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Date : 20170109


Dossier : T-2510-14

Référence : 2016 CF 1361

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

JANSSEN INC. ET ALZA CORPORATION

demanderesses

et

ACTAVIS PHARMA COMPANY

ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS

(Identique à la version confidentielle du jugement et des motifs rendus le 9 décembre 2016)

I.                   Aperçu

[1]               Les demanderesses (Janssen) sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à la défenderesse Actavis Pharma Company. L’AC autoriserait Actavis à mettre en marché sa version générique d’un médicament que commercialise Janssen sous le nom de marque ConcertaMD, lequel est utilisé dans le traitement du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Le TDAH est l’un des troubles mentaux les plus courants chez les enfants, et les symptômes manifestés comprennent l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité. Le principe actif du Concerta est le méthylphénidate (MP).

[2]               Le brevet visant le Concerta (brevet canadien no 2 264 852 (le brevet 852)) n’est pas lié au MP lui-même, un composé bien connu que l’on utilise depuis des décennies pour le traitement du TDAH. Il est plutôt lié à l’emploi de compositions qui libèrent le MP sous la forme d’une [traduction] « dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps ».

[3]               Actavis allègue que le brevet 852 est invalide et, de plus, que sa version générique du médicament ne le contrefera pas. Elle ajoute que le brevet ne devrait pas l’empêcher de recevoir un AC.

[4]               À mon avis, Actavis ne s’est pas acquittée du fardeau de montrer que ses allégations sont justifiées. Je fais donc droit à l’ordonnance que sollicite Janssen, soit le fait d’interdire au ministre de délivrer un AC à Actavis pour sa version générique du MP.

[5]               Les deux parties ont présenté des éléments de preuve d’expert à l’appui de leurs positions. Les qualités professionnelles des experts sont annexées ci-après.

II.                Le brevet 852

[6]               La majeure partie de l’historique du brevet 852 n’est pas contestée. Cependant, comme nous le verrons plus loin, c’est son interprétation que les parties contestent.

A.                Contexte

[7]               Le premier produit à contenir du MP pour le traitement du TDAH a été le RitalinMD IR, un comprimé à libération immédiate, mis au point par Ciba-Geigy dans les années 1950. Plus tard, dans les années 1980, Ciba-Geigy a mis sur le marché une version à libération prolongée, le Ritalin SR. Ces deux produits posaient problème.

[8]               Le Ritalin IR était efficace pendant une période de trois à quatre heures, de sorte qu’il était recommandé d’en prendre deux fois par jour (BID) ou trois fois par jour (TID). De ce fait, la plupart des enfants qui en avaient besoin et qui fréquentaient l’école devaient trouver un moyen de le prendre pendant leur période de dîner. Ce scénario soulevait un certain nombre de questions : qui aura en main les comprimés et qui serait chargé de les administrer (le MP étant une substance réglementée, c’est un adulte qui doit en être responsable)? Comment contrôlerait-on les comprimés pour s’assurer que des personnes à qui ce médicament n’était pas prescrit n’y auraient pas accès? Comment protégerait-on la vie privée de l’enfant?

[9]               Outre ces questions, les effets secondaires du MP – insomnie, perte d’appétit et maux de ventre – étaient, croyait-on, associés aux pics et aux creux des concentrations plasmatiques du MP qui correspondaient aux doubles ou aux triples doses de Ritalin IR qui étaient prises au cours d’une journée.

[10]           Le Ritalin SR était conçu pour régler ces problèmes. Le comprimé à libération prolongée était censé être efficace pendant huit heures, soit la durée d’une journée d’école complète. IL n’a toutefois pas répondu aux attentes. Le Ritalin SR se révélait efficace pendant quelques heures seulement. De nombreux médecins ont cessé de prescrire le Ritalin SR et sont revenus au Ritalin IR, sous la forme BID ou TID.

[11]           Tel était l’état de la technique dans la première moitié des années 1990, quand des chercheurs de la demanderesse Alza Corporation ont commencé à chercher des moyens d’offrir un traitement plus efficace contre le TDAH. Ils disposaient à cette époque d’un document de recherche publié en 1989, qui illustrait la pharmacocinétique du Ritalin IR et SR, y compris la concentration plasmatique maximale atteinte et le temps pris pour atteindre ce maximum (Patrick, 1989). Patrick a montré que les concentrations plasmatiques du MP, dans le cas du Ritalin SR, augmentaient pendant deux heures environ après la prise du médicament; la concentration se stabilisait pendant les quatre heures suivantes, et chutait ensuite.

