Date : 20160531
Dossier : T-2153-15
Référence : 2016 CF 608
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 31 mai 2016
En présence de madame la juge Strickland
ENTRE : |
HENRICK OUELLET |
demandeur |
et |
CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue le 16 novembre 2015 par un tribunal d’appel (le « tribunal d’appel ») du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le « TACRA »), refusant au capitaine de corvette Henrick Ouellet (le « demandeur ») le droit aux prestations d’invalidité qu’il demande en vertu de l’article 45 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, L.C. 2005, ch. 21 (la « Loi d’indemnisation des FC »).
Contexte
[2] Le Rapport d’examen médical (en vue de l’enrôlement) du demandeur, daté du 18 octobre 1988, indiquait qu’il n’avait aucun problème de santé, ni maladie pulmonaire ni essoufflement, avant son enrôlement dans les Forces canadiennes. Le demandeur a entrepris son service au sein de la Force régulière le 30 août 1989. Un compte rendu de consultation médicale du 12 mars 2003 indique que le demandeur, qui avait alors 30 ans, se plaignait d’essoufflement depuis huit à dix mois et que sa radiographie montrait une importante réaction pulmonaire interstitielle, fort probablement sarcoïdosique. Le 4 avril 2003, les résultats d’un tomodensitogramme ont été décrits comme correspondant à une sarcoïdose avancée. Des rapports médicaux ultérieurs sont parvenus à la même conclusion. Un rapport daté du 15 octobre 2009 comporte un diagnostic de sarcoïdose de stade 4. Les très nombreux éléments de preuve médicaux au dossier sont compatibles avec le diagnostic de sarcoïdose.
[3] Le demandeur a présenté une demande de prestations d’invalidité le 16 août 2007 et a indiqué dans sa demande que de 1997 à 2000, il a servi à bord du NCSM Halifax en tant qu’officier de lutte au-dessus de la surface et d’officier de pont. Il a soutenu que la sarcoïdose, d’après ce que pensaient la plupart des scientifiques, était un trouble du système immunitaire. Même si l’on n’en connaît pas la cause, la plupart des éléments de preuve laissent entendre qu’il s’agit d’une réaction du corps à un ou plusieurs agents environnementaux non identifiés, et que des bactéries, virus ou produits chimiques pouvaient déclencher la maladie. Bien que l’on ne dispose pas d’éléments de preuve clairs quant à ce qui a déclenché la sarcoïdose en l’espèce, pendant son service à bord du NCSM Halifax, son exposition aux agents à bord de navires, tels que les virus, la poussière, la moisissure et d’autres particules en suspension dans l’air dans un milieu où la qualité de l’air était souvent douteuse, ne pouvaient pas être exclus.
[4] Dans une décision rendue le 19 octobre 2007, le ministère des Anciens Combattants (« ACC ») a refusé d’accorder la demande de prestations d’invalidité au demandeur. Il a conclu qu’il n’y avait aucune preuve documentée permettant d’établir que des facteurs associés à son service au sein des Forces armées canadiennes ont causé ou contribué à causer son état de santé allégué. Il a aussi fait remarquer que la cause sous-jacente de la sarcoïdose demeure inconnue. Par conséquent, il a conclu que la sarcoïdose du demandeur n’est pas consécutive à son service au sein de la Force régulière, n’y est pas directement reliée et n’a pas été aggravée par ce dernier.
[5] Le demandeur n’était pas satisfait de la décision d’ACC et a interjeté appel auprès d’un comité de révision des décisions relatives à l’admissibilité des anciens combattants (le « comité de révision ») du TACRA. Pour appuyer son appel, il a présenté divers documents, dont une lettre datée du 28 février 2011 du Dr Mark A. Smith et des articles et rapports médicaux concernant la sarcoïdose. Le demandeur a renvoyé à une étude réalisée par le Dr J. Jajosky qui a laissé entendre qu’il existait un lien possible de sarcoïdose avec l’exposition à la poussière en rapport avec l’enlèvement de revêtements de pont antidérapants. Le demandeur a soutenu que pendant son service à bord du NCSM Halifax, le navire a fait l’objet de nombreuses périodes de travaux qui impliquaient souvent l’enlèvement de surfaces antidérapantes ainsi que le meulage, le brûlage et le soudage des ponts internes et externes, et d’autres types de travaux qui ont produit de la poussière, de la fumée et des odeurs. Le demandeur a également déclaré qu’il avait participé à des travaux pratiques, y compris le brûlage et la peinture, et à l’enlèvement de revêtements antidérapants du pont d’envol du navire. Pendant la durée de son service, la qualité de l’air du navire était médiocre, l’utilisation d’appareils de protection respiratoire était sporadique et ces appareils n’étaient souvent pas disponibles pour les personnes qui n’étaient pas directement concernées par les travaux, même si les zones touchées allaient souvent au-delà de la zone de travail immédiate.
[6] Compte tenu de son bon état de santé avant son enrôlement et de l’absence d’éléments de preuve étayant une prédisposition génétique à la maladie, le demandeur a soutenu qu’il était juste de déclarer que sa sarcoïdose était reliée à son service, étant imputable à l’exposition à des particules en suspension dans l’air (p. ex. silice cristalline) pendant les périodes de travaux sur le NCSM Halifax (p. ex. il a classé le NCSM Halifax comme un « navire sale », d’après un cadre d’étude américain). Il a également soutenu qu’il était convaincu que sa maladie a été aggravée par une affectation subséquente à bord du NCSM Ville de Québec, de 2002 à 2005, pendant laquelle ce navire a fait l’objet de périodes de radoub semblables. En outre, il n’était pas réaliste d’exiger qu’il précise l’étiologie de sa sarcoïdose.
[7] Le 21 octobre 2011, le comité de révision a confirmé la décision d’ACC et a refusé au demandeur le droit à une indemnité d’invalidité au motif qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir un lien entre la sarcoïdose et son service au sein de la Force régulière, conformément à l’article 45 de la Loi d’indemnisation des FC. Le comité de révision a fait remarquer que la littérature médicale indiquait clairement que la cause de la sarcoïdose n’est pas connue, qu’il y avait des spéculations concernant des polluants environnementaux comme facteurs dans le développement de l’état, mais aussi qu’on ne disposait d’aucune preuve médicale crédible qui indique un lien concluant entre l’état et le service militaire. Le comité de révision a tenu compte de l’avis du Dr Mark A. Smith du 28 février 2011, mais a fait remarquer que le Dr Smith n’a pas été en mesure d’étayer de façon concluante un lien entre le développement de la sarcoïdose et des facteurs reliés au service militaire. Au contraire, il a spéculé sur l’accroissement possible du risque en raison de facteurs liés au service, tout en indiquant qu’il n’y avait pas suffisamment de données probantes pour établir un tel lien. En conséquence, le comité de révision a accordé très peu de poids au rapport du Dr Smith à cet égard.
