Date : 20161012
Dossier : T-1878-15
Référence : 2016 CF 1137
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2016
En présence de madame la juge Mactavish
ENTRE : |
ROBERT DUPUIS |
demandeur |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Robert Dupuis sollicite un contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne rejetant la plainte pour motif de discrimination qu’il a déposée contre son employeur, Statistique Canada. M. Dupuis allègue que, lorsqu’il était à l’emploi de Statistique Canada, le ministère a fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa déficience.
[2] M. Dupuis soutient que la Commission l’a traité de manière injuste au cours du processus d’enquête en refusant de lui permettre de déposer un nombre important de documents supplémentaires pour étayer sa plainte. Il soutient également que la Commission a commis une erreur en concluant que Statistique Canada lui avait fourni des mesures d’adaptation raisonnables. Enfin, M. Dupuis affirme que l’offre de règlement que lui a présentée Statistique Canada au cours du processus de conciliation n’était pas raisonnable, de sorte que la Commission a erré en s’appuyant sur cette offre pour conclure qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre l’enquête concernant sa plainte.
[3] Pour les motifs ci-après, j’ai conclu que la décision de la Commission n’avait pas les caractéristiques requises en matière de justification, de transparence et d’intelligibilité requises d’une décision raisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire de M. Dupuis sera accueillie.
I. Faits et procédures
[4] M. Dupuis est entré dans la fonction publique du Canada en 1988 et il a joint les rangs de Statistique Canada en 1990. Un ancien employé de Statistique Canada, qui avait été chef de l’unité à laquelle était rattaché M. Dupuis alors qu’il occupait un poste au niveau de classification SI-02 de 1999 à 2000, a témoigné. Selon ce témoin, au cours de cette période, M. Dupuis a exercé ses fonctions [traduction] « à pleine capacité », s’acquittant de toutes ses tâches. Ce témoin a également déclaré qu’aucun problème n’avait été soulevé à l’égard du rendement de M. Dupuis et que ses évaluations de rendement ne comportaient pas de commentaires négatifs.
[5] En 2000, M. Dupuis a remporté un concours pour un poste d’agent sujet matière/agent des technologies de l’information à Statistique Canada, au niveau de classification SI-03.
[6] En 2003, M. Dupuis a commencé à relever d’un nouveau superviseur. Bien que M. Dupuis maintienne qu’il a continué à donner un bon rendement, son nouveau superviseur a commencé à être préoccupé par son rendement. À la suite de discussions avec M. Dupuis, le superviseur a commencé à craindre que M. Dupuis ne soit atteint d’une déficience qui avait des répercussions sur son rendement. En conséquence, en 2004, M. Dupuis a été référé à Santé Canada afin que l’on puisse déterminer si ses problèmes de rendement pouvaient être imputables à des troubles de santé ou à des restrictions liées à la santé.
[7] En octobre 2004, Santé Canada a déterminé que M. Dupuis souffrait du syndrome d’Asperger. Dans son rapport à Statistique Canada, Santé Canada n’a pas identifié la maladie de M. Dupuis par son nom, mais a déclaré qu’il souffrait d’une [traduction] « condition chronique » qui [traduction] « pouvait avoir une incidence sur sa capacité à s’acquitter des aspects de ses fonctions liées à la compréhension et à l’exécution des tâches ».
[8] Même si M. Dupuis était considéré comme étant apte au travail, Santé Canada a déclaré que certaines mesures d’adaptation pourraient améliorer son rendement. Ces mesures incluaient notamment :
1. Veiller à ce que M. Dupuis occupe un poste où il bénéficierait de l’appui de ses superviseurs.
2. Affecter M. Dupuis à un poste qui ne comportait pas d’exigences sociales, de contraintes de temps ou l’obligation d’improviser rapidement ou de trouver des solutions à de nouvelles situations.
3. Veiller à ce que la description de tâches de M. Dupuis ne soit pas modifiée, car les personnes atteintes de cette maladie (non identifiée) donnent un meilleur rendement lorsque leurs tâches leur sont familières.
[9] M. Dupuis a de toute évidence été surpris par le diagnostic d’Asperger, et il n’était pas d’avis qu’il était atteint de cette déficience. Conformément aux recommandations de Santé Canada, Statistique Canada a néanmoins pris des mesures pour tenir compte de ses besoins.
[10] Pendant la période s’étendant de décembre 2004 à août 2005, M. Dupuis a été affecté à des tâches réduites au niveau SI-03, et il a reçu de la formation supplémentaire et un soutien accru en matière de supervision. Toutefois, en dépit de ces mesures d’adaptation, M. Dupuis a continué à recevoir des évaluations de rendement insatisfaisantes. M. Dupuis attribue ces résultats au fait que son superviseur ne comprenait pas comment accommoder correctement un employé atteint du syndrome d’Asperger.
