supplémentaires décrivant les circonstances des trois incidents, ainsi qu’à fournir tout autre renseignement ou explication pertinent, y compris toutes les circonstances atténuantes. M. Mohamed a été informé que l’Organisme consultatif d’examen d’habilitation de sécurité en matière de transport (Organisme consultatif) examinerait les renseignements et formulerait une recommandation au ministre. La lettre lui communiquait l’adresse du site Web où il pourrait passer en revue la PPHST et attirait son attention plus particulièrement sur l’article 1.4, qui contenait les différents motifs pour lesquels l’Organisme consultatif peut formuler une recommandation au ministre. À la fin de la lettre, on fournissait à M. Mohamed le nom et le numéro de téléphone d’une personne avec qui il pouvait communiquer s’il souhaitait discuter davantage de l’affaire.
III.
Les renseignements de la vérification des antécédents criminels
[9]
Le rapport de vérification des antécédents criminels décrivait trois incidents distincts :
- En juillet 2006, M. Mohamed a tenté d’acheter deux consoles Xbox 360 et plusieurs jeux vidéo chez EB Games pour un coût total de 1 250 $. Le commis du magasin avait des soupçons à l’égard de la carte Visa utilisée par M. Mohamed et, après avoir posé des questions, il a découvert qu’il s’agissait d’une fausse carte. M. Mohamed a présenté son permis de conduire au commis, mais est parti avant l’arrivée de la police, laissant son permis de conduire derrière. La police a retrouvé M. Mohamed et ce dernier l’a informée qu’il avait trouvé la carte de crédit (qui était à son nom) à l’aéroport. M. Mohamed a été arrêté et inculpé d’un chef de tentative de fraude et d’un chef de possession d’une carte de crédit criminellement obtenue. Le rapport indiquait qu’il ne semblait y avoir eu aucune suite aux chefs d’accusation pour des raisons inconnues à la GRC.
- En juillet 2007, un plaignant a appelé la police de Toronto et il a indiqué qu’il avait vu M. Mohamed prendre une personne, ci-après désignée la victime, par le collet. Lorsque le plaignant a demandé ce qui se passait, M. Mohamed a prétendument affirmé que la victime lui avait manqué de respect. Le plaignant et le M. Mohamed se sont disputés et M. Mohamed a menacé d’abattre le plaignant; ce dernier a nargué M. Mohamed et lui a dit de le faire. M. Mohamed est prétendument parti du hall d’entrée et est retourné avec les mains derrière le dos, semblant tenir quelque chose. M. Mohamed a ensuite invité le plaignant à sortir. Celui-ci est plutôt retourné à son appartement et a informé la police, qui a trouvé M. Mohamed dans le stationnement et l’a arrêté. Aucune arme n’a été décelée et le plaignant n’a subi aucune blessure. La victime, qui s’avérait être le fils du plaignant, a refusé de fournir une déclaration. M. Mohamed a été accusé d’un chef de profération de menaces de causer des lésions corporelles. Ce chef d’accusation a été retiré en 2008 pour des raisons inconnues à la GRC.
- En janvier 2009, la police de Toronto a reçu des renseignements provenant d’un agent de récupération de biens volés d’une société du Tennessee, signalant qu’un ordinateur portatif, volé à Memphis, disposait d’un logiciel de suivi qui indiquait qu’il était utilisé à Toronto, à la résidence de M. Mohamed. La police s’est présentée à la résidence et a parlé avec la sœur de M. Mohamed. Celle-ci a déclaré que M. Mohamed avait obtenu l’ordinateur portatif à l’aéroport. M. Mohamed s’est ensuite présenté au poste de police pour fournir une déclaration enregistrée sur bande magnétoscopique. La société du Tennessee a été informée par la police que celle-ci avait récupéré l’ordinateur portatif. On a informé la police de rendre l’ordinateur portatif à son propriétaire légitime. Aucun chef d’accusation n’a été déposé par la police pour des raisons inconnues à la GRC.