[8] Le 17 octobre 2015, le demandeur a interjeté appel de la décision du comité de révision auprès d’un comité d’appel du TACRA. L’audience devant le comité d’appel s’est faite au moyen d’observations écrites seulement, conformément à la demande du demandeur et aux dispositions du paragraphe 28(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la « Loi sur le TACRA »).
[9] Le demandeur a soutenu que le comité de révision a commis une erreur de droit en exigeant une norme de preuve beaucoup plus élevée que la prépondérance des probabilités pour trancher en faveur de la relation étiologique entre l’invalidité alléguée du demandeur, la sarcoïdose, et son exposition non contredite à des polluants chimiques, dont la silice cristalline. Le demandeur a également soutenu que le comité de révision a omis de tenir compte de façon appropriée des éléments probants de son allégation, à savoir la documentation sur les recherches épidémiologiques et l’avis médical du Dr Smith. En conséquence, le comité de révision a effectivement contrevenu aux dispositions de l’article 39 de la Loi sur le TACRA. Le demandeur a remis des documents à l’appui de son appel, notamment une décision de la Cour, des rapports médicaux et d’autres rapports concernant la sarcoïdose, la déclaration du demandeur, des décisions antérieures de comités d’appel et des rapports médicaux ayant trait à d’autres demandeurs.
[10] Dans sa décision du 16 novembre 2015, le comité d’appel a confirmé la décision du comité de révision et a refusé l’indemnité d’invalidité conformément à l’article 45 de la Loi d’indemnisation des FC au motif qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir un lien entre la sarcoïdose et des facteurs reliés au service. Cette décision fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.
Décision faisant l’objet du contrôle
[11] Le comité d’appel a conclu que la question dont il était saisi était de savoir si la sarcoïdose du demandeur découlait de son service au sein de la Force régulière ou y était directement reliée. Il a ensuite examiné l’historique procédural concernant la demande de prestations, y compris une description des éléments probants du demandeur.
[12] Le comité d’appel a déclaré qu’il avait examiné tous les éléments de preuve et pris en considération les observations du demandeur. Ce faisant, il a appliqué les exigences de l’article 39 de la Loi sur le TACRA en vertu desquelles il devait faire ce qui suit :
a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci; |
(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant; |
b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence; |
(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and |
c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. |
(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case. |
[13] Le comité d’appel a interprété que cette disposition exigeait de sa part, au moment d’apprécier la preuve, d’examiner les éléments de preuve sous le « jour étant le plus favorable possible au demandeur et trancher toute incertitude en sa faveur ». Cependant, il a aussi déclaré que cela ne dégageait pas le demandeur d’assumer le fardeau de la preuve de son allégation en reliant son état à son service. En outre, le comité d’appel n’était pas tenu d’accepter tous les éléments de preuve présentés par le demandeur s’ils n’étaient pas crédibles, même lorsque les éléments de preuve n’étaient pas contredits (MacDonald c. Canada (Procureur général), [1999] ACF no 346, aux paragraphes 22 et 29; Canada (Procureur général) c. Wannamaker, 2007 CAF 126, aux paragraphes 5 et 6; Rioux c. Canada (Procureur général), 2008 CF 991, au paragraphe 32).
[14] Pour parvenir à sa décision, le comité d’appel s’est posé les trois questions suivantes :
1. Existe-t-il un diagnostic valide, actuel, de l’état allégué?
2. Est-ce que l’état allégué constitue une invalidité permanente?
3. Est-ce que le service militaire a causé l’état allégué, l’a aggravé ou y a contribué?
[15] Pour ce qui est de la première question, le comité d’appel a accepté qu’il existait un diagnostic valide de la sarcoïdose. Pour ce qui est de la deuxième question, il a accepté que l’état du demandeur satisfaisait à la définition d’une invalidité permanente.
[16] Quant à la troisième question, le comité d’appel a fait remarquer que l’examen médical du demandeur avant son enrôlement ne montrait aucun historique ni diagnostic de sarcoïdose et que l’état allégué a été diagnostiqué pendant que le demandeur était au service des Forces armées canadiennes. En outre, les périodes que le demandeur a décrites à bord du NCSM Halifax, lorsque des radoubs étaient effectués, n’étaient pas contestées, pas plus que le genre de service entrepris.
[17] Quant à son exposition, le comité d’appel a fait remarquer que le demandeur a comparé les conditions à bord du navire comme étant sur un « navire sale », selon la définition fournie dans les travaux de recherche du Dr Smith, mais a jugé qu’en tant que frégate canadienne de patrouille, le navire appartenait en fait à la catégorie des « navires propres » sauf pour de brèves périodes. Le comité d’appel a accepté que, bien que la Marine canadienne prenne des précautions pour protéger ses marins de particules potentiellement nocives en suspension dans l’air, des quantités de ces particules pouvaient potentiellement aller au-delà de ces mesures de précaution. Le comité d’appel a jugé crédible le témoignage du demandeur concernant la période et sa perception quant à la qualité de l’air à bord du navire.
[18] Cependant, le comité d’appel a indiqué que, même si le demandeur pouvait parler de questions de fait relevant de ses connaissances, il n’était pas qualifié pour parler de la causalité d’états de santé et qu’il appartenait au comité d’appel de déterminer si les éléments de preuve médicaux étaient crédibles et suffisants. À cet égard, bien qu’une documentation volumineuse ait été présentée au sujet des causes possibles de la sarcoïdose, dont certains documents comprenaient des recherches concernant les liens potentiels avec des facteurs environnementaux et professionnels, la conclusion commune était que la relation étiologique de l’état demeure inconnue. Par conséquent, le comité d’appel a souscrit à la conclusion du comité de révision selon laquelle les renseignements disponibles étaient spéculatifs.
[19] Le comité d’appel a tenu compte des recherches fournies par le Dr Smith, mais a conclu que son opinion était subjective et [traduction] « n’a pas influé de façon suffisante sur la prépondérance des probabilités nécessaire pour relier l’état allégué au service du demandeur », soulignant le paragraphe de conclusion du Dr Smith où il a déclaré que [traduction] « [m]alheureusement, parce que l’on ne connaît pas la cause de la sarcoïdose, il est difficile de dire dans quelle mesure elle est reliée à son service ».
[20] Pour les motifs de preuve insuffisante permettant d’établir un lien entre la sarcoïdose et des facteurs liés au service, le comité d’appel a confirmé la décision du comité de révision et a refusé le droit à une indemnité d’invalidité pour sarcoïdose, conformément à l’article 45 de la Loi d’indemnisation des FC.
