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Date : 20160707


Dossier : IMM-5040-15

Référence : 2016 CF 749

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 7 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Hughes

ENTRE :

TIMOTHY EJERE

FAITH OKOSUN

FLOURISH EJERE – MINEURE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada le 22 octobre 2015, rejetant l’appel des demandeurs et confirmant la décision de rejeter la demande d’asile au Canada des demandeurs rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR).

[2]               La demande des demandeurs était fondée sur l’allégation du demandeur principal selon laquelle il subissait un préjudice au Nigeria en raison de sa bisexualité. Les autres demanderesses sont sa femme et sa fille. Les demandeurs sont tous des citoyens du Nigeria.

[3]               Dans sa décision datée du 29 juillet 2015, la SPR a conclu que le demandeur principal n’était pas un témoin crédible et qu’il n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, son identité sexuelle comme bisexuel. La SPR a donc conclu que le demandeur principal ne courrait aucun risque sérieux de persécution ou de préjudice en raison de son orientation sexuelle s’il retournait au Nigeria. Elle a également conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les autres demanderesses ne courraient aucun risque sérieux de persécution ou de préjudice si elles retournaient au Nigeria.

[4]               Les questions en litige sont les suivantes :

1)                  La SAR aurait-elle dû convoquer une audience?

2)                  La SAR (et la SPR) a-t-elle commis une erreur en n’acceptant pas certains affidavits nigérians et en ne leur accordant pas l’importance voulue?

3)                  La SAR a-t-elle commis une erreur en souscrivant à la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve convaincants qui établissaient, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était bisexuel?

[5]               En ce qui concerne la première question en litige relativement à la convocation d’une audience, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, telle qu’elle est modifiée à l’article 110, établit qu’une décision de la SPR peut être portée en appel devant la SAR dans des circonstances comme celles qui se présentent en l’espèce. En vertu du paragraphe 110(6), la SAR peut tenir une audience dans certaines circonstances :

Audience

(6) La section peut tenir une audience si elle estime qu’il existe des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe (3) qui, à la fois :

a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause;

b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile;

c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

 

Hearing

(6) The Refugee Appeal Division may hold a hearing if, in its opinion, there is documentary evidence referred to in subsection (3)

(a) that raises a serious issue with respect to the credibility of the person who is the subject of the appeal;

(b) that is central to the decision with respect to the refugee protection claim; and

(c) that, if accepted, would justify allowing or rejecting the refugee protection claim.

 

[6]               La juge Heneghan s’est exprimée en ces termes au sujet de cette disposition dans la décision qu’elle a rendue dans l’affaire Sow c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 584, aux paragraphes 33 et 34 :

[33] Les observations de la demanderesse à propos du manquement à l’équité procédurale concernent le refus de la SAR de tenir une audience orale de son appel, après qu’elle eut décidé d’accepter les nouveaux éléments de preuve présentés. Le fait que la SAR accepte de nouveaux éléments de preuve ne signifie pas automatiquement qu’une audience orale sera accordée. Je fais référence au paragraphe 110(6) de la Loi, cité plus haut.

[34] À mon avis, cette disposition donne à la SAR le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non une audience orale, quand elle accepte de nouveaux éléments de preuve. Puisqu’elle jouit d’un pouvoir discrétionnaire, elle n’est pas obligée de tenir une audience orale, possiblement au motif qu’elle est convaincue de pouvoir trancher la question en litige sans tenir une audience.

[7]               Au paragraphe 32 de cette même décision, la juge Heneghan a conclu, en se fondant sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada intitulé Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43, que les questions d’équité procédurale doivent être révisées en regard de la norme de la décision correcte. Cependant, lorsque les règles indiquant à quel moment et de quelle façon une audience doit être tenue sont respectées et qu’une section comme la SAR est régie par ses propres règles, qui établissent que celle-ci « peut » tenir une audience, il est impossible d’affirmer que l’omission de tenir une audience est incorrecte, et la décision finalement rendue doit être annulée. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans Hryniak c. Mauldin, [2014] 1 RCS 87, le meilleur forum pour régler un litige n’est pas toujours celui dont la procédure est la plus laborieuse si le processus suivi est juste et proportionnel. À cet égard, la juge Karakatsanis a écrit ce qui suit au paragraphe 28 :

[28] Un virage culturel s’impose. L’objectif principal demeure le même : une procédure équitable qui aboutit au règlement juste des litiges. Une procédure juste et équitable doit permettre au juge de dégager les faits nécessaires au règlement du litige et d’appliquer les principes juridiques pertinents aux faits établis. Or, cette procédure reste illusoire si elle n’est pas également accessible — soit proportionnée, expéditive et abordable. Le principe de la proportionnalité veut que le meilleur forum pour régler un litige ne soit pas toujours celui dont la procédure est la plus laborieuse.

