Date : 20161107
Dossier : T-133-16
Référence : 2016 CF 1241
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2016
En présence de madame la juge McDonald
ENTRE :
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GABRIELLA CUNHA LEITE
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS :
[1]
Gabriella Cunha Leite sollicite le contrôle judiciaire d’une décision du juge de la citoyenneté par laquelle sa demande de citoyenneté canadienne a été rejetée au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions de résidence posées par l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C., 1985, ch. C-29 (la Loi) qui exige au moins trois ans de résidence au Canada dans les quatre années précédant immédiatement la date de la demande.
[2]
En concluant qu’elle ne remplissait pas les conditions de résidence, le juge de la citoyenneté s’est fondé sur le critère décrit dans Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. no 232 (QL) [Pourghasemi] et a conclu qu’il était impossible de déterminer le nombre de jours pendant lesquels Mme Leite a été physiquement présente au Canada pendant la période pertinente de quatre ans.
[3]
Mme Leite soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en appréciant la preuve de sa présence effective au Canada. De plus, elle soutient que le juge de la citoyenneté a erré en se fondant sur le critère de résidence énoncé dans l’arrêt Pourghasemi.
[4]
À mon avis, le juge de la citoyenneté n’a pas commis d’erreur, et pour les motifs qui suivent, le contrôle judiciaire est rejeté.
I.
Contexte factuel
[5]
Mme Leite est une citoyenne du Brésil qui a obtenu le statut de résidente permanente au Canada en février 2007. Elle a déposé sa demande de citoyenneté canadienne le 16 décembre 2011, ce qui signifie que la période de quatre ans pour évaluer le respect de la condition de résidence commençait le 16 décembre 2007 et se terminait le 16 décembre 2011.
[6]
Dans sa demande, elle a déclaré 832 jours de présence et 628 jours d’absence pendant la période de 1 460 jours (quatre ans). Cela représente un déficit de 263 jours sur les 1 095 jours (trois ans) requis.
[7]
Dans un questionnaire de suivi sur la résidence le 26 février 2013, Mme Leite a déclaré des absences du Canada qui ne correspondent pas à celles déclarées dans sa demande. Il lui manquait quand même environ 100 jours sur les 1 095 jours requis.
[8]
Le 9 novembre 2015, elle s’est présentée à une audience devant un juge de la citoyenneté. Dans une décision datée du 15 décembre 2015, sa demande de citoyenneté a été rejetée.
II.
Questions en litige
[9]
Voici les questions litigieuses que l’avocat de la demanderesse a soulevées :
Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en examinant la preuve?
Le juge de la citoyenneté a-t-il appliqué correctement le critère Pourghasemi?
S’agit-il d’un cas approprié pour certifier des questions?
III.
La norme de contrôle
[10]
Les parties ne s’entendent pas sur la norme de contrôle applicable. Huang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 576, au paragraphe 13 [Huang]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Purvis, 2015 CF 368, au paragraphe 22 [Purvis]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Zhang, 2016 CF 951, au paragraphe 8 [Zhang].
IV.
Analyse
a.
Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en examinant la preuve?
[11]
Mme Leite affirme qu’elle a fourni une abondante preuve de sa présence au Canada au cours de la période de quatre ans. Elle convient toutefois que le relevé d’absences qu’elle a présenté au juge de la citoyenneté n’était pas clair. Elle prétend avoir surestimé ses jours d’absences. Elle déclare également que quelques voyages de courte durée aux États-Unis ont été omis dans sa demande initiale, mais cela a été corrigé dans le questionnaire relatif à la résidence.
[12]
Mme Leite affirme que les erreurs concernant ses absences du Canada ne devraient pas être fatales à sa demande et que sa crédibilité ne devrait pas être touchée par des estimations de bonne foi, surtout si l’on considère qu’elle souffre de dépression et d’un trouble de déficit de l’attention.
[13]
Dans ses motifs, le juge de la citoyenneté fait référence à un écart de trois mois qu’aucun indicateur actif de la présence de Mme Leite au Canada ne pouvait expliquer. Mme Leite soutient que cet écart de trois mois n’est en fait qu’un écart de deux mois et elle a démontré qu’elle était présente au Canada durant cette période en déposant des notes de ses rencontres avec son psychiatre. Elle fait valoir qu’il s’agit d’une erreur d’appréciation de la preuve de la part du juge de la citoyenneté qui entache la décision dans son ensemble.
[14]
Il s’agit de la seule erreur de calcul que le juge de la citoyenneté ait commise. Mais même en tenant compte de cette erreur, Mme Leite n’a cependant pas produit d’éléments de preuve fiables démontrant qu’elle a accumulé 1 095 jours de présence effective au Canada. Par conséquent, cette erreur mineure du juge de la citoyenneté ne rend pas la décision déraisonnable.
[15]
De plus, il est important de souligner qu’il incombe à Mme Leite d’établir le nombre de jours de résidence : Atwani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1354.
[16]
Lors de l’audience, on a demandé à Mme Leite de produire son passeport brésilien. Mme Leite a déclaré au juge de la citoyenneté qu’elle avait jeté le passeport à la poubelle. Le juge de la citoyenneté a estimé que cette réponse n’était pas crédible parce qu’elle défiait le bon sens. Mme Leite fait valoir que cette conclusion du juge de la citoyenneté ne prend pas en considération ses problèmes de santé mentale, et est donc déraisonnable.