Dispositions législatives pertinentes
Loi d’indemnisation des FC
2(1) liée au service Se dit de la blessure ou maladie : |
2(1) service-related injury or disease means an injury or a disease that |
a) soit survenue au cours du service spécial ou attribuable à celui-ci; |
(a) was attributable to or was incurred during special duty service; or |
b) soit consécutive ou rattachée directement au service dans les Forces canadiennes. |
(b) arose out of or was directly connected with service in the Canadian Forces. |
… |
… |
2.1 La présente loi a pour objet de reconnaître et d’honorer l’obligation du peuple canadien et du gouvernement du Canada de rendre un hommage grandement mérité aux militaires et vétérans pour leur dévouement envers le Canada, obligation qui vise notamment la fourniture de services, d’assistance et de mesures d’indemnisation à ceux qui ont été blessés par suite de leur service militaire et à leur époux ou conjoint de fait ainsi qu’au survivant et aux orphelins de ceux qui sont décédés par suite de leur service militaire. Elle s’interprète de façon libérale afin de donner effet à cette obligation reconnue. |
2.1 The purpose of this Act is to recognize and fulfil the obligation of the people and Government of Canada to show just and due appreciation to members and veterans for their service to Canada. This obligation includes providing services, assistance and compensation to members and veterans who have been injured or have died as a result of military service and extends to their spouses or common-law partners or survivors and orphans. This Act shall be liberally interpreted so that the recognized obligation may be fulfilled. |
… |
… |
43 Lors de la prise d’une décision au titre de la présente partie ou de l’article 84, le ministre ou quiconque est désigné au titre de l’article 67 : |
43 In making a decision under this Part or under section 84, the Minister and any person designated under section 67 shall |
a) tire des circonstances portées à sa connaissance et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur; |
(a) draw from the circumstances of the case, and any evidence presented to the Minister or person, every reasonable inference in favour of an applicant under this Part or under section 84; |
b) accepte tout élément de preuve non contredit que le demandeur lui présente et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence; |
(b) accept any uncontradicted evidence presented to the Minister or the person, by the applicant, that the Minister or person considers to be credible in the circumstances; and |
c) tranche en faveur du demandeur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. |
(c) resolve in favour of the applicant any doubt, in the weighing of the evidence, as to whether the applicant has established a case. |
… |
… |
45 (1) Le ministre peut, sur demande, verser une indemnité d’invalidité au militaire ou vétéran qui démontre qu’il souffre d’une invalidité causée: |
45 (1) The Minister may, on application, pay a disability award to a member or a veteran who establishes that they are suffering from a disability resulting from |
a) soit par une blessure ou maladie liée au service; |
(a) a service-related injury or disease; or |
b) soit par une blessure ou maladie non liée au service dont l’aggravation est due au service. |
(b) a non-service-related injury or disease that was aggravated by service. |
(2) Pour l’application de l’alinéa (1)b), seule la fraction — calculée en cinquièmes — du degré d’invalidité qui représente l’aggravation due au service donne droit à une indemnité d’invalidité. |
(2) A disability award may be paid under paragraph (1)(b) only in respect of that fraction of a disability, measured in fifths, that represents the extent to which the injury or disease was aggravated by service. |
… |
… |
46 (1) Pour l’application du paragraphe 45(1), est réputée être une blessure ou maladie liée au service la blessure ou maladie qui, en tout ou en partie, est la conséquence : |
46 (1) For the purposes of subsection 45(1), an injury or a disease is deemed to be a service-related injury or disease if the injury or disease is, in whole or in part, a consequence of |
a) d’une blessure ou maladie liée au service; |
(a) a service-related injury or disease; |
b) d’une blessure ou maladie non liée au service dont l’aggravation est due au service; |
(b) a non-service-related injury or disease that was aggravated by service; |
c) d’une blessure ou maladie qui est elle-même la conséquence d’une blessure ou maladie visée par les alinéas a) ou b); |
(c) an injury or a disease that is itself a consequence of an injury or a disease described in paragraph (a) or (b); or |
d) d’une blessure ou maladie qui est la conséquence d’une blessure ou maladie visée par l’alinéa c). |
(d) an injury or a disease that is a consequence of an injury or a disease described in paragraph (c). |
(2) Pour l’application du paragraphe 45(1), si l’invalidité est causée par une blessure ou maladie réputée liée au service au titre du paragraphe (1), seule la fraction — calculée en cinquièmes — du degré d’invalidité qui représente la proportion de cette blessure ou maladie qui est la conséquence d’une autre blessure ou maladie liée au service ou réputée l’être donne droit à une indemnité d’invalidité. |
(2) If a disability results from an injury or a disease that is deemed to be a service-related injury or disease, a disability award may be paid under subsection 45(1) only in respect of that fraction of the disability, measured in fifths, that represents the extent to which that injury or disease is a consequence of another injury or disease that is, or is deemed to be, a service-related injury or disease. |
Loi sur le TACRA
3 Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge. |
3 The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled. |
… |
… |
39 Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve : |
39 In all proceedings under this Act, the Board shall |
a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci; |
(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant; |
b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence; |
(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and |
c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. |
(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case. |
Question en litige et norme de contrôle
[21] Au départ, le demandeur a fait valoir dans ses observations écrites que la question dont avait été saisie la Cour était de savoir s’il était approprié pour le comité d’appel de déterminer qu’il n’y a pas de lien entre la sarcoïdose du demandeur et son service militaire et si la norme de contrôle de la décision correcte s’appliquait (Cole c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 119, aux paragraphes 58 et 59 [Cole]).
[22] Cependant, lorsqu’il a comparu devant moi, l’avocat du demandeur a fait savoir que son observation quant à la norme de révision était erronée. Il acceptait désormais que la question dont était saisie la Cour était celle qui était décrite par le défendeur et, que la norme de révision applicable dans cette affaire était celle du caractère raisonnable.
[23] Le défendeur soutient que la question dont est saisie la Cour est de savoir si la décision du comité d’appel selon laquelle il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir un lien entre sa sarcoïdose et son service militaire était raisonnable. En outre, la décision du comité d’appel se fondait sur des conclusions factuelles et des questions mixtes de droit et de fait qui justifient la norme du caractère raisonnable, comme l’ont démontré les affaires Newman c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 218, au paragraphe 11; Ben-Tahir c. Canada (Procureur général), 2015 CF 881, au paragraphe 39 [Ben-Tahir]; Werring c. Canada (Procureur général), 2013 CF 240, au paragraphe 11; Jarvis c. Canada (Procureur général), 2011 CF 944, au paragraphe 4 [Jarvis]; Hall c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1431, au paragraphe 11. Ces décisions sont également compatibles avec la présomption selon laquelle le caractère raisonnable est la norme de révision applicable concernant les décisions de tribunaux administratifs.
[24] À mon avis, la question en l’espèce est de savoir si le comité d’appel a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’il a déterminé qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve suffisants pour établir un lien entre l’invalidité du demandeur et son service militaire. Plus précisément, est-ce que le comité d’appel a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’il a évalué si les éléments de preuve médicaux présentés par le demandeur étaient suffisants pour établir un lien ou une causalité entre l’état du demandeur, la sarcoïdose et son service militaire? Étant donné qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, je suis d’accord pour dire que la norme de contrôle est la norme de la décision raisonnable (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 51 [Dunsmuir]; Alemari c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 368, au paragraphe 13).
