Date : 20161209
Dossier : T-297-16
Référence : 2016 CF 1367
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2016
En présence de madame la juge McVeigh
ENTRE : |
DERINA MARCIA |
demanderesse |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Introduction
[1] La demanderesse, Derina Marcia (« Mme Marcia »), conteste la décision, datée du 13 janvier 2016, de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (la division d’appel), qui lui refusait la permission d’interjeter appel. Mme Marcia s’est représentée elle-même devant la Cour fédérale. J’ai entendu un récit très humain raconté par une femme merveilleusement attentionnée de 71 ans, qui travaille fort et s’exprime bien. Il semble que ce récit, y compris la nouvelle preuve, n’ait jamais été présenté de façon intégrale à un décideur pour un certain nombre de raisons.
II. Le contexte
[2] Mme Marcia a travaillé pour la John Howard Society of Saskatchewan du 1er juin 2009 au 31 octobre 2014. Elle a occupé le poste d'intervenante auprès des jeunes en milieu résidentiel de 2009 à 2012 et celui de facilitatrice d'aide à la vie autonome entre 2012 et 2014. Mme Marcia est passionnée par son travail auprès des jeunes en danger. Il est évident qu’au début de cette saga, il y a quelque chose qui a très mal fonctionné. Elle a exposé, avec force détails et beaucoup d'émotions, tous les faits qui se sont produits depuis le début jusqu’au refus final de la division d’appel.
[3] La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision qui oblige Mme Marcia à rembourser 4 407 $ de prestations d’assurance-emploi. La Commission de la sécurité sociale a décidé que Mme Marcia n’avait pas droit à ces prestations parce qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans justification, aux termes de la Loi sur l’assurance-chômage, LC 1996, c 23 (la Loi sur l’AE), articles 29 et 30.
[4] Comme il a été expliqué à Mme Marcia, il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire qui est régie par des principes de droit administratif. Le contrôle judiciaire de la décision s’effectue selon la norme de la décision raisonnable. Mon examen ne peut porter que sur la légalité de la décision, et je ne peux me prononcer sur son bien-fondé ni rechercher des faits.
[5] La présente demande n’est pas la voie juridique qui pourrait éviter à Mme Marcia d’avoir à rembourser les prestations d’assurance-emploi ou rétablir l’ancienne relation d’emploi. Je ne peux pas revenir en arrière et tout recommencer tout à zéro.
[6] Il est important de décrire le contexte de la présente affaire pour comprendre comment tout ceci a commencé et pour démêler comment Mme Marcia s’est retrouvée dans cette situation. J’ai soigneusement examiné tous les faits, mais je ne vais pas répéter les détails et les noms des personnes qui sont à l’origine de la demande d’assurance-emploi de Mme Marcia.
[7] Le 30 septembre 2014, Mme Marcia a obtenu, sans savoir que cela était une erreur, le numéro de téléphone personnel d'un employé d’un foyer résidentiel auprès d’un coordonnateur du personnel et elle a communiqué avec cet employé occasionnel pour parler d’une question syndicale. Cet acte était contraire à la politique de confidentialité de la Société John Howard ainsi qu’à l’entente contractuelle conclue entre la John Howard Society et la province de la Saskatchewan. Mme Marcia ignorait totalement que cela constituait un manquement, mais elle a assumé la responsabilité de son geste et s’en est excusée.
[8] Le représentant syndical a suggéré à Mme Marcia de s’adresser au bureau du directeur provincial et de lui redire ce qu’elle avait déclaré au représentant syndical, ce qui pourrait régler le problème. Mme Marcia s’est rendue au bureau du directeur qui lui a dit qu’il ne voulait pas parler de cette affaire et que sa supérieure s’en occuperait. Le lendemain, elle s’est rendue au bureau de sa directrice pour lui donner sa version des faits et régler le problème. Elle n’avait pas saisi toute la gravité du manquement ni le fait que la réunion serait davantage qu’une discussion sur ce qui s’était produit pour que la superviseure connaisse sa version des faits. Il a été proposé à Mme Marcia qu’un représentant syndical assiste à la réunion, ce qu’elle a refusé, parce qu’elle ne pensait pas que cela serait nécessaire pour parler d’un geste qui avait été posé en toute innocence; c’était particulièrement le cas, puisqu’elle était une employée fiable et appréciée. À l’époque, elle était fière qu’on lui confie des renseignements et des tâches qui allaient au-delà de ses attributions, parce qu’elle était très attentionnée pour les résidents et qu’elle aimait beaucoup son travail.
