Date : 20161208
Dossier : IMM-2641-16
Référence : 2016 CF 1358
Toronto (Ontario), le 8 décembre 2016
En présence de madame la juge Strickland
ENTRE :
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GHADEER YAHYA MOHAMMED MOUSA ET HAWRA ABDULQUDOS YAHYA
AL-KEBSI
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demanderesses
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un gestionnaire adjoint de programme (l’agent des visas) de la Section de l’immigration du Haut-commissariat du Canada à Singapour, datée du 6 juin 2016, dans laquelle la demande de permis de séjour temporaire des demanderesses est rejetée.
[2]
La présente demande est accueillie pour les motifs qui suivent.
Résumé des faits
[3]
Les demanderesses, Mme Ghadeer Yahya Mohammed Mousa et sa fille, Hawra Abdulqudos Yahya Al-Kebsi (Hawra), actuellement âgée de sept ans, sont toutes deux citoyennes du Yémen.
[4]
Mme Mousa est mariée à M. Al-Kebsi, le père de Hawra. En juin 2011, M. Al-Kebsi a été faussement accusé de participer à un complot politique au Yémen. Il a été finalement contraint de se cacher et s’est enfui plus tard au Canada, où sa demande d’asile a été acceptée en juin 2014. En août 2014, il a demandé sa résidence permanente au Canada en tant que personne à protéger et il a inscrit sa femme et sa fille comme personnes à charge dans sa demande. Les demanderesses comptaient rester au Yémen pendant le traitement de leurs demandes; cependant, en mars 2015, la guerre civile a éclaté. Les demanderesses se sont rendues en Malaisie en septembre 2015. Au cours du même mois, elles ont demandé des visas de résident temporaire ou, subsidiairement, des permis de séjour temporaire en vue d’une admission anticipée, demandes qui ont été rejetées en février 2016. En mai 2016, les demanderesses ont présenté de nouvelles demandes et le 6 juin 2016, leurs demandes ont une fois de plus été rejetées.
Décisions faisant l’objet du contrôle
[5]
Le 6 juin 2016, l’agent des visas a rendu deux décisions presque identiques, une pour chacune des demanderesses, au sujet de leurs demandes de permis de séjour temporaire. Le paragraphe important de chaque lettre est rédigé comme suit :
[traduction]
J’ai examiné les renseignements présentés dans votre demande et j’ai conclu qu’il n’existe pas de motifs impérieux suffisants pour délivrer un permis de séjour temporaire. Vous avez indiqué que vous pouvez demeurer en Malaisie pendant le traitement de votre demande de résidence permanente.
En l’absence de motifs impérieux, je rejette votre demande.
[6]
En réponse à une demande présentée en application de l’article 9 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) ont été fournies; elles font partie des décisions (De Hoedt Daniel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1391, au paragraphe 51; Afridi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 193, au paragraphe 20 (Afridi)). La seule inscription pertinente pour les deux demanderesses est pratiquement identique; l’inscription relative à Mme Mousa est la suivante :
[traduction]
La demanderesse est une personne à charge à l’étranger d’un demandeur d’asile au Canada dont la demande de statut de résident permanent est en cours de traitement. De toute évidence, la demanderesse n’est pas une visiteuse éventuelle, mais bien une immigrante éventuelle. En tant que personne à charge à l’étranger, elle a un dossier en cours de traitement qui peut être achevé une fois que son conjoint aura obtenu le statut de résident permanent. La demande indique clairement que la demanderesse pourrait continuer de résider en Malaisie en attendant le traitement de sa demande. Je ne peux conclure qu’un visa de résident temporaire ou un permis de séjour temporaire est justifié.