[8]               Les Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 disposent qu’un appelant doit soumettre une déclaration écrite pour demander qu’une audience soit tenue et que le mémoire de l’appelant doit inclure des observations complètes et détaillées concernant les motifs pour lesquels une audience devrait être tenue. Je reproduis les sous-alinéas 3(3)d)(ii) et 3(3)g)(v) des Règles :

(3) Le dossier de l’appelant comporte les documents ci-après, sur des pages numérotées consécutivement, dans l’ordre qui suit :

d) une déclaration écrite indiquant :

(ii) si l’appelant demande la tenue de l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi et, le cas échéant, s’il fait une demande de changement de lieu de l’audience en vertu de la règle 66,

...

g) un mémoire qui inclut des observations complètes et détaillées concernant :

(v) les motifs pour lesquels la Section devrait tenir l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi, si l’appelant en fait la demande.

(3) The appellant’s record must contain the following documents, on consecutively numbered pages, in the following order:

(d) a written statement indicating

(ii) whether the appellant is requesting that a hearing be held under subsection 110(6) of the Act, and if they are requesting a hearing, whether they are making an application under rule 66 to change the location of the hearing, and

(g) a memorandum that includes full and detailed submissions regarding

(v) why the Division should hold a hearing under subsection 110(6) of the Act if the appellant is requesting that a hearing be held.

[9]               Pour aider les parties à présenter une demande d’audience orale en vertu du sous-alinéa 3(3)d)(ii) des Règles, la SAR met à leur disposition un formulaire particulier.

[10]           En l’espèce, le demandeur n’a pas présenté de demande écrite à l’aide de ce formulaire. La phrase suivante se trouve dans l’affidavit du demandeur déposé auprès de la SAR (la dernière phrase du deuxième paragraphe) :

[traduction]
« Je demande une audience orale en vertu du paragraphe 110(6) de la Loi (LIPR) si la section juge qu’une telle audience est nécessaire. »

[11]           Le mémoire déposé par l’avocat représentant le demandeur ne mentionne nulle part qu’une audience a été demandée, et encore moins pourquoi une telle audience serait nécessaire.

[12]           La SAR a écrit ce qui suit au paragraphe 3 de ses motifs :

[traduction]
[3] L’appelant n’a pas demandé la tenue d’une audience au titre du paragraphe 110(6) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[13]           Même si, selon l’affidavit du demandeur, une audience a été demandée [traduction] « si la section juge qu’une telle audience est nécessaire », aucune déclaration écrite n’a été faite à cet égard sur le formulaire fourni ou dans un autre document. Le sujet n’a pas non plus été abordé dans le mémoire, comme l’exige le sous-alinéa 3(3)g)(v) des Règles.

[14]           La SAR n’est pas obligée de tenir une audience pour le simple motif qu’une audience a été demandée (Sow, précité, au paragraphe 34). En l’espèce, la demande a été présentée de façon imparfaite et n’a jamais été traitée dans le mémoire. Il reste à savoir si la SAR aurait dû tenir une audience quand même de son propre gré. En l’espèce, le demandeur a soumis d’autres documents, et la SAR a demandé les versions originales et a donné au demandeur l’occasion de les fournir. Le demandeur ne les a fournies qu’après que l’avis de décision a été expédié. La SAR avait examiné les copies des documents qu’elle avait en sa possession et avait tiré des conclusions raisonnables à leur égard. Je conclus qu’une audience n’était pas nécessaire.

[15]           La deuxième question en litige concerne les affidavits nigérians. La SPR a conclu, et la SAR était également d’avis, que les affidavits n’étaient fort probablement pas authentiques. Ils ne comportaient pas certains éléments de sécurité et ne contenaient aucune photographie des affidavits, tel qu’il est exigé dans les règles de la Cour à l’égard d’affidavits semblables à ceux-ci qui auraient été souscrits devant la Haute Cour. Compte tenu du dossier dont disposaient la SPR et la SAR, je conclus que leurs conclusions sont raisonnables.

[16]           La troisième question en litige consiste à déterminer le caractère raisonnable de la conclusion tirée par la SPR, et confirmée par la SAR, selon laquelle la preuve présentée par le demandeur concernant sa bisexualité était insuffisante. J’ai examiné le dossier dont disposaient les sections et je conclus que leurs conclusions étaient raisonnables.

[17]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Roger T. Hughes »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-5040-15

 

INTITULÉ :

TIMOTHY EJERE, FAITH OKOSUN, FLOURISH EJERE – MINEURE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

LES 27 et 30 juin 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HUGHES

DATE DES MOTIFS :

Le 7 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Johnson Babalola

Pour les demandeurs

Tamrat Gebeyehu

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Johnson Babalola

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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