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Date : 20160829


Dossier : IMM-4977-15

Référence : 2016 CF 964

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 29 août 2016

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

JIN ZHANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision d'un agent d'immigration refusant l'émission d'un permis d'études à Jin Zhang (Mme Zhang). L'agent a conclu que Mme Zhang n'était pas admissible à un permis d'études puisqu'elle a poursuivi des études sans autorisation en tant que résidente temporaire au Canada (munie d'un visa de visiteur). Pour les motifs exposés ci-dessous, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire. La décision de l'agent satisfait aux critères de la décision raisonnable établis dans l'affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir].

II.                Contexte

[2]               Mme Zhang est née en Chine le 23 mars 1975. Elle est arrivée au Canada munie d'un visa de visiteur le 23 août 2014, lequel était valide jusqu'au 23 février 2015. Le 16 janvier 2015, elle a présenté une demande de prorogation de son visa, ce qui lui a été accordé, et ce, jusqu'au 30 août 2015. Le 5 janvier 2015, Mme Zhang a commencé un nouveau programme d'anglais langue seconde (ALS) d'une durée de 14 semaines au Lambton College, un établissement d'enseignement désigné en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

[3]               Le 17 mai 2015, environ un mois après avoir terminé ce programme, Mme Zhang, qui se trouvait toujours au Canada, a soumis une demande de permis d'études pour un programme de gestion de l'accueil de deux ans au Lambton College. Le programme devait débuter le 31 août 2015.

[4]               Le programme d'anglais langue seconde de 14 semaines entrepris par Mme Zhang était une condition préalable à sa participation au programme de gestion de l'accueil. Selon le sous-alinéa 215(1)f)(iii), section 2 de la partie 12 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (RIPR), un étranger, qui est un résident temporaire, peut faire une demande de permis d'études après son entrée au Canada s'il a terminé un cours ou un programme d'études exigé pour s'inscrire à un établissement d'enseignement désigné. Mme Zhang prétend que cette disposition lui permet de déposer une demande de permis d'études au Canada.

[5]               L'agent s'est toutefois fondé sur l'alinéa 188(1)c) du RIPR pour conclure que Mme Zhang avait poursuivi des études sans autorisation lors de son séjour au Canada. Selon cet alinéa, un étranger peut étudier au Canada sans permis d'études, à condition que la durée du cours soit « d'une durée maximale de six mois qu'il terminera à l'intérieur de la période de séjour autorisée lors de son entrée au Canada ». [Non souligné dans l’original.]

[6]               L'agent a conclu que, puisque le programme d'anglais langue seconde de 14 semaines a seulement commencé le 5 janvier 2015, il était évident qu'il ne serait pas terminé au 23 février 2015, soit la date jusqu'à laquelle Mme Zhang était autorisée à rester au Canada « lors de son entrée ». L'agent a rejeté la prétention de Mme Zhang selon laquelle la date d'achèvement autorisée pour son programme d'anglais langue seconde devait être prorogée au 30 août 2015, soit la date à laquelle son visa de visiteur a été prorogée. Par conséquent, l'agent a conclu que Mme Zhang avait poursuivi des études sans autorisation lors de son séjour au Canada, contrevenant ainsi à l'alinéa 183(1)c) du RIPR.

[7]               L'agent a, par ailleurs, cherché à déterminer si Mme Zhang aurait droit à une exemption en vertu de l'article 221 du RIPR. L'agent a conclu qu'elle n'était pas admissible à un permis d'études pendant son séjour au Canada, et il a refusé sa demande.

III.             Norme de contrôle

[8]               Les deux parties conviennent que la norme applicable est celle de la décision raisonnable. Lorsqu'un décideur interprète une loi constitutive, la déférence l'emporte habituellement (Dunsmuir, précité, au paragraphe 54; Chow c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 861, au paragraphe 8). En appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour ne substitue pas sa propre interprétation, ni qu'elle interviendra, si la décision de l'agent est justifiable, transparente et intelligible, et si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

IV.             Régime législatif

[9]               Le paragraphe 11(1) de la Loi exige qu'un étranger doit demander tous les documents requis pour entrer au Canada. Cela comprend la demande de permis d'études, conformément à l'article 213 du RIPR. Selon le paragraphe 9(1) du RIPR, un étranger ne peut pas entrer au Canada pour y étudier sans avoir préalablement obtenu un permis d'études. En outre, l'article 212 du RIPR prévoit également qu'un étranger ne peut pas étudier au Canada sans y être autorisé par la Loi, par un permis d’études ou par le règlement. Bien que le paragraphe 215(1) du RIPR énonce des exceptions à la règle générale stipulant qu'un étranger doit obtenir un permis d'études avant d'arriver au Canada, aucune de ces exceptions ne s'applique dans le cas présent. De même, comme il a déjà été mentionné, l'alinéa 188(1)c) du RIPR prévoit également une exception.