[25] Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, mais aussi à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).
Est-ce que le comité d’appel a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’il a déterminé qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve suffisants pour établir un lien entre l’invalidité du demandeur et son service militaire?
Position du demandeur
[26] Le demandeur soutient que le comité d’appel, en concluant selon la prépondérance des probabilités qu’il n’y avait aucun lien avec le service militaire, a appliqué une analyse de cause primordiale. Cependant, ce n’est plus la méthode acceptée pour déterminer si des blessures ont ou non découlé du service militaire ou y étaient directement reliées. Selon le demandeur, dans la décision Cole, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un demandeur doit montrer un lien de causalité entre un état et le service militaire, qui se définit comme se situant entre une simple possibilité (1 %) et une cause primordiale (51 %). Pour avoir gain de cause, le demandeur doit établir un lien de causalité important. Une causalité qui est importante, mais moins que principale, sera suffisante (Cole, au paragraphe 97). En concluant selon la prépondérance des probabilités, et en appliquant ainsi une analyse de cause primordiale, le comité d’appel a commis une erreur susceptible de révision.
[27] Le demandeur soutient en outre qu’en évaluant si une blessure a été causée ou aggravée par le service militaire, il faut une approche souple (Cole, aux paragraphes 87 à 92), et qu’avant de rendre une décision, la preuve doit être appréciée conformément aux dispositions de l’article 39 de la Loi sur le TACRA. Il soutient que sa sarcoïdose était reliée à son service militaire et que le lien était clair, non ambigu et étayé par le dossier selon lequel il était en bonne santé lorsqu’il s’est engagé dans les forces armées; il a reçu un diagnostic de sarcoïdose après avoir servi à bord de plusieurs bâtiments navals qui faisaient l’objet de réparations; des documents scientifiques portant sur des recherches menées sur la sarcoïdose depuis les années 1940 ont constamment déterminé qu’elle est causée par une réaction du corps à des bactéries, à des virus, à de la poussière, à de la moisissure, à de la silice ou à d’autres produits chimiques; il était exposé à de tels facteurs de risque pendant les réparations aux navires, y compris la silice provenant du sablage au jet des surfaces antidérapantes; et le comité d’appel ayant auparavant accordé des indemnités pour la sarcoïdose fondées sur une exposition probable à de la fibre de verre, à de la poussière, à des émanations, à des gaz, à des peintures, à des produits chimiques et à d’autres sables, il est traité de manière défavorable, sans raison. Le demandeur soutient qu’il y avait soit un lien direct avec son service militaire, soit un lien direct avec des causes multiples lui donnant droit à une indemnisation.
[28] Le demandeur soutient également que le comité d’appel a appliqué de façon inappropriée l’alinéa 39b) de la Loi sur le TACRA lorsqu’il a conclu que l’opinion médicale du Dr Smith était subjective et qu’il l’a rejetée intégralement. Étant donné qu’on n’a tiré aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité à l’encontre du Dr Smith et que ses éléments de preuve ne sont pas contredits, c’est contraire à l’esprit de l’article 39 de rejeter ces éléments de preuve. En outre, il n’était pas raisonnable pour le comité d’appel d’interpréter la déclaration du Dr Smith, [traduction] « il est difficile de dire dans quelle mesure [la sarcoïdose du capitaine de corvette Ouellet] est attribuée à son service », comme une déclaration selon laquelle il n’existe aucun lien entre son service et son état. Cette déclaration confirme un lien, quoique pas dans cette mesure.
[29] Le défendeur soutient également qu’il a présenté au comité d’appel une très volumineuse documentation médicale qui démontre qu’une exposition aux risques d’inhalation à bord des navires de recherche cause la sarcoïdose. Le comité d’appel, se concentrant sur un rapport, a déterminé de façon déraisonnable que le NCSM Halifax n’était pas un « navire sale » et a rejeté tout le reste de la documentation médicale, sans raison. Le comité d’appel a cavalièrement rejeté tous ces éléments de preuve et n’a donné aucune indication quant aux renseignements supplémentaires ou de rechange qu’il lui fallait. Cette décision était déraisonnable et elle fixe une norme inatteignable.
[30] Le demandeur soutient que les manquements susmentionnés équivalent à de la mauvaise foi de la part du comité d’appel. En outre, dans une situation semblable, une pension a été ordonnée. Dans Cundell c. Canada (Procureur Général), [2000] A.C.F. no 38 [Cundell], le demandeur avait une radiographie normale avant son déploiement dans le golfe Persique, où il a été exposé à des feux de puits de pétrole. Des radiographies de son thorax prises un mois après son retour montraient des anomalies, mais on n’a pas obtenu un diagnostic de sarcoïdose pendant plusieurs années. Le demandeur soutient que l’erreur susceptible de révision dans la décision Cundell, comme en l’espèce, était le rejet par le TACRA d’éléments de preuve médicaux non contredits sans établir une conclusion quant à la crédibilité. En outre, parce que la conduite du TACRA a été considérée aussi flagrante dans la décision Cundell, la Cour a accueilli sa demande et a substitué son jugement ordonnant que le demandeur ait droit à sa pension. Le demandeur soutient que la série de faits dans les deux cas est la même, que le TACRA n’était pas au courant de la décision Cundell et, par conséquent, qu’une ordonnance semblable devrait être prise et que les dépens avocat-client devraient être adjugés à l’encontre du défendeur.
Position du défendeur
[31] Le défendeur soutient qu’il incombe au demandeur de s’acquitter du fardeau de la preuve pour établir son allégation (Cundell, au paragraphe 54; Ben-Tahir, au paragraphe 61; Jarvis, au paragraphe 26). Malgré l’approche libérale mandatée par la Loi sur le TACRA, le demandeur doit quand même établir, selon la prépondérance des probabilités, le lien requis entre son état et son service. En outre, contrairement aux allégations du demandeur, le comité d’appel n’a pas appliqué une analyse de cause primordiale en l’espèce. Au contraire, il a conclu à une insuffisance des éléments de preuve, selon une prépondérance des probabilités, indiquant un lien quelconque entre l’état du demandeur et son service.
[32] Le demandeur soutient qu’il était raisonnable pour le comité d’appel de conclure qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour établir un lien entre la sarcoïdose du demandeur et son service militaire.