IV.
Les observations de M. Mohamed auprès de l’Organisme consultatif
[10]
Le 24 septembre 2015, M. Mohamed a envoyé un courriel à Transports Canada comprenant sa réponse au rapport de vérification des antécédents criminels pour expliquer sa version de l’histoire.
[11]
En ce qui concerne la carte de crédit, il a indiqué qu’il l’avait trouvée dans un téléphone public à l’aéroport, et il a remarqué qu’elle comportait son prénom et son nom de famille; il croyait qu’il l’avait perdue. Il l’a mise dans son portefeuille, dans l’intention de communiquer avec la banque, mais elle était fermée à la fin de son quart de travail. Il s’est rendu chez EB Games, qui est situé à deux rues de sa maison. Il a indiqué qu’il avait pris la mauvaise carte de crédit de son portefeuille et, lorsque le commis l’a accusé d’activités frauduleuses, il a offert d’utiliser une carte de débit ou une autre carte de crédit. Il a décidé de partir parce qu’il était pris au dépourvu et il était nerveux, car il ignorait ce qu’il avait fait de mal. Plus tard ce soir-là, la police s’est rendue à son domicile et après qu’il a expliqué ce qui s’était produit, on lui a remis un feuillet sur promesse de comparaître en cour. Il a participé à des ateliers sur l’éducation de jeunes, en plus de nettoyer des bureaux et des salles de bain dans un centre communautaire local.
[12]
En ce qui concerne l’incident survenu à l’immeuble d’habitation, M. Mohamed a expliqué que la victime alléguée avait agressé le cousin de M. Mohamed et qu’il avait intimidé et battu le cousin de M. Mohamed pendant une longue période de temps. Il a déclaré que son cousin avait perdu l’une de ses molaires et que la victime lui avait volé son téléphone cellulaire. Il a nié avoir proféré des menaces à quiconque et il a dit qu’il n’avait jamais quitté la scène pendant qu’il attendait l’arrivée de la police dans le stationnement. Il a affirmé qu’il a été arrêté, car il n’avait pas appelé les autorités avant le plaignant. Il a affirmé qu’il avait plusieurs témoins pour corroborer son histoire et que ni la victime ni le plaignant n’avaient été blessés, alors que M. Mohamed avait été égratigné au cou, à la poitrine et au visage. Il a également signalé qu’aucune arme n’était en cause et a affirmé que les chefs d’accusation avaient été abandonnés, car le plaignant avait découvert que son fils, la victime, avait agressé et volé le cousin de M. Mohamed. Il a ajouté que le téléphone a été rendu à son propriétaire, que les chefs d’accusation avaient été abandonnés, et que la victime et le plaignant lui avaient présenté des excuses.
[13]
En ce qui concerne le dernier incident concernant l’ordinateur portatif, M. Mohamed a affirmé qu’un ami le lui avait remis et lui avait demandé de le réparer pour l’aider dans ses programmes universitaires. M. Mohamed avait une spécialité en réseautage informatique et en soutien technique; il a donc accepté de l’aider. Lorsque sa sœur lui a dit que la police avait saisi l’ordinateur portatif, il s’est rendu au poste de police pour faire une déclaration. Il a indiqué que son ami qui lui avait remis l’ordinateur portatif l’avait obtenu de son père, qui possédait plusieurs entreprises à Memphis. Le père de son ami avait acheté l’ordinateur portatif et l’avait envoyé à son fils, qui avait à son tour demandé à M. Mohamed de le formater et de réinstaller un nouveau système d’exploitation comprenant un logiciel antivirus.