[7]
Je constate que les demanderesses ont présenté une demande de permis de séjour temporaire ou de visa de résident temporaire. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, seules les décisions dans lesquelles on refuse les demandes de permis de séjour temporaire sont en cause. Cependant, l’agent des visas a également fait parvenir le 6 juin 2016 une lettre type à Mme Mousa dans laquelle elle apprenait que sa demande de visa de résident temporaire avait été refusée. Pour aider la demanderesse à comprendre la décision, les motifs du refus étaient fournis à la page suivante de la lettre. Il s’agissait d’un formulaire type sur lequel on pouvait cocher les motifs du refus. Dans le cas de Mme Mousa, elle n’avait pas réussi à convaincre l’agent des visas qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour comme résidente temporaire. Plusieurs facteurs ont été cochés comme ayant été pris en compte à cet égard : le but de la visite, les perspectives d’emploi au pays de résidence et la situation d’emploi actuelle. Une lettre identique a été envoyée à Hawra; cependant, le formulaire joint était vierge.
Dispositions législatives pertinentes
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27
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Guide sur le traitement des demandes à l’étranger – Permis de séjour temporaire, OP 20
[traduction]
2. Objectifs du programme
Habituellement, les personnes qui ne satisfont pas aux exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés se voient refuser un visa de résident permanent ou de résident temporaire à l’étranger ou l’entrée à un point d’entrée, ou encore, on refuse de traiter leur demande au Canada. Toutefois, dans certains cas, il peut y avoir des raisons impérieuses pour lesquelles un agent peut délivrer un permis de séjour temporaire pour permettre à une personne qui ne satisfait pas aux exigences de la Loi d’entrer ou de rester au Canada.
Le permis de séjour temporaire permet aux agents d’intervenir dans des cas exceptionnels tout en remplissant les engagements sociaux, humanitaires et économiques du Canada.
5.8. Évaluation du besoin et du risque
Le besoin d’une personne interdite de territoire d’entrer ou de demeurer au Canada doit être impérieux et suffire à l’emporter sur les risques posés à la santé et à la sécurité de la société canadienne. Le degré de besoin est relatif au type de cas.
[...]
Les éléments qui suivent comprennent des points et des exemples qui, sans être exhaustifs, illustrent la portée et l’esprit d’application du pouvoir discrétionnaire de délivrer un permis.
L’agent peut délivrer un permis si :
• le besoin d’entrer au Canada ou d’y demeurer est impérieux et suffisant pour compenser le risque;
• le risque pour les Canadiens ou la société canadienne est minime et le besoin de la présence au Canada l’emporte sur le risque. Voir les sections 8, 9, 10 et 11 ci-dessous pour connaître les critères à prendre en considération lorsqu’on décide de recommander l’octroi d’un permis. Le rétablissement du statut n’est pas une solution.
[...]
5.15. Admission anticipée
Les représentants du ministre peuvent délivrer un permis pour autoriser un ressortissant étranger à venir au Canada avant qu’il satisfasse aux exigences relatives à la résidence permanente. L’agent doit avoir la certitude que la mesure est essentielle.
[...]
8. Marche à suivre : Critères de décision
Afin de déterminer si une considération favorable se justifie pour surmonter l’interdiction de territoire, l’agent doit mettre en perspective les facteurs de besoin et de risque de chaque cas. L’agent doit tenir compte :
• des facteurs qui rendent la présence de la personne nécessaire au Canada (p. ex. liens familiaux, compétences professionnelles, apport économique, participation temporaire à une activité);
• de l’intention de la loi (p. ex. protection de la santé publique, du système de soins de santé ou de la sécurité du Canada et des Canadiens).
L’évaluation peut porter sur :
• le but essentiel de la présence d’une personne au Canada;
• le type ou la catégorie de demande et la composition familiale pertinente, tant dans le pays d’origine qu’au Canada;
• s’il est question de traitements médicaux, l’accessibilité raisonnable, ou non, du traitement au Canada ou ailleurs (des commentaires sur les coûts/l’accessibilité relatifs peuvent s’avérer utiles);
• l’efficacité prévue du traitement médical;
• les avantages corporels ou incorporels auxquels peuvent s’attendre la personne concernée ou d’autres personnes;
• la bonne foi du répondant, de l’hôte ou de l’employeur (p. ex. un comité spécial qui a été formé uniquement pour inviter une personne interdite de territoire à titre de conférencier peut ne pas être de bonne foi).
[...]