[33] Le comité d’appel a apprécié les éléments de preuve, y compris la lettre du Dr Smith, mais a toutefois conclu qu’elle ne donnait aucune opinion positive concernant un lien puisqu’elle traitait uniquement de la possibilité d’un lien, mais que les causes de la sarcoïdose sont inconnues. En outre, une étude citée par le Dr Smith n’a pas cerné le service à bord de bâtiments navals comme un risque, quoique, comme il l’a souligné, l’étude n’était pas suffisamment vaste pour présenter le pouvoir statistique de faire un tel lien. Au mieux, la lettre du Dr Smith était neutre et non concluante. Même si sa déclaration [traduction] « parce que l’on ne connaît pas la cause de la sarcoïdose, il est difficile de dire dans quelle mesure elle est reliée à son service » pouvait être interprétée comme une opinion selon laquelle la sarcoïdose était causée dans une certaine mesure par le service militaire du demandeur, il était également loisible pour le comité d’appel de conclure, comme il l’a fait, que les constatations du Dr Smith [traduction] « n’ont pas influé de façon suffisante sur la prépondérance des probabilités nécessaire pour relier l’état allégué au service du demandeur ».
[34] Le défendeur soutient en outre que la documentation médicale était insuffisante pour établir un lien entre l’état du demandeur et son service et il a dressé une liste d’exemples de ses fragilités prétendues. Compte tenu des conclusions faibles ou provisoires de la documentation médicale, la conclusion du comité d’appel selon laquelle les éléments de preuve relativement à un lien sont spéculatifs était exacte et raisonnable. Le rôle d’établissement des faits du comité d’appel commande la déférence.
[35] Le comité d’appel a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve, selon une prépondérance des probabilités, pour indiquer un lien entre l’état du demandeur et son service. Par conséquent, il ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve pour établir son allégation.
[36] Le défendeur prétend que la décision Cundell se distingue étant donné que, dans ce cas, la Cour a semblé accorder du poids au court délai des circonstances factuelles pour tirer un lien de causalité (Cundell, au paragraphe 58), ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Les références à d’autres décisions du comité d’appel où la sarcoïdose a été prise en compte n’aident pas non plus le demandeur étant donné que chaque cause est unique; d’ailleurs, ces décisions ne sont pas contraignantes (Jarvis, au paragraphe 20). En outre, l’affirmation imprécise du demandeur quant à la mauvaise foi est sans fondement.
Analyse
[37] Comme point de départ, je souligne, comme l’a décrit clairement la décision Newman, que l’article 45 de la Loi d’indemnisation des FC exige que le ministre détermine la cause de l’invalidité à l’égard de laquelle une indemnisation est demandée. Si la décision du ministre fait l’objet d’un appel en vertu de la Loi sur le TACRA, il incombe au comité de révision ou au comité d’appel, selon le cas, de déterminer la cause de l’invalidité. La détermination de la cause d’invalidité doit se faire d’une façon qui respecte les présomptions de la loi énoncées à l’article 43 de la Loi d’indemnisation des FC, qui sont sensiblement les mêmes que celles que l’on trouve à l’article 39 de la Loi sur le TACRA.
[38] À mon avis, les présomptions prévues dans la loi sont un reflet de l’objet déclaré de la Loi d’indemnisation des FC, qui est de reconnaître et d’honorer l’obligation du peuple canadien et du gouvernement du Canada de rendre un hommage grandement mérité aux militaires et aux vétérans pour leur dévouement envers le Canada. Cette obligation comprend une indemnisation des militaires ou des vétérans qui ont été blessés dans le cadre de leur service militaire. La Loi d’indemnisation des FC doit être interprétée de façon libérale afin que l’obligation reconnue puisse être satisfaite. C’est sous cet angle que le comité d’appel devait prendre sa décision (Cole, au paragraphe 97).
[39] Même si le demandeur a consacré une grande partie de ses observations à établir le contexte factuel de son allégation, le comité d’appel a accepté le fait que son examen physique, lorsqu’il s’est joint à la Marine, ne contenait aucun antécédent médical ni diagnostic de sarcoïdose. Il a également accepté le diagnostic de sarcoïdose avancée d’avril 2003 comme continu et contenu dans les nombreux rapports médicaux ultérieurs au dossier et que cela équivalait à une invalidité. Le comité d’appel a aussi accepté les éléments de preuve du demandeur quant à son service à bord du NCSM Halifax et l’exposition potentielle à des particules nocives en suspension dans l’air pendant les périodes de radoub. Autrement dit, il a jugé le demandeur crédible et a accepté les faits présentés. La seule question en litige était de savoir si les éléments de preuve médicaux étaient crédibles et suffisants pour établir un lien de causalité entre l’état du demandeur et son service militaire.
[40] Le comité d’appel a réglé cette question en deux paragraphes, le premier portant sur la documentation médicale, et le deuxième, sur la lettre du Dr Smith.
[41] Pour ce qui est de la documentation médicale, le comité d’appel a exposé la description par le Dr Smith de deux des études communiquées, mais n’a ajouté aucune analyse ni aucun raisonnement relativement à ces études ou n’importe laquelle des autres.
[42] La première étude mentionnée dans la lettre du Dr Smith est intitulée Sarcoidosis Diagnosis Among US Military Personnel: Trends and Ship Assignment Associations (Philip Jajosky, (1998) 14:3 Am J Prev Med 176) (« étude Jajosky »). Seul un résumé de l’article est au dossier. Il indique qu’après le diagnostic d’un meuleur de pont a été changé de sarcoïdose à affection pulmonaire provoquée par la poussière, la Marine américaine a demandé au National Institute for Occupational Safety and Health de déterminer si les milieux de travail de la Marine avaient été associés à des maladies pulmonaires, dont certaines peuvent avoir été déclarées comme étant la sarcoïdose. L’étude a constaté qu’à l’examen des rapports de sarcoïdose déclarés de 1943 à 1993, il y a eu un pic inexpliqué de taux de sarcoïdose militaire dans les années 1960 et 1970, avec un déclin dans le rapport noir/blanc de ces taux. L’analyse des cas témoins a révélé un risque moindre de diagnostic de sarcoïdose chez les hommes qui travaillaient uniquement sur des « navires propres ». Le résumé a conclu que ces constatations laissaient entendre que des maladies ressemblant à la sarcoïdose chez les militaires peuvent être associées à des facteurs environnementaux. Pour mettre en œuvre une prévention primaire efficace, une détection précoce et des programmes de traitement pour les maladies ressemblant à la sarcoïdose, ces tendances et modèles de milieu de travail devaient être expliqués.
