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Date : 20170103


Dossier : IMM-1761-16

Référence : 2017 CF 1

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 janvier 2017

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

SHAYAN SHOMALI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur, Shayan Shomali, citoyen de l’Iran, est aujourd’hui âgé de 27 ans. En novembre 2011, le père du demandeur a obtenu un certificat de sélection dans le cadre du Programme Investisseurs du Québec et il a ensuite demandé un visa de résident permanent. Le demandeur, ainsi que sa mère et sa sœur, ont été inclus dans la demande à titre de membres de la famille accompagnant le père. La famille du demandeur avait l’intention d’émigrer à Montréal (Québec).

[2]               Toutefois, un agent d’immigration (l’« agent »), en poste à l’ambassade du Canada à Ankara, en Turquie, a retiré et dissocié le demandeur de la demande de visa de résident permanent de son père parce que, avait-il été conclu, le demandeur n’était pas un « enfant à charge » au sens de l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le « Règlement »). Le demandeur a présenté une demande en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, en vue de soumettre la décision de cet agent à un contrôle judiciaire.

I.                   Contexte

[3]               Le demandeur suit des études de niveau postsecondaire depuis qu’il a terminé ses études secondaires en juin 2006. Entre les mois de septembre 2006 et de juin 2007, il a suivi des études menant à un certificat en mathématiques et, entre les mois de septembre 2007 et de mars 2013, il a obtenu un baccalauréat en génie mécanique. Tout récemment, depuis le mois de septembre 2012, et ce, jusqu’à la date du dépôt de la présente demande, le demandeur suivait des études menant à un baccalauréat en traduction en français. Durant ses études postsecondaires, il a pris congé du 9 juillet au 24 décembre 2011 en vue d’effectuer son service militaire obligatoire au sein des Forces armées de la République islamique d’Iran. Il n’a pas eu à accomplir la période de service habituelle de deux ans parce que son père est un vétéran de la guerre entre l’Iran et l’Iraq.

[4]               L’admissibilité du demandeur à un visa de résident permanent dépendait de la question de savoir s’il répondait aux conditions requises pour être considéré comme un « enfant à charge » de son père, au sens de l’article 2 du Règlement. La définition applicable à l’époque prévoyait, en partie, ce qui suit :

enfant à charge L’enfant qui :

dependent child, in respect of a parent, means a child who

a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre de ses parents :

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

(i) is the biological child of the parent…

[…]

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

(b) is in one of the following situations of dependency, namely

[…]

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 …and, since before the age of 22 … has been a student

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

(A) continuously enrolled in and attending a post-secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

[…]

[5]               Le demandeur n’était pas automatiquement admissible à titre d’enfant à charge parce qu’il avait eu 22 ans avant que son père présente sa demande de résidence permanente. Le 13 octobre 2015, un agent a déterminé que le demandeur n’était pas un étudiant à temps plein parce que son relevé de notes indiquait qu’il avait interrompu ses études pendant le premier semestre de l’année scolaire 2011-2012 pour accomplir son service militaire obligatoire. L’agent s’est dit non convaincu que le demandeur répondait à la définition d’un enfant à charge et, de ce fait, il l’a retiré de la demande de résidence permanente de son père.

[6]               Le 14 décembre 2015, un agent a informé le représentant du demandeur que celui-ci ne répondait pas à la définition de membre de la famille, car son service militaire avait interrompu ses études. Ce représentant a demandé, dans une lettre datée du 17 décembre 2015, que cette décision soit réexaminée, et il a présenté des observations décrivant pourquoi l’interruption des études pour accomplir le service militaire n’excluait pas le demandeur de la définition d’« enfant à charge ». L’avocat du demandeur a admis que les études du demandeur n’auraient pas été continues si celui-ci avait été obligé de servir durant deux ans dans l’armée; cependant, dans le cas de son client, la [traduction« brève interruption des études » ne l’excluait pas de la définition. L’avocat a également demandé que l’on songe à accorder au demandeur une dispense pour motifs d’ordre humanitaire (« CH »), de façon à ce qu’il puisse demeurer inclus dans la demande de son père, et il a attiré l’attention de l’agent sur l’analyse que la Cour suprême du Canada a faite à propos de l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909 (Kanthasamy).