[12]           Un autre document dont disposaient les chercheurs d’Alza était une étude que M. Greenhill avait réalisée en 1992. Ce dernier avait émis l’hypothèse qu’il y avait un certain nombre de raisons pour lesquelles le Ritalin SR était inefficace : un traitement mal suivi, une formulation erronée, un changement de poids, un stress nouveau et une tolérance aigüe (tachyphylaxie).

[13]           M. Suneel Gupta, qui dirigeait à l’époque le service de pharmacologie clinique d’Alza, a expliqué que les chercheurs ne comprenaient pas pourquoi le Ritalin SR donnait de mauvais résultats. Ses effets semblaient souhaitables : atteindre une concentration plasmatique relativement stable pendant une période prolongée, et éviter les pics et les creux que l’on considérait comme associés aux effets secondaires du Ritalin IR. Les experts pensaient que le problème pouvait être l’absence des pics élevés que l’on obtenait avec le comprimé à libération immédiate, ou la formulation à matrice de cire qui était utilisée.

[14]           M. Gupta souhaitait mettre à l’essai une autre explication – la tolérance aigüe, c’est-à-dire la situation dans laquelle un patient devient tolérant à un médicament, non pas à long terme, mais plutôt pendant une période de dosage unique. Ses collègues avaient des doutes, et croyaient que le véritable problème était la formulation.

[15]           Au lieu de s’attaquer au problème associé à la tolérance par les moyens habituels, soit en augmentant la dose ou en diminuant la fréquence d’administration, M. Gupta a voulu tenter d’administrer le MP à un taux croissant et soutenu. Il dit que ses collègues sont demeurés sceptiques.

[16]           L’équipe de M. Gupta a mis au point une étude visant à vérifier sa théorie de la tolérance aigüe, ainsi que l’idée de ses collègues selon laquelle un profil de concentration plat était l’option la plus souhaitable. L’équipe a mis au point une [traduction] « étude basée sur l’administration du médicament par petites doses fréquentes » (ou « administration intermittente »), laquelle consistait à administrer de petites quantités d’un médicament en vue de reproduire la dynamique de diverses formulations. Quatre scénarios ont été mis à l’essai : le premier reproduisait l’administration du MP deux fois par jour, comme dans le cas du Ritalin IR BID; le deuxième reproduisait le profil de concentration plasmatique plat du Ritalin SR; le troisième, celui de M. Gupta, créait pour le MP un profil plasmatique croissant qui s’étalait sur une période de huit heures; et le quatrième était un placebo.

[17]           Cette étude en double aveugle a comporté aussi des tests de comportement auprès des enfants à qui l’on administrait les médicaments (appelés « test SKAMP » et « test CLAM »), en vue de déterminer l’efficacité posologique du médicament. Le placebo n’a eu aucun effet. Le profil plat a montré une diminution de l’efficacité au cours de la journée. Le régime à dose croissante a montré des résultats améliorés au cours de la journée, comparables à ceux du modèle BID, même quand les concentrations plasmatiques étaient inférieures.

[18]           Pour M. Gupta, cette étude a confirmé sa théorie de la tolérance aigüe. Une seconde étude a été conçue en vue d’obtenir d’autres données. La seconde étude basée sur une administration intermittente a mis à l’essai une modification du profil croissant, dans laquelle la dose initiale et la quantité globale de MP étaient supérieures. Là encore, quatre groupes ont été testés : le premier reproduisait l’administration du Ritalin IR TID; le deuxième était le profil croissant de M. Gupta; le troisième était une variation du premier, dans laquelle le moment de l’administration de la seconde dose était changé; et le quatrième, une fois de plus, était un placebo.

[19]           Les résultats de la seconde étude ont établi que le régime modifié (groupe 3) ne montrait aucune amélioration par rapport à l’administration du Ritalin IR TID (groupe 1). Pour M. Gupta, il s’agissait là d’une preuve additionnelle de tolérance aigüe, et cela montrait que l’on ne pouvait pas régler le problème de tolérance en augmentant simplement la dose. Le dosage croissant permettait d’obtenir des améliorations comportementales équivalentes à celles qu’offrait le Ritalin IR TID, sans intensification marquée des effets secondaires. Ces résultats ont été confirmés par la suite dans le cadre d’une étude menée auprès d’adultes.

B.                 Description du brevet 852

[20]           Le brevet 852 a été déposé le 16 septembre 1997. Il est intitulé « Utilisation de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutique acceptable correspondant ». Le titulaire du brevet est Alza, et M. Gupta est l’un des inventeurs désignés.