[17]
Le fait de demander de présenter un passeport pour aider à évaluer la preuve constituait une demande juste et raisonnable de la part du juge de la citoyenneté. De même, il était raisonnable que le juge de la citoyenneté estime que sa réponse voulant qu’elle ait jeté le passeport à la poubelle n’était pas crédible, surtout compte tenu du manque de clarté de l’ensemble de la preuve de sa présence au Canada.
[18]
Ce n’est pas le rôle de notre Cour de procéder à une nouvelle évaluation des éléments de preuve présentés au juge de la citoyenneté : Zhang, précité, au paragraphe 21; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Iluebbey, 2016 CF 946, au paragraphe 46.
[19]
Dans ce cas-ci, le juge de la citoyenneté a dûment examiné les éléments de preuve, tels qu’ils ont été présentés.
b.
Le juge de la citoyenneté a-t-il appliqué correctement le critère Pourghasemi?
[20]
Bien qu’un certain nombre de critères applicables à la résidence aient été établis, il est de jurisprudence constante qu’un juge de la citoyenneté peut raisonnablement choisir le critère à appliquer et, puisque ce critère a été appliqué correctement, il ne convient pas que notre Cour intervienne : Purvis, précité; Huang, précité; Saad c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 570, au paragraphe 23 [Saad]; El-Khader c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 328, au paragraphe 20.
[21]
Dans ce cas-ci, il était raisonnable que le juge de la citoyenneté décide d’appliquer le critère de Pourghasemi. Ce faisant, le juge de la citoyenneté a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Leite ne satisfait pas aux exigences relatives à la résidence en vertu de l’alinéa 5(1)c) de la Loi. Compte tenu de l’absence de preuve convaincante de la présence effective au Canada de la demanderesse pendant la période de temps requise et des préoccupations relatives à la crédibilité en ce qui concerne le passeport mis à la poubelle, il s’agit d’une conclusion raisonnable.
[22]
En outre, Mme Leite reconnaît que même en tenant compte d’une absence de deux mois plutôt que de trois mois, elle était loin de satisfaire à l’exigence des 1 095 jours.
[23]
Par conséquent, il ne peut pas être déraisonnable que le juge de la citoyenneté conclue que, selon la prépondérance des probabilités, Mme Leite n’avait pas été physiquement présente au Canada pendant 1 095 jours.
[24]
Dans ce cas-ci, le juge de la citoyenneté a conclu que les faits ne satisfaisaient pas au critère. Ce n’est pas le rôle de notre Cour de sélectionner un autre critère à appliquer à la preuve : (Saad, précité, au paragraphe 23)
c.
S’agit-il d’un cas approprié pour certifier des questions?
[25]
La demanderesse a proposé la question suivante aux fins de certification :
Dans la détermination de la résidence aux fins de l’alinéa 5(1)c), le critère de Koo est-il le seul critère applicable par un juge de la citoyenneté?
Un juge de la citoyenneté commet-il une erreur lorsqu’il se méprend sur les éléments de preuve pertinents à l’un des critères disponibles, quel que soit le critère choisi?
[26]
Le défendeur conteste qu’il y ait une question à certifier dans la présente affaire.
[27]
Notre Cour ne peut certifier une question que si celle‑ci transcende les intérêts des parties, qu’elle a des conséquences importantes ou de portée générale et qu’elle permet de trancher l’appel. Pour permettre de trancher l’appel, les questions doivent avoir été tranchées par le juge des demandes, de sorte que la Cour d’appel fédérale en est saisie au stade de son examen d’un appel : Burton c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 910.
[28]
Les questions en l’espèce sont de nature factuelle et l’insuffisance de la preuve a constitué le facteur déterminant. Cela n’apporte pas à la présente affaire le cadre requis à la certification d’une question : Voir Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, au paragraphe 11.
[29]
En outre, la législation confère au juge de la citoyenneté le pouvoir discrétionnaire de choisir le critère de résidence applicable et notre Cour ne peut intervenir à moins que le critère appliqué l’ait été de façon incorrecte. Cela démontre également que les questions posées par le demandeur ne sont pas appropriées aux fins de certification : Purvis, précité, au paragraphe 26 (sur le fait que la jurisprudence est bien établie); Mudrak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, au paragraphe 36 (concernant la proposition suivant laquelle la jurisprudence n’est pas appropriée aux fins de certification d’une question).
[30]
Par conséquent, je refuse de certifier les questions proposées par le demandeur.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
La présente demande de contrôle judiciaire de la décision du juge de la citoyenneté est rejetée; et
Aucune question de portée générale n’est certifiée.
« Ann Marie McDonald »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-133-16
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INTITULÉ :
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GABRIELLA CUNHA LEITE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 21 septembre 2016
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE MCDONALD
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DATE DES MOTIFS :
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Le 7 novembre 2016
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COMPARUTIONS:
Daniel Kingwell
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Pour la demanderesse
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Christopher Crighton
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mamann, Sandaluk & Kingwell, LLP
CABINET D’AVOCATS
Toronto (Ontario)
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Pour la demanderesse
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William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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