Date : 20161207
Dossier : T-1687-15
Référence : 2016 CF 1339
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2016
En présence de madame la juge McDonald
ENTRE : |
THOI BAO INC. |
demanderesse |
et |
1913075 ONTARIO LIMITED S/N VO MEDIA, TUAN THANH VO ET TAM HOANG THANH TRAN |
défendeurs |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] THOI BAO Inc. [TB Inc. ou la demanderesse] soutient que les droits que lui confèrent la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42 et la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 ont été violés par le défendeur, Tuan Thanh Vo [M. Vo], qui exploitait un site Web attentatoire. TB Inc. demande une injonction et des dommages‑intérêts.
[2] TB Inc. est une société qui offre des services de nouvelles en vietnamien au moyen de divers médias, notamment des journaux, des émissions de télévision, des émissions de radio et du contenu en ligne, et ce, à l’échelle du Canada.
[3] Les demandes formulées contre 1913075 Ontario Limited s/n Vo Media [Vo Media] et Tam Hoang Thanh Tran [Mme Tran] ont été réglées avant l’audition de l’affaire. L’audience ne concernait donc que M. Vo.
[4] L’affaire devait d’abord être instruite en mai 2016, mais M. Vo a demandé un ajournement afin d’avoir plus de temps pour déposer des éléments de preuve. Or, il n’en a déposé aucun. Le jour de l’audience, M. Vo a comparu en personne, mais il n’a présenté aucun élément de preuve. Il a simplement affirmé qu’il n’est plus le propriétaire du nom de domaine du site Web attentatoire. M. Vo n’était pas représenté par un avocat.
[5] Pour les motifs qui suivent, la demande de TB Inc. est accueillie. Une injonction est prononcée et M. Vo est condamné à verser des dommages‑intérêts.
I. Contexte
[6] TB Inc. se fonde sur la preuve par affidavit de son éditeur et président‑directeur général, Dat Tuan (David) Nguyen. M. Nguyen affirme que THOI BAO signifie « journal ». Il soutient que les journaux de la société ont un tirage moyen de 48 000 exemplaires par semaine et, en tout pour chaque numéro, un lectorat moyen de plus de 100 000 personnes à l’échelle du Canada. Il affirme que TB Inc. emploie un certain nombre de marques de commerce en liaison avec ses services de nouvelles :
a) THOI‑BAO (marque enregistrée en 1996; serait employée au Canada en liaison avec des journaux depuis 1987);
b) THOI BAO (marque visée par une demande; serait employée au Canada en liaison avec des journaux depuis 1987, la radio depuis 2009, Internet depuis 2012 et la télévision depuis 2013);
c) TBTV (marque visée par une demande; serait employée au Canada en liaison avec la télévision et Internet depuis 2013);
d) THOI BAO TV (droits d’auteur invoqués; nom employé en liaison avec la télévision et Internet depuis 2013).
[7] M. Nguyen explique que le site de nouvelles de la société, www.thoibao.com, a été lancé en 1999. Depuis 2012, le site diffuse du contenu audio et vidéo, ainsi que des émissions de télévision et des bulletins de nouvelles produits par la société. De janvier à octobre 2015, le site Web a été fréquenté en moyenne par 45 000 visiteurs chaque mois. La société a également une page Facebook appelée « THOI BAO – THE VIETNAMESE NEWSPAPER » [Thoi Bao – le journal vietnamien], et elle a lancé, en 2013, le TBTV Daily Show, une émission de nouvelles quotidienne diffusée sur son site Web.
[8] M. Vo et la défenderesse Mme Tran travaillaient pour TB Inc. En novembre 2013, le nom de domaine www.thoibaotv.com a été enregistré par M. Vo ou Mme Tran, ou les deux, sans le consentement et à l’insu de TB Inc. En 2014, la société Vo Media a été créée. Vo Media fournit des nouvelles en ligne en vietnamien au Canada par l’intermédiaire du site Web www.thoibaotv.com, des nouvelles en ligne et des services de médias en liaison avec les marques de commerce, les noms commerciaux, les métabalises et le « texte dissimulé » THOI BAO, TBTV et THOI BAO TV.
[9] Il est important de noter que le site Web de Vo Media (www.vomedia.com) et le site Web attentatoire ont la même adresse IP (192.254.233.43).