[21]           Selon le brevet 852, l’invention [traduction] « a trait à la fois à une forme posologique nouvelle et à une nouvelle méthode d’administration d’un médicament destiné à produire un effet thérapeutique ». Le brevet précise que, dans la forme posologique en question, le médicament est administré [traduction] « sur une période prédéterminée » à un [traduction] « taux soutenu et continuellement croissant », et qu’il inclut une forme posologique dans le cadre de laquelle une dose initiale du médicament est administrée et est ensuite suivie d’une [traduction] « dose soutenue et croissante […] pendant une longue période ».

[22]           Le brevet décrit le contexte dans lequel l’invention revendiquée a été mise au point. Il commence par mentionner la catégorie de médicaments destinés au traitement du TDAH, et il indique ensuite clairement que l’invention est de nature générique parce qu’elle est liée à des médicaments administrés en fonction [traduction] « des formes posologiques et de la méthode proposée selon l’invention ». Il donne comme exemple les médicaments agissant sur le système nerveux central, tels que le MP, qui ont été administrés sous une forme posologique à libération immédiate ainsi que sous une forme à libération prolongée. Pour ce qui est de la forme posologique à libération immédiate, le brevet fait état de quelques-uns des problèmes que l’on associe aux doses quotidiennes multiples. Pour ce qui est du MP à libération prolongée, le brevet indique que les patients acquièrent souvent une tolérance aigüe au médicament, ce qui diminue la durée et l’intensité de son effet.

[23]           En s’appuyant sur ces informations de base, le brevet conclut ensuite qu’il existe un [traduction] « besoin crucial » pour un médicament qui surmonte les problèmes posés par les réalisations antérieures. En particulier, il fait état de la nécessité d’une forme posologique et d’une méthode permettant d’administrer un médicament à un [traduction] « taux augmentant de façon soutenue » en vue de s’attaquer au problème de la tolérance aigüe, notamment dans le cadre du traitement du TDAH. Il fait expressément référence à la nécessité d’offrir un traitement qui durera pendant une journée d’école complète.

[24]           Plusieurs pages du brevet 852 sont consacrées à une description des objets de l’invention. Il suffit pour moi de me reporter aux passages les plus pertinents. L’un des objets immédiats de l’invention, est-il souligné, est d’offrir un moyen de surmonter les lacunes relevées dans les réalisations antérieures. Plus particulièrement, l’invention est conçue pour offrir une forme posologique qui accroît la dose du médicament à la longue, surtout pour régler le problème que pose le maintien d’un effet thérapeutique chez les patients présentant une tolérance aigüe au médicament. Le brevet traite expressément du besoin d’offrir une forme posologique dans laquelle le médicament, y compris un médicament agissant sur le système nerveux central, dont le MP, est libéré à un taux croissant sur une période prolongée, comme une journée d’école d’une durée de 4 à 8,5 heures.

[25]           La section principale suivante du brevet comporte une [traduction] « Divulgation détaillée du mémoire descriptif ». On commence par y décrire ce qu’est la tolérance aigüe, en faisant référence à des documents savants sur le sujet. On décrit ensuite comment il serait possible de créer une forme posologique croissante et soutenue. Elle analyse ensuite les médicaments agissant sur le système nerveux central, dont le MP, qui peuvent servir à traiter le TDAH, et souligne le problème que pose la tolérance aigüe. Là encore, on dit de l’invention que celle-ci règle le problème au moyen d’un médicament à libération prolongée, y compris le problème de la tolérance aigüe, en faisant expressément référence à la question de la tolérance aigüe au MP, laquelle peut survenir dans les quelques heures qui suivent l’administration.

[26]           Le brevet présente ensuite un certain nombre d’exemples. L’exemple no 1 décrit les résultats de la première étude basée sur une administration intermittente, décrite plus tôt. L’exemple no 2 présente les résultats de la seconde étude du même type. Les autres exemples exposent les méthodes à suivre pour concevoir diverses formulations à libération croissante.

[27]           Le brevet contient 119 revendications. Les revendications nos 1, 41 et 78 sont les revendications indépendantes qui sont en litige en l’espèce :
[traduction]

1. Utilisation d’une composition contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant, en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable, ladite composition libérant le méthylphénidate ou le sel pharmaceutiquement acceptable correspondant selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps, pour la régulation de la tolérance au méthylphénidate ou au sel pharmaceutiquement acceptable correspondant.

41. Utilisation d’une composition [… libérant le méthylphénidate…] selon une dose augmentant de façon soutenue sur une période de plus de six heures et allant jusqu’à douze heures, pour le traitement du [TDAH].