[14]
M. Mohamed a conclu ses observations en affirmant qu’il était consterné que ces affaires aient fait surface et qu’elles pouvaient avoir une incidence négative sur ses perspectives d’avenir. Il était fier de son travail et d’être un bon citoyen qui n’était pas une personne violente. Il a affirmé qu’il ne ferait jamais quoi que ce soit pour causer du tort à quelqu’un ou perturber l’aviation civile et que, même s’il avait commis des erreurs dans le passé, il avait appris de celles-ci et avait prouvé qu’il était une bonne personne et un bon employé. Il a fourni son numéro de téléphone et a indiqué que quiconque ne devrait pas hésiter à communiquer avec lui par téléphone ou par courriel pour obtenir des renseignements supplémentaires.
[15]
Une agente du filtrage de sécurité à Transports Canada a accusé réception du courriel de M. Mohamed. Elle a répondu qu’elle n’avait aucune question, mais qu’elle n’était pas une décideuse et qu’il s’agissait pour lui de l’occasion de fournir tous les renseignements pertinents. Elle a indiqué qu’il pouvait également fournir des références morales par écrit s’il le souhaitait.
[16]
M. Mohamed n’a présenté aucune autre observation; il n’a pas non plus fourni de références morales. Le 1er mars 2016, l’Organisme consultatif a tenu une réunion afin d’examiner son dossier.
V.
La recommandation de l’Organisme consultatif
[17]
L’Organisme consultatif a pris note des trois incidents. En ce qui concerne le premier incident, l’Organisme consultatif semble avoir accepté le fait que M. Mohamed a effectivement utilisé la fausse carte et n’a formulé aucun commentaire à l’égard des observations de M. Mohamed.
[18]
En ce qui concerne l’incident survenu dans le hall d’entrée de l’immeuble d’habitation, l’Organisme consultatif a conclu que, dans ses observations, M. Mohammed a admis avoir pris l’initiative de se rendre à l’appartement du plaignant et qu’il a agi de manière suffisamment agressive pour faire en sorte que le plaignant croit que M. Mohamed était agressif, qu’il a agi de manière préméditée et qu’il a fait en sorte que le plaignant appelle la police, croyant qu’il était armé.
[19]
En ce qui concerne le troisième incident, l’Organisme consultatif a souligné l’observation du demandeur, mais il a remis en question la raison pour laquelle le père de son ami, qui possédait plusieurs entreprises, demanderait à l’ami de son fils de réparer un ordinateur plutôt que de faire appel à un professionnel.
[20]
L’Organisme consultatif a fait remarquer qu’à l’époque de ces incidents, M. Mohamed possédait une HST. Même si les incidents remontaient à relativement loin, l’Organisme consultatif a conclu qu’ils soulevaient des préoccupations importantes concernant le jugement, l’intégrité et la fiabilité de M. Mohamed. L’Organisme consultatif a donc conclu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Mohamed pouvait être sujet à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile ou à aider ou à inciter toute autre personne à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile. Bien qu’il ait examiné les observations de M. Mohamed, ces observations [traduction] « ne fournissaient pas suffisamment de renseignements pour dissiper les préoccupations de l’Organisme consultatif »
.
VI.
La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire
[21]
Le 28 juin 2016, le ministre a pris la décision d’annuler l’HST de M. Mohamed. Les motifs du ministre étaient légèrement différents de ceux indiqués dans les notes de la réunion de l’Organisme consultatif. Le ministre a indiqué que la question à trancher était celle de savoir s’il convenait de permettre à M. Mohamed de conserver son HST ou de l’annuler à la lumière des renseignements reçus par Transports Canada. Il a indiqué que sa décision était fondée sur un examen du dossier, y compris les préoccupations portées à l’attention de M. Mohamed dans la lettre initiale, ses observations écrites, la recommandation de l’Organisme consultatif et la PPHST. Le ministre a décrit chaque incident très brièvement comme suit :
[traduction]
Je souligne qu’en juillet 2006, le demandeur a tenté d’acheter de l’équipement électronique avec la fausse carte de crédit et a quitté le magasin avant l’arrivée de la police.