[9] Mme Marcia a été très surprise qu’on lui remette, au cours de la réunion, une lettre disciplinaire déjà préparée, marquée confidentielle, qu’elle ne devait communiquer à personne. Mme Marcia n’a pas eu la possibilité de parler des circonstances dans lesquelles elle avait demandé le numéro de téléphone en question. Elle était désemparée par la lettre et par le processus au moyen duquel elle était réprimandée. Elle a eu l’impression que la relation de confiance qui existait entre elle et son employeur était rompue, puisque son travail reposait sur la confiance et consistait à s’occuper de jeunes vulnérables.
[10] Sa supérieure a pris un appel téléphonique pendant qu’elle parlait à Mme Marcia, et elle a quitté le bureau lorsque l’appel est arrivé. Sa supérieure lui a dit qu’elle la retrouverait et terminerait leur conversation à la fin de cet appel téléphonique. Mme Marcia a attendu et personne ne se présentant, elle est rentrée chez elle profondément troublée.
[11] Mme Marcia était tellement bouleversée qu’on ait mis en doute sa loyauté et qu’une affaire aussi mineure ait pris des proportions aussi considérables qu’elle a été voir son médecin de famille. Elle lui a expliqué qu’on avait mis en doute son intégrité alors qu’elle était une employée de confiance; elle a estimé que la relation avec son employeur avait été détruite. Elle adorait son travail et s’occupait avec beaucoup de soin de ses clients. Toute cette affaire l’a fortement ébranlée. Son médecin lui a conseillé de prendre un congé en raison du stress associé à cet incident. Elle a pris deux semaines de congé pour stress au cours desquelles elle a réfléchi à ce qu’elle allait faire à l’avenir. Pendant son congé de deux semaines, elle a parlé à son représentant syndical pour qu’il la conseille, et il lui a suggéré de demander des prestations d'incapacité de courte durée. Mme Marcia lui a expliqué qu’elle n’y avait pas droit parce qu’elle avait 70 ans et que cela n’était donc pas possible. Personne ne lui a jamais mentionné qu’elle pouvait déposer un grief au sujet de la lettre de réprimande.
[12] Mme Marcia ne pouvant invoquer une invalidité médicale à cause de son âge, elle a estimé que la seule solution qui s’offrait à elle était de quitter son emploi. Elle a déclaré que ces événements constituaient une attaque contre son intégrité en tant que personne et employée, et qu’elle ne pouvait pas continuer à travailler pour cet organisme. Elle ne pouvait imaginer d’autre façon de suivre le conseil de son médecin que de quitter son emploi.
[13] Lorsqu’elle a repris le travail, Mme Marcia a donné un avis de deux semaines de son intention de démissionner. Son employeur l’a invitée à réfléchir à sa décision, mais Mme Marcia estimait que la confiance avec son employeur avait été compromise de façon irréparable et qu’elle ne voyait pas comment elle pourrait continuer à faire son travail de façon autonome auprès des résidents. La réunion au cours de laquelle elle a remis sa démission a été interrompue par un autre préposé aux soins personnels qui avait besoin de voir sa supérieure. Mme Marcia a dû quitter la pièce pour qu’ils puissent se parler en privé et sa supérieure ne lui a jamais demandé de revenir pour terminer la rencontre. Elle est donc retournée dans son bureau et quelques heures plus tard, elle a reçu un courriel mentionnant que sa démission avait été acceptée; elle n’a pas eu d’autre contact avec son employeur si ce n’est qu’un collègue lui a demandé de remettre son téléphone portable.
[14] Après avoir donné son avis de deux semaines, Mme Marcia fut très occupée à essayer de rencontrer tous ses clients et leurs travailleurs sociaux pour faire en sorte que le passage à un autre intervenant s’effectue en douceur. Pendant cette période, elle n’a pas cherché un autre travail, parce qu’elle était très occupée durant ces deux semaines et qu’elle ne voulait pas faire cette recherche pendant ses heures de travail, puisque cela aurait été contraire à l’éthique.
[15] Mme Marcia n’a pas essayé de reparler à sa supérieure au sujet du processus ou des erreurs factuelles, parce qu’elle était trop bouleversée et préoccupée par le transfert de ses jeunes à d’autres intervenants. Elle a terminé ses deux dernières semaines de travail, parce qu’elle estimait devoir le faire pour les clients avec qui elle travaillait et qu’elle aimait tant.
