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Date : 20161207


Dossier : IMM-2774-16

Référence : 2016 CF 1353

Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2016

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

KARAKOUS MOURAD

SOUNYA ARAKILIYAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION, LES RÉFUGIÉS ET LA CITOYENNETÉ

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs contestent la raisonnabilité de la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, qui confirme la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] statuant que les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention, ni de personnes à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

[2]               Les demandeurs, mari et épouse, sont respectivement âgés de 76 et 61 ans et possèdent la double citoyenneté, syrienne et arménienne. Jusqu’en 2015, le couple, qui est de confession chrétienne, vivait à Damas avec leur fils. En mars 2015, alors que le couple était à l’extérieur, un obus a frappé leur domicile. En revenant chez eux, les demandeurs ont été pris d’effroi en voyant l’équipe d’intervention s’occuper des débris, ne sachant pas alors si leur fils était toujours à l’intérieur. Sur le coup de cet événement, ils ont décidé de quitter la Syrie. Les demandeurs allèguent avoir songé à s’établir en Arménie, mais ont renoncé à ce projet étant donné qu’ils n’y ont jamais vécu et qu’ils n’ont aucun membre de leur famille sur qui compter. En avril 2015, les demandeurs sont arrivés au Canada pour y rejoindre leur fille et ont fait une demande d’asile le 4 juin 2015. La possibilité de retourner vivre en Syrie étant à exclure, les demandeurs soutiennent, dans leur demande d’asile, qu’ils ne peuvent s’établir en toute sécurité en Arménie en raison de leur crainte de persécution et de discrimination en raison de leur origine syrienne, de même que leur crainte pour leur vie en raison des conditions très difficiles du pays. La SPR et la SAR ont toutefois rejeté leur demande d’asile.

[3]               Vu que les demandeurs n’ont pas établi de craintes ou de risque de persécution en Arménie, les risques allégués envers la Syrie n’ont pas été examinés par la SPR et la SAR. Il s’agit ici de déterminer si la SAR a commis une erreur révisable en confirmant la décision de la SPR, compte tenu de la preuve au dossier et du droit applicable. Conformément aux principes établis par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, [2016] ACF no 313 [Huruglica], la SAR a réexaminé la preuve au dossier afin de déterminer si la décision de la SPR était bien fondée. En matière de contrôle judiciaire d’une décision de la SAR, la présente Cour se doit d’applique la norme de la décision raisonnable et ne peut intervenir que si les conclusions de la décision de la SAR ne font pas partie des issues possibles acceptables, pouvant se justifier aux regards du droit et des faits.

[4]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[5]               Rappelons d’abord que, dans un premier temps, le 21 août 2015, la SPR a statué que les risques allégués par les demandeurs n’atteignaient pas le seuil requis de persécution établi par la jurisprudence. Bien que la preuve documentaire fasse état de violences envers des Syro-Arméniens, il s’agit d’attaques sporadiques visant les Syriens opérant des commerces. Or, les demandeurs sont tous les deux retraités. De plus, le fait de ne pas avoir de famille ou de biens en Arménie ne rencontre aucun des motifs de persécution visés à l’article 96 de la LIPR. Pour ce qui est des craintes visées à l’article 97 de la LIPR, la preuve documentaire au dossier indique que la pauvreté et l’accès limité aux services de santé affectent l’ensemble des citoyens arméniens, et pas uniquement les arrivants syriens. La SPR dénote d’ailleurs que le gouvernement arménien a mis en place plusieurs mesures spéciales pour accommoder les nouveaux arrivants – comme par exemple, la création d’un quartier baptisé le « nouvel Alep » où le gouvernement et les associations caritatives assument la moitié des prix des loyers des résidents syriens. Enfin, la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré que leur fille ne pourrait les assister financièrement en Arménie. Bien qu’étant sensible à la situation particulière des demandeurs, la SPR a conclu que ceux-ci n’avaient pas établi une possibilité sérieuse de persécution en Arménie ni un risque qu’ils soient exposés aux préjudices énumérés à l’article 97 de la LIPR.

[6]               En appel de cette décision, les demandeurs ont d’abord soutenu que la SPR avait confondu les critères prévus aux articles 96 et 97 de la LIPR, leur imposant donc un fardeau de preuve beaucoup trop élevé. De plus, la SPR aurait uniquement analysé la preuve documentaire sous l’angle de l’article 96 de la LIPR alors que les prétentions des demandeurs étaient davantage axées sur les risques visés par l’article 97 de la LIPR.

