Date : 20160915
Dossier : IMM-1395-16
Référence : 2016 CF 1045
Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2016
En présence de monsieur le juge Roy
ENTRE : |
LORAINE FOURNIER |
Partie demanderesse |
et |
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
Partie défenderesse |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] La demanderesse, madame Loraine Fournier, demande le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section d’appel de l’immigration [SAI], constituée d’une formation de trois commissaires. La seule question qui se pose est de déterminer si le mariage contracté entre la demanderesse et monsieur Mohamed Aakki satisfait à la législation canadienne relative au droit de l’immigration. La demande de contrôle judiciaire est faite en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la LIPR].
I. La loi
[2] La demanderesse, qui est une citoyenne canadienne, cherche à parrainer la demande de résidence permanente de monsieur Aakki, son époux. Celui-ci est un citoyen et un résident du Maroc. Ainsi, le paragraphe 12(1) de la LIPR prévoit que le regroupement familial est souhaité. Le texte se lit :
Regroupement familial |
Family reunification |
12 (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement. |
12 (1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common-law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident. |
Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement] prévoit de façon explicite le type de relation qui ne satisfait pas la législation aux fins de déterminer un mariage légitime en matière d’immigration. Le paragraphe 4(1) du Règlement se lit de la façon suivante :
Mauvaise foi |
Bad faith |
4 (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas : |
4 (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership |
a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi; |
(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or |
b) n’est pas authentique. |
(b) is not genuine. |
La seule question à être résolue en l’espèce est de savoir si la SAI a commis une erreur révisable en contrôle judiciaire.
[3] En l’espèce, la demande d’obtention de visa de résident permanent faite au Maroc a été rejetée par un agent de l’immigration. Cette décision peut faire l’objet d’un appel comme le prévoit le paragraphe 63(1) de la LIPR :
Droit d’appel : visa |
Right to appeal — visa refusal of family class |
63 (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent. |
63 (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa. |
[4] Ici, l’agent d’immigration a refusé d’émettre le visa et deux des trois membres de la formation de la SAI ont rejeté l’appel présenté par madame Fournier. De là la demande de contrôle judiciaire devant cette Cour, non pas de la décision de l’agent de l’immigration, mais bien de la décision majoritaire de la SAI.
II. Les faits
[5] La demanderesse et monsieur Aakki ont communiqué pour la première fois grâce à un site internet le 2 octobre 2010. Les échanges ont continué au cours des mois qui ont suivi, certains d’entre eux se faisant par voie de vidéo de type « Skype ». Ces échanges ont été nombreux et fréquents. Les bons sentiments, d’abord d’amitié, ont rapidement évolué au point que monsieur Aakki a demandé la demanderesse en mariage le 27 février 2011. Ils ne s’étaient jamais rencontrés. La demanderesse est allée visiter celui qui devait devenir son conjoint pour une période de 13 jours, en juillet 2011. Arrivée le 11 juillet 2011, ils se mariaient de façon modeste devant un tribunal marocain le 22 juillet. La famille de la demanderesse n’était pas présente et celle de monsieur Aakki était limitée à ses deux sœurs, ses parents. De fait, il semble que le père de celui-ci n’ait pas voulu être photographié la journée du mariage.
[6] Quoi qu’il en soit, la demanderesse est revenue au Canada le lendemain du mariage et elle ne retournera au Maroc qu’en juillet 2012. Entre temps, monsieur Aakki a fait une demande de résidence permanente au Canada. Il s’est présenté en entrevue le 11 avril 2012 et l’entrevue durera 53 minutes. La même journée, une lettre de décision lui était envoyée. Si la décision de lui refuser un visa de résidence permanente est venue rapidement, l’appel devant la SAI est venu tout aussi rapidement, le 24 avril 2012.
[7] À l’été 2012, du 1er juillet au 10 juillet, la demanderesse est retournée au Maroc pour qu’un mariage religieux puisse avoir lieu selon la tradition musulmane. Elle ne devait pas retourner au Maroc en 2013 et y a plutôt passé près de deux semaines en 2014 (du 3 au 16 août 2014) et trois semaines en 2015 (du 7 juillet au 1er août 2015).