Je souligne également qu’en juillet 2007, le demandeur a été impliqué dans une altercation avec une autre personne, où la personne avait tellement peur de ce qu’il pourrait faire qu’elle a appelé la police.
Je souligne aussi qu’en janvier 2009, le demandeur a été impliqué dans un incident concernant un ordinateur portatif volé.
[22]
Le ministre a souligné que, même si les incidents remontaient à un certain temps, ils soulevaient de graves préoccupations à l’égard de son jugement, de son intégrité et de sa fiabilité. Il a conclu, après un examen approfondi des renseignements retrouvés au dossier, qu’il croyait raisonnablement, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur pouvait être sujet à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile ou à aider ou à inciter toute autre personne à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile.
[23]
Le ministre a conclu qu’il était d’accord avec la recommandation de l’Organisme consultatif d’annuler l’HST de M. Mohamed. Il a indiqué qu’il avait examiné la déclaration fournie par M. Mohamed, mais que les renseignements présentés ne suffisaient pas à répondre à ses préoccupations.
VII.
Questions
[24]
Les questions à trancher sont les suivantes :
A) La décision a-t-elle été rendue de manière inéquitable sur le plan procédural?
B) La décision est-elle raisonnable?
[25]
Les questions d’équité procédurale portant sur l’annulation d’une habilitation de sécurité sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Lorsqu’une habilitation de sécurité n’est pas renouvelée, la norme d’équité procédurale est plus élevée que lorsqu’aucun droit existant n’est touché; cependant, elle se trouve néanmoins à l’extrémité inférieure du spectre. Le niveau requis d’équité procédurale est limité au droit de connaître les faits allégués à l’encontre d’un demandeur et le droit de présenter des observations à propos de ces faits : Pouliot c Canada (Transports), 2012 CF 347, aux paragraphes 7, 9 et 10 [Pouliot].
[26]
En décidant si la décision était raisonnable, le ministre a droit à un niveau élevé de déférence; l’examen de la question de savoir s’il convient d’annuler une HST est hautement spécialisé, et l’Organisme consultatif et le ministre ont acquis une expertise au moment de rendre de telles décisions : Varadi c Canada (Attorney General), 2017 CF 155, au paragraphe 24 [Varadi].
[27]
Le caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de celle-ci, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).
VIII.
Position des parties
A.
La décision a-t-elle été rendue de manière inéquitable sur le plan procédural?
[28]
L’avocat de M. Mohamed allègue que les motifs présentés étaient inadéquats, qu’ils ne contenaient rien de plus que des allégations dénuées de fondement, ce qui a entraîné une iniquité procédurale. Dans l’ensemble, M. Mohamed affirme que la décision était inéquitable et déraisonnable, car les motifs n’abordent pas la raison pour laquelle ses observations auprès de l’Organisme consultatif ont été rejetées et la décision contient du texte ayant fait l’objet d’un mauvais copier-coller de deux points incohérents et non liés soulevés par l’Organisme consultatif.
[29]
Le ministre nie qu’il y a eu iniquité procédurale en général. Le ministre signale également que, parce qu’il y avait des motifs, la décision ne peut pas être inéquitable sur le plan procédural pour ce motif : le caractère adéquat des motifs est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.
B.
Discussion
[30]
La critique de M. Mohamed à l’égard du caractère adéquat des motifs ne soulève pas une question d’équité procédurale. Seule une absence de motifs peut être considérée comme inéquitable sur le plan procédural. À cet égard, la Cour suprême a décrit l’examen des motifs comme étant un exercice global lorsque les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat au moment de déterminer si ce dernier appartient aux issues possibles : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 14 et 22.