[43] Le comité d’appel a conclu que le NCSM Halifax, une frégate canadienne de patrouille, appartenait effectivement à la catégorie d’un « navire propre ». Selon, le résumé, il est difficile de déterminer comment on est parvenu à cette conclusion étant donné qu’elle ne comporte aucune définition d’un navire sale ou d’un navire propre. Cependant, un autre article, intitulé Trends and Occupational Associations in Incidence of Hospitalized Pulmonary Sarcoidosis and Other Lung Diseases in Navy Personal, a 27-year Historical Prospective Study, 1975-2001 (E.D. Gorham et al. (2004) 126:5 Chest 1431) (« étude Gorham »), semble faire référence à l’étude Jajosky, la décrivant comme laissant entendre un possible lien entre la sarcoïdose et une affectation à bord des porte-avions, et une possible exposition à la poussière résultant de l’enlèvement de matériaux de revêtement de pont antidérapants, plus particulièrement. Une référence précise est faite plus loin à l’étude Jajosky, indiquant qu’elle n’a pas fourni d’évaluation de risques pour des emplois précis, mais a fondé le risque sur le fait que le navire était considéré comme étant « propre » ou « sale » d’un point de vue de l’inhalation. La plupart des militaires à bord de navires considérés sales étaient affectés à bord de porte-avions, quelques-uns à bord de navires-ateliers ou d’autres navires de type industriel. Parmi les navires propres, mentionnons les navires-hôpitaux, les navires de recherche, les navires de transport de marchandises et les navires d’escorte. Dans sa lettre, le Dr Smith, en faisant référence à l’étude Jajosky, a mentionné une définition semblable de navires propres, ainsi qu’une définition de navires sales. Il a déclaré que le service à bord d’un navire sale augmentait le risque d’un diagnostic de sarcoïdose, mais il ne pouvait pas dire si le navire dans lequel a servi le demandeur aurait été classé propre ou sale. Le demandeur a laissé entendre que, lors des périodes de travail, lorsqu’il était exposé à des particules en suspension dans l’air, le NCSM Halifax aurait été considéré comme un « navire sale ».
[44] Même si le demandeur a soutenu que le comité d’appel a rejeté ces éléments de preuve sur la base de sa conclusion non motivée que le NCSM Halifax n’appartient pas à la catégorie des navires sales, je ne lis pas la décision du comité d’appel sous cet angle. Au contraire, à mon avis, il n’y a pas grand-chose relativement à la classification du NCSM Halifax comme navire propre ou sale par le comité d’appel étant donné qu’il semble reconnaître que pendant les périodes de radoub, la classification de navire propre peut ne pas s’appliquer. C’est pendant ces périodes que le demandeur allègue avoir été exposé à des particules nocives en suspension dans l’air. Le comité d’appel a accepté ces éléments de preuve factuels et a aussi accepté explicitement que les quantités de ces particules pouvaient potentiellement aller au-delà de tous les mécanismes de protection mis en œuvre. Par conséquent, à mon avis, le point essentiel du résumé de l’étude Jajosky est la conclusion selon laquelle ses constatations laissent entendre que les maladies s’apparentant à la sarcoïdose chez les militaires peuvent être associées à des facteurs environnementaux. En outre, et rattachée à cet élément, se trouve la déclaration du Dr Smith selon laquelle le service à bord des navires sales augmente le risque de diagnostic de sarcoïdose.
[45] Également joint aux quatre articles envoyés avec la lettre du Dr Smith du 28 février 2011 se trouvait l’article A Case Control Etiologic Study of Sarcoidosis Environmental and Occupational Risk Factors (Lee S Newman et al. (2004) 170:12 Am J Respir Crit Care Med 1324) (« étude ACCESS »). Le Dr Smith a décrit cette étude comme étant la plus importante et a déclaré qu’elle a cerné plusieurs associations qui augmentent le risque de sarcoïdose, et d’autres qui en diminuent le risque. Le Dr Smith a souligné que l’étude n’a toutefois pas déterminé le service naval comme un risque; il a précisément déclaré que l’échantillon n’était pas suffisamment grand pour que la puissance statistique ait trouvé ce lien. Néanmoins, le Dr Smith a déclaré ensuite qu’il était évident que certains métiers et certaines expositions augmentent le risque de sarcoïdose; par conséquent, la chance que le service du demandeur soit lié à sa maladie [traduction] « n’est pas si farfelue ». Il a aussi signalé qu’une autre étude comprise, Relationship of Environmental Exposures to the Clinical Phenotype of Sarcoidosis (M.E. Kreider et al. (2005) 128:1 Chest 207), fondée sur le même ensemble de données que l’étude ACCESS, a constaté que certaines expositions, principalement par inhalation, seraient plus susceptibles d’entraîner une sarcoïde pulmonaire. Le Dr Smith a déclaré qu’il est possible que des fumées ou de la poussière à bord du navire puissent avoir été associées à la sarcoïdose du demandeur.
[46] Je souligne que l’étude ACCESS a conclu que l’étiologie de la sarcoïdose demeure obscure, mais le point de vue prévalant laisse entendre qu’elle résulte d’une exposition à un ou plusieurs agents environnementaux interagissant avec des facteurs génétiques. Elle a observé des associations positives entre la sarcoïdose et des métiers précis comme des emplois dans le domaine agricole où l’on est exposé à des pesticides et des milieux de travail où l’on est exposé aux moisissures. Comme l’a souligné le Dr Smith, bien que l’étude indique que le fait d’être employé dans la Marine américaine avait été déclaré comme un facteur de risque de la sarcoïdose, les auteurs de l’étude ACCESS ont déclaré qu’ils ne disposaient pas d’une puissance statistique adéquate pour vérifier cette hypothèse. Cependant, l’étude ajoutait ce qui suit :
[traduction]
ACCESS n’a pas identifié une seule « cause » environnementale ou professionnelle prédominante de sarcoïdose. En effet, cette grande étude de données de cas témoins [...] nous amène à soupçonner que des sources environnementales multiples d’exposition amorcent une réaction granulomateuse dans la sarcoïdose. Parallèlement, il se peut qu’il y ait une cause unique que nous n’avons pas reconnue en tant que similitude dans les métiers et les environnements. Même s’il est concevable que la sarcoïdose n’ait aucune étiologie environnementale, nous considérons qu’il est plus probable que des facteurs hôtes comme la génétique et les habitudes personnelles puissent modifier la réaction de la personne aux expositions.
[47] Une autre étude remise par le Dr Smith, Association Between Exposure to Crystalline Silica and Risk of Sarcoidosis (V. Rafinsson et al. (1998) 55:10 Occup Environ Med 657) (« étude Rafinsson »), concerne une étude des habitants d’une collectivité où se trouve une usine de terre de diatomées. D’après ce que l’on a compris, il s’agissait de la première étude qui indiquait un lien entre la sarcoïdose et l’exposition à la silice cristalline. Elle a aussi confirmé que l’étiologie de la sarcoïdose demeure inconnue. Elle a conclu que [traduction] « [...] nous avons trouvé un risque accru de sarcoïdose chez les travailleurs exposés à la terre de diatomées et à la cristobalite. Il existe une vraisemblance biologique pour une telle association… ».
[48] Comme l’a souligné le défendeur, les conclusions d’une étude plus récente, Occupational Silica Exposure and risk of Various Diseases: an Analysis Using Death Certificates from 27 States of the United States, G.M. Calvert et autres (« étude Calvert ») n’appuient pas celles de l’étude Rafinsson.