[16] Le 20 novembre 2014, Mme Marcia a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi. Le 23 janvier 2015, la Commission a accordé des prestations à Mme Marcia, du fait qu’elle avait quitté volontairement son emploi avec justification. Le 9 février 2015, la John Howard Society a toutefois présenté une demande de nouvel examen, et le 20 avril 2015, la Commission a infirmé sa décision, à la suite de quoi, la Commission a réclamé à Mme Marcia un trop-perçu de 4 407 $. L’infirmation de la décision de la Commission a débouché sur l’appel du 3 septembre 2015 et sur le rejet de la demande de Mme Marcia par la division générale de la Commission (la division générale).
[17] La division d’appel a examiné les moyens d’appel autorisés et a conclu que Mme Marcia demandait à la division d’appel d’apprécier à nouveau la preuve qui avait déjà été présentée à la division générale. Elle a fait remarquer que le rôle de la division d’appel ne consistait pas à entendre de novo les affaires; plus précisément, elle a déclaré que la preuve nouvelle qui ne concernait pas directement une erreur susceptible de contrôle n’était pas normalement admissible. Le membre qui présidait la division d’appel a demandé à Mme Marcia de présenter d’autres observations, notamment une description détaillée et complète des moyens d’appel. Aucun motif relié à une erreur susceptible de contrôle n’a été invoqué.
[18] Le 13 janvier 2016, la division d’appel a refusé la permission d’appeler de la décision de la division générale, au motif que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.
III. La question préliminaire
[19] Le jour de l’audience, Mme Marcia a déposé un dossier de requête qui ne respectait pas les règles sur un certain nombre de points. La requête visait à présenter [traduction] « de nouveaux éléments de preuve » à prendre en considération pour le contrôle judiciaire. Les nouveaux éléments de preuve dont elle demandait l’admission étaient la lettre d’un médecin datée du 23 mars 2015 et présentée au tribunal pour obtenir la permission d’interjeter appel; des lettres du Saskatchewan Government and General Employees’ Union (le SGEU) datées du 18 novembre 2015 et du 17 décembre 2015, ainsi que les pages 97 à 99 de la convention conclue par le SGEU et la Société John Howard Society. Les moyens invoqués et la réparation demandée dans le dossier de requête étaient semblables aux documents dont disposait déjà la Cour dans le cadre du contrôle judiciaire. Le défendeur n’a pas eu la possibilité de présenter des observations écrites en réponse au dossier de requête.
[20] J’accepte le dépôt du dossier de requête non conforme, mais rejette la requête visant à déposer de nouveaux éléments de preuve. D’une façon générale, la Cour examine une demande de contrôle judiciaire en se fondant sur les documents dont disposait le décideur. Les nouveaux éléments de preuve contenus dans le dossier de requête ne répondent pas au critère d’admission à titre d’exception à la règle, puisqu’ils ne sont pas nécessaires à titre d’information générale, ni pour démontrer des vices de procédure, ni pour faire ressortir le fait qu’aucune preuve n’avait été présentée au décideur. Les éléments de preuve contenus dans la requête représentent l’essentiel de ce que contenait déjà la demande de contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency, 2012 CAF 22, au paragraphe 20).
[21] La Cour a examiné la demande de contrôle judiciaire en se fondant sur le dossier certifié du tribunal qui contient la preuve dont disposait le décideur.
IV. La question en litige
[22] La décision de la division d’appel de ne pas accorder la permission demandée était-elle raisonnable?
V. La norme de contrôle
[23] La norme de contrôle applicable à une décision en matière de permission d’appel de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale est la décision raisonnable (Tracey c Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, aux paragraphes 17 à 23). La Cour doit être convaincue de la justification de la décision, de sa transparence et de l’intelligibilité du processus décisionnel, et conclure qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47 et 48 (Dunsmuir)).
[24] Un manquement à l’équité procédurale s’apprécie selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43).
VI. Analyse
[25] Je rejetterai la présente demande pour les motifs qui suivent.
[26] Mme Marcia est fâchée contre son syndicat, contre son employeur précédent et d’une façon générale, contre les processus judiciaire et quasi judiciaire. Elle a manifestement consacré beaucoup de temps à faire de la recherche et à présenter des renseignements à divers tribunaux qui en ont largement fait abstraction, selon elle. Il est également évident qu’elle estime ne pas avoir été traitée de façon équitable par son employeur (parce qu’il lui a remis une lettre de sanction disciplinaire sans lui en parler au préalable; elle pense en outre avoir épuisé toutes les voies de règlement de différends internes en essayant de parler au superviseur régional). Elle estime que son syndicat l’a également laissée tomber, parce qu’il l’a mal représentée, étant donné que des éléments de preuve qui lui semblaient essentiels n’ont pas été présentés et que personne ne lui a parlé de la possibilité d’utiliser la procédure de grief, étant donné que l’invalidité n’était pas une option pour elle.