[10] Le site Web attentatoire est essentiellement comparable au site Web de TB Inc., www.thoibao.com :
a) utilisation proéminente du terme « TBTV Online » en tant que titre du site Web;
b) diffusion audio et vidéo d’émissions de télévision et de bulletins de nouvelles produits par TB Inc.;
c) portail de nouvelles sur Internet comprenant des liens vers les services d’agences de presse;
d) site Web comprenant des nouvelles, des éditoriaux et des textes d’opinion sur des sujets d’actualité;
e) métabalises comprenant la marque THOI BAO dans le code source;
f) diffusion sur le Web d’émissions de nouvelles produites par TB Inc.
[11] En outre, une page Facebook intitulée THOI BAO TV et contenant des liens vers le site Web attentatoire a été créée par M. Vo ou Mme Tran.
[12] Ni Mme Tran, ni M. Vo ne sont titulaires d’une licence à l’égard de la marque THOI BAO, et ils ne sont pas autorisés à employer, en tout ou en partie, les marques de TB Inc. En outre, ils ne sont pas autorisés à reproduire, à adapter ou à présenter publiquement les œuvres cinématographiques de TB Inc. Les activités de Mme Tran et de M. Vo sont menées sans qu’un paiement ou une rémunération soit versée à TB Inc.
[13] Comme la Cour n’a été saisie d’aucune preuve en réponse, la présente demande s’apparente à une requête ex parte en vue d’obtenir un jugement par défaut, en ce sens que les allégations formulées dans l’avis de demande sont réputées être niées. TB Inc. a donc le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a droit aux mesures de redressement demandées : Teavana Corporation c Teayama Inc., 2014 CF 372, au paragraphe 4 [Teavana Corp].
[14] Les questions en litige sont les suivantes :
A. M. Vo est‑il personnellement responsable de tout acte de violation?
B. M. Vo s’est‑il livré à un acte de violation aux termes de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce?
C. M. Vo a‑t‑il fait passer pour siennes les marques de commerce de TB Inc., en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce?
D. M. Vo a‑t‑il diminué la valeur de l’achalandage attaché aux marques de commerce de TB Inc., en contravention de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce?
E. M. Vo s’est‑il livré à un acte qui a entraîné la violation du droit d’auteur de TB Inc. aux termes du paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur?
F. TB Inc. a‑t‑elle établi qu’elle avait droit à des dommages‑intérêts et à une injonction?
II. Analyse
A. M. Vo est‑il personnellement responsable de tout acte de violation?
[15] À titre préliminaire, la Cour doit déterminer si M. Vo peut être tenu personnellement responsable des actes de violation reprochés à 1913075 Ontario Limited faisant affaire sous le nom de Vo Media.
[16] Pour conclure à la responsabilité personnelle, il faut conclure à la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon, plutôt qu’à une conduite constituant la direction des activités de l’entreprise dans le cours normal de la relation du défendeur avec celle‑ci : Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c 1007442 Ontario Ltd. (s/n I Don Knows), 2002 CFPI 657, au paragraphe 19.
[17] TB Inc. fait valoir qu’il convient de conclure à la responsabilité personnelle de M. Vo pour les motifs suivants :
a) Avant de constituer Vo Media en société et tandis qu’il était encore employé par TB Inc. comme webmestre, M. Vo a enregistré le nom de domaine www.thoibaotv.com sans le consentement et à l’insu de TB Inc.;
b) M. Vo avait connaissance de la famille de marques THOI‑BAO en raison de son emploi avec TB Inc.;
c) M. Vo a omis de répondre aux demandes de TB Inc. et a tenté de dissimuler ses actes.
[18] Du 31 août 2013 au 31 juillet 2014, M. Vo a travaillé à TB Inc. comme caméraman, réviseur, superviseur et webmestre.
[19] Il est allégué que M. Vo a enregistré le nom de domaine www.thoibaotv.com le 18 novembre 2013, tandis qu’il était toujours à l’emploi de la société. M. Nguyen soutient que M. Vo n’en a pas informé son ancien employeur et qu’il n’avait pas reçu le consentement de la société à cet égard.
[20] Selon M. Nguyen, M. Vo et Mme Tran ont quitté l’entreprise, puis ont lancé conjointement Vo Media en août 2014. Le rapport sur les noms commerciaux annexé à l’affidavit de M. Nguyen indique que le nom « Vo Media », qui est le nom commercial de la société à dénomination numérique du défendeur, a été enregistré le 12 mai 2014. Ce document indique que Mme Tran est l’unique administratrice de Vo Media. Cependant, selon M. Nguyen, M. Vo et Mme Tran ont tous deux reconnu publiquement qu’ils sont cofondateurs de la société. À titre de preuve, M. Nguyen a présenté deux captures d’écran d’une vidéo publiée sur YouTube, datée de septembre 2014 (pièce M), dans laquelle Mme Tran affirme que M. Vo et elle sont les cofondateurs de la société. M. Nguyen a également présenté un article du journal THOI BAO, daté du 6 septembre 2014, qui portait sur le lancement de Vo Media et qui visait à appuyer les anciens employés de la société (pièce N).