[10]           L'alinéa 221a) du RIPR se lit comme suit :

221 Malgré la section 2, il n’est délivré de permis d’études à l’étranger qui a déjà étudié ou travaillé au Canada sans autorisation ou permis ou qui n’a pas respecté une condition imposée par un permis que dans les cas suivants :

221 Despite Division 2, a study permit shall not be issued to a foreign national who has engaged in unauthorized work or study in Canada or who has failed to comply with a condition of a permit unless

a) un délai de six mois s’est écoulé depuis la cessation des études ou du travail sans autorisation ou permis ou du non-respect de la condition;

(a) a period of six months has elapsed since the cessation of the unauthorized work or study or failure to comply with a condition;

[11]           Les dispositions pertinentes de la Loi et du RIPR sont jointes au titre de l’annexe « A » des présentes.

V.                Questions en litige

[12]           Mme Zhang prétend que l'agent a commis une erreur susceptible de révision lors de son interprétation de l'alinéa 188(1)c) du RIPR. Elle soutient que les renseignements publiés sur le site de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) constituent une interprétation raisonnable de l'alinéa 188(1)c). Le site Web se lit comme suit :

Vous pouvez étudier au Canada sans permis d'études si : la durée de votre cours ou programme d'études est de 6 mois ou moins; et; vous terminerez votre cours ou vos études pendant la durée de votre séjour autorisé au Canada. [Non souligné dans l’original.]

[13]           Les mots « pendant la durée de votre séjour autorisé au Canada », contrairement aux mots « à l'intérieur de la période de séjour autorisée lors de son entrée au Canada », suggèrent une interprétation plus large de l'alinéa 188(1)c) du RIPR que celle adoptée par l'agent. Mme Zhang prétend que, selon les renseignements figurant sur le site de CIC, la durée de période autorisée d'études sans permis doit inclure la date à laquelle son visa de visiteur a été prorogée, à savoir le 30 août 2015.

[14]           De plus, Mme Zhang soutient que l'article 221 du RIPR a permis à l'agent de délivrer un permis d'études puisque plus de six mois s'étaient écoulés depuis la cessation de ses études non autorisées avant que l'agent ait rendu une décision. Le ministre prétend que l'article 221 du RIPR ne s'applique aucunement dans les circonstances. À titre subsidiaire, le ministre soutient que la conclusion de l'agent satisfait aux critères de la décision raisonnable.

VI.             Analyse

A.                Alinéa 188(1)c)

[15]           Je ne peux pas accepter l'affirmation de Mme Zhang quant à l'interprétation de l'alinéa 188(1)c) du RIPR. En effet, les conclusions de l'agent ne peuvent pas être fondées sur les renseignements figurant sur les sites Web. L'agent doit interpréter la Loi et le RIPR. Les mots « lors de son entrée au Canada », tels qu'ils figurent dans l'alinéa 188(1)c), ne présentent aucune ambiguïté. Il est admis qu'il faut donner un sens clair aux mots dans une loi, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente : vois Ruth Sullivan, Statutory Interpretation, 2e édition (Toronto : Irwin Law, 2007) aux pages 49 et 50. À son entrée au Canada, Mme Zhang pouvait rester jusqu'au 23 février 2015. J'estime qu'il est raisonnable de conclure qu'il s'agit de la date à laquelle elle devait conclure ses études, conformément à l'alinéa 188(1)c), pour lesquelles elle n'avait pas de permis d'études. Même si j'étais d'avis que l'interprétation par l'agent de dispositions pertinentes n'était pas correcte, il faut faire preuve de déférence en interprétant sa propre loi constitutive. La norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle qui s'applique, et non celle de la décision correcte.

B.                  Alinéa 221a)

[16]           Mme Zhang prétend aussi que l'agent a commis une erreur susceptible de révision en déterminant qu'un permis d'études ne pouvait être émis, conformément à l'alinéa 221a) du RIPR. Elle fait deux observations. Elle soutient d'abord qu'une période de six mois s'était écoulée à la suite de la conclusion du programme d'anglais langue second de 14 semaines avant que l'agent prenne une décision au sujet de sa demande. Ainsi, elle prétend avoir satisfait aux attentes décrites dans l'alinéa 221a), c'est-à-dire qu'une période de six mois s'était écoulée depuis la fin de ses études non autorisées. L'agent a examiné sa demande selon la date qu'elle a été classée (« date déterminante »). L'objectif d'une date fixe est brièvement décrit dans la section 5.24 du document Traitement des demandes à l'étranger 1 – Procédures d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada :

La date déterminante est un point de repère pour la détermination de certains facteurs qui interviennent dans le traitement d’une demande. Ni la Loi ni le Règlement ne définissent la date déterminante. Celle-ci est sans effet sur les exigences de la Loi et du Règlement auxquelles un demandeur doit se soumettre lorsqu’un agent lui accorde une autorisation de séjour.

