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Date : 20160817


Dossier : IMM-5009-15

Référence : 2016 CF 939

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Ottawa (Ontario), le 17 août 2016

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

DEJAN BOROVIC, SLAVICA BOROVIC, DAMJAN BOROVIC, DARIJA BOROVIC

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Les demandeurs soumettent une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’immigration supérieur (l’agent) rendue le 16 octobre 2015, dans laquelle leur demande de réexamen du rejet de leur demande de résidence permanente datée du 20 décembre 2013 a été refusée.

II.                Contexte

[2]               Le demandeur principal, Dejan Borovic, est arrivé au Canada muni d’un permis de travail en avril 2009. Sa femme, son fils et sa fille l’ont rejoint en décembre 2010. Ils ont présenté une demande d’asile en décembre 2011 ou aux alentours de ce mois, en raison de la crainte de Dejan Borovic d’être persécuté à leur retour en Serbie pour son temps passé en Allemagne pendant les guerres de Yougoslavie.

[3]               La décision au sujet de la demande d’asile des demandeurs était en attente pendant plus de quatre ans.

[4]               Les demandeurs ont présenté une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire le 27 juin 2012. Dans une décision rendue le 20 décembre 2013, la demande a été rejetée. La Cour a donné l’autorisation de contester cette décision. Cependant, dans un jugement rendu le 24 avril 2015, notre Cour a rejeté le contrôle judiciaire et conclu que les demandeurs n’ont pas démontré que le rejet de la demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire était déraisonnable (décision Borovic c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (24 avril 2015), à Toronto, IMM-197-14 (CF)).

[5]               En octobre 2015, les demandeurs ont envoyé une demande de réexamen du rejet de la demande pour considération d’ordre humanitaire. Cette demande a été soumise six mois après le rejet du contrôle judiciaire par la Cour et 22 mois après le rejet de la demande de résidence permanente.

[6]               Dans une décision rendue le 16 octobre 2015, la demande de réexamen a été rejetée. L’agent a noté que la demande pour considération d’ordre humanitaire a déjà été refusée et que la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire. L’agent a évalué la demande de réexamen des demandeurs et les autres demandes de ces derniers et il a confirmé le rejet.

III.             Question en litige

[7]               Les demandeurs ont-ils commis une erreur de droit en omettant de soumettre les motifs du rejet de leur demande de réexamen?

IV.             Norme de contrôle

[8]               Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

V.                Analyse

[9]               L’argument des demandeurs veut que leur demande de réexamen soit évaluée à titre de décision distincte de la décision rendue sur la demande pour considération d’ordre humanitaire et que la remarque standard d’un agent refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la demande ne constitue pas un motif raisonnable (D’Errico c. Canada (Ressources humaines et Développement des compétences), 2014 CAF 95; Bhuiyan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 117).

[10]           Autrement dit, l’énoncé de l’agent dans sa lettre de refus datée du 15 octobre 2015, selon lequel [traduction] « après avoir évalué la demande de réexamen et les autres observations, je confirme la décision de refuser votre demande pour considération d’ordre humanitaire » ne suffit pas.

[11]           Les demandeurs soulignent également à la Cour le fait que le défendeur a omis d’entendre leur demande d’asile en temps opportun et qu’ils ne pouvaient pas soumettre de demande pour considération d’ordre humanitaire tant que la demande d’asile est en suspens, puisqu’un changement apporté au processus de demande pour considération d’ordre humanitaire interdit de soumettre une demande pour considération d’ordre humanitaire en même temps qu’une demande d’asile. Ces questions ne sont pas pertinentes à la demande dont je suis saisi.

[12]           Enfin, les demandeurs font remarquer que l’élément de preuve concernant l’intérêt supérieur des enfants et l’établissement continu de la famille justifie que l’agent exerce son pouvoir discrétionnaire pour réexaminer le rejet de la demande pour considération d’ordre humanitaire.

[13]           Cependant, le défendeur répond à juste titre que les facteurs inhabituels en l’espèce ne se limitent pas au rejet de la demande pour considération d’ordre humanitaire par un agent au mois de décembre 2013, ils englobent également le contrôle judiciaire du rejet par le juge de notre Cour au mois d’avril 2015, qui a confirmé le refus et rejeté le contrôle judiciaire.

[14]           Par conséquent, les demandeurs présentent désormais une demande de contrôle judiciaire du rejet du réexamen du rejet original, que notre Cour avait déjà jugé déraisonnable dans une décision prise au mois d’avril 2015.

[15]           Il ne fait aucun doute que l’agent d’immigration doit exercer son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il évalue une demande de réexamen, mais en l’absence d’une omission de reconnaître le pouvoir discrétionnaire par l’agent, l’agent peut exercer ce pouvoir pour réexaminer une demande ou refuser de le faire. Le principe du functus officio n’empêche pas le réexamen de la décision négative concernant une demande pour considération d’ordre humanitaire (article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27), l’obligation de l’agent d’immigration était simplement de décider, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes, s’il y avait lieu d’exercer le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Kurukkal, 2010 CAF 230, aux paragraphes 5 et 6; Rashed c. Canada (Citoyenneté et Immigration, 2013 CF 175, aux paragraphes 48 et 49).

[16]           Compte tenu de la décision originale négative rendue par un agent sur la demande pour considération d’ordre humanitaire des demandeurs et la confirmation de cette décision par notre Cour, il était raisonnable pour l’agent de refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour effectuer un réexamen.

[17]           De plus, aucune obligation n’est imposée à l’agent de révision d’évaluer les nouveaux éléments de preuve, tant que l’agent prend une décision discrétionnaire sur la réouverture de l’affaire (Noor c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011, CF 308, au paragraphe 27).

[18]           Je suis également d’accord avec le défendeur qu’une demande de réexamen ne devrait pas être utilisée pour la réouverture d’une décision finale de notre Cour par l’entremise du réexamen d’une décision négative antérieure rendue par un agent sur la demande pour considération d’ordre humanitaire.

 


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Michael D. Manson »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5009-15

INTITULÉ :

DEJAN BOROVIC ET AL. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET AL.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 août 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

DATE DES MOTIFS :

Le 17 août 2016

COMPARUTIONS :

Wennie Lee

Pour les demandeurs

David Knapp

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LEE & COMPANY

Services d’assistance judiciaire, d’avocats et de litiges en matière d’immigration

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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