[21] Compte tenu de la preuve, je suis convaincue que M. Vo a participé directement et personnellement au déploiement de Vo Media et à la conception du site Web et de son contenu. Par conséquent, si TB Inc. peut établir l’existence d’un acte de violation, M. Vo en sera tenu personnellement responsable.
B. M. Vo s’est‑il livré à un acte de violation aux termes de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce?
[22] L’article 19 de la Loi sur les marques de commerce confère au propriétaire d’une marque de commerce le droit exclusif à l’emploi de celle‑ci au Canada. L’article 20 de la Loi sur les marques de commerce s’applique lorsqu’un tiers vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion.
[23] L’acte créant de la confusion reproché à M. Vo est l’exploitation du site Web www.thoibaotv.com. À titre de comparaison, le nom enregistré du site Web de TB Inc. est www.thoibao.com.
[24] La Cour suprême du Canada [CSC] a expliqué le critère juridique de la confusion dans l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [Veuve Clicquot], au paragraphe 20 :
Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.
[25] Autrement dit, il faut déterminer si, à partir de sa première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé » qui voit le nom ou la marque des défendeurs, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de la demanderesse, considérerait probablement que les marchandises ou les services des défendeurs proviennent de la même source que ceux de la demanderesse. (Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [Masterpiece], au paragraphe 41.)
[26] Le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce dispose que, en décidant si des marques de commerce créent de la confusion, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :
a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
c) le genre de produits, services ou entreprises;
d) la nature du commerce;
e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.
[27] À cet égard, dans l’arrêt Masterpiece, la CSC a établi que, dans le cadre de l’application des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) à la question de la confusion, il convient généralement de commencer par l’étude du degré de ressemblance entre les marques ou les noms, puisque ce facteur est souvent susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion (Masterpiece, paragraphe 49). S’il existe une forte ressemblance entre les marques ou les noms des parties, il faut se demander si quelque autre circonstance de l’espèce a pour effet de réduire cette probabilité de confusion au point qu’il y ait peu de risque qu’elle survienne (Masterpiece, paragraphe 104).
[28] En l’espèce, le nom du site Web utilisé par M. Vo est THOIBAO, alors que la marque déposée de TB Inc. est THOI‑BAO. Il ne fait aucun doute qu’il existe une forte ressemblance entre ces deux marques de commerce. En fait, elles sont presque identiques. M. Vo s’est par conséquent approprié une partie importante de la marque de commerce distinctive de TB Inc, THOI‑BAO.
[29] Je suis d’avis, comme l’a soutenu la demanderesse, que les autres facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce ne réduisent pas la probabilité de confusion. D’une part, la marque de la demanderesse, THOI‑BAO, est enregistrée et employée depuis 1996, et elle est bien connue au sein de la communauté vietnamienne du Canada en tant que journal et plus récemment en tant que société de multimédia et de nouvelles en ligne. En revanche, le site Web www.thoibaotv.com existe depuis peu, et aucun élément de preuve n’établit que le site Web attentatoire est devenu bien connu. D’autre part, non seulement le genre de produits, services ou entreprises est semblable, mais les clients et les communautés visés, à savoir les médias d’information ethnique et la communauté vietnamienne du Canada, sont les mêmes.
[30] Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que le consommateur ordinaire qui voit le site Web THOIBAO, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce THOI‑BAO, serait probablement confus quant à la source des services.
[31] Par conséquent, je conclus qu’il y a eu violation des droits de TB Inc. à l’emploi exclusif de sa marque de commerce déposée, en contravention de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce.
C. M. Vo a‑t‑il fait passer pour siennes les marques de commerce de TB Inc., en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce?
[32] L’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce interdit toute conduite qui appelle l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion. En l’espèce, la question qui se pose est de savoir si M. Vo a appelé l’attention sur son site Web au détriment des marchandises et des services de TB Inc.