[17]           Mme Zhang a déposé sa demande de permis d'études en mai 2015, environ un mois après la fin de ses études non autorisées. Il n'était pas déraisonnable pour l'agent de conclure qu'un permis d'études ne pouvait pas être émis à Mme Zhang aux termes de l'alinéa 221a) du RIPR parce qu'une période de six mois ne s'était pas écoulée depuis la fin de ses études non autorisées.

[18]           Comme en font foi les paragraphes 15 et 16 de ces motifs, l'agent semble avoir présumé que l'article 221 du RIPR s'appliquait dans les circonstances, mais il a conclu que les faits ne favorisaient pas Mme Zhang. Toutefois, le ministre soutient que l'article 221 ne s'applique aucunement, sauf si les exigences de la section 2 de la partie 12 sont satisfaites. Puisque ce n'est pas le cas, le ministre soutient qu'une analyse n'est pas nécessaire aux termes de l'article 221. Étant donné mon observation selon laquelle la conclusion de l'agent concernant la période d'attente de six mois était raisonnable dans les circonstances, il n'est pas nécessaire de déterminer si l'article 221 du RIPR s'applique seulement dans le cas où un demandeur satisfait aux exigences de la section 2.

VII.          Conclusion

[19]           Je suis d'avis que la décision de l'agent satisfait aux critères de la décision raisonnable, tels qu'ils sont établis dans l'affaire Dunsmuir. Une décision raisonnable en est une qui « se situe dans une gamme de résultats possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Il n'existe aucun fondement en vertu duquel notre Cour pourrait intervenir. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire, sans dépens. Puisque la décision de l'agent repose sur les faits, il n'est pas nécessaire de certifier une question quant à l'application de l'article 221.

JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire sans dépens. Aucune question n’est certifiée.

« B. Richard Bell »

Juge


ANNEXE A

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Visa et documents

Application before entering Canada

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

Études et emploi

Work and study in Canada

30 (1) L’étranger ne peut exercer un emploi au Canada ou y étudier que sous le régime de la présente loi.

30 (1) A foreign national may not work or study in Canada unless authorized to do so under this Act.

Autorisation

Authorization

30 (1.1) L’agent peut, sur demande, autoriser l’étranger qui satisfait aux conditions réglementaires à exercer un emploi au Canada ou à y étudier.

30 (1.1) An officer may, on application, authorize a foreign national to work or study in Canada if the foreign national meets the conditions set out in the regulations.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Permis d’études

Study permit

9 (1) L’étranger ne peut entrer au Canada pour y étudier que s’il a préalablement obtenu un permis d’études.

9 (1) A foreign national may not enter Canada to study without first obtaining a study permit.

Permis non exigé

No permit required

188 (1) L’étranger peut étudier au Canada sans permis d’études dans les cas suivants :

188 (1) A foreign national may study in Canada without a study permit

c) il suit un cours ou un programme d’études d’une durée maximale de six mois qu’il terminera à l’intérieur de la période de séjour autorisée lors de son entrée au Canada;

(c) if the duration of their course or program of studies is six months or less and will be completed within the period for their stay authorized upon entry into Canada; or

Autorisation

Authorization

212 L’étranger ne peut étudier au Canada sans y être autorisé par la Loi, par un permis d’études ou par le présent règlement.

212 A foreign national may not study in Canada unless authorized to do so by the Act, a study permit or these Regulations.

Demande avant l’entrée au Canada

Application before entry

213 Sous réserve des articles 214 et 215, l’étranger qui cherche à étudier au Canada doit, préalablement à son entrée au Canada, faire une demande de permis d’études.

213 Subject to sections 214 and 215, in order to study in Canada, a foreign national shall apply for a study permit before entering Canada.

Demande après l’entrée au Canada

Application after entry

215 (1) L’étranger peut faire une demande de permis d’études après son entrée au Canada dans les cas suivants :

215 (1) A foreign national may apply for a study permit after entering Canada if they

f) il est un résident temporaire qui, selon le cas :

(f) are a temporary resident who

(iii) a terminé un cours ou un programme d’études exigé pour s’inscrire à un établissement d’enseignement désigné;

(iii) has completed a course or program of study that is a prerequisite to their enrolling at a designated learning institution; or

Non-respect des conditions

Failure to comply with conditions

221 Malgré la section 2, il n’est délivré de permis d’études à l’étranger qui a déjà étudié ou travaillé au Canada sans autorisation ou permis ou qui n’a pas respecté une condition imposée par un permis que dans les cas suivants :

221 Despite Division 2, a study permit shall not be issued to a foreign national who has engaged in unauthorized work or study in Canada or who has failed to comply with a condition of a permit unless

a) un délai de six mois s’est écoulé depuis la cessation des études ou du travail sans autorisation ou permis ou du non-respect de la condition;

(a) a period of six months has elapsed since the cessation of the unauthorized work or study or failure to comply with a condition;

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4977-15

 

INTITULÉ :

JIN ZHANG c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 mai 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 août 2016

COMPARUTIONS :

Victor Pilnitz

 

Pour la demanderesse

 

Laoura Christodoulides

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Victor Pilnitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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