[49] L’étude Gorham, susmentionnée, indiquait que son objectif consistait à examiner les tendances à long terme dans les taux d’incidence de sarcoïdose pulmonaire avec hospitalisation chez une importante cohorte de personnel militaire de la Marine américaine et à évaluer le lien possible de la sarcoïdose avec le métier. Elle a souligné que le service dans la Marine américaine comprend un potentiel d’exposition à un éventail de substances, dont les revêtements antidérapants utilisés sur les ponts des navires qui peuvent passer à l’état d’aérosol lors de l’enlèvement. Encore une fois, l’article confirme que l’étiologie de la sarcoïdose est reconnue, mais il souligne que plusieurs facteurs infectieux et environnementaux y ont été associés. Elle indique que ses conclusions étaient compatibles avec une étude antérieure qui a fait état de taux de probabilité élevés chez les militaires noirs de la marine et chez ceux qui sont entrés dans la marine avant 1985, ainsi qu’un risque accru chez ceux qui sont affectés à des porte-avions ainsi que les mécaniciens de navire, les spécialistes de gestion de mess et les mécaniciens de structures d’aviation.
[50] Le comité d’appel a trouvé que les études communiquées par le demandeur présentaient des recherches quant aux liens potentiels avec des facteurs environnementaux et des facteurs professionnels, mais que la conclusion commune des travaux de recherche était que la relation étiologique de la sarcoïdose demeure inconnue. C’est pour cette raison que le comité de révision a conclu que les renseignements étaient spéculatifs, et le comité d’appel y a souscrit.
[51] Il est vrai que tous les articles confirment que la cause de la sarcoïdose n’est pas connue. Cependant, les articles démontrent également un risque accru de sarcoïdose lorsque les personnes sont exposées à certains facteurs environnementaux, notamment les particules provenant de l’enlèvement des revêtements antidérapants.
[52] À mon avis, le comité d’appel a omis de tenir compte des études dans le contexte de l’article 39 de la Loi sur le TACRA. Compte tenu des éléments de preuve factuels du demandeur, qui n’étaient pas contredits et que le comité d’appel a acceptés et jugés crédibles, les circonstances de l’affaire et tous les éléments de preuve présentés – en particulier les conclusions des études ci-dessus qui ont confirmé un risque accru de sarcoïdose dans certaines circonstances, notamment celles auxquelles le demandeur a été exposé – le comité d’appel aurait dû examiner si cela lui permettait de tirer une inférence raisonnable selon laquelle l’état du demandeur résultait de son service militaire. En outre, le comité d’appel aurait dû tenir compte de tous ces éléments de preuve en rendant sa conclusion. À la place, il a tout simplement rejeté l’appel au motif que, parce que la cause de la sarcoïdose n’était pas connue, les renseignements contenus dans les articles étaient spéculatifs. À mon avis, il incombait au comité d’appel d’adopter une vue globale des éléments de preuve dans le contexte de l’article 39 et il a omis de le faire, rendant par conséquent sa décision déraisonnable.
[53] Le traitement accordé à la lettre du Dr Smith est vicié de la même façon. Le comité d’appel a trouvé que les conclusions du Dr Smith étaient subjectives et insuffisantes pour influer sur la prépondérance des probabilités nécessaire pour faire un lien entre l’état allégué et le service militaire du demandeur. Il a ensuite cité la déclaration suivante du Dr Smith : [traduction] « [m]alheureusement, parce que l’on ne connaît pas la cause de la sarcoïdose, il est difficile de dire dans quelle mesure elle est reliée à son service ».
[54] Le défendeur soutient qu’il était loisible pour le comité d’appel de ne pas interpréter cela comme confirmant que l’état du demandeur était, dans une certaine mesure, relié à son service. Il pouvait au contraire l’interpréter, comme il l’a fait, comme insuffisant pour influer sur la prépondérance des probabilités nécessaire pour établir un lien entre l’état allégué et le service militaire du demandeur. Cependant, à mon avis, un tel raisonnement ne semble pas correspondre à l’approche exigée par l’article 39. Plus particulièrement, comme le soutient également le défendeur, les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir tout lien entre l’état du demandeur et son service militaire.
[55] La lettre du Dr Smith est franche et décrit raisonnablement les études qu’il a fournies. Il conclut que les recherches laissent effectivement entendre que des facteurs environnementaux ou professionnels peuvent accroître le risque de développer une sarcoïdose, y compris certains milieux navals. Ni ses éléments de preuve ni les études ne sont contredits, et le comité d’appel ne juge pas non plus qu’ils manquent de crédibilité. Il n’existe pas non plus d’autres éléments de preuve d’une autre cause pour l’état du demandeur.
[56] Une interprétation libérale et généreuse des éléments de preuve exigeait que le comité d’appel prenne en considération l’intégralité des circonstances (Canada (Procureur général) c. Frye, 2005 CAF 264, au paragraphe 33), le but étant de déterminer si l’état du demandeur présentait un lien de causalité suffisant avec son service militaire pour établir son admissibilité aux prestations d’invalidité. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans la décision Cole, une sorte de lien autre que direct ou immédiat suffirait (Cole, aux paragraphes 72 et 74). À la place, le comité d’appel a rejeté les éléments de preuve dans leur totalité comme étant spéculatifs pour le motif que la cause de la sarcoïdose n’est pas connue, et sans autre analyse.
[57] Le demandeur fait également valoir que, parce que le comité d’appel en l’espèce a conclu selon la prépondérance des probabilités qu’il n’y avait aucun lien avec son service militaire, il appliquait l’analyse de cause primordiale, qui a été discréditée par la Cour d’appel fédérale dans la décision Cole et, par conséquent, a commis une erreur susceptible de révision.
[58] Je n’accepte pas que le comité d’appel ait appliqué une analyse de cause primordiale.
[59] Dans la décision Cole, après une carrière militaire de 21 ans, le demandeur a été libéré pour des raisons de santé à cause de quatre états. L’un d’eux était la dépression, que l’on pouvait retracer à des facteurs reliés à son service militaire ainsi qu’à des facteurs reliés à sa vie personnelle. La Cour d’appel fédérale a conclu que les mots « consécutive ou rattachée directement au service militaire » à l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6 (« Loi sur les pensions »), exigeaient que le demandeur établisse un lien de causalité entre l’état allégué et son service militaire. Étant donné que son état était directement relié aux deux facteurs, militaires et personnels, la question était de connaître le degré ou la mesure du lien de causalité nécessaire pour établir un lien direct avec son service militaire. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il serait satisfait s’il était établi que les facteurs militaires avaient été une cause importante de son état allégué, un degré de causalité moindre qu’une cause primordiale.
[60] Contrairement à la décision Cole, le cas en l’espèce n’est pas une situation où une cause acceptée et directement attribuable était prise en considération avec une autre. En l’espèce, une seule cause a été présentée par le demandeur, son exposition à des particules nocives en suspension dans l’air pendant son service à bord de navires; il n’était nullement question de sa cause primordiale par rapport à une autre. La causalité a trait uniquement à la suffisance des éléments de preuve médicaux. Je soulignerais également que la décision dans Cole a été rendue par la Cour d’appel fédérale le 5 mai 2015, tandis que la décision du comité d’appel a été rendue le 16 novembre 2015. La décision Cole n’est pas mentionnée, et rien n’indique qu’il ait été porté à l’attention du comité d’appel par les parties.