[27] Mme Marcia fait valoir qu’elle devrait être autorisée à faire état des erreurs factuelles commises au cours du processus et à les corriger. Elle fait aussi valoir que la division d’appel ne lui a pas permis de fournir une nouvelle preuve médicale (datée du 21 octobre 2015) qui précisaient la première note succincte du médecin en expliquant dans cette nouvelle note qu’elle devrait quitter son emploi pour des raisons de santé. Elle affirme que, dans sa décision, la division d’appel aurait dû prendre en compte : les lettres du SGEU écrites par Kelly Hardy, agente des relations de travail, et datées des 17 novembre et 17 décembre 2015, qui mentionnaient que son syndicat n’avait pas donné son accord à la lettre de réprimande visant Mme Marcia, ce qui est contraire à ce que son employeur lui a déclaré verbalement. Mme Marcia estime que cette nouvelle preuve justifie qu’elle ait quitté son emploi auprès de la John Howard Society et que la division d’appel aurait dû prendre en compte cette nouvelle preuve ainsi que les autres éléments qu’elle a maintenant produits pour rétablir les faits, comme certaines parties de la convention collective intervenue entre son ancien employé et le syndicat ainsi qu’une brochure sur les écoles publiques de Regina.
[28] Enfin, elle ne peut comprendre que la sécurité sociale ait décidé qu’elle avait quitté son emploi avec justification et lui ait versé des prestations d’assurance-emploi, mais qu’ensuite, la John Howard Society, pour qui elle était une employée appréciée, ait décidé de contester les prestations d’assurance-emploi qui lui étaient octroyées. Elle dit que, si la division d’appel ou la division générale lisait le rapport de suivi et de clarification de son médecin, elle verrait clairement que Mme Marcia avait quitté son emploi avec justification et avait donc droit à ses prestations, tel que cela avait été décidé au départ.
[29] Le critère applicable à une demande de permission d’appel d’une décision de la division générale est énoncé au paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34 (la LMEDS) : « La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » Le demandeur doit convaincre la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès pour au moins un des trois moyens énoncés au paragraphe 58(1) :
a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
[30] Mme Marcia n’a invoqué aucun de ces trois moyens, et le défendeur soutient que la décision de la division d’appel était raisonnable.
[31] Mme Marcia n’a pas soulevé devant la division d’appel une question relevant de la compétence des tribunaux et ayant une chance raisonnable de succès. Le membre présidant l’audience a demandé, dans le souci d’aider Mme Marcia, qu’elle présente des renseignements supplémentaires touchant les moyens susceptibles d’être examinés. Mme Marcia a cru à tort qu’elle l’avait déjà fait. Pour avoir une chance raisonnable de succès dans le contexte du paragraphe 58(2), il faut proposer des motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause (Osaj c Canada (Procureur général), 2016 CF 115, au paragraphe 12).
[32] Aux termes de l’article 30 de la Loi sur l’AE, une personne ne peut recevoir des prestations si elle quitte volontairement un emploi sans justification ou si elle a perdu un emploi en raison de son inconduite. Il faudrait que Mme Marcia établisse qu’elle a quitté volontairement son emploi, mais qu’elle avait une justification pour le faire. Le critère juridique de la justification est énoncé à l’article 29 de la Loi sur l’AE et contient une liste non exhaustive des motifs qui constituent une justification. Il appartient à la Commission d’établir que la personne a quitté son emploi volontairement, et le fardeau tombe ensuite sur cette personne qui doit alors démontrer qu’elle était justifiée de quitter volontairement son emploi (Tanguay c Commission de l’assurance‑chômage, [1985] ACF no 910 (CAF)).
[33] La juge Layden-Stevenson a fait remarquer dans Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190, au paragraphe 5, que l’employé a l’obligation de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision de quitter volontairement son emploi.