[11] Statistique Canada était d’avis qu’il était difficile d’accommoder une personne occupant le poste de M. Dupuis, car tous les postes SI exigent une interaction sociale; par ailleurs, Santé Canada avait précisément recommandé de ne pas modifier la description de tâches de M. Dupuis.
[12] Dans un rapport de suivi de 2005, Santé Canada a déclaré que M. Dupuis risquait [traduction] « d’éprouver de la difficulté à accomplir des tâches de nature hautement visuelle qui lui demandent de traiter des documents au contenu nouveau ou ambigu ». Ce rapport présente d’autres suggestions en vue d’accommoder M. Dupuis :
1. Recourir aux consignes verbales pour lui enseigner de nouvelles tâches ou lui confier de nouveaux projets, mettre l’accent sur les tâches qui peuvent être apprises par cœur et éviter de lui transmettre de l’information de manière visuelle.
2. Éviter les tâches qui exigent un degré élevé de flexibilité mentale et de changer rapidement les objectifs.
3. Mettre l’accent sur les tâches familières, car les personnes comme M. Dupuis donnent de meilleurs résultats lorsqu’elles exécutent des tâches structurées et répétitives.
4. Enfin, on y indiquait que M. Dupuis pourrait bénéficier du recours à un consultant qui viendrait sur place pour l’aider à se réintégrer.
[13] Entre août 2005 et mars 2007, des tâches réduites ont été assignées à M. Dupuis, initialement des tâches de niveau SI-02, puis de niveau SI-01, et il a reçu de la formation supplémentaire et un soutien accru en matière de supervision. Cependant, au cours de cette période, aucun consultant n’a été appelé à aider M. Dupuis, et ses évaluations de rendement continuaient à indiquer que son rendement était insatisfaisant.
[14] Entre avril 2007 et décembre 2008, on a confié des tâches une à la fois à M. Dupuis; ces tâches étaient associées à des postes des niveaux SI-03 à SI-01. Encore une fois, le rendement de M. Dupuis a été jugé insatisfaisant. On a alors accordé trois mois à M Dupuis pour améliorer son rendement à défaut de quoi il serait rétrogradé ou congédié.
[15] À compter d’août 2008, on a commencé progressivement à lui assigner des tâches de niveau CR-04. Son rendement à l’égard des tâches qu’il accomplissait à ce niveau était jugé satisfaisant. En conséquence, en janvier 2009, M. Dupuis a été rétrogradé au niveau CR-04, et on lui a attribué ces tâches à plein temps. M. Dupuis ne s’est pas présenté au travail à ce nouveau poste; il a plutôt pris un congé de maladie lié au stress approuvé par un médecin.
[16] M. Dupuis est retourné au travail en 2012. Cependant, entre-temps, le 28 février 2011, il a déposé une plainte à l’encontre de Statistique Canada auprès de la Commission canadienne des droits de la personne alléguant que Statistique Canada avait fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa déficience et que le Ministère n’avait pas pris de mesures d’adaptation adéquates.
II. Événements subséquents à la plainte de M. Dupuis en matière de droits de la personne
[17] En 2011, M. Dupuis a obtenu un rapport d’un psychiatre, le Dr Robert Milin. Dans son rapport, le Dr Milin indiquait que M. Dupuis souffrait du syndrome d’Asperger, ce qu’il décrivait comme un [traduction] « trouble envahissant du développement ». Il mentionnait également les mesures d’adaptation qui, selon lui, devraient être mises en place avant le retour au travail de M. Dupuis.
[18] Il recommandait que lesdites mesures d’adaptation prévoient ce qui suit :
1. Il faudrait que M. Dupuis soit soumis à une évaluation en milieu de travail par un consultant ayant déjà travaillé avec personnes atteintes du syndrome d’Asperger, afin que l’on puisse élaborer et mettre à exécution les mesures d’adaptation nécessaires.
2. Il faudrait que M. Dupuis soit soumis à une évaluation orthophonique en vue de dépister un éventuel trouble de la parole.
3. Il faudrait que l’on offre à M. Dupuis des services de counseling en aptitudes sociales et qu’on le familiarise davantage avec le syndrome d’Asperger.
[19] À son retour au travail, en 2012, M. Dupuis a bénéficié brièvement des services d’une consultante en santé professionnelle ayant déjà travaillé avec des personnes atteintes du syndrome d’Asperger pour faciliter son intégration en milieu de travail à son nouveau poste de niveau CR-04.
[20] M. Dupuis déclare que les services de la consultante ont pris fin après deux semaines seulement, avant qu’elle n’ait pu émettre de recommandations quant aux mesures d’adaptation appropriées qui auraient dû être prises pour faciliter son adaptation à son poste. Dans son affidavit, M. Dupuis fournit de l’information concernant sa compréhension des circonstances entourant l’interruption des services de la consultante. Le défendeur s’oppose à cette partie de l’affidavit de M. Dupuis, alléguant que celle-ci renferme une preuve par ouï-dire. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la preuve de M. Dupuis sur ce point constitue une preuve par ouï-dire inadmissible et qu’elle doit par conséquent être rejetée.