[7]               Le 30 décembre 2015, un autre agent a réexaminé la décision, mais a maintenu que le demandeur ne répondait pas à la définition d’un enfant à charge. Cet agent a également étudié la demande de dispense CH du demandeur, notant que le demandeur était instruit, qu’il avait d’autres membres de sa famille en Iran et que son père pourrait subvenir financièrement à ses besoins à partir du Canada. Il a conclu que le demandeur ne s’exposerait pas à des difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives par suite de la conclusion qu’il ne répondait pas à la définition d’enfant à charge et, par ailleurs, qu’aucun motif CH convaincant ne permettait d’écarter l’application de la définition. Le lendemain de cette décision, le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire la concernant, mais, environ un mois plus tard, il s’est désisté après que les parties eurent convenu que l’affaire serait réexaminée par un autre agent.

II.                Décision

[8]               Le 11 février 2016, un agent a fait savoir au demandeur qu’il pouvait présenter des observations supplémentaires pour étayer la conclusion voulant qu’il réponde à la définition d’enfant à charge, ce qu’il a fait le 2 mars 2016. Les documents supplémentaires comprenaient le passeport du demandeur, son permis de conduire, ses renseignements bancaires, des dossiers de la police et quelques photographies de lui en compagnie de sa famille. Il n’a pas fourni d’autres observations écrites.

[9]               Dans une lettre datée du 25 avril 2016, on a informé le père du demandeur que son fils n’était pas un « enfant à charge » au sens de l’article 2 du Règlement. L’agent qui avait envoyé cette lettre a déclaré :

[traduction]
C’est parce qu’il y a eu une interruption dans les études de Shayan, quand il a accompli son service militaire. Entre juillet 2011 et décembre 2011, Shayan n’a pas fréquenté un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes, ni suivi activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle.

L’agent a de plus écrit :

[traduction]
À la suite de cette décision concernant l’admissibilité de votre fils Shayan, des considérations d’ordre humanitaire ont été examinées.

Le 4 avril 2016, j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire au moment d’examiner les considérations d’ordre humanitaire liées à la situation de Shayan que vous avez présentées le 2 mars 2016. Après avoir pris en considération la totalité de la preuve que vous avez soumise, je ne suis pas convaincu que la situation de Shayan comporte des considérations d’ordre humanitaire qui soient suffisamment convaincantes pour écarter l’inadmissibilité de votre fils.

[10]           Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas au sujet du demandeur comportent d’autres détails quant aux raisons pour lesquelles les considérations CH n’ont pu écarter la  conclusion d’inadmissibilité :

[traduction]
J’ai passé en revue les conseils donnés après Kanthasamy c Canada au sujet des évaluations CH […]. En résumé, la personne à charge en question, Shayan, est un homme âgé de 26 ans, qui a suivi des études de premier cycle en génie et qui est actuellement inscrit à un second programme de premier cycle en langue française. Il a interrompu ses études pour accomplir son service militaire. Le demandeur a présenté des preuves montrant que son fils vit avec lui et qu’il subvient aux besoins économiques de ce dernier; des photos montrent la famille ensemble. Il ne s’agit pas là d’un arrangement familial inusité et cela ne montre pas que Shayan est à la charge du demandeur, de telle sorte qu’on pourrait l’inclure dans le dossier d’immigration. J’ai examiné les renseignements que le demandeur a fournis et je ne conclus pas que cette situation justifie l’octroi d’une dispense CH en vue de remédier au fait que Shayan n’est pas une personne à charge au sens de la Loi. […] des motifs insuffisants ont été établis (il incombe entièrement au demandeur d’indiquer clairement dans ses observations quelles sont exactement les difficultés qu’il rencontrerait si on ne lui accordait pas la ou les dispenses CH demandées qui remédieraient à son inadmissibilité.

[…]

Le fils a interrompu ses études. Il ne répond pas à la définition d’études à temps plein ou continues. Il a accompli son service militaire pendant l’interruption de ses études. Le service militaire n’est pas pris en compte dans les études et, pour cette raison, ce facteur ne lui permet pas de répondre aux conditions requises pour être considéré comme une personne à charge […]. À l’heure actuelle, il suit des études menant à un baccalauréat en langue française à la même université qui lui a décerné son baccalauréat en génie. Il a commencé son second programme de baccalauréat en septembre 2012, avant de terminer son premier baccalauréat. Je ne vois rien dans les documents figurant dans ce dossier qui donne à penser que Shayan a besoin d’être à la charge de ses parents. Son père peut fort bien décider de continuer de subvenir aux besoins économiques de son fils, mais cela semble être un choix fait par la famille pour que Shayan poursuive ses études, qu’il obtienne un second baccalauréat dans un domaine non connexe, plutôt que de chercher du travail en se fondant sur son baccalauréat en génie […]. Il est clair que la famille aimerait que Shayan puisse immigrer au Canada avec elle, dans le cadre de la présente demande. Cependant, il ne répond pas à la définition de personne à charge à cause d’une interruption de ses études […].

