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Date : 20160606


Dossier : T-1656-15

Référence : 2016 CF 625

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2016

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

YULIYA AKIMOVA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Mme Akimova a demandé la citoyenneté canadienne le 27 décembre 2011. À l’époque, l’une des exigences de la Loi sur la citoyenneté était qu’elle réside au Canada pendant au moins trois des quatre années (1 095 jours) précédant immédiatement sa demande. La juge de la citoyenneté a décidé d’appliquer le strict critère de la présence effective pour établir la résidence, tel qu’il a été établi par monsieur le juge Muldoon dans (Re) Pourghasemi (1993) 62 FTR 122. Cette décision n’a soulevé aucune question puisque Mme Akimova a déclaré qu’elle était présente physiquement au pays pendant 1 309 jours.

[2]               Bien que Mme Akimova ait oublié de déclarer un voyage de 23 jours à l’étranger, elle a été jugée crédible. Son absence non déclarée lui fait tout de même 1 286 jours de présence effective, ce qui est bien au-delà des 1 095 jours requis (soit un excès de 191 jours). La juge de la citoyenneté a donc recommandé que sa demande soit accueillie.

[3]               Le ministre a obtenu l’autorisation pour que cette décision fasse l’objet d’un contrôle judiciaire par notre Cour. On a fait valoir qu’une analyse appropriée des éléments de preuve n’a pas été effectuée et qu’il y avait tout simplement trop d’incohérences au dossier pour que la Cour puisse déterminer que la décision soit raisonnable. Je suis d’accord.

[4]               La juge de la citoyenneté aurait dû analyser les nombreux signaux d’alarme soulevés. Je n’ai pas besoin de tous les énumérer.

[5]               Elle s’est mariée à New York en 2009. Son mari n’était pas un citoyen américain à l’époque, mais il a obtenu sa carte verte des États-Unis (carte de résidence permanente) en août 2010, ce qui lui a permis de faire de même en novembre 2010. Les conditions de logement du couple n’ont jamais été analysées.

[6]               Son formulaire de demande indique qu’elle n’avait jamais quitté le Canada entre le 19 septembre 2010 et le 27 décembre 2011, lorsqu’elle a présenté sa demande de citoyenneté. La juge de la citoyenneté compte deux déclarations contradictoires dans les motifs de cette dernière. Elle a expliqué que Mme Akimova s’est rendue à New York pour poursuivre ses études après avoir fait sa demande de citoyenneté. Cependant, cette dernière indique ensuite avoir entamé ses études à un collège communautaire en 2011. Pour lire ces deux énoncés ensemble, Mme Akimova aurait eu à commencer ses études au plus tôt le 27 décembre 2011.

[7]               Cela contredit également les notes manuscrites de la juge de la citoyenneté indiquant que Mme Akimova avait entamé ses études aux États-Unis au printemps 2011. Pourtant, sa demande indiquait qu’elle était au Canada à ce moment, et non à New York.

[8]               De plus, ses déclarations concernant son emploi intermittent au Canada, tel qu’il a été défini dans son questionnaire sur la résidence et sa demande de citoyenneté, se contredisent complètement.

[9]               Elle a également affirmé qu’elle n’a pas de liens sociaux au Canada. Même si elle était restée enfermée dans une pièce pendant 1 095 jours, il lui incombait d’établir la prépondérance des probabilités qu’elle était au Canada pendant au moins 1 095 jours. Elle n’a fourni aucune preuve corroborante. Comme l’a indiqué monsieur le juge Muldoon au paragraphe 6 de la décision (Re) Pourghasemi :

[traduction]
Ainsi donc, ceux qui entendent partager volontairement le sort des Canadiens en devenant citoyens du pays doivent le faire en vivant parmi les Canadiens, au Canada, durant trois des quatre années précédant la demande, afin de se canadianiser.

[10]           Il est difficile de se mettre d’accord avec la juge de la citoyenneté quant à la crédibilité de Mme Akimova dans les circonstances. Apparemment, elle aurait commencé ses études à New York au printemps 2011, même si elle insiste sur le fait qu’elle était au Canada. Elle pourrait avoir perdu son surplus de 191 jours d’un coup.


JUGEMENT

Pour les motifs exposés ci-dessus :

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      L’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour une nouvelle décision.

3.      Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1656-15

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. YULIYA AKIMOVA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 mai 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Suzanne Trudel

Pour le demandeur

 

Alexandre Novikov

 

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Alexandre Novikov

Montréal (Québec)

Pour la défenderesse

 

 

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