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Date : 20160525


Dossier : T-1646-15

Référence : 2016 CF 577

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 25 mai 2016

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

ANNEMARIE SWERDLOW

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Mme Swerdlow, une citoyenne allemande, a obtenu le statut de résident permanent du Canada en 1957. Ce n’est qu’en mai 2011 qu’elle a demandé la citoyenneté canadienne. Elle a expliqué qu’elle a attendu que l’Allemagne modifie sa loi sur la double citoyenneté avant de présenter sa demande. Jusque peu avant la présentation de sa demande de citoyenneté canadienne, elle aurait perdu sa citoyenneté allemande si elle était devenue citoyenne d’un autre pays.

[2]               En vertu de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur citoyenneté, tel qu’il était libellé au moment de la présentation de la demande, la demanderesse devait être effectivement présente au Canada pendant au moins trois des quatre années qui ont immédiatement précédé la date de sa demande, soit pendant au moins 1 095 jours. Or, elle n’a été présente physiquement au Canada que pendant 836 jours, car elle passe maintenant l’hiver à l’extérieur du pays. Un juge de la citoyenneté a donc rejeté sa demande pour ce motif.

[3]               L’avocat a formulé des arguments solides concernant l’équité procédurale. Il a fait référence à la jurisprudence, qui précise que le juge de la citoyenneté aurait dû indiquer à la demanderesse lequel des trois critères de citoyenneté il entendait appliquer afin de lui donner l’occasion de formuler des commentaires. À mon avis, il n’est pas nécessaire d’examiner ces arguments puisque le juge de la citoyenneté a déraisonnablement entravé son pouvoir discrétionnaire.

[4]               L’état déplorable du droit canadien en ce qui concerne les obligations de résidence prévues dans la Loi sur la citoyenneté a été répété littéralement des centaines de fois sans le moindre respect à l’égard de l’adhésion déférente.

[5]               Dans la décision Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 CF 208, le juge en chef adjoint Thurlow était d’avis qu’une personne est résidente du pays où elle centralise son mode de vie habituel. Ce mode de vie n’a pas changé parce que la personne est partie étudier aux États-Unis.

[6]               Dans la décision Koo (Re), [1993] 1 RCF 286, madame la juge Reed a donné des précisions en ce sens. La question consistait à déterminer le lieu où le requérant « vit régulièrement, normalement ou habituellement ». Quelques indices ont été fournis.

[7]               Selon ces deux critères, un demandeur peut être « résident » du Canada pendant au moins trois des quatre années précédant immédiatement la date d’une demande de citoyenneté même s’il n’est pas présent physiquement au Canada pendant au moins 1 095 jours. Je dirais même que la demande de Mme Swerdlow aurait été approuvée en vertu de l’un ou l’autre de ces critères.

[8]               Quatre mois après la décision Koo, monsieur le juge Muldoon a appliqué un critère strict de présence physique dans la décision Pourghasemi (Re), (1993) 62 FTR 122.

[9]               L’application de ce critère a amené monsieur le juge Lutfy, tel était alors son titre, à rendre la décision qu’il a rendue dans l’affaire Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 164 FTR 177. Le juge a fait remarquer qu’un projet de loi avait été déposé auprès du Parlement afin de clarifier la question de la résidence. Malheureusement, le Parlement n’a pas tranché la question à ce moment-là et a plutôt attendu jusqu’en 2014 pour le faire en établissant un critère de présence physique.

[10]           Aux paragraphes 32 et 33 de ses motifs dans la décision Lam, le juge en chef Lutfy a fait remarquer ce qui suit :

[32]  […] Le contenu de la décision portée en appel ne permet pas toujours de savoir quelle décision de la Cour a été suivie.

[33]  […] lorsqu’un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l’alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence.

[11]           Dans ses motifs, le juge de la citoyenneté a déclaré ce qui suit : « Quel que soit le chiffre exact, elle est loin des 1 095 jours de présence physique requis. […] J’ai expliqué à la requérante que c’est avec regret, mais catégoriquement pour respecter la loi, que je n’approuve pas la présente demande. […] Simplement dit, la loi est bonne, puisqu’elle est la loi. »

[12]           Cette décision ne montre aucune compréhension de la jurisprudence contradictoire de la Cour. Il se peut fort bien que le juge de la citoyenneté n’a pas réalisé qu’avant 2014, une présence physique de 1 095 jours au Canada n’était pas requise. Il a en effet exprimé des regrets. S’il avait appliqué un autre critère, il n’aurait pas eu à exprimer des regrets. Il aurait accueilli la demande.

[13]           Il est clair que le juge de la citoyenneté a déraisonnablement entravé son pouvoir discrétionnaire. Mme Swerdlow a droit à une nouvelle audience conformément à la loi telle qu’elle était libellée avant sa modification.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      L’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté ou à un fonctionnaire autorisé pour nouvelle décision.

  1. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1646-15

INTITULÉ :

ANNEMARIE SWERDLOW c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 mai 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :

Le 25 mai 2016

COMPARUTIONS :

David Chalk

Pour la demanderesse

Michel Pépin

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Chalk

Montréal (Québec)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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