III.             Questions en litige

[11]           Les observations des parties soulèvent les questions suivantes :

1.                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.                  La décision de l’agent selon laquelle le demandeur ne répondait pas à la définition d’« enfant à charge », à l’article 2 du Règlement, est-elle raisonnable?

3.                  La décision de l’agent selon laquelle aucune considération CH ne permettait d’écarter la conclusion d’inadmissibilité est-elle raisonnable?

IV.             Analyse

A.                La norme de contrôle applicable

[12]           La décision de l’agent selon laquelle le demandeur ne répondait pas à la définition d’« enfant à charge », à l’article 2 du Règlement, doit être contrôlée selon la norme de la raisonnabilité (Dono c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 400, au paragraphe 1, [2015] ACF no 384; Martinez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 109, au paragraphe 14, 447 FTR 146; Singh Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 365, au paragraphe 17, 166 ACWS (3d) 359 [Singh Gill]). La même norme de contrôle s’applique aussi à la décision de l’agent selon laquelle les considérations CH relatives au demandeur n’écartaient pas la conclusion d’inadmissibilité (Mursalim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 264, au paragraphe 9, 264 ACWS (3d) 473).

[13]           La Cour ne devrait donc pas intervenir si la décision de l’agent est justifiable, transparente et intelligible, et elle se doit de déterminer si « la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190. On satisfait à ces critères si « les motifs répondent aux critères établis […] s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708. En outre, « si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » et il n’est pas non plus « dans les attributions de la cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve » : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 et 61, [2009] 1 RCS 339.

B.                 La décision de l’agent selon laquelle le demandeur ne répondait pas à la définition d’« enfant à charge », à l’article 2 du Règlement, est-elle raisonnable?

[14]           Le demandeur fait valoir que le fait de s’être absenté de l’école pour accomplir son service militaire n’était pas une interruption dont la nature était telle qu’il avait cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire. Il invoque la décision Dimonekene c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 675, 317 FTR 1 (Dimonekene), infirmée par 2008 CAF 102, 387 NR 157, dans laquelle le juge Harrington a conclu que le fait que l’un des fils de la demanderesse s’était absenté d’un établissement d’enseignement en pleine guerre civile ne constituait pas une interruption de nature telle qu’il avait cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement et de fréquenter celui-ci, au sens de la définition d’« enfant à charge ». Le demandeur dit que son absence due au service militaire n’a pas réellement duré six mois parce que deux de ces mois tombaient au cours des vacances d’été. Il soutient en outre que la période d’absence de quatre mois pour accomplir son service militaire n’était pas une interruption parce qu’il se conformait à la loi iranienne et qu’après son service militaire obligatoire il a poursuivi ses études. Selon lui, le fait de manquer un semestre d’études n’entraîne pas une interruption des études au sens de l’article 2 du Règlement et, par ailleurs, le service militaire est une interruption légitime parce que le législateur n’a pas prescrit le contraire.

[15]           Aux dires du défendeur, l’agent a conclu de manière raisonnable que le demandeur n’était pas un enfant à charge, car, comme le demandeur l’admet lui-même, ses études ont été interrompues par son service militaire entre les mois de juillet et de décembre 2011. Il ajoute que la Cour ne devrait pas suivre l’approche qu’a adoptée le juge Harrington dans l’affaire Dimonekene parce que sa décision a été infirmée par la Cour d’appel fédérale, qui a déclaré : « [m]ême en acceptant l’argument que la SAI a erré en considérant la période durant laquelle le lycée était fermé comme étant une période de non‑fréquentation scolaire, il n’en demeure pas moins qu’il y avait de la preuve au dossier montrant qu’après avoir atteint l’âge de 22 ans, le fils de l’intimée avait cessé de fréquenter un établissement d’enseignement autant avant qu’après cette période de fermeture due à la guerre civile » (paragraphe 10).