[31]
Dans la lettre du 18 septembre 2015 de Transports Canada, beaucoup de renseignements ont été communiqués à M. Mohamed :
- les renseignements complets contenus dans le rapport de vérification des antécédents criminels;
- le droit de présenter des observations, ce qu’il a fait;
- l’adresse du site Web où il pouvait examiner la PPHST et dans laquelle il était expressément invité à consulter l’article 1.4, contenant différents motifs à l’égard desquels l’Organisme consultatif pourrait formuler une recommandation;
- des directives générales selon lesquelles il devrait décrire les circonstances et fournir tout autre renseignement ou explication pertinent, et que les renseignements à examiner comprennent [traduction]
« les accusations criminelles pour avoir proféré des menaces de causer des lésions corporelles qui ont été retirées »
;- le numéro de téléphone d’une personne avec qui il pouvait communiquer pour discuter de l’affaire.
[32]
M. Mohamed a eu la possibilité de présenter ses points de vue avant que la décision soit rendue. On lui a présenté les faits allégués contre lui. Ses observations ont été reçues et examinées par le décideur. En conséquence, M. Mohamed connaissait la cause qu’il devait défendre. Il a présenté ses points de vue avant la décision et il a eu la possibilité de fournir d’autres renseignements, par exemple des références morales, même s’il ne s’en est pas prévalu. Somme toute, les droits procéduraux de M. Mohamed tels qu’ils ont été énoncés dans la jurisprudence et résumés dans Pouliot ont été respectés.
C.
La décision était-elle raisonnable?
[33]
M. Mohamed fait valoir que la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables, car aucun élément de preuve n’a démontré qu’il existe une corrélation entre les trois incidents et son accès à des zones réglementées de l’aéroport. Les incidents, qui étaient mineurs et qui remontaient à plusieurs années, n’ont aucun lien de causalité avec l’aviation civile; par conséquent, ils ne devraient soulever aucune préoccupation quant à l’aviation civile. En s’appuyant sur l’alinéa II.35(2)a) de la PPHST, M. Mohamed signale également qu’il n’avait été associé à aucune organisation criminelle et qu’il n’y avait eu aucune arme impliquée dans sa conduite. Il n’a pas participé à l’importation de contrebande par l’intermédiaire de l’aéroport et il n’a fait preuve d’aucune malhonnêteté. Il signale également qu’il n’existait aucun lien entre les trois incidents et son emploi en tant que manutentionnaire de bagage à l’aéroport.
[34]
M. Mohamed a également indiqué que les motifs ne lui indiquent pas [traduction] « comment »
ou [traduction] « pourquoi »
le ministre a tiré la conclusion qu’il constituait un risque pour la sûreté aérienne. Ses observations ont précisé son absence de culpabilité en mettant en évidence le retrait des accusations dans deux affaires et l’absence d’accusations portées dans le troisième cas. L’avocat de M. Mohamed affirme que l’Organisme consultatif n’a pas tenu compte des explications. Par exemple, M. Mohamed a nié qu’il y ait eu une agression physique dans l’immeuble d’habitation et il a reçu des excuses du plaignant et de la « victime »
, mais cela n’a pas été pris en considération.
[35]
Le ministre fait valoir que la décision était raisonnable, car l’article 4.8 de la Loi sur l’aéronautique, LRC (1985), c A-2 prévoit un vaste pouvoir discrétionnaire qui permet au ministre de tenir compte de tout facteur qui est considéré pertinent. Le fait de recevoir une HST est un privilège, non un droit. Au moment de mettre en balance l’intérêt public à l’égard de la sûreté aérienne par rapport au privilège d’accès de M. Mohamed à une zone réglementée de l’aéroport, la balance doit pencher en faveur de l’intérêt public. Le fait que le vaste pouvoir discrétionnaire conféré au ministre soit prospectif est fondamentalement spéculatif, dans la mesure où il ou elle décide, selon la prépondérance des probabilités, qu’une personne qui demande une HST ou le renouvellement de celle-ci, « peut être sujette ou incitée »
à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile. Pour parvenir à cette décision, le ministre évalue la propension, la moralité, l’intégrité et le jugement d’un demandeur, tout en gardant à l’esprit l’intérêt public envers la sécurité. Le ministre affirme que M. Mohamed demande simplement à la Cour d’apprécier de nouveau les éléments de preuve et de remettre en question la décision du ministre.