[8] L’audition devant la SAI a eu lieu le 26 novembre 2015; la décision majoritaire est datée du 26 janvier 2016 et celle de la dissidence est venue trois semaines plus tard, le 15 février 2016.
III. La décision
[9] À l’audience devant la SAI, monsieur Aakki a témoigné par voie téléphonique. Il semble que son avocat avait choisi de se procurer des cartes d’appel internationales qui ont expiré l’une après l’autre en cours d’audience, si bien que l’audience aura été interrompue à quelques reprises. Monsieur Aakki était aussi assisté des services d’un interprète.
[10] Ayant constaté que le demandeur doit satisfaire les deux éléments du paragraphe 4(1) du Règlement, c’est-à-dire que la demanderesse doit satisfaire non pas seulement que le mariage est authentique mais qu’il ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut sous le régime de la loi de l’immigration au moment où il a été contracté, la SAI a indiqué que de nombreux facteurs doivent être pris en compte, au cas par cas, pour déterminer l’authenticité du mariage. On examinera la compatibilité des époux, l’évolution de la relation entre eux, les communications qu’ils ont entretenues, le soutien financier, la connaissance qu’ils ont de chacun, les visites qui ont pu avoir lieu. Pour les commissaires majoritaires, la question de la raison principale pour avoir contracté mariage est manifeste et explicite. L’un des partenaires veut entrer au Canada et y être un résident permanent (à titre de membre de la catégorie du regroupement familial).
[11] Ils notent la différence d’âge notable entre les époux (12 ans). Il est aussi noté que la demanderesse a des enfants qui sont aujourd’hui âgés de 19 et 16 ans alors que monsieur Aakki n’aurait jamais été marié et qu’il n’a pas d’enfant.
[12] En fin de compte, les commissaires majoritaires passent en revue les différents éléments qui sont généralement reconnus pour tenter d’établir l’authenticité d’un mariage et ils se déclarent très insatisfaits de la crédibilité du demandeur. Ainsi on peut lire au paragraphe 16 de la décision :
[16] Par ailleurs, le tribunal n’est pas du tout convaincu que le demandeur soit de bonne foi dans cette relation, essentiellement pour les mêmes raisons que l’agent des visas, mais également en raison de son témoignage qu’il a eu le bénéfice d’entendre, qu’il estime vague et contradictoire à certains égards. […] Le conseil de l’appelante a également dû lui faire une mise en garde, à un autre moment, afin de lui rappeler de collaborer, en répondant aux questions de façon plus directe. Malgré cet avertissement, le demandeur a persisté à être flou et nébuleux sur des aspects importants de sa relation, dans ses réponses, et il a continué à ne pas répondre directement à certaines questions posées. Des exemples suivent.
[13] Les commissaires majoritaires ont exprimé un certain nombre de préoccupations allant de la compatibilité des époux et leurs connaissances mutuelles jusqu’à leur plan pour l’avenir, y compris de fonder une famille. Qui plus est, ces commissaires majoritaires ont eu certaines difficultés à concilier les convictions religieuses du demandeur, mais aussi celles de sa famille.