Question en litige et norme de contrôle
[8]
À mon avis, la seule question en l’espèce consiste à déterminer si la décision de l’agent des visas était raisonnable. Les deux parties font valoir, et je suis d’accord, que la décision de délivrer un permis de séjour temporaire est hautement discrétionnaire et susceptible de révision en fonction de la norme de la décision raisonnable (Farhat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1275, au paragraphe 24 (Farhat); Shabdeen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 303, au paragraphe 13 (Shabdeen); Betesh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1374, au paragraphe 23).
Analyse
[9]
Les demanderesses soutiennent que l’agent des visas a commis une erreur en omettant d’entreprendre une analyse équilibrée du besoin impérieux des demanderesses d’entrer au Canada par rapport à tout risque potentiel pour la santé et la sécurité associé à leur entrée. Elles soutiennent que, même s’il était loisible à l’agent des visas de rendre une décision négative, l’analyse ne peut pas être contournée si le demandeur avance des motifs impérieux à prendre en considération. La législation, la jurisprudence et les directives mêmes du ministre indiquent clairement que l’évaluation de savoir si un demandeur a un besoin impérieux d’entrer au Canada est au cœur de l’analyse de demande de permis de séjour temporaire, et qu’une analyse complète des motifs avancés par le demandeur doit être entreprise (Shabdeen, au paragraphe 23; Martin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 422, au paragraphe 30 (Martin); Zlydnev c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 604, au paragraphe 20; Guide sur le traitement des demandes à l’étranger – Permis de séjour temporaire, OP 20 (Guide OP), article 8; LIPR, au paragraphe 24(1)). Les demanderesses soutiennent que l’omission commise en l’espèce comprenait aussi une omission de tenir compte des intérêts de Hawra, qui constituait un facteur pertinent dans l’examen de la demande de permis de séjour temporaire (Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 784, aux paragraphes 12 et 13 (Ali)).
[10]
En outre, les demanderesses soutiennent que les motifs de l’agent des visas sont tout simplement illogiques compte tenu des éléments de preuve et des motifs impérieux à sa disposition. Bien que l’agent des visas ait joui d’une vaste discrétion pour évaluer et soupeser les facteurs pertinents et que l’obligation de fournir des motifs était faible, la Cour a constamment conclu que le pouvoir discrétionnaire a ses limites et que les motifs, à tout le moins, doivent démontrer un processus de raisonnement clair. En l’espèce, toutefois, l’agent des visas a omis d’exercer de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire en omettant de donner une indication de l’équilibre requis qui a mené au refus imputé.
[11]
Il est évident, d’après les dispositions pertinentes de la LIPR, que les agents des visas qui examinent des demandes de permis de séjour temporaire jouissent d’une grande discrétion, qu’un permis de séjour temporaire peut être délivré si un agent estime qu’il est justifié dans les circonstances (au paragraphe 24(1)). De plus, tel qu’il est indiqué dans le Guide OP, dans certains cas il peut y avoir des motifs impérieux de délivrer un permis de séjour temporaire. À cet égard, le besoin d’un demandeur d’entrer au Canada doit être impérieux et suffire à l’emporter sur les risques posés à la santé et à la sécurité de la société canadienne, le degré de besoin est aussi relatif au type de cas. Le Guide OP indique que, pour déterminer si une considération favorable se justifie, l’agent doit évaluer les facteurs liés au risque et au besoin dans chaque cas et doit tenir compte des facteurs qui rendent la présence de la personne nécessaire au Canada (p. ex. les liens familiaux). Il précise aussi les éléments sur lesquels cette évaluation peut porter, notamment le but essentiel de la présence de la personne au Canada, le type ou la catégorie de demande et la composition familiale pertinente, les avantages corporels ou incorporels auxquels peuvent s’attendre la personne concernée ou d’autres personnes ainsi que d’autres facteurs. Bien que des directives tel le Guide OP ne constituent pas des règles de droit et ne sont pas exécutoires, la Cour a conclu qu’elles offrent une orientation quant au contexte, au but, à la signification et à l’interprétation raisonnable des mesures législatives (Farhat, au paragraphe 28; Lorenzo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 37, au paragraphe 25).
[12]
Bref, l’agent des visas était tenu d’examiner les observations des demanderesses et d’entreprendre une analyse afin de déterminer si la délivrance des permis de séjour temporaire était justifiée par des circonstances exceptionnelles et impérieuses. Même si le défendeur soutient que c’est avec circonspection que l’on doit recommander un permis de séjour temporaire et le délivrer (Farhat, au paragraphe 24), cela ne signifie pas, à mon avis, que l’analyse requise peut être écartée étant donné que l’appréciation des motifs impérieux des demanderesses d’entrer au Canada est au cœur de l’analyse de la demande de permis de séjour temporaire (Martin, au paragraphe 30).
[13]
En l’espèce, la demande de permis de séjour temporaire des demanderesses comprenait des observations de l’avocat qui résumaient le besoin impérieux et les circonstances exceptionnelles sur lesquels s’appuyaient les demanderesses. Les observations décrivaient la fausse accusation à l’encontre de M. Al-Kebsi qui a obligé la famille à se cacher et a finalement exigé que M. Al-Kebsi fuie en laissant derrière lui sa femme et sa fille; la guerre au Yémen, notamment des frappes aériennes quotidiennes près de la résidence des demanderesses; l’absence de nécessités comme l’électricité, l’eau, le gaz, les médicaments, la nourriture et les communications; la fuite en Malaisie par les demanderesses où elles sont seules dans un pays étranger et séparées de M. Al-Kebsi; et la difficulté que cela cause aux membres de la famille. Ces circonstances étaient étayées par des lettres de M. Al-Kebsi et de Mme Mousa.
[14]
Cependant, l’agent des visas ne mentionne pas l’existence des observations, et ses motifs ne comportent pas même la moindre analyse de ces observations. La lettre de refus indique seulement qu’il n’existe pas de motifs impérieux suffisants pour délivrer un permis de séjour temporaire. Les notes du SMGC portent à la fois sur les demandes de permis de séjour temporaire et de visa de résident temporaire, les seules considérations apparentes étant que les demanderesses n’étaient pas des visiteuses éventuelles, mais des immigrantes éventuelles, et qu’elles pouvaient demeurer en Malaisie pendant le traitement de la demande de résidence permanente de M. Al-Kebsi. De plus, en se fondant sur la décision Farhat, le défendeur a soutenu au départ que l’agent des visas n’était pas tenu de prendre en considération l’intérêt de l’enfant dans le contexte de l’analyse des motifs impérieux, sauf que dans la décision en cause, le demandeur n’avait pas présenté de motifs impérieux à l’égard de son épouse et de son enfant qui lui auraient permis d’obtenir un permis de séjour temporaire; il avait tout simplement fait observer que ces personnes existaient.
[15]
Il ne s’agit pas de la circonstance factuelle en l’espèce (Palmero c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1128, au paragraphe 11 ( Palmero)). En outre, comme l’a reconnu le défendeur lors de sa comparution devant moi, la jurisprudence postérieure de la Cour a établi que, lorsque les intérêts d’un enfant font partie des motifs impérieux en application du paragraphe 24(1), les motifs de l’agent des visas doivent démontrer que ces intérêts ont été pris en considération. Dans la décision Ali, le juge Phelan a conclu que l’agent des visas avait commis une erreur de droit en omettant d’aborder l’existence d’un enfant d’âge mineur (au paragraphe 13) et que le pouvoir hautement discrétionnaire de l’agent des visas avait été exercé de façon inappropriée, du fait que les intérêts de l’enfant d’âge mineur du demandeur n’avaient pas été pris en compte :
12 L’article 24 exige de l’agent qu’il décide si « les circonstances » justifient la délivrance d’un PST. Cette expression doit vouloir dire les circonstances pertinentes. Compte tenu du Guide des politiques de CIC et de la propre analyse de l’agent d’immigration (ainsi que des observations faites par le demandeur), les liens familiaux, l’existence d’enfants et l’intérêt de ceux-ci étaient des circonstances pertinentes. La preuve relative à l’intérêt de l’enfant mineur était pertinente quant au dossier.
[16]
Dans la décision Palmero, le juge Harrington a appliqué les principes de la décision Ali et conclu que la décision de l’agent des visas était déraisonnable à plusieurs égards, notamment que les notes de l’agent ne mentionnaient pas l’enfant d’âge mineur dont les intérêts étaient en cause selon les faits de l’espèce (voir aussi la décision Martin, aux paragraphes 31 à 33).
[17]
Et bien que le défendeur se soit fondé sur la décision Afridi, qui a conclu qu’un agent des visas n’est pas tenu de s’occuper des intérêts d’un enfant dans une demande de permis de séjour temporaire, le juge Boivin a fait observer que dans ce cas particulier, la décision de l’agente démontrait qu’elle comprenait les intérêts de l’enfant, plus particulièrement, la séparation de son père adoptif, la situation de la sécurité au Pakistan et les liens de l’enfant avec sa mère et ses frères et sœurs biologiques. On peut la comparer à la situation en cause en l’espèce dans laquelle l’agent des visas a reconnu l’existence de Hawra, mais seulement dans la mesure où on lui a fait parvenir une lettre de refus et où on n’a pas tenu compte de ses intérêts dans le contexte des demandes de permis de séjour temporaire.
[18]
Le défendeur soutient également que l’agent des visas n’était pas convaincu que les demanderesses quitteraient le Canada si on leur demandait de le faire et que cela constituait le fondement de la décision. Je ne suis pas persuadée qu’il en est ainsi. La lettre de refus n’en fait aucune mention comme motif de la décision. Les notes du SMGC ne sont pas claires à cet égard, étant donné qu’elles répondent à la fois aux demandes de permis de séjour temporaire et de visa de résident temporaire. De plus, dans la mesure où la déclaration de l’agent des visas dans les notes selon laquelle les demanderesses sont clairement des immigrantes éventuelles et non des visiteuses éventuelles se rapporte aux demandes de permis de séjour temporaire, je conviens avec les demanderesses que l’agent des visas ne semble pas avoir tenu compte de la double intention des dispositions du paragraphe 22(2) de la LIPR, qui prévoit accorder la résidence temporaire même lorsque le demandeur compte devenir un résident permanent.
[19]
En conclusion, l’absence même d’une reconnaissance des motifs impérieux soumis à l’examen par les demanderesses, l’absence d’un équilibre de ces motifs et l’omission d’aborder l’existence et les intérêts de l’enfant d’âge mineur rendent la décision déraisonnable. Je ne peux conclure que la décision de l’agent des visas a été rendue d’après les éléments de preuve à sa disposition ainsi que les facteurs applicables à prendre en considération dans le contexte de l’analyse équilibrée d’une demande de permis de séjour temporaire.
[20]
Il est vrai que l’obligation d’un agent des visas de fournir des raisons au moment de l’évaluation d’un permis de séjour temporaire est minimale (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 465, au paragraphe 21; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 621, au paragraphe 9) et que les motifs d’un tribunal administratif suffisent s’ils permettent à la cour de révision de comprendre pourquoi le tribunal a rendu sa décision ainsi que de déterminer si la conclusion appartient aux issues acceptables (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16). Cependant, en l’espèce, les motifs de l’agent des visas, lorsqu’ils sont considérés au vu du dossier dont il était saisi, sont inintelligibles et je ne peux pas déterminer pourquoi les circonstances présentées ont été rejetées ou jugées non impérieuses et, par conséquent, si sa décision de refuser les demandes appartenait aux issues acceptables (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour un nouvel examen.
Aucune question de portée générale n’est proposée par les parties et aucune n’est soulevée.
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« Cecily Y. Strickland »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2641-16
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INTITULÉ :
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GHADEER YAHYA MOHAMMED MOUSA ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 7 décembre 2016
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JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE STRICKLAND
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DATE DES MOTIFS :
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Le 8 décembre 2016
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COMPARUTIONS :
Ian Sonshine
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Pour les demanderesses
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James Todd
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ian Sonshine
Avocat
Toronto (Ontario)
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Pour les demanderesses
|
William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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