[16]           À mon avis, dans la présente affaire il était raisonnable que l’agent conclue que le demandeur ne répondait pas à la définition d’enfant à charge parce que celui-ci avait « cessé d’être inscrit » à un établissement d’enseignement postsecondaire. Le demandeur a interrompu ses études du 9 juillet au 24 décembre 2011 en vue d’accomplir son service militaire obligatoire. Le relevé de notes que l’Université islamique Azad lui a délivré fait état d’une interruption de ses cours pour un [traduction] « congé d’études » au cours du premier semestre de l’année scolaire 2011‑2012.

[17]           De plus, en anglais, le mot « continuously » [notion traduite en français dans la Loi par les mots « n’a pas cessé »] (comme l’a signalé le tribunal dans R c Schimanek, 1987 CarswellNWT 28, au paragraphe 10, [1987] N.W.T.R. 332) est défini comme suit dans le Black’s Law Dictionary, 5e édition (1979) : [traduction« sans interruption, selon une séquence continue; sans coupure; non interrompu dans le temps; avec continuité ». Dans le même ordre d’idées, l’Oxford English Dictionary, 2e édition (1989), définit le mot « continuously » comme ceci : [traduction« de manière continue, sans interruption; de façon interrompue, sans arrêt ». Le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition (2004) définit le mot « continuous » en ces termes : [traduction] « sans rupture, ininterrompu ». Quant au Webster’s Third New International Dictionary (1986), le mot « continuously » signifie [traduction« d’une manière continue » et le mot « continuous » veut dire [traduction« caractérisé par une absence d’interruption dans le temps ou dans un déroulement ».

[18]           La présente espèce se distingue de l’affaire Singh Gill, dans laquelle la Cour a conclu que les deux fois où la demanderesse s’était absentée de l’école – une première fois pendant quatre mois pour prendre soin de sa grand-mère malade et une autre fois pendant dix jours pour assister au mariage de sa sœur et aider cette dernière – n’étaient pas une période suffisante pour abandonner ses études et ne pas répondre à la définition d’« enfant à charge ». Dans cette affaire, la Cour a conclu que l’agent des visas avait déterminé de manière déraisonnable que la demanderesse avait « cessé d’être inscrit[e] à un établissement d’enseignement postsecondaire » parce que :

[30]      Ces congés ou absences ne constituaient pas cependant, par eux‑mêmes, une période suffisante qui permettait de dire qu’elle avait abandonné ses études. Ainsi que l’attestent les relevés de notes et les certificats de la demanderesse, elle a continué ses études, sans interruption; aucun des établissements d’enseignement indiqués n’a considéré qu’elle avait, au cours d’une année donnée, arrêté ou abandonné ses études.

Par contraste, en l’espèce, les études du demandeur ont été interrompues pendant la période où il accomplissait son service militaire et, comme l’indique son relevé de notes, un congé d’études lui a été accordé, contrairement à la demanderesse dont il était question dans l’affaire Singh Gill, qui ne s’était tout simplement pas présentée en classe.

[19]           Cependant, la présente affaire ressemble quelque peu à Hamid c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1632, [2006] 3 RCF 260 (Hamid), où la Cour a conclu que le Règlement exigeait que l’on n’évalue le statut d’un enfant à charge qu’au jour de la présentation de la demande. Pour arriver à cette conclusion, la Cour a fait remarquer :

18        Cependant, l’expression « n’a pas cessé » connote une continuité dans le temps. On ne peut pas dire que l’intéressé n’a pas cessé de se livrer à une activité à une date précise; il faut examiner ce qui s’est produit avant et après cette date pour déterminer si l’activité n’a pas cessé. Voilà qui va dans le sens de la thèse du défendeur, qui a soutenu que le statut scolaire de l’enfant doit être maintenu tout au long du processus de traitement de la demande. Par contre, on pourrait aussi soutenir que cette disposition veut dire que l’étudiant ne doit pas avoir cessé d’être inscrit préalablement au jour de la présentation de la demande [...].