[21] Je note également que, bien que l’enquêteur de la Commission ait interviewé la consultante en question, son rapport n’indique pas combien de temps celle-ci a travaillé avec M. Dupuis, les recommandations qu’elle a pu émettre pour faciliter sa réintégration en milieu de travail ou les circonstances entourant l’interruption de ses services.
[22] Si je comprends bien, M. Dupuis a continué à travailler pour Statistique Canada à un poste de niveau CR-04.
III. L’enquête de la Commission
[23] La Commission canadienne des droits de la personne a initialement attendu que M. Dupuis ait épuisé toutes les voies de recours prévues par la procédure de règlement de griefs dont il disposait avant d’entreprendre son enquête. Elle a terminé son enquête en mai 2014.
[24] La Commission n’a pas accepté d’entrée de jeu la recommandation de l’enquêteur de rejeter la plainte de M. Dupuis en matière de droits de la personne. Elle a plutôt envoyé l’affaire en conciliation.
[25] M. Dupuis et Statistique Canada ont échangé un certain nombre d’offres de règlement. Cependant, ils n’ont pu parvenir à s’entendre sur un règlement de la plainte de M. Dupuis. La plainte de M. Dupuis a alors été renvoyée à la Commission le 23 janvier 2015 pour qu’elle détermine si celle-ci devait être rejetée ou être soumise au Tribunal des droits de la personne du Canada pour y être entendue.
[26] Le 30 septembre 2015, la Commission a décidé de rejeter la plainte de M. Dupuis. Sa décision mentionne que l’enquête a montré que la preuve offerte indiquait que Statistique Canada avait mis en œuvre les mesures d’adaptation recommandées par Santé Canada et tenté d’accommoder M. Dupuis à son poste de niveau SI-03 pendant plusieurs années avant de l’affecter à un poste qui convenait à ses restrictions médicales. La Commission a également estimé que Statistique Canada avait présenté une offre de règlement raisonnable pendant le processus de conciliation. En conséquence, la Commission a conclu qu’une enquête plus approfondie sur la plainte de M. Dupuis en matière de droits de la personne n’était pas justifiée.
IV. Les questions en litige
[27] M. Dupuis soulève trois questions dans la présente demande de contrôle judiciaire.
[28] Tout d’abord, il affirme qu’il a été traité injustement au cours du processus d’enquête, car la Commission a refusé de lui permettre de présenter les éléments de preuve documentaire supplémentaires que lui et son frère avaient rassemblés et qui, à son avis, auraient démontré le bien-fondé de sa plainte. Cette affirmation implique la rigueur de l’enquête, ce qui est une question d’équité procédurale. Les questions d’équité procédurale sont sujettes à un contrôle selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] 1 R.C.S. 339.
[29] Ensuite, M. Dupuis affirme que la Commission a jugé à tort que Statistique Canada lui avait fourni des mesures d’adaptation raisonnables. Je suis d’accord avec les parties que les conclusions de fond de la Commission doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable.
[30] Enfin, M. Dupuis estime que la conclusion de la Commission selon laquelle Statistique Canada avait présenté une offre de règlement raisonnable pendant le processus de conciliation était également déraisonnable, car celle-ci était viciée par la conclusion voulant que Statistique Canada ait déployé des efforts raisonnables pour l’accommoder.
V. Principes juridiques régissant les décisions de la Commission
[31] Avant de me pencher sur les questions soulevées par M. Dupuis, je vais examiner la nature et la portée des obligations de la Commission canadienne des droits de la personne en ce qui concerne les enquêtes sur les plaintes en matière de droits de la personne.
[32] La Cour suprême du Canada s’est penchée sur le rôle de la Commission canadienne des droits de la personne dans Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, 140 D.L.R. (4th) 193. Dans cet arrêt, la Cour suprême a fait observer que la Commission n’était pas un organisme décisionnel et que c’était au Tribunal canadien des droits de la personne qu’il revenait de trancher les plaintes en matière de droits de la personne. Son rôle consiste plutôt à « déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l’ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête. L’aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s’il existe une preuve suffisante » (au paragraphe 53). Voir également Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, [1989] A.C.S. no 103 [SEPQA].
[33] La Cour d’appel fédérale a estimé que le rôle de la Commission est semblable à celui d’un juge qui tient une enquête préliminaire, en ce sens qu’elle ne se prononce pas sur la plainte, mais décide, d’après le rapport de l’enquêteur et les observations du plaignant et des autres parties, selon le cas, si la preuve est suffisante pour justifier la tenue d’une instruction : Richards c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CAF 341, au paragraphe 7, [2008] A.C.F. no 1526.
[34] La Commission dispose d’un large pouvoir discrétionnaire qui lui permet de décider si, « compte tenu des circonstances relatives à la plainte », la poursuite de l’enquête est justifiée :(Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, [2012] 1 R.C.S. 364, aux paragraphes 21 et 25; Mercier c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 3 C.F. 3, [1994] 3 A.C.F. no 361 (CAF). D’ailleurs, dans la décision Bell Canada c. Syndicat canadien des Communications, de l’Énergie et du Papier, [1999] 1 C.F. 113, [1998] A.C.F. no 1609, la Cour d’appel fédérale a fait observer que « [l]a Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l’exécution de sa fonction d’examen préalable au moment de la réception d’un rapport d’enquête », au paragraphe 38 (Non souligné dans l’original).
[35] Toutefois, au moment de décider si la tenue d’une enquête approfondie est justifiée, le processus suivi par la Commission doit être équitable : Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 R.C.F. 574, [1994] A.C.F. no 181; conf. par 205 N.R. 383 (CAF).
[36] Lorsque, comme dans la présente instance, la Commission adopte les recommandations formulées dans un rapport d’enquête et fournit des motifs limités pour justifier sa décision, on considère alors le rapport d’enquête expose le raisonnement adopté par la Commission aux fins d’une décision rendue en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne L.R.C. (1985), ch. H-6 : voir SEPQA, précitée, au paragraphe 35; Bell Canada, précitée, au paragraphe 30.
[37] Toutefois, si la Commission décide de rejeter une plainte en s’appuyant sur un manque sérieux dans la procédure d’enquête, alors la décision sera entachée parce que « [s]i les rapports sont défectueux, il s’ensuit que la Commission ne disposait pas d’un nombre suffisant de renseignements pertinents pour exercer à bon droit son pouvoir discrétionnaire » : voir Grover c. Canada (Conseil national de recherches), 2001 CFPI 687, au paragraphe 70, 206 F.T.R. 207; voir également Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392, au paragraphe 112.
[38] Après avoir passé en revue le rôle et les responsabilités de la Commission en ce qui concerne les plaintes pour motif de discrimination, je vais maintenant examiner les arguments de M. Dupuis concernant l’injustice alléguée du processus d’enquête dans la présente instance.
VI. M. Dupuis a-t-il été traité de façon inéquitable au cours du processus d’enquête?
[39] M. Dupuis affirme qu’il a été traité de façon inéquitable au cours du processus d’enquête lorsque l’enquêteur a refusé de lui permettre de déposer des documents qui, à son avis, l’auraient aidé à établir le bien-fondé de sa plainte en matière de droits de la personne.
[40] M. Dupuis a déposé sa plainte en matière de droits de la personne en février 2011. Un enquêteur a été nommé en avril 2013 et, en juin 2013, M. Dupuis a reçu une copie de la réponse de Statistique Canada à sa plainte. En juillet 2013, par l’intermédiaire de l’avocate qui le représentait, M. Dupuis a présenté à l’enquêteur une réplique de 32 pages à la réponse de Statistique Canada.
[41] L’enquêteur de la Commission a interrogé M. Dupuis en février 2014. M. Dupuis affirme, qu’à la fin de l’interrogation, il a informé l’enquêteur que lui et son frère travaillaient à la compilation d’une importante quantité de renseignements supplémentaires qui, à leur avis, pourraient contribuer à démontrer le bien-fondé de sa plainte. Il affirme qu’il a offert à l’enquêteur de lui envoyer ces renseignements, mais que l’enquêteur ne voulait pas les voir.
[42] Quelques jours plus tard, l’avocate de M. Dupuis a remis à l’enquêteur une copie du rapport psychiatrique que le Dr Milin avait produit en 2011, ainsi qu’une copie des politiques de Statistique Canada concernant les rétrogradations et l’obligation d’offrir des mesures d’adaptation pour les employés ayant une déficience. Elle a envoyé un autre courriel à l’enquêteur de la Commission le 1er avril 2014 dans lequel elle mentionne qu’elle lui enverra des copies de divers courriels des superviseurs de M. Dupuis, dont l’un indique que l’élimination de M. Dupuis de sa division aiderait à composer avec les contraintes budgétaires.
[43] Le 23 mai 2014, l’avocate de M. Dupuis a envoyé à l’enquêteur une lettre de sept pages en réponse à l’information que celui-ci avait obtenue dans le cadre de ses interviews auprès de témoins de Statistique Canada. Dans cette lettre, l’avocate mentionne que M. Dupuis était en possession de renseignements et de documents supplémentaires qui permettaient [traduction] « d’appuyer et d’étoffer les observations qu’il avait présentées ». Elle déclare : [traduction] « [s]i vous avez des questions concernant des faits précis ou si vous désirez prendre connaissance de ces renseignements et documents supplémentaires […], n’hésitez pas à communiquer avec moi ».
[44] Il convient de noter que l’avocate n’a pas demandé à l’enquêteur d’interrompre l’enquête jusqu’à ce qu’il ait pu examiner ces renseignements et documents supplémentaires. Au contraire, elle a laissé l’enquêteur libre de décider si ces renseignements et documents supplémentaires devaient ou non être examinés. Ni M. Dupuis ni son avocate n’ont reçu de réponse à ce courriel de la part de l’enquêteur.
[45] À la mi-juin 2014, l’enquêteur a communiqué avec l’avocate de M. Dupuis pour l’informer qu’il s’apprêtait à parachever son rapport d’enquête. Selon un courriel interne de la Commission, l’avocate a informé l’enquêteur que M. Dupuis et son frère avaient préparé une vingtaine de reliures contenant des renseignements supplémentaires qu’ils souhaitaient que l’on prenne en considération dans le cadre de l’enquête. L’enquêteur a répondu à la communication de l’avocate en déclarant que M. Dupuis aurait la possibilité de répliquer au rapport d’enquête, mais que sa réplique ne devrait pas dépasser dix pages.
[46] Le 6 août 2014, l’enquêteur a diffusé son rapport dans lequel il recommandait à la Commission de rejeter la plainte de M. Dupuis. Par l’entremise de son avocate, M. Dupuis a alors envoyé à la Commission une réplique écrite d’une longueur de dix pages au rapport d’enquête. En novembre 2014, la Commission a envoyé la plainte de M. Dupuis en conciliation.
[47] Avant d’aborder l’argument de M. Dupuis concernant l’équité procédurale, il est utile d’examiner les propos tenus par les tribunaux concernant la nécessité de faire preuve de rigueur, en ce qui concerne les enquêtes dans les domaines des droits de la personne.
[48] Dans la décision Slattery précitée, notre Cour s’est penchée sur le contenu de l’obligation d’équité procédurale dont doivent être empreintes les enquêtes de la Commission. La Cour a constaté que, pour respecter sa responsabilité prévue par la loi consistant à instruire les plaintes pour motif de discrimination, ses enquêtes doivent être à la fois neutres et exhaustives.
[49] En ce qui concerne l’exigence d’exhaustivité, la Cour a fait observer dans la décision Slattery qu’il « faut faire montre de retenue judiciaire à l’égard des organismes décisionnels administratifs qui doivent évaluer la valeur probante de la preuve et décider de poursuivre ou non les enquêtes » (au paragraphe 56). L’enquêteur n’est pas tenu d’interroger chacune des personnes que les parties ont proposées : Slattery, précitée, au paragraphe 69. « Ce n’est que lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante, qu’un contrôle judiciaire s’impose » : Slattery, précitée, au paragraphe 56.
[50] Pour ce qui est de ce qui constitue une « preuve manifestement importante », notre Cour a statué « que le “critère [de la preuve] manifestement importante” exige qu’il soit évident pour n’importe quelle personne rationnelle que la preuve qui, selon le demandeur, aurait dû être examinée durant l’enquête était importante compte tenu des éléments allégués dans la plainte » : Gosal c. Canada (Procureur général), 2011 CF 570, au paragraphe 54, [2011] A.C.F. no 1147; Beauregard c. Postes Canada, 2005 CF 1383, au paragraphe 21, 294 F.T.R. 27.
[51] Dans la présente instance, l’enquête en matière de droits de la personne s’est déroulée sur une période d’environ quinze mois; pendant ce temps, M. Dupuis a eu amplement d’occasions de fournir à l’enquêteur tous les documents qui, à son avis, pouvaient étayer sa plainte en matière de droits de la personne. Même s’il soutient maintenant que les documents en question étaient de nature manifestement importante et qu’il croyait qu’il était essentiel que l’enquêteur les passe en revue, ce n’est pas le message qui a été transmis à l’enquêteur au cours de l’enquête.
[52] Il convient de rappeler qu’au moment de l’interview menée par l’enquêteur, M. Dupuis a offert de lui transmettre de l’information qui étayait divers aspects de sa plainte. Rien n’empêchait M. Dupuis d’envoyer lesdits documents à l’enquêteur s’il était d’avis que ceux-ci étaient importants pour sa plainte. M. Dupuis a plutôt choisi de laisser l’enquêteur libre de décider s’il jugeait ou non nécessaire de passer en revue les documents en question.
[53] De même, lorsque l’avocate de M. Dupuis a écrit à l’enquêteur, en mai 2014, elle a mentionné que M. Dupuis était en possession de documents supplémentaires pour étayer sa plainte; cependant, elle aussi a laissé l’enquêteur libre de décider s’il voulait ou non passer en revue ces documents supplémentaires. Toutefois, l’avocate aurait pu fournir ces documents à l’enquêteur si elle était d’avis qu’ils étaient manifestement importants pour la défense de la plainte de M. Dupuis.
[54] En fait, elle a attendu à la toute dernière minute, alors que l’enquêteur s’apprêtait à terminer l’enquête qu’il menait depuis de nombreux mois, pour lui indiquer de manière non équivoque qu’elle voulait qu’il passe les documents en question en revue.
[55] À mon avis, le fait que l’enquêteur ait refusé d’accepter les documents supplémentaires présentés par M. Dupuis à la dernière minute n’était ni déraisonnable, ni injuste. Cela est d’autant plus vrai si l’on considère que M. Dupuis aurait eu la possibilité d’émettre ses commentaires sur le caractère approprié de l’enquête concernant les droits de la personne une fois qu’il aurait eu pris connaissance du rapport d’enquête.
[56] M. Dupuis soutient qu’il s’attendait en toute légitimité à avoir la possibilité de soumettre des documents supplémentaires à l’enquêteur. Toutefois, la Cour suprême a observé dans Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504, que pour susciter des attentes légitimes qu’un certain processus sera suivi, il doit y avoir des « affirmations claires, nettes et explicites » à cet égard (au paragraphe 68). M. Dupuis n’a pas démontré l’existence de telles affirmations de la part de la Commission qui auraient pu susciter des attentes légitimes de sa part.
[57] En outre, comme la Cour d’appel fédérale l’a observé dans Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113, au paragraphe 39, [2005] A.C.F. no 543, « [t]out contrôle judiciaire d’une procédure de la Commission doit reconnaître que l’organisme est maître de son processus et doit lui laisser beaucoup de latitude dans la façon dont il mène ses enquêtes ».
[58] Toujours dans Tahmourpour, la Cour a précisé qu’une enquête portant sur une plainte concernant les droits de la personne « ne doit pas être astreinte à une norme de perfection. Il n’est pas nécessaire de remuer ciel et terre. » Elle a précisé que « [l]es ressources de la Commission sont limitées et son volume de travail est élevé. Celle-ci doit alors tenir compte des intérêts en jeu : ceux des plaignants à l’égard d’une enquête la plus complète possible et l’intérêt de la Commission à assurer l’efficacité du système sur le plan administratif » (précitée, au paragraphe 39).
[59] La jurisprudence a aussi établi qu’il est possible de surmonter certaines failles dans les enquêtes en accordant aux parties le droit de présenter des observations concernant le rapport d’enquête : Slattery, précitée, au paragraphe 57. Comme l’a mentionné la Cour d’appel fédérale dans Sketchley, précitée, les seules erreurs qui justifieront une intervention de la Cour sont « [l]es erreurs d’enquête qui sont à ce point fondamentales que les observations complémentaires des parties ne peuvent y remédier » (au paragraphe 38).
[60] M. Dupuis a cerné deux situations où, à son avis, l’enquêteur a fait fi d’éléments de preuve manifestement importants. Dans le premier cas, il s’agit de l’existence de contraintes budgétaires dans la division de M. Dupuis et le lien entre ces contraintes et le traitement de son cas.
[61] Toutefois, il convient de rappeler que ce problème a déjà été porté à l’attention de l’enquêteur dans un courriel envoyé par l’avocate de M. Dupuis le 1er avril 2014. À ce moment, l’avocate avait mentionné à l’enquêteur qu’elle lui enverrait des copies des courriels des superviseurs de M. Dupuis suggérant que le fait de démettre M. Dupuis de ses fonctions aidera à composer avec les contraintes budgétaires. Même s’il appert que l’avocate n’a pas respecté l’engagement qu’elle a pris à ce moment, l’enquêteur avait néanmoins été informé de cette préoccupation.
[62] En outre, M. Dupuis a précisément attiré l’attention des commissaires sur l’existence de ces courriels dans sa réponse du 16 septembre 2014 au rapport d’enquête, portant ainsi à leur attention son allégation que des considérations d’ordre budgétaire étaient possiblement à l’origine de la décision de le rétrograder. M. Dupuis a donc eu la possibilité de remédier à ce défaut allégué dans le processus d’enquête.
[63] Le second point où M. Dupuis soutient que l’enquêteur a fait fit d’éléments de preuve manifestement importants vise l’omission alléguée de Statistique Canada de prendre des mesures d’adaptation appropriées à son égard. Même s’il est vrai que M. Dupuis n’a pas été expressément invité à fournir à l’enquêteur le texte complet de tous ses documents supplémentaires avant que celui-ci n’ait bouclé son enquête, il a eu la possibilité de les récapituler dans sa réponse au rapport d’enquête. Par conséquent, les commissaires étaient au courant de la nature des renseignements supplémentaires que M. Dupuis avait en sa possession. Ils ont néanmoins déterminé qu’il n’avait pas lieu de poursuivre davantage cette enquête.
[64] Les renseignements supplémentaires que M. Dupuis voulait fournir à l’enquêteur ne soulevaient pas de nouvelles questions, mais offraient simplement de l’information plus approfondie sur celle qui avait déjà été portée à l’attention de l’enquêteur. En conséquence, à mon avis ces renseignements supplémentaires ne peuvent pas être considérés comme des « éléments de preuve manifestement importants ». En conséquence, je suis d’avis que l’enquêteur n’a pas enfreint les principes d’équité procédurale en ne donnant pas de suivi à cette preuve offerte par M. Dupuis.
VII. La décision de la commission était-elle déraisonnable?
[65] M. Dupuis soutient aussi que la décision de la Commission est déraisonnable, parce que l’enquêteur n’a pas pris en considération des renseignements pertinents et qu’il a mal interprété des éléments de preuve qui lui avaient été soumis.
[66] En particulier, M. Dupuis soutient que l’enquêteur a commis une erreur en ne tenant pas compte des recommandations de Santé Canada, en ne déterminant pas si les tentatives déployées par Statistique Canada pour l’accommoder étaient suffisantes et en ne tenant pas compte des mesures d’adaptation recommandées par son propre expert, le Dr Milin.
[67] Les observations de M. Dupuis concernant le manquement de Statistique Canada à son obligation de prendre des mesures d’adaptation portent surtout sur le fait que son employeur n’a pas suivi les recommandations du Dr Milin au moment où il a tenté de l’accommoder.
[68] Rappelons que le rapport du Dr Milin mentionnait que M. Dupuis était atteint du syndrome d’Asperger. Le Dr Milin recommandait que M. Dupuis soit soumis à une évaluation en milieu de travail par un consultant ayant travaillé avec des personnes atteintes du syndrome d’Asperger, afin que l’on puisse élaborer et mettre à exécution les mesures d’adaptation nécessaires.
[69] M. Dupuis a consulté le Dr Milin à l’automne 2011 en prévision de son retour au travail à Statistique Canada après un long congé de maladie. Il appert que le Dr Milin a parachevé son rapport le 26 septembre 2011, mais on ignore exactement à quel moment ce rapport a été remis à Statistique Canada.
[70] Initialement, la plainte en matière de droits de la personne à l’encontre de Statistique Canada couvrait la période s’étendant du 20 mars 2007 au 28 février 2011. Toutefois, comme il est mentionné au paragraphe 5 du rapport d’enquête, la plainte a par la suite été modifiée et, dans sa nouvelle version, cette plainte couvrait la période s’étendant du 20 mars 2007 à septembre 2009.
[71] Même si M. Dupuis a raison d’alléguer que l’obligation d’offrir des mesures d’adaptation est une obligation permanente, Statistique Canada n’avait pas en main le rapport du Dr Milin pendant la période faisant l’objet du présent contrôle et, par conséquent, on ne peut blâmer le ministère de ne pas avoir suivi les recommandations du Dr Milin.
[72] Cela étant dit, il ressort clairement du dossier que Statistique Canada n’a pas suivi toutes les recommandations de Santé Canada quant à la manière d’accommoder M. Dupuis pendant la période faisant l’objet de sa plainte en matière de droits de la personne.
[73] Rappelons que dans son évaluation de 2005, Santé Canada indiquait à Statistique Canada, entre autres, que M. Dupuis pourrait bénéficier du recours à un consultant qui viendrait sur place pour l’aider à se réintégrer. Je comprends qu’il est admis que Statistique Canada n’a jamais retenu les services d’un expert pour faciliter l’accommodement de M. Dupuis à son poste SI-03. Statistique Canada soutient au contraire que le commentaire de Santé Canada relativement au recours aux services sur place d’un consultant n’était qu’une suggestion et non pas une exigence obligatoire.
[74] Statistique Canada n’a pas suggéré que le recours aux services d’un expert causerait un préjudice indu. En outre, le recours aux services d’un expert aurait été la prochaine étape logique lorsqu’il est devenu évident que les efforts de Statistique Canada en vue d’accommoder M. Dupuis aux niveaux SI-03, SI-02 et SI-01 s’avéreraient vains. Cela était particulièrement vrai si l’on prend en considération le fait que M. Dupuis était parvenu par le passé à satisfaire aux exigences d’un poste de niveau SI-02.
[75] Il est vrai que Santé Canada a déterminé la nature précise de la déficience de M. Dupuis lors de ses évaluations de 2004 et de 2005. Cela aurait pu compliquer pour Statistique Canada la tâche de trouver un consultant possédant l’expertise appropriée, quoique l’on ne m’a signalé aucun élément de preuve dans le dossier indiquant que c’était là la raison pour laquelle Statistique Canada n’avait pas retenu les services d’un expert.
[76] Cependant, si cela avait été le cas, il aurait été loisible à Statistique Canada de demander à M. Dupuis de lui fournir cette information. Même si M. Dupuis n’était pas tenu d’informer son employeur de la nature de sa déficience, le fait qu’il ne l’ait pas divulguée aurait constitué un facteur important à prendre en considération au moment de déterminer le caractère adéquat des efforts d’accommodement déployés par Statistique Canada. La recherche d’un accommodement est une voie à deux sens; en effet, à celle-ci s’ajoute l’obligation pour les plaignants de contribuer à obtenir des mesures d’adaptation raisonnables en portant à l’attention de l’employeur les faits se rapportant à l’allégation de discrimination : voir Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, au paragraphe 43, [1992] ACS no 75.
[77] Le caractère adéquat des efforts déployés par Statistique Canada pour accommoder M. Dupuis était au cœur même de la plainte de M. Dupuis en matière de droits de la personne. Toutefois, dans son rapport, l’enquêteur de la Commission ne s’est jamais penché sur le fait que Statistique Canada n’avait pas retenu les services d’un consultant pour l’aider à accommoder M. Dupuis à son poste de niveau SI-03, et ce, en dépit des recommandations de Santé Canada en ce sens. Au contraire, l’enquêteur a simplement conclu que Statistique Canada avait fait tout son possible, sans succès, pour accommoder la déficience de M. Dupuis, de sorte que le ministère n’avait d’autre choix que de le rétrograder à un poste de commis, soit trois niveaux plus bas que le niveau SI-03.
[78] L’enquêteur n’a pas non plus cherché à savoir pourquoi M. Dupuis était incapable de s’acquitter de manière satisfaisante de ses tâches au niveau SI-02, alors qu’il pouvait le faire quelques années plus tôt. Par conséquent, nous ignorons si les exigences à ce niveau avaient été modifiées, si l’état de M. Dupuis s’était détérioré ou si autre chose l’empêchait de s’acquitter des exigences de son poste.
[79] Le fait que l’enquêteur ne s’est pas penché sur ces éléments de preuve clés signifie que la décision de la Commission n’avait pas les caractéristiques requises en matière de justification, de transparence et d’intelligibilité requises d’une décision raisonnable. On ne peut pas non plus affirmer que la décision appartenait bien à la gamme des issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (voir : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 R.C.S. 190.
VIII. Le caractère raisonnable de l’offre de règlement de Statistique Canada
[80] Comme second motif pour avoir rejeté la plainte de M. Dupuis en matière de droits de la personne, la Commission a déclaré que le ministère avait présenté une offre de règlement raisonnable au cours de processus de conciliation. Toutefois, l’évaluation par la Commission du caractère raisonnable de l’offre de Statistique Canada reposait sur la conclusion de l’enquêteur voulant que le ministère ait mis à exécution toutes les mesures d’accommodement recommandées par Santé Canada.
[81] Le fait que l’enquêteur de la Commission n’a jamais pris en considération ou traité l’omission par Statistique Canada de retenir les services d’un consultant pour faciliter l’accommodement de M. Dupuis, comme l’avait suggéré Santé Canada dans son évaluation de 2005, mine la conclusion de l’enquêteur à l’effet que Statistique Canada s’est acquitté pleinement de son obligation d’offrir des mesures d’adaptation à M. Dupuis. Cela remet en question le caractère raisonnable de l’évaluation par la Commission de l’offre de règlement de Statistique Canada.
IX. Conclusion
[82] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire de M. Dupuis sera accueillie. La décision de la Commission, rendue le 8 octobre 2015, de rejeter la plainte de M. Dupuis en matière de droits de la personne sera annulée et l’affaire sera renvoyée à la Commission pour une enquête approfondie conformément aux présents motifs.
X. Dépens
[83] Le montant des dépens auxquels a droit M. Dupuis sera fixé à 5 000 $, incluant les débours.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
1. La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission, rendue le 8 octobre 2015, de rejeter la plainte de M. Dupuis en matière de droits de la personne sera annulée, et l’affaire sera renvoyée à la Commission pour une enquête approfondie conformément aux présents motifs.
2. Les dépens engagés par M. Dupuis aux fins de la présente demande sont fixés à 5 000 $, incluant les débours.
« Anne L. Mactavish »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-1878-15
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INTITULÉ : |
ROBERT DUPUIS c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Ottawa (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
Le 7 septembre 2016
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE MACTAVISH
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DATE DES MOTIFS : |
LE 12 OCTOBRE 2016
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COMPARUTIONS :
Yavar Hameed
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Pour le demandeur
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Kevin Palframan
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hameed Law Avocats Ottawa (Ontario)
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Pour le demandeur
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
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Pour le défendeur
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