D.
Discussion
1)
Date des incidents, âge de M. Mohamed à l’époque et retrait des accusations
[36]
Bien que M. Mohamed affirme que le ministre a omis de tenir compte du fait que les incidents remontent à plusieurs années, de son jeune âge et du fait qu’il n’y avait aucune accusation, cette affirmation n’est pas appuyée par la preuve au dossier. Les observations de M. Mohamed figuraient au dossier et ont expressément été reconnues par l’Organisme consultatif et le ministre. Le rapport de vérification des antécédents criminels montre que les deux accusations criminelles ont été retirées et qu’aucune accusation n’a été portée en ce qui a trait à l’ordinateur portatif. Quant à la question de savoir si M. Mohamed s’est trouvé innocemment en possession d’un ordinateur portatif qui a été déclaré volé, comme l’a laissé entendre l’avocat à l’audience, le ministre avait le droit d’adopter un point de vue différent, puisque le rapport de vérification des antécédents criminels indiquait qu’il avait été volé.
[37]
La jeunesse de M. Mohamed au moment des incidents et son dossier vierge depuis ont constitué un facteur important dans la critique de la décision. Il m’invite essentiellement à apprécier de nouveau les éléments de preuve et à substituer mon analyse à celle de l’Organisme consultatif et du ministre. Dans les affaires portant sur les habilitations de sécurité, le très vaste pouvoir discrétionnaire conféré au ministre et le critère peu exigeant selon lequel le ministre doit uniquement conclure qu’une personne peut être incitée ou sujette à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile justifie un niveau de déférence important : Varadi, au paragraphe 24.
[38]
L’Organisme consultatif a souligné que lorsque les incidents sont survenus, M. Mohamed possédait une HST valide. Il s’est également penché sur la question de savoir s’il s’était écoulé suffisamment de temps pour démontrer un changement dans son comportement, mais a jugé que ce n’était pas le cas. Le ministre a décidé que les incidents, même s’ils remontaient à plusieurs années, soulevaient de graves préoccupations concernant le jugement, l’intégrité et la fiabilité de M. Mohamed. Le ministre peut s’appuyer sur les incidents en question, même s’ils remontent à plusieurs années et qu’on n’a pas donné suite aux accusations criminelles : Mangat c Canada (Procureur général), 2016 CF 907, au paragraphe 58 [Mangat].
[39]
Il se peut également que la preuve qui sous-tend une accusation retirée puisse suffire à tirer une conclusion sur la bonne foi quant à la conduite actuelle ou future dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre : Thep-Outhainthany c Canada (Procureur général), 2013 CF 59, au paragraphe 19.
[40]
Le dossier montre que l’ancienneté des incidents et le jeune âge de M. Mohamed ont été pris en considération. L’expertise de l’Organisme consultatif ne devrait pas faire l’objet d’une remise en question par la Cour selon ces faits, qui appuient la conclusion selon laquelle la décision appartient aux issues possibles acceptables.
2)
Absence de corrélation avec la sûreté aérienne
[41]
M. Mohamed soutient qu’il n’y a aucune corrélation entre les incidents et la question de savoir s’il doit toujours être autorisé à accéder à la zone réglementée d’un aéroport. Il affirme qu’aucun des incidents ne porte sur le genre d’activités qui indiqueraient que la sécurité de l’aéroport est compromise.