[33] Dans Ciba‑Geigy Canada Ltd. c Apotex Inc., [1992] 3 RCS 120, la CSC a défini les trois éléments nécessaires à une action en commercialisation trompeuse : 1) l’existence d’un achalandage, 2) le fait que le public a été induit en erreur par une fausse déclaration et 3) le préjudice réel ou possible pour le demandeur (voir la page 132). Cet énoncé a été confirmé dans Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc., 2005 CSC 65 (voir les paragraphes 66 à 69).
[34] TB Inc. fait valoir qu’il existe un achalandage à l’égard du caractère distinctif des biens, des produits et des services de la famille de marques THOI BAO. Le deuxième élément, à savoir le fait de causer de la confusion dans l’esprit du public, est facile à établir étant donné le libellé presque identique des deux marques. Le dernier élément, qui consiste à déterminer si la demanderesse a subi ou risque de subir un préjudice en raison des activités de M. Vo, a également été établi.
[35] Je conclus que TB Inc. a établi qu’il y a eu commercialisation trompeuse, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.
D. M. Vo a‑t‑il diminué la valeur de l’achalandage attaché aux marques de commerce de TB Inc., en contravention de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce?
[36] Aux termes de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce, il faut déterminer si les actions de M. Vo ont entraîné ou sont susceptibles d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce de la demanderesse.
[37] Dans l’arrêt Veuve Clicquot, au paragraphe 46, la CSC a statué que la violation de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce comporte quatre éléments :
a) La marque de commerce déposée de la demanderesse a été employée par le défendeur en liaison avec des marchandises ou services;
b) La marque de commerce déposée de la demanderesse est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable;
c) La marque de la demanderesse a été employée d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage;
d) Cette incidence sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage.
[38] En l’espèce, il est évident que M. Vo a employé la marque déposée de TB Inc., THOI‑BAO, en liaison avec ses marchandises ou services. La marque est bien connue, puisqu’elle est enregistrée depuis 1996 et que le journal THOI BAO a un tirage de 48 000 exemplaires. M. Vo a employé la marque THOI BAO pour le nom d’un site Web de qualité inférieure qui projette une image non professionnelle, d’une manière susceptible de diminuer la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce de TB Inc. La marque de commerce de TB Inc. a acquis une solide réputation et un achalandage appréciable au Canada dans le domaine des services de nouvelles de langue vietnamienne. En fait, TB Inc. a produit la preuve des prix et de la reconnaissance qu’elle a reçus pour son engagement communautaire.
[39] Je conclus par conséquent que les activités de M. Vo contreviennent au paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce.
E. M. Vo s’est‑il livré à un acte qui a entraîné la violation du droit d’auteur de TB Inc. aux termes du paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur?
[40] TB Inc. soutient que M. Vo a violé son droit d’auteur présumé à l’égard de l’émission de nouvelles quotidienne en diffusant deux émissions sur son site Web.
[41] Lorsqu’aucun droit d’auteur n’a été enregistré, l’alinéa 34.1(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur prévoit que l’œuvre est présumée être protégée par le droit d’auteur, jusqu’à preuve contraire. La présomption suivant laquelle l’œuvre est protégée par le droit d’auteur suppose également que son originalité est présumée. (Voir Positive Attitude Safety System Inc. c Albian Sands Energy Inc., 2004 CF 1022, au paragraphe 35.)
[42] En l’espèce, puisque TB Inc. est le premier auteur et diffuseur du TBTV Daily Show, elle est également titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre.
[43] La preuve établit que le TBTV Daily Show de TB Inc. a été diffusé, à au moins deux reprises, sur le site Web de M. Vo, www.thoibaotv.com. M. Vo n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter la présomption. Par conséquent, ces émissions sont présumées être protégées par le droit d’auteur.
[44] En diffusant le TBTV Daily Show sur le site Web www.thoibaotv.com, M. Vo a violé le droit d’auteur cinématographique de TB Inc., en contravention de la Loi sur le droit d’auteur.
F. TB Inc. a‑t‑elle établi qu’elle avait droit à des dommages‑intérêts et à une injonction?
(1) Contrefaçon de la marque de commerce
[45] TB Inc. fait valoir que la conclusion de contrefaçon permet de présumer qu’un préjudice est survenu, même lorsqu’il n’y a aucune preuve de perte sur le plan des affaires. Comme M. Vo n’a présenté aucun élément de preuve, il est impossible d’évaluer le revenu qu’il a gagné, le cas échéant, grâce à l’emploi du nom THOI BAO.