[14] Le commissaire minoritaire en est venu à une conclusion complètement différente. Il n’est pas inutile de s’arrêter sur une question préliminaire soulevée par celui-ci. Le commissaire a semblé mettre sur le dos de communications et d’une interprétation déficiente certaines des difficultés rencontrées lors du témoignage par téléphone de monsieur Aakki. Alors que certains pourraient croire qu’une demande de répéter la question peut être une tactique pour mieux gérer un interrogatoire, le commissaire dissident y a plutôt vu qu’« il était évident, d’après son témoignage, qu’il était incapable de comprendre pleinement bon nombre des questions posées en français, qui n’ont pas été interprétées. » (para 4)
[15] Il s’agit là d’une affirmation qui concorde mal avec le poids qu’a décidé de donner le commissaire dissident à la déclaration sous serment très détaillée du demandeur. En effet, cette déclaration faite sur plusieurs pages est dans un français impeccable et est très bien articulée. Le commissaire dissident a indiqué de façon claire lui avoir accordé une importance considérable (para 11) alors même qu’il notait que son témoignage était lui marqué par l’incapacité fréquente de comprendre les questions simples posées en français. On pourrait aussi rappeler que la demanderesse et monsieur Aakki ont entretenu une relation depuis plusieurs années exclusivement en français en utilisant des communications téléphoniques, écrites et par voie de vidéo. Qui plus est, monsieur Aakki a été interviewé pendant 53 minutes, en français, sans qu’il soit même suggéré que ses réponses par ailleurs floues et non crédibles aient pu provenir d’une absence de compréhension des questions posées.
[16] Quoi qu’il en soit, le commissaire dissident a porté un jugement bien différent de celui de l’agent d’immigration et des deux commissaires majoritaires. Il a conclu que le mariage est authentique et qu’il n’était pas aux fins d’obtenir un avantage en matière d’immigration.
IV. Analyse
[17] La demanderesse, par son avocate, a mis l’emphase sur les difficultés d’interprétation et de traduction. Sans jamais indiquer quel serait le standard qui devrait être atteint, la demanderesse se plaint des interruptions de l’audience qui auraient été causées par l’avocat de la demanderesse puisqu’il est celui qui avait choisi de procéder en utilisant des cartes d’appel qui expiraient plus rapidement qu’il ne l’aurait souhaité. On peut certes penser que ces difficultés auront nui à la fluidité des échanges.
[18] Pour la demanderesse, la qualité du témoignage de monsieur Aakki, qui a été relevée par les commissaires majoritaires, serait le fruit de cette difficulté de communication.
[19] La première question à laquelle on devrait répondre est de savoir si la décision majoritaire est raisonnable. En effet, la norme de contrôle en ces matières n’est pas l’objet de controverse. La jurisprudence de notre Cour est constante selon laquelle le mérite de la décision de la SAI fait l’objet d’un contrôle selon la norme de la question raisonnable (Koffi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 7; Taiwo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 731; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Sloan, 2014 CF 31; Sivapatham c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 721; Hayter v Canada (Citizenship and Immigration), 2016 FC 762).
[20] En aucune manière la demanderesse n’a en fait tenté de, et encore moins réussi à, démontrer le caractère non raisonnable de la décision des commissaires majoritaires qui se sont déclarés d’accord avec les conclusions qu’avait tirées l’agent d’immigration originalement. Il ne suffit pas de s’accrocher à une position minoritaire pour que cela, en soi, démontre le caractère non raisonnable de la position majoritaire. De fait, au mieux, l’existence d’une position majoritaire dans cette affaire ne fait que consacrer toute l’évolution jurisprudentielle des dernières années selon laquelle il est possible qu’il y ait plus qu’une issue raisonnable. Comme il a été si souvent rappelé, le juge agissant en contrôle judiciaire ne fait que constater si la décision rendue est parmi les issues possibles acceptables eu égard aux faits et au droit. Le juge en contrôle judiciaire ne doit pas choisir ce qui irait en fonction de ses préférences. Le Parlement a choisi comme décideur sur les questions aux mérites que la décision réside auprès du tribunal administratif.
[21] En l’espèce, la position des commissaires majoritaires rencontre la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, para 47).