78. Utilisation d’une composition [… libérant le méthylphénidate…] selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps, pour le traitement du [TDAH] et pour la compensation d’une tolérance acquise au méthylphénidate ou au sel pharmaceutiquement acceptable correspondant.

C.                 Interprétation des revendications du brevet 852

[28]           Les parties conviennent que les revendications doivent être interprétées en fonction de la date du 30 septembre 1996. Elles conviennent également que le brevet doit être interprété sous l’angle d’une personne versée dans l’art, c’est-à-dire une personne hypothétique composite, qui est un médecin ayant au moins deux années d’expérience dans le traitement du TDAH et une bonne connaissance de la pharmacologie, de même qu’un formulateur de médicaments détenant un diplôme d’études supérieures et deux années d’expérience dans la mise au point de produits à libération prolongée. Cette description de la personne versée dans l’art a été admise par le juge Russel Zinn dans la décision Janssen-Ortho Inc. c. Canada (Santé), 2010 CF 42, au paragraphe 93, relativement au même brevet. Je ne vois pas pourquoi je m’écarterais de cette conclusion en l’espèce. Même si le Dr Chris Hollis, l’expert d’Actavis en psychologie clinique, a laissé entendre que la personne versée dans l’art devrait aussi avoir de l’expérience dans le traitement des enfants et des adolescents souffrant du TDAH, je ne considère pas que cet avis ajoute grand-chose à la description que le juge Zinn a admise.

[29]           Le juge Zinn a également considéré que les mots « dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps », qui figurent dans le brevet 852, signifient que le MP est libéré d’un comprimé à un taux croissant, et non que les concentrations plasmatiques chez le patient augmentent à un taux croissant. Il a donc conclu que le produit de Novopharm ne contrefaisait pas le brevet 852. Les parties conviennent que l’interprétation du juge Zinn devrait s’appliquer en l’espèce.

[30]           Actavis soutient que la personne versée dans l’art devrait considérer que le brevet 852 revendique une forme posologique et une méthode d’administration d’un médicament qui consistent à offrir un taux croissant de libération tout au long de l’intervalle posologique (p. ex. une journée complète), et non seulement pendant une partie de ce dernier.

[31]           Je ne souscris pas à la manière dont Actavis interprète le brevet.

[32]           À mon avis, les mots « dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps » ne signifient pas « tout au long de l’intervalle posologique ». À l’évidence, « en fonction du temps » dénote une période prolongée, pas seulement une durée. Par exemple, on pourrait dire que le comprimé de Ritalin IR libère une dose qui augmente en fonction du temps si l’on ne prend en considération que les deux premières heures suivant l’administration. Le brevet 852 fait expressément une distinction entre l’invention et un comprimé à libération immédiate. Le mot « soutenue » implique également que la période en cause est relativement longue par rapport au profil des produits à libération immédiate.

[33]           En revanche, je ne crois pas que la personne versée dans l’art considérerait que les mots « en fonction du temps » et « soutenue » désignent un intervalle posologique complet. L’un des principaux objets de l’invention était d’offrir un médicament qui serait efficace pendant une journée d’école d’une durée de 4 à 8,5 heures. Pour être efficace, un comprimé n’aurait pas à offrir un profil de libération qui augmenterait de façon soutenue pendant l’intervalle tout entier. Les experts conviennent que l’efficacité est soutenue pendant un certain temps au-delà du moment où les dernières molécules du MP sont libérées du comprimé. Par conséquent, pour être efficace pendant huit heures, par exemple, il faudrait que la forme posologique augmentant de façon soutenue soit croissante pendant les six premières heures à peu près, et non durant l’intervalle posologique tout entier.

[34]           M. John Markowitz, un pharmacologiste clinicien témoignant pour Janssen (un sommaire des titres de compétence des experts est annexé ci-après), a expliqué qu’il ne considérait pas que les exemples donnés dans le brevet, lesquels font état d’une forme posologique augmentant de façon soutenue pendant l’intervalle d’essai tout entier, sont identiques à ce qui est revendiqué. Un médicament qui présente un profil de libération augmentant de façon soutenue sur une période de quelques heures continuerait d’être efficace quelques heures après que le médicament a cessé de libérer le MP dans le plasma. Selon lui, le brevet traitait d’une forme posologique augmentant de façon soutenue pendant une période d’au moins quatre heures.

[35]           Si la forme posologique augmentant de façon soutenue pendant quatre heures se situe peut-être à l’extrémité inférieure de ce qui est exigé pour que le médicament soit efficace pendant une journée d’école, le brevet, selon M. Markowitz, vise une période de traitement pouvant atteindre huit heures, ou plus.

[36]           Le Dr Hollis a convenu que les effets d’un médicament contenant du MP se poursuivront en général pendant une période de 1,5 heure à 2 heures après que le MP cesse d’être libéré dans le plasma.

[37]           Actavis soutient également qu’il faudrait considérer que le brevet revendique des formes posologiques contenant aussi peu que 100 ng, et jusqu’à 500 mg, de MP. Elle fait remarquer que ces quantités sont expressément mentionnées dans les revendications et que ces dernières doivent être interprétées en ce sens.

[38]           Je ne suis pas d’accord. Je ne crois pas qu’une personne versée dans l’art considérerait que la revendication no 1, par exemple, fait état d’une forme posologique contenant seulement 100 ng d’un principe actif qui serait capable de réguler une tolérance aigüe au MP. Je conviens plutôt avec M. Markowitz que si la quantité de 100 ng a été incluse dans la revendication, c’était probablement pour traiter du contenu minimum d’éléments individuels d’une forme posologique particulière que l’on pourrait formuler pour offrir un profil de libération qui augmenterait de façon soutenue, et dont la somme totale pourrait atteindre 500 mg. Le Dr Hollis a admis que l’interprétation de M. Markowitz était raisonnable.

III.             La première question – L’allégation d’invalidité d’Actavis est-elle justifiée?

[39]           Le principal argument qu’invoque Actavis est que l’invention mentionnée dans le brevet 852 est évidente. Les parties conviennent que le critère de l’évidence est énoncé dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61.

[40]           Actavis allègue que la présumée invention mentionnée dans le brevet 852 est évidente et que le brevet est donc invalide.

[41]           Je ne suis pas d’accord. À mon avis, l’invention du brevet 852 représente une étape inventive par rapport aux réalisations antérieures à l’époque pertinente.

[42]           J’ai énoncé plus tôt quelles auraient été les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art à l’époque pertinente. Cette personne aurait été au courant de l’efficacité et des lacunes des médicaments disponibles pour traiter le TDAH. En particulier, elle aurait considéré l’administration du Ritalin IR sous la forme BID ou TID comme le summum de la technique.

[43]           L’idée originale qui sous-tend le brevet 852 est l’emploi d’une formulation qui libère, de façon croissante et soutenue en fonction du temps, une dose d’un principe actif qui vise à répondre aux problèmes de la tolérance aigüe. Cela représentait un avantage par rapport aux réalisations antérieures, vu les problèmes que l’on associait à la fois au Ritalin IR et au Ritalin SR.

[44]           Actavis soutient que la seule différence entre l’étape inventive que comporte le brevet et les réalisations antérieures est que les inventeurs ont confirmé le postulat, formé dans les réalisations antérieures, selon lequel le problème était la tolérance aigüe au MP. D’après Actavis, les chercheurs d’Alza ont simplement réalisé des essais courants pour arriver à cette conclusion. Par ailleurs, ils sont arrivés à une solution bien connue au problème de la tolérance aux médicaments : augmenter la dose.

[45]           Je ne suis pas d’accord avec l’argument d’Actavis sur ce point. Comme il ressort clairement de la description susmentionnée du contexte entourant le brevet 852, les inventeurs ont fait des efforts considérables pour découvrir le problème sous-jacent du Ritalin SR. M. Gupta et ses collègues ont conçu ce que M. Markowitz a appelé une étude [traduction] « élégante » et [traduction] « imaginative » pour mettre à l’essai un certain nombre de théories, dont l’une était la tolérance aigüe. Les résultats ont étonné les chercheurs d’Alza.

[46]           Le problème posé par la tolérance aigüe au MP était inconnu dans les réalisations antérieures. Certes, M. Greenhill a mentionné qu’il s’agissait de l’une des nombreuses causes possibles de l’efficacité réduite du Ritalin SR, mais personne, avant les études ayant mené au brevet 852, n’avait précisément mentionné qu’il s’agissait là de la source de l’inefficacité du Ritalin SR. Les inventeurs du brevet ont cerné ce problème et ont conçu pour celui-ci une solution nouvelle et efficace.

[47]           Comme il a été décrit plus tôt, il n’a pas été évident d’essayer de mettre au point une forme posologique qui augmenterait de façon soutenue en vue de régler le problème de la tolérance aigüe. Les collègues de M. Gupta disaient douter que la tolérance aigüe fût même un problème. De plus, l’emploi d’une forme posologique du MP qui augmentait de façon soutenue n’avait jamais été mis à l’essai auparavant en tant que moyen de régler ce problème.