[7]               Après révision faite de la preuve au dossier, la SAR a rejeté tous ces arguments et a confirmé les conclusions de la SPR. Vu leur double-citoyenneté syro-arménienne, la SAR a déterminé que les demandeurs pouvaient se relocaliser en Arménie en toute sécurité et sans risque de persécution ou de menaces à leur vie. Bien que la preuve documentaire sur la situation en Arménie ait servi, en quelque sorte, de tronc commun pour l’analyse des articles 96 et 97 de la LIPR, la SPR avait bien compris les tests applicables pour chacune de ces dispositions. Par le fait même, la SAR a rappelé que, sous l’application de l’article 97 de la LIPR, il revenait aux demandeurs de prouver que leur crainte était personnelle et différente des autres citoyens qui se trouvent en Arménie. Or, la preuve documentaire révèle plutôt que les difficultés socioéconomiques évoquées par les demandeurs affectent l’ensemble de la population arménienne, laquelle est actuellement aux prises avec des problèmes de chômage et une situation économique difficile. La SAR a également souligné les efforts déployés par le gouvernement arménien pour accueillir les ressortissants syriens. Par conséquent, les conclusions de la SPR sous l’article 97 de LIPR étaient bien fondées. Concernant les craintes de persécution en vertu de l’article 96 de la LIRP, la SAR en est arrivée aux mêmes conclusions que la SPR, soit que les violences sporadiques répertoriées dans la documentation visaient davantage les « commerçants syriens », ce qui n’est pas le cas des demandeurs. Par conséquent, la crainte de persécution n’a pas été retenue par la SAR. Finalement, la SAR a noté que la preuve au dossier ne démontrait pas de façon suffisante l’impossibilité pour la fille des demandeurs de continuer à les supporter financièrement en Arménie. La SAR a donc rejeté l’appel des demandeurs.

[8]               Devant cette Cour, les demandeurs reprennent essentiellement tous les arguments qu’ils ont antérieurement fait valoir sans succès devant la SPR et la SAR. À cet effet, ils rappellent à la Cour qu’ils ne peuvent s’établir en toute sécurité en Arménie en raison de leur crainte de persécution et de discrimination en raison de leur origine syrienne, d’autant plus qu’ils ne pourront subvenir à leur besoin en Arménie en raison de leur âge et de leur faible ressources financières. Au surplus, les demandeurs remettent en question le raisonnement et les conclusions de la SAR pour rejeter l’appel de leur demande d’asile, mais sans démontrer pour autant de quelle manière la SAR a commis une quelconque erreur révisable dans son analyse et qui pourrait avoir un caractère déterminant. Les demandeurs se contentent plutôt d’affirmer, sans vraiment élaborer sur la question, que la SAR a erré au niveau de l’analyse du concept de protection étatique. Enfin, les demandeurs soutiennent que la SAR a également erré en considérant incidemment dans son analyse que la fille des demandeurs serait en mesure de leur offrir un soutien financier en Arménie. Sur ce dernier point, la Cour rappelle qu’il faut lire la décision de la SAR dans son ensemble. Qui plus est, toute erreur de la SPR ou de la SAR à ce chapitre, s’il en est, n’est pas déterminante.

[9]               Après révision des prétentions de la partie demanderesse, la Cour ne voit aucune matière susceptible d’emporter révision judiciaire. En effet, le simple fait d’être en désaccord avec l’analyse de la SAR n’est pas suffisant pour obtenir une révision judiciaire. Il est clair que la situation en Arménie est loin d’être idéale pour les arrivants syriens. Cela dit, la SAR a pris en compte dans son analyse différentes sources documentaires fiables, qui l’autorisaient à conclure que les demandeurs ne rencontrent pas le profil de personnes à risque, tandis que leur crainte de ne pas bénéficier de services de santé adéquats est partagée par l’ensemble de la population arménienne.

[10]           D’un autre côté, la demande d’asile des demandeurs, qui est basée sur les articles 96 et 97 de la LIPR, n’est pas une demande d’exemption en vertu de l’article 25 de la LIPR à l’obligation de présenter à l’extérieur du Canada une demande de visa de résident permanent. Comme l’a fait remarquer la SPR, bien qu’elle ait été sensible à la situation particulière des demandeurs, celle-ci n’a pas compétence pour trancher des motifs humanitaires, pas plus que la SAR en appel. De plus, la SPR a clairement indiqué que « le gouvernement arménien, avec le secours de la population et de la diaspora arméniennes, aide les Syro-Arméniens à s’installer, procure les soins de santé aux plus vulnérables ainsi que de l’assistance dans la recherche du logement ».

[11]           En conclusion, la décision de la SAR est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Aucune question d’importance générale n’est soulevée en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2774-16

 

INTITULÉ :

KARAKOUS MOURAD, SOUNYA ARAKILIYAN c LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION, LES RÉFUGIÉS ET LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1 décembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 décembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Perla Abou-Jaoudé

 

Pour les demandeurs

Me Suzon Létourneau

 

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Perla Abou-Jaoudé

Avocate

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la défenderesse

 

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