[61] Quoi qu’il en soit, en l’espèce, le comité d’appel a déclaré dans sa décision qu’il a appliqué les exigences de l’article 39 de la Loi sur le TACRA et, par conséquent, en appréciant la preuve, il examinerait les éléments de preuve sous le jour étant le plus favorable possible au demandeur et trancherait toute incertitude en sa faveur, quoique le demandeur doive toujours établir les faits nécessaires pour relier son état allégué à son service militaire. Le comité d’appel a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour établir un lien entre la sarcoïdose et les facteurs liés au service militaire. Ainsi, c’est l’insuffisance d’éléments de preuve permettant d’établir l’existence d’un tel lien, et non la force ou l’ampleur du lien, que le comité d’appel a jugé le facteur déterminant dans cette affaire. Par conséquent, le degré du lien de causalité n’était pas en litige étant donné que le comité d’appel n’a trouvé aucun lien.
[62] La seule question en litige était de savoir si la sarcoïdose était reliée au service, c’est‑à‑dire qu’elle était causée par le service militaire, plutôt que le degré dans lequel le service militaire en était la cause. La question nécessitait l’application des présomptions que l’on trouve à l’article 43 de la Loi d’indemnisation des FC et à l’article 39 de la Loi sur le TACRA au moment d’évaluer les éléments de preuve médicaux présentés par le demandeur et, comme je l’ai conclu plus haut, le comité d’appel a omis de tenir compte des éléments de preuve dans ce contexte.
[63] À l’égard de la décision Cundell, il existe certaines similitudes factuelles avec le cas en l’espèce. Dans ce cas, les radiographies de la cage thoracique du demandeur avaient donné des résultats normaux avant son départ pour le golfe Persique, où il a servi du 18 février au 21 mars 1991. Pendant cette période, il a été exposé à des polluants provenant de feux de puits de pétrole. À son retour, il a déclaré avoir eu du crachat noir pendant trois jours. Le 25 avril 1991, une radiographie de la poitrine a révélé des anomalies. Un rapport d’examen radiographique en 1997 a laissé croire à la sarcoïdose. À son retour, il a demandé le droit aux prestations de retraite, conformément aux dispositions du paragraphe 21(1) de la Loi sur les pensions, ce qui lui a été refusé pour le fondement qu’il n’y avait pas d’opinion médicale définitive quant à l’effet du pétrole sur le demandeur.
[64] Dans cette affaire, la pneumologue du demandeur a déclaré qu’étant donné que l’étiologie de la sarcoïdose n’est pas claire, il n’était pas possible de dire si l’exposition du demandeur à la fumée et aux vapeurs toxiques a précipité les changements du parenchyme pulmonaire ou y ont contribué. En outre, les poumons du demandeur étaient clairs avant son départ pour le golfe Persique et il a présenté les premiers signes de sarcoïdose à son retour. Les éléments de preuve de la pneumologue n’ont pas été contredits et elle n’a pas non plus été jugée non crédible.
[65] La Cour a conclu que le comité d’appel a mal appliqué les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA et a mal interprété la jurisprudence de la Cour. Il semble avoir accepté qu’en l’absence de conclusion défavorable quant à la crédibilité ou d’éléments de preuve contradictoires, le comité d’appel était obligé d’accepter l’opinion de la médecin du demandeur. En outre, que le comité d’appel a commis une erreur lorsqu’il a refusé les prestations de retraite parce que la médecin du demandeur avait déclaré que l’étiologie de la sarcoïdose n’était pas claire, étant donné qu’il était clair que ses radiographies montraient qu’il n’y avait aucun problème pulmonaire avant son départ pour le golfe Persique et qu’à son retour, ou peu de temps après, les radiographies montraient qu’il y avait sarcoïdose. La Cour a conclu que si le bénéfice du doute devait être favorable au demandeur, et si le demandeur doit fournir une preuve selon la prépondérance des probabilités, alors la décision était manifestement déraisonnable. En outre, le comité d’appel a également commis une erreur de droit en exigeant une preuve en fonction d’une norme beaucoup plus grande que la prépondérance des probabilités. La Cour a annulé la décision du comité d’appel et a conclu que le demandeur avait droit de recevoir ses prestations de pension.
[66] En l’espèce, le comité d’appel n’a pas indiqué qu’il rejetait l’allégation du demandeur en raison de l’absence d’une opinion médicale définitive de l’effet de son exposition aux particules dans l’air à bord des navires. Cependant, il n’a pas conclu non plus que les études médicales ou les éléments de preuve du Dr Smith manquaient de crédibilité, et ces éléments de preuve n’étaient pas contredits. Comme on l’a indiqué plus haut, le comité d’appel a rejeté de façon déraisonnable tous les éléments de preuve uniquement pour le motif que le lien étiologique de la sarcoïdose demeure inconnu. Bien que je sois d’accord avec le défendeur que des décisions antérieures du comité d’appel sont fondées sur des faits et ne le lient pas ni la Cour (Jarvis), la difficulté tient au fait qu’en l’espèce, le motif sous-jacent du comité d’appel pour refuser la requête était que le lien étiologique de la sarcoïdose demeure inconnu, et pourtant cette même circonstance est présente dans chaque décision qui accorde une prestation de pension lorsque l’on allègue que la sarcoïdose est liée au service militaire. Autrement dit, ce motif à lui seul ne sert pas de fondement pour rejeter ces allégations, même si je reconnais que des faits autres et différents puissent avoir étayé ces conclusions favorables, y compris les déclarations par les médecins concernés quant à l’importance que les facteurs militaires peuvent avoir joué dans l’état.
[67] Cela dit, à mon avis, bien que la décision soit déraisonnable, le demandeur n’a pas établi de mauvaise foi et je ne suis pas non plus prête à ordonner qu’il a droit à une pension d’invalidité. La décision du comité d’appel sera annulée et l’affaire sera renvoyée pour nouvel examen par un comité d’appel différent qui tiendra compte des motifs de la présente décision.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.
2. La décision du comité d’appel est annulée et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un comité d’appel différent qui tiendra compte des motifs de la présente décision.
3. Le demandeur a droit à ses dépens.
« Cecily Y. Strickland »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-2153-15
|
INTITULÉ : |
HENRICK OUELLET c. CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)
|
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Ottawa (Ontario)
|
DATE DE L’AUDIENCE : |
Le 19 mai 2016
|
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE STRICKLAND
|
DATE DES MOTIFS : |
Le 31 mai 2016
|
COMPARUTIONS :
Joshua M. Juneau Michel Drapeau
|
Pour le demandeur
|
Zoe Oxaal
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cabinet Michel Drapeau Law Office Ottawa (Ontario)
|
Pour le demandeur
|
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
|
Pour le défendeur
|