[22] La demanderesse préfère la décision minoritaire. Fort bien. Mais là n’est pas la question. Ce qui doit être démontré est que la décision des commissaires majoritaires n’est pas raisonnable. Cette démonstration n’a pas été faite. À mon sens, la position adoptée est parfaitement raisonnable. Les circonstances qui ont mené à ce mariage sont équivoques. La Cour ne doit pas chercher à sonder les reins et les cœurs. On ne fait qu’appliquer le droit à la preuve telle que présentée. Ce que la loi requiert c’est qu’un examen sérieux soit fait des circonstances pour déterminer si la preuve telle que présentée est suffisante à établir la conclusion que le mariage est authentique et qu’il n’a pas été contracté pour acquérir un statut ou un privilège sous le régime de la loi de l’immigration. C’est à la demanderesse que de faire cette démonstration. L’existence d’une dissidence ne démontre pas en soi que les majoritaires auraient rendu une décision déraisonnable. Elle permet cependant de constater un point de vue différent qui pourrait mener à la démonstration que les majoritaires rendent une décision qui n’a pas les apanages de la raisonnabilité. Mais pour ce faire, la décision minoritaire doit avoir la puissance de démontrer que la décision majoritaire n’est pas parmi les issues acceptables possibles et qu’elle n’est pas justifiée, transparente et intelligible.
[23] La demanderesse a fait son principal cheval de bataille de la qualité de l’audience qui a eu lieu puisque, selon elle, elle pourrait être la raison du témoignage jugé flou et nébuleux de la part de monsieur Aakki. Comme j’ai noté plus haut, il était à tout le moins paradoxal que la demanderesse cherche à s’appuyer sur des difficultés de compréhension du français pour justifier la pauvre qualité du témoignage.
[24] D’abord, le principal élément mis en exergue pour justifier l’authenticité du mariage aura été les communications abondantes et fréquentes entre les époux menant d’abord à un mariage et par la suite sur une période de quatre ans à une relation à distance sans faire vie commune. Il faut croire que monsieur Aakki s’exprimait dans un français suffisamment correct pour communiquer avec la demanderesse. De plus, il a soumis un affidavit d’un français impeccable et avec des propos très articulés, affidavit qui a d’ailleurs eu un effet considérable sur le commissaire dissident. Enfin, on prétendrait maintenant que des questions simples ne pouvaient pas être comprises. L’explication du témoignage flou devant la SAI procède d’une perception du témoignage qui ne correspond aucunement à la perception des majoritaires; elle ne correspond pas non plus à l’expérience de l’agent de visa au Maroc et au type de relation qu’a entretenue monsieur Aakki avec madame Fournier. Ce dont se plaint la majorité, c’est du contenu du témoignage qui est vu comme étant flou et nébuleux, vague et contradictoire à certains égards. À moins que ces constatations ne soient déraisonnables, la Cour doit les constater et les accepter. Or, les majoritaires donnent de nombreux exemples qui se reflètent dans la transcription de la séance.
[25] Lors de son entrevue avec l’agent d’immigration, il a été noté qu’aucun interprète n’était requis. Au cours de l’audience, s’il y a eu des difficultés, elles provenaient du témoin, au point que l’avocat de la demanderesse a dû intervenir pour requérir du témoin une meilleure collaboration. Il n’y a pas lieu d’intervenir au titre de la décision raisonnable.
[26] La demanderesse n’a pas identifié en quoi consisterait le principe d’équité procédurale dont il y aurait eu violation en l’espèce. On croit comprendre qu’elle se plaint d’un défaut dans la participation à l’audience en raison de la traduction. Ainsi, cette difficulté est présentée à deux fins : pour expliquer la performance à l’audience et pour alléguer un vice d’équité procédurale. Aucune jurisprudence n’a été offerte pour établir le standard à être recherché alors que la jurisprudence établit que l’obligation d’équité est souple et variable (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 RCS 817). Évidemment que celui qui ne comprend pas les procédures parce qu’il ne parle pas la langue ne pourrait pas participer. Cette absence de participation entacherait l’équité procédurale. De fait, les Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230 prévoient expressément les services d’un interprète (article 18). Monsieur Aakki parle le français. Il en a fait la preuve. Mais alors en quoi consiste le niveau de compréhension nécessaire pour satisfaire à l’obligation d’équité?
[27] Un interprète doit offrir une interprétation continue, précise, impartiale et contemporaine (Lamme c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1336), comme cela semble aussi être le standard requis pour satisfaire à l’article 14 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 (R v Tran, [1994] 2 RCS 951). Ici, le droit aux services d’un interprète n’a pas été nié. Bien au contraire.
