Date : 20170119
Dossier : IMM-2117-16
Référence : 2017 CF 67
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 19 janvier 2017
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
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MISHAEL EMMA DAVID
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
La demanderesse, une ressortissante du Pakistan, est arrivée au Canada le 7 janvier 2016 et a présenté une demande d’asile qui a été rejetée en raison de la persécution à laquelle elle faisait face en tant que jeune femme chrétienne, dont le présumé prétendant, un extrémiste influent, voulait qu’elle se convertisse à l’islam.
[2]
Les membres de la famille de la demanderesse sont chrétiens depuis de nombreuses générations, pratiquant et étudiant la foi chrétienne dans le cadre de leur éducation et de leur héritage spirituel.
[3]
Même si son collège porte un nom chrétien, le Forman Christian College, il est composé d’un corps étudiant et d’un corps professoral majoritairement musulmans. La demanderesse a subi de la pression lorsqu’on lui a demandé de se joindre à la société islamique, ce qu’elle a refusé de faire.
[4]
Elle fait valoir que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) a commis une erreur en tirant des conclusions défavorables quant à sa crédibilité. Dans l’impossibilité d’interjeter appel à la Section d’appel des réfugiés, puisqu’elle était arrivée au Canada en passant par les États-Unis, elle a donc présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour pour que cette dernière détermine si la tenue d’une nouvelle audience est justifiée.
[5]
Une nouvelle audience serait justifiée si la Commission avait commis une erreur dans ses conclusions sur la crédibilité de la demanderesse. La Cour conclut que la Commission a effectivement commis une erreur dans ses conclusions sur la crédibilité, n’ayant pas procédé à une analyse adéquate des éléments de preuve documentaire sur la situation dans le pays en lien avec le récit de la demanderesse.
[6]
La Cour prend note que, comme l’a raconté la demanderesse sans se contredire, son prétendant a déclaré qu’[traduction] « il portera des accusations de blasphème contre moi, qu’on viendra alors vers moi pour m’arrêter [...] Il a déclaré que ce jour‑là, je devais être prête à me convertir à l’islam pour que nous puissions tenir un Nikah ou une cérémonie de mariage traditionnelle »
.
[7]
Les contradictions soulevées par la Commission, prises dans leur ensemble, sont secondaires et ne tiennent pas compte des éléments de preuve subjectifs (situation personnelle de la demanderesse) et objectifs (situation au pays). Comme il a été déposé en preuve, le rapport de 2015 de l’International Crisis Group intitulé «
Women, Violence and Conflict in Pakistan
»
indique clairement une possibilité de persécution dans des cas semblables à celui de la demanderesse si, effectivement, la personne est non-musulmane ou appartient à une entité musulmane en situation de minorité : «
The UNHCR Guide to Assessing Religious Minorities in Pakistan draws a picture of peril in respect of Christian women
»
(Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés), UNHCR Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Members of Religious Minorities from Pakistan, 14 mai 2012, HCR/EG/PAK/12/02 à la pièce D de l’affidavit de la demanderesse).
[8]
De plus, la preuve de violence contre les femmes s’étend à l’échelle du pays. On mentionne le rapport de 2015 d’Amnistie Internationale sur le Pakistan. Par conséquent, cet élément de preuve écarte manifestement, pour ce qui est de l’appréciation des éléments de preuve en l’espèce, la possibilité de refuge intérieur à Karachi avancée par la Commission dans sa décision. La preuve démontre que la demanderesse, en tant que femme célibataire dans sa société, ne peut pas simplement décider d’aller vivre seule dans une autre ville sans courir un grave danger.
[9]
Une affirmation par un gouvernement, voire par la loi, qui n’est pas appuyée par une exécution concrète, n’est rien de plus qu’une illusion qui relève d’un vœu pieux (Meza Varela c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1364 et Bledy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 210).
[10]
Il convient de souligner que la Commission ne s’est même pas penchée sur un élément de preuve au cœur du dossier, à savoir une lettre du pasteur, au Pakistan, dont l’église est fréquentée par les membres de la famille de la demanderesse, dans laquelle il écrit clairement que le prétendant s’est présenté au domicile de la demanderesse, accompagné par d’autres personnes, et a exigé que la demanderesse se convertisse à l’islam. Il ajoute que la police n’est pas une option viable en laquelle les chrétiens peuvent faire confiance pour assurer leur sécurité dans de telles affaires.
[11]
Le rapport du Royaume-Uni intitulé Country Information and Guidance: Pakistan, Religious Freedom, à la pièce D, à propos de la CISR quant à ses propres consultations, en janvier 2013, indique clairement que [traduction] « les policiers auraient commis les crimes suivants contre des chrétiens : viol collectif, meurtre, fabrication de preuve ou falsification de chefs d’accusation, passages à tabac et torture »
.
[12]
Pour tous les motifs précités, la décision ne doit pas être maintenue. Le dossier est renvoyé à la Commission pour nouvel examen par un tribunal différemment constitué.
JUGEMENT
LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.
« Michel M.J. Shore »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 9e jour d’août 2019
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2117-16
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INTITULÉ :
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MISHAEL EMMA DAVID c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 19 janvier 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE SHORE
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DATE DES MOTIFS :
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Le 19 janvier 2017
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COMPARUTIONS :
Aurena Chatterji
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Pour la demanderesse
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Pritzker Schmitt
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Max Berger Professional Law Corporation
Toronto (Ontario)
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Pour la demanderesse
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William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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