[48]           Les experts d’Actavis ne m’ont pas convaincu que l’invention que contient le brevet 852 était évidente. M. Rue a présumé que la tolérance aigüe était un problème connu et que la solution était une formulation à libération croissante. Il a exprimé l’avis que si l’on avait demandé à un formulateur versé dans l’art de concevoir une forme posologique à augmentation soutenue, il aurait pu le faire en ayant recours à des techniques courantes. Dans le même ordre d’idées, le Dr Hollis a présumé que l’on savait que la tolérance aigüe était un problème potentiel, d’après le document de M. Greenhill. Cependant, il a tout au plus affirmé que la personne versée dans l’art n’aurait pas exclu la tolérance aigüe comme étant l’un des problèmes que posait le Ritalin SR. Il a ensuite ajouté que la personne versée dans l’art aurait tenté de reproduire les pics (mais non les creux) du profil du Ritalin IR TID comme moyen de régler le problème de la tolérance aigüe. Il a conclu que la personne versée dans l’art serait arrivée sans difficulté à une formulation qui augmenterait de façon soutenue et qui aurait atteint le résultat souhaité.

[49]           Je ne vois rien dans les réalisations antérieures ou dans les connaissances générales courantes qui aurait permis à la personne versée dans l’art de partir de l’hypothèse que la tolérance aigüe au MP était un problème à régler. L’opinion du Dr Hollis me semble être une appréciation a posteriori inacceptable. En conséquence, même si la solution à ce problème aurait été évidente aux yeux de la personne versée dans l’art, comme le prétend Actavis, je ne puis conclure que l’invention contenue dans le brevet 852 était en soi évidente. Cette allégation est injustifiée.

[50]           Actavis allègue également que l’utilité de l’invention décrite dans le brevet 852 n’était ni démontrée ni valablement prédite à l’époque pertinente.

[51]           Je ne suis pas d’accord. L’utilité déclarée du brevet 852 est que l’invention revendiquée régulera la tolérance aigüe au moyen d’une forme posologique qui augmentera de façon soutenue dans le cadre du traitement du TDAH. À mon avis, cette utilité a été clairement démontrée par les deux études basées sur une administration intermittente qui ont été décrites plus tôt. Les données tirées de ces études ont été fournies dans le brevet et étayent les conclusions des inventeurs. Je considère que cette allégation est elle aussi injustifiée.

[52]           Actavis soutient par ailleurs que le brevet n’a pas d’utilité parce qu’il englobe un éventail de produits inopérables, soit des comprimés contenant aussi peu que 100 ng de MP. J’ai indiqué plus tôt la manière dont j’interprète les revendications pertinentes. Je conclus donc que le brevet ne revendique pas un comprimé contenant 100 ng de MP, mais plutôt une forme posologique dans laquelle une quantité aussi faible que 100 ng de MP peut être contenue dans l’un de ses éléments. Je conclus de ce fait que l’allégation d’Actavis est elle aussi non fondée.

[53]           Enfin, Actavis laisse entendre que le brevet 852 est invalide parce que ses revendications sont d’une portée trop large. Cette allégation est également liée à l’inclusion de la quantité de 100 ng de MP dans les revendications du brevet. Je conviens que 100 ng n’est pas une dose de MP efficace, mais, comme il a été mentionné plus tôt, je ne crois pas qu’un lecteur versé dans l’art considérerait que le brevet revendique une dose de 100 ng de MP qui augmenterait de façon soutenue.

[54]           Actavis a également allégué l’inutilité du brevet à l’extrémité supérieure de l’éventail revendiqué. Plus précisément, elle affirme qu’une dose de MP de 500 mg serait mortelle. Cependant, je n’ai en main aucune preuve à l’appui de cette affirmation, à part une remarque que le Dr Hollis a faite en contre-interrogatoire. En conséquence, je conclus que cette allégation n’est pas justifiée.

[55]           Dans l’ensemble, je conclus que plusieurs allégations d’invalidité d’Actavis sont injustifiées.

IV.             La seconde question – L’allégation de non-contrefaçon d’Actavis est-elle justifiée?

[56]           Actavis soutient que son produit ne contrefait pas le brevet 852 parce que le MP contenu dans ses comprimés n’est pas libéré de façon croissante et soutenue pendant une période prolongée pour compenser la tolérance aigüe. Elle se fonde sur l’analyse qu’a menée M. Peter Rue, un formulateur expert, qui a étudié le taux de libération du MP présent dans les comprimés d’Actavis dans divers supports.

[57]           M. Peter Rue a conclu que, en moyenne, les comprimés d’Actavis ne libéraient pas le MP à un taux croissant et soutenu en fonction du temps. De plus, il a exprimé l’avis que la quantité du principe actif qui serait libérée à un taux croissant et soutenu pour répondre au problème de la tolérance aigüe serait insuffisante. Il en a conclu que le produit d’Actavis ne contreferait pas le brevet 852.

[58]           Je ne suis pas d’accord. Il ressort de la prépondérance de la preuve que le produit d’Actavis libère bel et bien le MP à un taux croissant et soutenu pendant une période suffisamment longue pour réguler la tolérance aigüe. Les comprimés d’Actavis contrefont donc le brevet 852.

[59]           Janssen considère que le témoignage de M. Rue soulève un certain nombre de problèmes, mais il n’est pas nécessaire que je les analyse tous. Je suis persuadé que l’opinion de M. Rue est discutable à deux égards, ce qui m’amène à douter de ses conclusions. Premièrement, M. Rue estime que le brevet 852 revendique un taux de libération de MP croissant et soutenu pendant un intervalle posologique complet. J’ai déjà examiné et rejeté cette interprétation. Cependant, il se fonde à tort sur cette interprétation pour conclure qu’étant donné que les comprimés d’Actavis ne libéraient pas une dose croissante et soutenue pendant un intervalle posologique complet, ils ne contreferaient pas le brevet 852.

[60]           Deuxièmement, M. Rue s’est fondé sur des données moyennes, et non sur les résultats de l’analyse de comprimés distincts d’Actavis. De ce fait, son analyse nous indique seulement si un lot de comprimés pourrait contrefaire le brevet ou non. Toutefois, un lot de comprimés pourrait ne pas contrefaire le brevet même si une part importante des comprimés distincts qui s’y trouvent pourrait le faire. L’approche de M. Rue permettrait à une grande quantité de médicaments contrefaisants d’entrer sur le marché.

[61]           Mme Leah Appel, elle aussi une formulatrice experte qui a fourni un témoignage d’opinion pour le compte de Janssen, a analysé en détail les données de dissolution applicables aux comprimés d’Actavis dans des supports divers. Elle a mesuré la libération du MP sur plusieurs périodes horaires et a conclu que la plupart des comprimés libèrent le MP à un taux croissant et soutenu pendant une période minimale de quatre heures, et certains pendant une période plus longue. Son analyse était fondée sur des données relatives à des comprimés distincts, et non sur des chiffres moyens applicables à des lots.

[62]           L’analyse de Mme Appel a montré que les comprimés d’Actavis contiennent une dose initiale de MP et libèrent par la suite le MP à un taux croissant et soutenu pendant une période suffisante, soit quatre heures au moins, pour réguler la tolérance aigüe. Mme Appel a comparé ses données à toutes les revendications du brevet 852 et a conclu qu’un grand nombre d’entre elles étaient contrefaites, surtout les revendications indépendantes énoncées plus tôt, soit les revendications nos 1, 41 et 78.

[63]           De plus, la monographie de produit d’Actavis confirme que les comprimés libéreront le MP à un taux croissant pendant une période de six à dix heures. Selon M. Markowitz, le profil du taux de libération des comprimés d’Actavis correspond en grande partie à celui de Janssen. Dans le même ordre d’idées, le Dr Declan Quinn, un spécialiste en pédopsychiatrie qui a fourni un témoignage d’expert pour le compte de Janssen, a confirmé que des médecins lisant la monographie de produit d’Actavis noteraient qu’elle est quasi identique à la monographie de produit du Concerta et qu’ils prescriraient le produit d’Actavis de la même façon qu’ils le feraient pour le Concerta. Le Dr Quinn a donc conclu que la monographie dit essentiellement aux médecins que le produit d’Actavis offre pour le MP une forme posologique croissante et soutenue qui peut surmonter le problème de la tolérance aigüe.

[64]           À mon avis, cette preuve indique que les allégations de non-contrefaçon d’Actavis ne sont pas justifiées.

V.                Conclusion et dispositif

[65]           Actavis n’a pas établi que ses allégations d’invalidité et de non-contrefaçon sont justifiées; la prépondérance des éléments de preuve indique le contraire. En conséquence, je ferai droit à l’ordonnance que sollicite Janssen en vue d’interdire au ministre de la Santé de délivrer un AC à Actavis pour sa version générique du Concerta. Janssen a droit à ses dépens.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-2510-14

LA COUR ORDONNE que l’ordonnance que sollicite Janssen en vue d’interdire au ministre de la Santé de délivrer un AC à Actavis soit accordée, avec dépens.

« James W. O’Reilly »

Juge


Annexe

Sommaire des experts

Janssen

Mme Leah Appel, B.S. (génie chimique), Ph. D. (pharmaceutique)

Mme Appel était chimiste-chercheuse au service de Green Ridge Consulting, qui s’occupe de consultations en matière de formulations et de mises au point de processus, et où elle occupe aujourd’hui le poste d’associée directrice. Elle est spécialisée dans la mise au point et l’application de techniques d’administration de médicaments, y compris les formulations SR. Elle a à son actif quatorze publications et onze brevets délivrés, et a agi comme conseillère auprès du Journal of Pharmaceutical Sciences.

M. John Markowitz, B.S. (biologie), Pharm.D.

M. Markowitz est actuellement professeur de pharmacothérapie au College of Pharmacy de l’Université de la Floride, de même que pharmacopsychiatre agréé. Il a de l’expérience dans le domaine de la pharmacologie clinique des médicaments psychotropes, et cela inclut les médicaments utilisés dans le cadre du traitement et de la gestion du TDAH. Son expérience s’étend également aux enquêtes axées sur l’évaluation des interactions médicamenteuses en psychopharmacologie.

Dr Declan Quinn, BAO, B. Surg., B.A., Bc.H.

Le Dr Quinn est professeur de psychiatrie à la Royal University Hospital à l’Université de la Saskatchewan, et est titulaire d’une bourse de recherche en psychiatrie du Collège des médecins et chirurgiens. Il est psychiatre, se spécialise dans les enfants et les adolescents, et prend part à des travaux cliniques et de recherche concernant le TDAH depuis plus de 25 ans. Il a aussi pris part à des études pharmacocinétiques concernant différents psychostimulants, dont le méthylphénidate.

Dr David Goodman, B.A. (psychologie avec mention), M.D.

Le Dr Goodman est un psychiatre agréé dont la pratique clinique consiste à diagnostiquer et à traiter les troubles bipolaires et les troubles importants liés à la dépression, le TDAH et les troubles connexes, ainsi que les troubles liés à l’anxiété depuis 1986. Il est professeur adjoint de psychiatrie et de sciences du comportement à la Johns Hopkins University School of Medicine, ainsi que directeur de l’Adult Attention Deficit Disorder Centre of Maryland. Il a été chercheur principal dans le cadre d’essais de médicaments de phases II et III sur plusieurs sites, relativement au traitement du TDAH.

Actavis

Dr Chris Hollis, B.Sc. (psychologie), MBBS, BCH (pédiatrie), MRCPsych, Ph. D. (psychiatrie)

Le Dr Hollis est professeur de pédopsychiatrie à l’Université de Nottingham, et a occupé le poste de président de la Division de psychiatrie de la School of Community Health Services pendant douze ans. Il effectue des travaux de recherche dans plusieurs secteurs de la psychiatrie, dont le TDAH. Il a été membre expert et responsable de la psychopharmacologie auprès du National Institute for Health and Care Excellence TDAH Guideline Development Group. Il poursuit sa pratique privée en association avec l’University of Nottingham Medical School, où sa spécialité est la pédopsychiatrie et la psychopharmacologie, notamment en ce qui concerne les troubles neurodéveloppementaux tels que le TDAH. Il est l’auteur ou co-auteur de 170 publications évaluées par les pairs, ouvrages et chapitres d’ouvrages.

M. Peter Rue, B.Sc. (pharmacie), Ph. D. (pharmacie)

M. Rue est consultant pharmaceutique et chercheur professionnel invité au sein de la Faculté de pharmacie de l’Université d’Aston depuis les quinze dernières années. Son domaine d’expertise est la formulation pharmaceutique, et surtout les formes posologiques solides, un domaine dans lequel il travaille depuis plus de trente ans. Il a aussi prêté main-forte à des entreprises de petite taille à titre de consultant en pharmacie. Il a publié plus de 25 articles, dont la quasi-totalité porte sur les compositions et les formulations pharmaceutiques.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2510-14

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC. ET ALZA CORPORATION c. ACTAVIS PHARMA COMPANY LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Du 20 au 23 septembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS :

Le 9 décembre 2016

DATE DES JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS :

LE 9 JANVIER 2017

COMPARUTIONS :

Peter Wilcox

Marian Wolanski

Stephanie Anderson

 

Pour les demanderesses

 

Douglas Deeth

Junyi Chen

M. Wong

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BELMORE NEIDRAUER LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demanderesses

 

DEETH WILLIAMS WALL LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les défendeurs

 

 

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