[42]
Dans Mitchell c Canada (Procureur général), 2016 CAF 241 [Mitchell], la juge Dawson s’est penchée sur cet argument lié à la corrélation. M. Mitchell avait participé à une série d’actes d’inconduite sexuelle à l’endroit d’enfants qui s’aggravaient. Il a fait valoir qu’il n’existait aucune corrélation entre son inconduite et le maintien de l’accès à des zones réglementées des aéroports. En rejetant l’argument, la juge Dawson a souligné que la réponse à la question de savoir si une décision était raisonnable dépend du contexte de la décision et que le contexte repose sur plusieurs facteurs. Ces facteurs incluent non seulement le vaste pouvoir discrétionnaire dont jouit le ministre, mais aussi le fait que le ministre n’a besoin que de croire raisonnablement, selon la prépondérance des probabilités, qu’une personne peut être sujette ou incitée à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile ou à aider ou à inciter toute autre personne à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile, et la nature intrinsèquement prédictive et prospective d’une évaluation des risques : Mitchell, au paragraphe 7.
[43]
Effectivement, la tâche du ministre est prédictive. La décision d’annuler ou de renouveler l’HST de M. Mohamed est fondée sur une appréciation prospective de sa moralité et de sa propension. L’examen des incidents antérieurs représente une façon habituelle de juger les activités potentielles futures. Une corrélation précise n’est pas requise entre l’activité antérieure et la conduite future éventuelle. C’est la raison pour laquelle il existe un processus dans le cadre duquel les faits sont examinés, une recommandation est formulée et une décision finale est rendue après les commentaires de la personne qui présente une demande d’HST. Lorsqu’il existe une corrélation directe avec la sûreté aérienne, la décision sera souvent évidente. Dans d’autres cas, le processus d’examen, les commentaires et la décision aident le ministre à évaluer la conduite antérieure ainsi que toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes pour tirer une conclusion à l’égard de la portée de la menace pour la sûreté aérienne. Il s’agit nécessairement d’un exercice très axé sur les faits et il n’existe aucune règle générale à propos des types de conduites précis qui peuvent ou peuvent ne pas donner lieu à une croyance raisonnable qu’une personne pose un risque pour la sûreté aérienne.
[44]
Sans accepter une absence de corrélation entre les incidents antérieurs et la sûreté aérienne future, je fais également remarquer que la décision rendue par le ministre a tenu compte des activités antérieures de M. Mohamed en examinant si, selon la prépondérance des probabilités, il peut poser un risque éventuel pour la sûreté aérienne. Notre Cour doit faire preuve d’une grande déférence à l’opinion en tant qu’expert du ministre. Il n’y a aucune preuve que l’opinion était déraisonnable au motif de cette allégation par M. Mohamed. Le ministre croyait que M. Mohamed pourrait poser un risque, car sa conduite antérieure démontrait un manque de fiabilité, de jugement et d’intégrité et parce qu’il n’avait pas limité sa conduite en considération du poste de confiance qu’il occupait en qualité de titulaire d’une HST. Il y a une chaîne d’analyse intelligible liant les conclusions de fait du ministre à l’égard de la conduite de M. Mohamed à la conclusion à l’égard du risque qu’il pose pour la sûreté aérienne.
3)
Les observations de M. Mohamed ont-elles été prises en considération?
[45]
M. Mohamed laisse entendre que ses observations n’ont pas été prises en considération. Ce n’est pas le cas. L’Organisme consultatif et le ministre ont chacun mentionné expressément avoir examiné les observations. À l’étape du contrôle judiciaire, la décision ne contredit pas les explications présentées par M. Mohamed. La décision mentionne que, dans le premier incident, M. Mohamed a tenté d’effectuer un achat au moyen d’une fausse carte de crédit et qu’il a quitté les lieux avant l’arrivée de la police. La décision ne mentionne pas que M. Mohamed a proféré des menaces, mais signale que, dans le deuxième incident, l’altercation avec le plaignant était manifestement assez grave et que le plaignant a eu suffisamment peur au point d’appeler la police. Le troisième incident est uniquement décrit comme [traduction] « concernant un ordinateur portatif volé »
, ce qui est exact. Quoi qu’il en soit, la décision tend à accepter l’essentiel des explications de M. Mohamed, qui ne niaient pas en réalité l’essence des trois incidents. Le ministre n’était tout simplement pas d’accord avec M. Mohamed quant à savoir si des conclusions à l’égard de la moralité de M. Mohamed auraient dû être tirées à la lumière de ses explications. Le ministre n’est pas tenu d’accepter que l’interprétation de M. Mohamed à l’égard de ses explications montre qu’il peut ne pas être sujet ou être incité à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile.
E.
Conclusion : la décision est raisonnable
[46]
M. Mohamed a maintenant perdu le seul emploi qu’il a occupé dans sa vie d’adulte. Il croit qu’il n’a rien fait qui mérite une punition autre qu’une brève période de service communautaire, un point de vue, fondé sur le dossier, qui est apparemment partagé par les autorités responsables d’enquêter sur les actes criminels et d’entamer des poursuites contre ceux-ci. Il peut objecter que la décision est injuste et poser la question : « La peine est-elle adaptée au crime? »
Bien que j’éprouve de la sympathie à l’égard de la situation de M. Mohamed, ma tâche consiste à déterminer si la décision est raisonnable, et non si une décision différente aurait pu être rendue.
[47]
Comme il est établi dans mon analyse, après avoir examiné le dossier, je suis convaincue que la décision est raisonnable. En plus d’être décrit comme étant « très vaste »
, le pouvoir discrétionnaire du ministre a été qualifié d’« absolu »
, ce qui permet au ministre d’examiner tous les faits. La Loi n’exige pas qu’une personne qui présente une demande d’HST « commette »
un acte qui « constituera »
une intervention illicite dans l’aviation civile, mais plutôt qu’une telle personne [traduction] « puisse »
le faire : Mangat, aux paragraphes 53 et 57.
[48]
Le ministre a conclu que la participation de M. Mohamed aux incidents soulevait de graves préoccupations à propos de son jugement, de son intégrité et de sa fiabilité; des attributs qui sont requis pour jouir de la confiance dans les zones réglementées d’un aéroport. L’issue était fondée sur un examen du dossier, dont la lettre de M. Mohamed datée du 18 septembre 2015, et sur ses observations écrites en réponse. Même si les motifs sont brefs, lorsqu’on les examine dans le contexte du dossier, qui comprend le rapport de vérification des antécédents criminels, la recommandation de l’Organisme consultatif ainsi que les observations de M. Mohamed, ils indiquent les raisons pour lesquelles la décision a été rendue. Le fait que les observations de M. Mohamed n’ont pas réfuté les autres facteurs ne fait pas en sorte que la décision est déraisonnable.
[49]
L’analyse dans la décision satisfait aux critères énoncés dans Dunsmuir. Elle met en balance la période qui s’est écoulée depuis les incidents, leur gravité et la rupture du lien de confiance connexe qui a découlé de la participation de M. Mohamed aux incidents, témoignant d’un manque de jugement de sa part même si on lui avait conféré une HST. La décision permet à M. Mohamed de comprendre la raison pour laquelle son HST n’a pas été renouvelée.
[50]
La demande est en conséquence rejetée. Des dépens d’un montant forfaitaire fixe de 750 $ sont adjugés au défendeur à verser par le demandeur.
JUGEMENT
LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Des dépens d’un montant forfaitaire de 750 $ sont payables par le demandeur au défendeur.
« E. Susan Elliott »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 28e jour de janvier 2020
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossier :
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T-1256-16
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INTITULÉ :
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OSMAN MOHAMED c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 2 mars 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE ELLIOTT
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DATE DES MOTIFS :
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Le 10 mars 2017
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COMPARUTIONS :
Gregory Lafontaine
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Pour le demandeur
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Heather Thompson
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lafontaine & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)
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Pour le demandeur
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William F. Pentney
Sous-procureur général
du Canada
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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