[28] Il n’a pas toujours été clair en quoi consistait la prétention de la demanderesse quant à l’interprétation. D’une part, l’interprétation aurait été déficiente. En fait, quand on lit la transcription, on voit que là où la traduction était plus difficile était parce que le témoin parlait trop vite ou plusieurs personnes parlaient en même temps. À chaque fois la présidente de la formation s’assurait que l’on répète pour que la clarté émerge. D’autre part, on a prétendu que la qualité du français du témoin, quand il choisissait de s’exprimer dans cette langue, aurait affecté la crédibilité du témoin. À supposer que cela ait été le cas, ce qui n’a pas été démontré, ce deuxième aspect ne deviendrait une question d’équité procédurale que s’il avait été forcé d’utiliser cette langue. L’avocate de la demanderesse avait prétendu que tel était le cas, mais elle a dû se rétracter à l’audience parce que la preuve était plutôt à l’effet contraire : la présidente est intervenue pour rappeler que le témoin pouvait utiliser sa langue maternelle.
[29] J’ai lu la transcription de l’audience devant la SAI. Je suis loin d’être convaincu que l’audience ait été défectueuse. Le témoin a choisi de s’exprimer en français en cours d’audience. À l’occasion, il a choisi de ne pas utiliser les services de l’interprète, comme c’était sa prérogative. S’il a exercé sa prérogative, je vois mal comment il pourrait s’en plaindre validement maintenant. De toute manière, comme l’écrivait le juge de Montigny, alors de notre Cour :
Il est bien établi que les plaintes portant sur la qualité de l’interprétation doivent être présentées à la première occasion (Mohammadian c Canada (MCI), [2000] 3 CF 371, [2000] A.C.F. no 309 (QL) [Mohammadian], au paragraphe 27). Par son abstention, le demandeur est présumé avoir renoncé à son droit de contester la qualité de l’interprétation au contrôle judiciaire (Bal c Canada (MCI), 2008 CF 1178, [2008] A.C.F. no 1460 (QL), au paragraphe 31).
Je n’ai pu déceler aucune pression qui aurait pu être mise sur le témoin pour qu’il s’exprime en français, une langue qu’il semblait bien maîtriser. Non seulement le témoin ne s’est pas plaint, mais il a choisi de s’exprimer en français.
[30] À mon sens, les difficultés de communication n’ont en aucune manière porté atteinte à l’équité procédurale. La décision majoritaire est aussi raisonnable. Il n’est pas besoin de qualifier la décision dissidente. Elle pourrait aussi tomber parmi les issues acceptables possibles eu égard aux faits et au droit. Les dissidences sont fréquentes dans notre droit. Cela ne fait pas des décisions majoritaires ou minoritaires des décisions non rationnelles. J’avoue cependant une certaine surprise de lire que le commissaire minoritaire trouvait que le témoignage du témoin « était clair et cohérent, qu’il corroborait celui de l’appelante et qu’il était plus probable que le contraire qu’il soit crédible. » (para 11). Son avocat, à l’audience, a même dû intervenir pour obtenir sa collaboration. Même la demanderesse n’a pas cherché à aller si loin, se contentant d’expliquer le caractère flou et nébuleux du témoignage par la connaissance limitée du français.
[31] Il en découle que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont pas soumis de question sérieuse d’importance générale pour certification. À mon avis, aucune telle question ne se pose.
« Yvan Roy »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-1395-16
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INTITULÉ : |
LORAINE FOURNIER c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 8 septembre 2016
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE ROY
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DATE DES MOTIFS : |
LE 15 septembre 2016
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COMPARUTIONS :
Me Marie-Josée Houle
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Pour la PARTIE demanderesse |
Me Caroline Doyon
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Pour la PARTIE défenderesse |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Marie-Josée Houle Avocate Montréal (Québec)
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Pour la PARTIE demanderesse |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
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Pour la PARTIE défenderesse |