[46] Dans les circonstances, TB Inc. fait valoir que la convention qui s’applique à l’évaluation du montant des dommages‑intérêts est celle des frais raisonnables qu’elle aurait demandés à M. Vo pour l’emploi de sa marque THOI BAO. TB Inc. réclame 22 500 $, montant fondé en partie sur la redevance annuelle minimale de 15 000 $ qu’elle aurait demandée pour l’emploi de sa marque en liaison avec les services de nouvelles de langue vietnamienne sur le Web (Pick c 1180475 Alberta Ltd (Queen of Tarts), 2011 CF 1008, aux paragraphes 49 à 52; Aquasmart Technologies Inc. c. Klassen, 2011 CF 212, au paragraphe 71).
[47] Compte tenu de l’approche fondée sur la redevance annuelle qui a été proposée, je conclus que TB Inc. a droit à la somme de 15 000 $ pour la contrefaçon de la marque commise par M. Vo.
(2) Violation du droit d’auteur
[48] TB Inc. réclame 20 000 $ pour les deux allégations de violation du droit d’auteur visant le TBTV Daily Show. Comme rien n’indique que des profits ont été réalisés, TB Inc. a choisi de recouvrer les dommages‑intérêts préétablis à l’alinéa 38.1(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur.
[49] La mission essentielle au moment d’évaluer les dommages‑intérêts préétablis consiste à en arriver à une appréciation raisonnable eu égard à l’ensemble des circonstances, et ce, dans le but de parvenir à une solution équitable : Telewizja Polsat S.A. c Radiopol Inc., 2006 CF 584, au paragraphe 37.
[50] En l’espèce, je conclus que l’octroi de dommages‑intérêts de 5 000 $ par incident, donc 10 000 $ en tout, est approprié, compte tenu du fait que M. Vo a agi sciemment et volontairement en violation du droit d’auteur de TB Inc. (voir Association canadienne de normalisation c P.S. Knight Co., 2016 CF 294, au paragraphe 61).
(3) Dommages‑intérêts punitifs
[51] TB Inc. réclame des dommages‑intérêts punitifs de 15 000 $ et se fonde à cet égard sur la décision Mitchell Repair Information Company L.L.C. c Long, 2014 CF 562. TB Inc. fait valoir que les faits de cette affaire ressemblent à ceux de la présente affaire.
[52] Les dommages‑intérêts punitifs ont pour objet de punir le défendeur lorsque sa conduite malveillante, opprimante et abusive choque le sens de dignité de la cour. Voir Louis Vuitton Malletier S.A. c Yang, 2007 CF 1179, au paragraphe 47.
[53] En l’espèce, le seul facteur qui milite en faveur de l’octroi de dommages‑intérêts punitifs est le fait que M. Vo est un ancien employé de TB Inc. et qu’il avait par conséquent connaissance de la propriété intellectuelle de TB Inc. Cependant, il n’y a aucune preuve de malveillance, et rien n’indique que la conduite a persisté pendant une longue période. Le site www.thoibaotv.com semble avoir été mis hors ligne dans les deux mois suivant la réception d’une mise en demeure. Aucun élément de preuve ne permet de conclure que le site www.thoibaotv.com était rentable.
[54] Par conséquent, la présente affaire se distingue de l’affaire Mitchell Repair Information, et je refuse d’accorder des dommages‑intérêts punitifs.
(4) Injonction
[55] TB Inc. a droit à une injonction contre M. Vo, comme suit :
- Il est interdit de façon permanente à Tuan Thanh Vo ainsi que, notamment, à ses employés et à ses mandataires :
a) de vendre, de distribuer ou d’annoncer des marchandises ou des services en liaison avec la marque de commerce déposée THOI‑BAO ou avec toute autre marque de commerce ou nom commercial qui crée de la confusion avec la marque de commerce THOI‑BAO, notamment la marque ou le nom « THOI BAO », « TBTV » ou « THOI BAO TV » ou toute marque ou nom qui comprend un de ces éléments;
b) d’appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux de THOI‑BAO, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, notamment par l’adoption, l’emploi ou la promotion de « THOI BAO », de « TBTV » ou de « THOI BAO TV » en tant que tout ou partie d’une marque de commerce, d’un nom commercial, d’une métabalise (ou d’un autre outil ou dispositif de référencement Internet), d’une dénomination sociale, d’un nom d’entreprise ou d’un nom de domaine (y compris d’un nom de domaine actif ou redirigé);
c) d’employer toute marque de commerce déposée par THOI‑BAO d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce, en contravention du paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce;
d) de télécharger, de reproduire et de diffuser les œuvres;
e) d’autoriser, d’inciter ou d’aider d’autres personnes à accomplir l’un des actes susmentionnés.
- Tuan Thanh Vo doit transférer à THOI‑BAO la propriété du nom de domaine www.thoibaotv.com et tous les droits d’accès, d’administration et de contrôle y afférents, ainsi que la propriété de tout autre nom de domaine, compte Facebook, compte Twitter ou autre compte de média social enregistré au nom de Tuan Thanh Vo ou contrôlé par lui et contenant la marque « THOI BAO », « TBTV » ou « THOI BAO TV » ou toute autre marque de commerce similaire au point de créer de la confusion, et doit autrement prendre toute autre mesure nécessaire pour exécuter un tel transfert en temps opportun, y compris enjoindre au registraire concerné de transférer à THOI‑BAO le titre de propriété de tous les noms de domaine visés et tous les droits d’accès, d’administration et de contrôle y afférents.
III. Dépens
[56] TB Inc. a également droit à ses dépens, fixés à 7 500 $.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demanderesse a droit à ce qui suit :
- des dommages‑intérêts de 15 000 $ payables par le défendeur Tuan Thanh Vo pour la contrefaçon de la marque « THOI BAO » de la demanderesse;
- des dommages‑intérêts préétablis de 10 000 $ payables par le défendeur Tuan Thanh Vo, en vertu de l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur;
- ses dépens au titre de la présente action, fixés à 7 500 $, payables par le défendeur Tuan Thanh Vo;
- une injonction permanente interdisant au défendeur Tuan Thanh Vo, ainsi que, notamment, à ses employés et à ses mandataires :
a) de vendre, de distribuer ou d’annoncer des marchandises ou des services en liaison avec la marque de commerce déposée THOI‑BAO ou avec toute autre marque de commerce ou nom commercial qui crée de la confusion avec la marque de commerce THOI‑BAO, notamment la marque ou le nom « THOI BAO », « TBTV » ou « THOI BAO TV » ou toute marque ou nom qui comprend un de ces éléments;
b) d’appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux de THOI‑BAO, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, notamment par l’adoption, l’emploi ou la promotion de « THOI BAO », de « TBTV » ou de « THOI BAO TV » en tant que tout ou partie d’une marque de commerce, d’un nom commercial ou d’une métabalise (ou d’un autre outil ou dispositif de référencement Internet), d’une dénomination sociale, d’un nom d’entreprise ou d’un nom de domaine (y compris d’un nom de domaine actif ou redirigé);
c) d’employer toute marque de commerce déposée par THOI‑BAO d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce, en contravention du paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce;
d) de télécharger, de reproduire et de diffuser les œuvres;
e) d’autoriser, d’inciter ou d’aider d’autres personnes à accomplir l’un des actes susmentionnés.
- Le défendeur Tuan Thanh Vo doit transférer à THOI‑BAO la propriété du nom de domaine www.thoibaotv.com et tous les droits d’accès, d’administration et de contrôle y afférents, ainsi que la propriété de tout autre nom de domaine, compte Facebook, compte Twitter ou autre compte de média social enregistré au nom de Tuan Thanh Vo ou contrôlé par lui et contenant la marque « THOI BAO », « TBTV » ou « THOI BAO TV » ou toute autre marque de commerce similaire au point de créer de la confusion, et doit autrement prendre toute autre mesure nécessaire pour exécuter un tel transfert en temps opportun, y compris enjoindre au registraire concerné de transférer à THOI‑BAO le titre de propriété de tous les noms de domaine visés et tous les droits d’accès, d’administration et de contrôle y afférents.
LA COUR ORDONNE que tous les montants susmentionnés soient payés dans les trente (30) jours suivant la signification du présent jugement.
« Ann Marie McDonald »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-1687-15 |
INTITULÉ : |
THOI BAO INC. c 1913075 ONTARIO LIMITED S/N VO MEDIA, TUAN THANH VO ET TAM HOANG THANH TRAN |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
Le 11 octobre 2016 |
JUGEMENT et motifs : |
La juge MCDONALD |
DATE DES MOTIFS : |
Le 7 décembre 2016 |
COMPARUTIONS :
Mala Joshi |
pour la demanderesse |
Tuan Thanh Vo |
pour le défendeur (POUR SON PROPRE COMPTE) |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Joshi Intellectual Property Law Avocats Toronto (Ontario) |
POUR LA DEMANDERESSE |