[20]           Quand la Cour d’appel fédérale a analysé les deux questions certifiées dans l’affaire Hamid, elle a fait remarquer :

22        L’avocate du ministre a soutenu que l’exigence prévue à la division 2b)(ii)(A), soit que l’enfant n’ait « pas cessé » d’être inscrit comme étudiant montre que l’agent des visas doit prendre en compte une certaine période de temps lorsqu’il apprécie l’admissibilité. En effet, dit‑elle, on ne peut établir qu’une personne n’a « pas cessé » d’être inscrite en se fondant sur les faits n’existant qu’à un moment donné. Je partage cet avis mais, comme la juge saisie de la demande, je ne crois pas que cela vienne aider la cause du ministre. En effet, on peut tout aussi bien établir si l’inscription n’a « pas cessé » en examinant le déroulement des faits avant soit la demande de visa, soit la décision prise à son égard. (2006 CAF 217, [2006] ACF no 896).

[21]           Avant de clore l’examen de cette question, il convient de signaler que la définition d’« enfant à charge » autorisait autrefois l’interruption des études pendant une période totale maximale d’un an, mais cette exception a été supprimée quand le Règlement sur l’immigration de 1978 a été abrogé et remplacé par celui qui est actuellement en vigueur. Il convient aussi de signaler que la définition d’« enfant à charge » a été modifiée, à compter du 1er août 2014, afin d’abaisser l’âge auquel un enfant est considéré comme étant à charge, soit de moins de 22 ans à moins de 19 ans, et de supprimer l’exception relative aux enfants plus âgés qui n’ont pas cessé d’être inscrits à un établissement d’enseignement postsecondaire.

C.                 La décision de l’agent selon laquelle aucune considération CH ne permettait d’écarter la conclusion d’inadmissibilité est-elle raisonnable?

[22]           Aux dires du demandeur, la décision de l’agent au sujet des considérations CH est [traduction« irréparablement viciée », car il a omis de reconnaître l’importance de l’inscription du demandeur au programme de traduction en français. Cette omission est confirmée par ses remarques selon lesquelles le diplôme est « non connexe ». Selon le demandeur, ce programme est important pour lui s’il veut travailler comme ingénieur dans la province francophone du Québec.

[23]           Le défendeur dit que l’on ne peut reprocher à l’agent d’avoir qualifié l’obtention de ce second diplôme de mesure « non connexe » parce que le demandeur n’a jamais fait part d’observations à l’agent quant à la raison pour laquelle il suivait ces études. Le défendeur ajoute que l’agent a fait expressément référence à l’affaire Kanthasamy et qu’il a examiné de manière raisonnable l’intérêt supérieur du demandeur. Il signale que ce dernier n’a pas contesté la manière dont l’agent a évalué l’affaire Kanthasamy ou la question de l’intérêt supérieur de l’enfant.

[24]           L’agent a examiné les observations du demandeur à propos de la question de savoir s’il était un enfant à charge ou non avant de conclure que les considérations CH ne permettaient pas d’écarter la conclusion d’inadmissibilité. L’avocat du demandeur a formulé des observations sur les motifs CH au regard de l’affaire Kanthasamy, ainsi que sur l’intérêt supérieur du demandeur, mais ce dernier, dans la présente demande de contrôle judiciaire, ne soulève pas en tant que question en litige les conclusions CH que l’agent a tirées. Le seul argument qu’invoque le demandeur sur ce plan est que l’agent a commis une erreur en disant de ses études en français qu’elles étaient « non connexes » par rapport à son diplôme antérieur en génie mécanique. Cette conclusion, même si elle est erronée, n’a rien à voir avec ce que l’agent a déterminé au sujet des considérations CH. Le demandeur n’a pas formulé d’autres observations sur la question.

[25]           Je conclus que l’évaluation que l’agent a faite et la conclusion qu’il a tirée à propos des facteurs CH, tels qu’évoqués par le demandeur, sont intelligibles et transparentes, et sa décision à cet égard est donc une décision raisonnable qui appartient aux issues acceptables.

V.                Conclusion

[26]           En l’espèce, l’agent a conclu de manière raisonnable que le demandeur ne répondait pas à la définition d’« enfant à charge » parce qu’il avait « cessé d’être » inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire. De plus, l’évaluation et la conclusion de l’agent au sujet des facteurs CH, tels qu’évoqués par le demandeur, étaient raisonnables elles aussi. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

[27]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé une question à certifier, et aucune question de cette nature n’est donc certifiée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, et aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1761-16

 

INTITULÉ :

SHAYAN SHOMALI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (ColOmbiE-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 Novembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DU JUGEMENT :

LE 3 janVIER 2017

 

COMPARUTIONS :

Richard T. Kurland

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kurland, Tobe

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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