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Date : 20160830


Dossier : T-1364-14

Référence : 2016 CF 991

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 30 août 2016

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

BRISTOL-MYER SQUIBB CANADA CO., BRISTOL‑MYERS SQUIBB HOLDINGS IRELAND ET NOVARTIS AG

demanderesses

et

TEVA CANADA LIMITÉE ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES :

[1]  Dans un jugement rendu le 27 mai 2016 (publié sous la référence 2016 FC 580), j’ai accueilli la demande des demanderesses, en application de l’article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, tel que modifié, interdisant au défendeur ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Teva pour ses capsules de sulfate d’atazanavir de 150, 200 et 300 mg, jusqu’à l’expiration du brevet 840. J’ai rejeté la demande des demanderesses visant à obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Teva pour ses capsules de sulfate d’atazanavir correspondant à 150, 200 et 300 mg, jusqu’à l’expiration du brevet 736. Il reste à déterminer qui devrait assumer les dépens de l’instance.

[2]  Teva prétend que, puisque j’ai rendu une ordonnance interdisant un brevet et que j’ai refusé de rendre une telle ordonnance à l’égard de l’autre brevet, je devrais juger que le succès est partagé en l’espèce et ordonner que chaque partie assume ses propres dépens.

[3]  En revanche, les demanderesses prétendent qu’étant donné qu’elles ont réussi à obtenir une ordonnance interdisant l’octroi d’un avis de conformité à Teva, cela signifie qu’elles ont eu gain de cause quant à l’objet de leur demande et qu’elles devraient, par conséquent, se voir adjuger les dépens à l’égard de l’ensemble de la présente instance.

[4]  En général, les dépens suivent l’issue de la cause. Toutefois, le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-1, confère à la Cour « le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer ». Le paragraphe 400(3) présente aussi une énumération non restrictive de facteurs dont la Cour peut tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire quant aux dépens. Entre autres, ces facteurs comprennent le résultat de l’instance, la complexité des questions en litige et si une mesure prise au cours de l’instance était inutile.

[5]  La finalité recherchée par l’adjudication des dépens est d’accorder une indemnisation, d’inciter à régler et de dissuader les comportements abusifs; voir l’arrêt Air Canada c. Thibodeau, 2007 CAF 115, au paragraphe 24, 375 N.R. 195. Le facteur déterminant concernant l’adjudication des dépens est le caractère juste et raisonnable; voir l’arrêt Boucher c. Conseil des experts-comptables de la province de l’Ontario (2004), 71 O.R. (3d) 291 (C.A.), au paragraphe 24, [2004] O.J. no 2634.

[6]  Je suis d’accord avec les demanderesses pour dire qu’il est approprié de leur adjuger les dépends à l’égard de leur demande en fonction de la limite supérieure de la colonne IV du Tarif B, en ce qui concerne le brevet 840. Les demanderesses ont réussi à établir que les allégations d’invalidité de Teva n’étaient pas fondées à l’égard de ce brevet, et à obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Teva pour sa version générique des capsules de sulfate d’atazanavir, jusqu’à l’expiration du brevet.

[7]  Je suis également d’accord pour dire qu’il est approprié que les demanderesses recouvrent les frais engagés relativement au travail d’un avocat principal et de deux avocats adjoints pour la partie de l’audience consacrée au brevet 840. Le fait que les deux parties étaient représentées par plusieurs avocats démontre la complexité de la présente instance. Les demanderesses devraient également recouvrer les frais qu’elles ont engagés relativement au travail d’un avocat principal et d’un avocat adjoint lorsque deux avocats participaient à la conduite des contre-interrogatoires des témoins en lien avec le brevet 840, de même que les frais relatifs au travail de défense d’un avocat principal lors des contre-interrogatoires.

[8]  Les demanderesses devraient également avoir droit à leurs débours raisonnables se rapportant à la partie de l’instance concernant le brevet 840, notamment le remboursement des honoraires d’expert-conseil versés M. Fässler. Je suis d’accord avec Teva pour dire que les honoraires facturés par M. Brogan sont excessifs et qu’ils devraient être réduits de moitié, vu l’utilité ténue de son témoignage, dont les demanderesses n’ont même pas fait mention lors de l’audience.

[9]  Toutefois, je ne suis pas d’accord avec les prétentions des demanderesses selon lesquelles elles devraient se voir adjuger les dépens à l’égard de l’ensemble de l’instance, au motif qu’elles ont obtenu gain de cause en l’espèce. Le brevet 840 expire le 14 avril 2017, tandis que le brevet 736 expire le 22 décembre 2018. Les demanderesses cherchaient à interdire l’octroi d’un avis de conformité à Teva pour la vente de sa version générique des capsules de sulfate d’atazanavir jusqu’à l’expiration du brevet 736, en 2018. Cependant, elles n’ont réussi qu’à interdire l’octroi d’un avis de conformité à Teva jusqu’au 14 avril 2017.

[10]  Autrement dit, Teva aura droit de recevoir un avis de conformité 20 mois plus tôt que si elle n’avait pas signifié son avis d’allégation et qu’elle n’était pas parvenue à démontrer que ses prétentions relativement à l’invalidité alléguée du brevet 736 étaient fondées.

[11]  En effet, je suis d’accord avec Teva pour dire qu’il n’y a guère de doutes que si les demanderesses avaient déposé des demandes d’interdiction distinctes concernant les brevets 840 et 736, elles n’auraient pas obtenu leurs dépens à l’égard de l’instance relative au brevet 736.

[12]  Le cas en l’espèce se distingue de l’instance devant la juge Heneghan dans la décision Abbott Laboratories c. Canada (Santé), 2009 CF 648, 347 F.T.R. 159, sur laquelle se sont fondées les demanderesses, compte tenu des dates d’échéance différentes des deux brevets. Dans cette affaire, les deux brevets en cause expiraient à la même date. Par conséquent, le fait que la société fabriquant des produits innovateurs a seulement réussi à obtenir une ordonnance d’interdiction à l’égard d’un des deux brevets n’a eu aucun effet réel sur la capacité de la société fabriquant des produits génériques de pénétrer le marché.

[13]  Le cas en l’espèce ressemble davantage à la jurisprudence sur laquelle Teva s’est fondée : voir, par exemple, la décision Gilead Sciences, inc. c. Canada (Santé), 2014 CF 950, [2014] ACF no 987, où les dépens de la société innovatrice ont été réduits d’environ 50 % pour tenir compte du fait que la société fabriquant des produits génériques avait eu gain de cause à l’égard d’un des deux brevets.

[14]  Il est par conséquent approprié que Teva obtienne les dépens relatifs au travail d’un avocat principal et de deux avocats adjoints en fonction de la limite supérieure de la colonne IV du Tarif B, pour la partie de l’audience consacrée au brevet 736. Teva a aussi droit de recouvrer les frais qu’elle a engagés relativement au travail d’un avocat principal et d’un avocat adjoint lorsque deux avocats participaient à la conduite des contre-interrogatoires des témoins en lien avec le brevet 736, de même que les frais relatifs au travail de défense d’un avocat principal lors des contre-interrogatoires. De plus, Teva a droit au paiement de tous les débours raisonnables engagés à l’égard de la partie de l’instance portant sur le brevet 736.

[15]  Cela dit, je suis d’accord avec les demanderesses pour dire que le montant des dépens adjugés à Teva devrait être réduit, étant donné que l’avis d’allégation de Teva énonçait cinq motifs d’invalidité liés au brevet 736, alors que seule l’allégation d’évidence a été défendue lors de l’audience. En conséquence, les demanderesses ont employé du temps et des ressources considérables pour réfuter quatre allégations d’invalidité, qui n’ont pas été expressément abandonnées avant l’instruction de la demande des demanderesses. Dans les circonstances, je suis d’avis qu’il est approprié de réduire les dépens adjugés à Teva de 20 %.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. Les demanderesses ont droit, pour la présente instance, aux dépens liés au brevet 840, en fonction de la limite supérieure de la colonne IV du Tarif B, notamment les frais relatifs à un avocat principal et à deux avocats adjoints pour la partie de l’audience consacrée au brevet 840, les frais relatifs au travail d’un avocat principal et d’un avocat adjoint lorsque deux avocats participaient à la conduite des contre-interrogatoires des témoins en lien avec le brevet 840, de même que les frais relatifs au travail de défense d’un avocat principal lors des contre-interrogatoires.

  2. Les demanderesses ont également droit à leurs débours raisonnables se rapportant au brevet 840, notamment les honoraires d’expert-conseil versés à M. Fässler et 50 % des honoraires versés à M. Brogan.

  3. Teva a droit, pour la présente instance, aux dépens liés au brevet 736, en fonction de la limite supérieure de la colonne IV du Tarif B, notamment les frais relatifs au travail d’un avocat principal et de deux avocats adjoints pour la partie de l’audience consacrée au brevet 736, les frais relatifs au travail d’un avocat principal et d’un avocat adjoint lorsque deux avocats participaient à la conduite des contre-interrogatoires des témoins en lien avec le brevet 736, de même que les frais relatifs au travail de défense d’un avocat principal lors des contre-interrogatoires.

  4. Les dépens accordés à Teva doivent être réduits de 20 %, conformément aux présents motifs.

  5. Teva a également droit à ses débours raisonnables se rapportant au brevet 736.

  6. Toutes les sommes précédemment accordées payables aux parties en lien avec toutes questions interlocutoires seront payées conformément aux conditions des ordonnances applicables.

  7. Chaque partie se voit accorder des intérêts postérieurs au jugement au taux de 5 % sur les dépens taxés, de la date de taxation jusqu’au paiement.

« Anne L. Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1364-14

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO., BRISTOL‑MYERS SQUIBB HOLDINGS IRELAND ET NOVARTIS AG c. TEVA CANADA LIMITÉE ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

OBSERVATIONS SUR LES DÉPENS EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO) SELON LE JUGEMENT ET LES MOTIFS DATÉS DU 27 MAI 2016

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 AOÛT 2016

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Andrew Reddon

Steve Mason

David Tait

Sanjaya Mendis

Martin Brandsma

 

Pour les demanderesses

 

Marcus Klee

Jonathan Stainsby

Scott A. Beeser

 

Pour la défenderesse

Teva Canada Limitée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demanderesses

 

Aitken Klee LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour la défenderesse

TEVA CANADA LIMITÉE

 

 

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