[34] Il n’est pas possible de présenter une nouvelle preuve à la division d’appel, puisque la division doit se limiter aux moyens énumérés au paragraphe 58(1) et que l’appel ne constitue pas une audience de novo. Étant donné que la nouvelle preuve concernant la décision de la division générale présentée par Mme Marcia ne pouvait être admise, la division d’appel n’a pas commis d’erreur en la rejetant (Alves c Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, au paragraphe 73). Le législateur a décidé de limiter le pouvoir de la division d’appel d’accorder la permission d’interjeter appel (LMEDS).
[35] Mme Marcia affirme que la note du médecin ne constitue pas un nouvel élément de preuve, qu’il s’agit d’une simple lettre de clarification et que la lettre du SGEU ne fait que vérifier certains faits, de sorte que la division d’appel aurait dû en tenir compte.
[36] Je ne peux convenir, sur le plan juridique, avec Mme Marcia que ces nouveaux documents ne constituent pas une nouvelle preuve. C’est le genre de situation où une personne qui se représente elle-même doit trouver frustrante, puisqu’elle fait face aux principes du droit administratif.
[37] Mme Marcia a invité la division d’appel à rendre une décision qui l’amène à apprécier la preuve, notamment de nouveaux éléments de preuve, dont ne disposait pas la division générale. Il était raisonnable que la division d’appel refuse d’apprécier à nouveau la preuve ou d’examiner les nouveaux éléments de preuve en vue de conclure que la division générale avait commis une erreur, parce qu’elle n’avait pas examiné des éléments de preuve dont elle ne disposait pas. Les observations présentées à la division d’appel ne démontrent pas que la division générale a commis une erreur visée au paragraphe 58(2) qui rendrait déraisonnable sa décision de ne pas permettre l’appel.
[38] Voici la conclusion de la division d’appel :
[traduction]
Il ne suffit pas qu’un demandeur soutienne que le membre de la division
générale a commis une erreur dans ses conclusions et sollicite un résultat
différent de la division d’appel. Pour avoir une chance raisonnable de succès, le
demandeur doit expliquer de façon assez détaillée comment, selon lui, au moins
une erreur susceptible de contrôle énoncée dans la Loi a été commise. Étant
donné que cela n’a pas été fait, même après une incitation de la part du
Tribunal à le faire, je conclus que la présente demande de permission
d’interjeter appel n’a pas de chance raisonnable de succès et doit être
rejetée.
[39] Mme Marcia a fait valoir qu’il était injuste, sur le plan procédural, que la division d’appel ne déclare pas admissible la note de son médecin qui clarifiait les éléments de preuve médicaux déposés antérieurement. Elle affirme que du fait qu’elle n’était pas représentée par un avocat, la division générale n’a pas respecté ses obligations, car elle aurait dû aider une personne non représentée en lui permettant de préciser la première note médicale par le dépôt d’une autre.
[40] Elle a également déposé deux lettres du SGEU qui traitent d’une erreur factuelle, car le syndicat contredit la preuve de l’employeur, selon laquelle le syndicat avait accepté la lettre de réprimande ainsi qu’un autre document. Je ne me prononce pas sur ce point, mais il est possible que, si cette information avait été présentée devant une autre instance, elle ait pu entraîner une issue différente, mais ce n’est pas ce que permet l’instance présente.
[41] Le tribunal a correctement qualifié la note du médecin, les deux lettres du syndicat et le document relatif aux écoles publiques de Regina de nouveaux éléments de preuve, qu’il n’avait pas le pouvoir de prendre en compte. Le fait de ne pas autoriser la présentation de nouveaux éléments de preuve devant la division d’appel ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale.
[42] La décision du tribunal de ne pas accorder la permission demandée est raisonnable.
[43] Je vais formuler deux observations maintenant que tous les renseignements factuels sont réunis. La première observation est que je ne vois pas pourquoi Mme Marcia et son employeur ne pourraient pas tenter de résoudre certaines questions avec l’aide d’un médiateur. Ma deuxième observation est que l’assurance-emploi pourrait envisager une solution équitable quant à la demande de remboursement. Ce sont là des observations personnelles qui ne constituent pas des règles de droit.
[44] Le défendeur n’a pas demandé de dépens; aucune ordonnance ne sera rendue quant aux dépens.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. la demande est rejetée;
2. aucuns dépens ne sont accordés.
« Glennys L. McVeigh »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-297-16 |
INTITULÉ : |
DERINA MARCIA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Regina (Saskatchewan) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 1ER SEPTEMBRE 2016 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE MCVEIGH. |
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS : |
LE 9 DÉCEMBRE 2016 |
COMPARUTIONS :
Derina Marcia |
POUR la demanderesse |
Vanessa Luna |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Gatineau (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |