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Date : 20170208


Dossier : T-1359-16

Référence : 2017 CF 158

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 février 2017

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

SEYED MOHAMMADAMIN EHSAEI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                    Nature de l’instance

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision datée du 7 juillet 2016 par laquelle une juge de la citoyenneté a refusé la demande de citoyenneté du demandeur au motif que celui-ci ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, ch. C-29 (la Loi).

II.                 Rappel des faits

[2]               Le demandeur est âgé de 31 ans et est un citoyen de l’Iran. Il est arrivé au Canada le 13 juillet 2008 et est devenu résident permanent. Il a présenté une demande de citoyenneté le 28 août 2013. Par conséquent, la période de référence pour déterminer la résidence selon la Loi est comprise entre le 28 août 2009 et le 28 août 2013.

III.               Décision contestée

[3]               Le 7 juillet 2016, la juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté du demandeur pour le motif qu’il ne répondait pas aux conditions de résidence établies à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. La juge de la citoyenneté a déterminé que le demandeur avait démontré 1 039 jours de présence effective, 421 jours d’absence, soit un déficit de 56 jours relativement à l’exigence législative de 1 095 jours.

[4]               En appliquant le critère établi dans la décision Re Pourghasemi, [1993] A.C.F. No 232, la juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur n’avait pas fourni une preuve suffisante et crédible pour prouver sa présence effective au Canada durant au moins 1 095 jours au cours de la période de référence. Elle a déterminé qu’il y avait des incohérences entre les réponses offertes par le demandeur dans sa demande et son questionnaire de résidence concernant ses antécédents de travail et d’études.

IV.              Questions en litige

[5]               La présente affaire soulève les questions suivantes :

1)      La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne répondait pas aux exigences de la Loi en matière de résidence?

2)      La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en ne soulevant pas ses inquiétudes au sujet de la crédibilité du demandeur au cours de son audience?

[6]               La norme de contrôle qui doit s’appliquer à l’analyse faite par un juge de la citoyenneté pour déterminer si une personne satisfait aux conditions de résidence définies à l’alinéa 5(1)c) de la Loi est celle de la décision raisonnable, car cette question soulève une question mixte de fait et de droit. La décision doit être justifiée, transparente et intelligible, et elle doit appartenir « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

[7]               Le fait de déterminer si le demandeur a eu l’occasion de répondre aux préoccupations de la juge de la citoyenneté quant à sa crédibilité soulève une question d’équité procédurale, qu’il faut examiner selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339).

V.                 Dispositions pertinentes

[8]               Au moment où le demandeur a présenté sa demande de citoyenneté, les conditions de résidence suivantes étaient imposées par l’alinéa 5(1)c) de la Loi, qui se lit comme suit :

Attribution de la citoyenneté

Grant of citizenship

5 (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

5 (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[…]

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

VI.              Arguments des parties

[9]               Le demandeur soutient que la juge de la citoyenneté a commis une erreur en omettant d’évaluer son degré d’établissement au Canada à titre de question préliminaire, même s’il avait déposé la preuve documentaire de cet établissement (Hao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 46). Le demandeur fait également valoir que la décision est déraisonnable parce que la juge de la citoyenneté n’a pas tenu compte d’éléments de preuve démontrant sa présence effective au Canada au cours de la période de référence (Dhaliwal c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 157, aux paragraphes 85 et 86). Enfin, le demandeur affirme que la juge de la citoyenneté a manqué à son devoir d’équité procédurale en omettant de l’informer, au cours de l’audience, de ses préoccupations concernant le manque de transcriptions de l’Université de Reading et l’Université d’Ottawa, ainsi qu’en spéculant quant à savoir si le demandeur a suivi des cours en ligne ou à distance pour l’obtention de ses diplômes.

[10]           Le défendeur soutient que l’on peut présumer que la juge de la citoyenneté a évalué la question préliminaire de détermination du respect de l’obligation de résidence (Boland c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 376 [Boland]. Le défendeur fait valoir que la décision était raisonnable; la juge de la citoyenneté a appliqué correctement le critère Pourghasemi et a raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas fourni une preuve suffisante et crédible permettant d’établir sa présence physique au Canada pendant la période de référence. Elle n’a pas fait fi des éléments de preuve documentaire fournis par le demandeur à l’appui de sa présence au Canada, mais a plutôt soupesé ces éléments et déterminé qu’ils étaient insuffisants. Enfin, le défendeur conteste l’allégation de manquement à l’équité procédurale, en soulignant que la juge de la citoyenneté n’avait aucune obligation de demander des documents additionnels particuliers (Zheng c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1311) et que le demandeur a eu la possibilité d’aborder les incohérences présentes dans la preuve.

VII.            Analyse

[11]           La Cour conclut que la juge de la citoyenneté n’a ni commis une erreur susceptible de révision en rejetant la demande de citoyenneté en déterminant que sa présence effective au Canada n’a pas été établie, ni n’a manqué à l’équité procédurale en ne demandant pas des éléments de preuve documentaire additionnels.

[12]           Comme l’a déclaré le défendeur, il est acquis en droit qu’au moment d’évaluer l’obligation de résidence prévue par l’alinéa 5(1)c) de la Loi en suivant la démarche à deux volets établie par la jurisprudence, un juge de la citoyenneté ne peut pas arriver à une conclusion explicite quant à l’application du premier critère de détermination de résidence, mais plutôt à une conclusion présumée ou implicite dans les motifs qu’il invoque :

[22]      ... il y a lieu de présumer que la juge de la citoyenneté était disposée à accepter que le demandeur avait établi sa résidence au Canada le jour où il avait obtenu le droit d’établissement, sinon il n’y aurait eu aucune raison de chercher à savoir si la résidence du demandeur satisfaisait au nombre de jours prescrits par la Loi. Dans ces conditions, je ne comprends pas de quoi se plaint le demandeur, puisque la juge de la citoyenneté a implicitement décidé qu’il répondait au premier volet de l’analyse et qu’il avait établi sa résidence au Canada à la première date possible.

(Boland, précité, au paragraphe 22)

[13]           Par conséquent, la conclusion de la juge de la citoyenneté quant au critère de résidence du premier volet était implicite.

[14]           La Cour souligne qu’il incombe au demandeur de fournir les éléments de preuve suffisants pour prouver qu’il satisfait aux exigences en matière de résidence prévues par la Loi. Dans sa décision, la juge de la citoyenneté a soulevé de nombreuses incohérences concernant les éléments de preuve présentés par le demandeur; il a donné des dates incomplètes et incohérentes concernant  ses études à l’Université Allameh Tabatabaei (en Iran), à l’Université de Reading (au Royaume-Uni) et à l’Université d’Ottawa, et il existait des écarts liés à certains éléments de preuve documentaire qu’il a fournis, comme la traduction de son diplôme de baccalauréat iranien et son rapport d’activités Aéroplan. Étant donné ces lacunes, la décision était raisonnable, puisqu’il était loisible à la juge de la citoyenneté de soupeser les éléments de preuve et de conclure que le demandeur n’avait pas satisfait aux exigences en matière de résidence (on renvoie au paragraphe 16 et aux paragraphes 26 à 30 inclusivement de la décision dans l’affaire Fotros c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 842 [Fotros], rédigée par le juge Simon Fothergill; ainsi qu’aux paragraphes 25 à 27 inclusivement de la décision dans l’affaire Ballout c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 978, rédigée par la juge Marie-Josée Bédard).

[15]           En l’espèce, la Cour conclut que la juge de la citoyenneté a rempli son obligation d’équité procédurale. Le demandeur n’avait pas droit à des demandes de documents additionnels pour compléter son dossier (Fotros, précité, au paragraphe 11).

VIII.         Conclusion

[16]           L’appel est rejeté.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

L’appel est rejeté. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1359-16

INTITULÉ :

SEYED MOHAMMADAMIN EHSAEI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 février 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge SHORE

DATE DES MOTIFS :

Le 8 février 2017

COMPARUTIONS :

Andrew Wlodyka

Pour le demandeur

Maia McEachern

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Direction Legal LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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